La donation ne se présume pas

A deux reprises, en page Débats, respectivement le mercredi 20 et le mardi 26 avril, Le Temps a publié l’avis pondéré et nuancé d’un spécialiste en immunologie de transplantation, M. Vincent Aubert, et d’un théologien éthicien, M. Denis Müller, au sujet de la loi sur la transplantation, objet du vote référendaire du 15 mai prochain. L’un comme l’autre déplorent, sur le plan éthique, l’affaiblissement de la notion de « don » contenue dans la disposition légale nouvelle. Ils relèvent d’ailleurs très justement que la nouvelle législation ne va pas faire disparaître la pénurie d’organes et se demandent dès lors s’il est éthiquement normal de sacrifier la belle notion de don, acte volontaire et conscient, au profit d’une solidarité un peu « forcée », parce qu’on ne peut exclure quelques « pressions externes ».

Cherchons plutôt à développer le goût du don conscient et informé, donc, dirais-je, du « don joyeux » et non pas du don « héroïque », encouragé par Swisstransplant, si j’en crois M. Aubert.

Acquise personnellement à l’idée du don conscient et volontaire (et porteuse d’une carte dont l’utilité pour autrui diminue hélas au fur et à mesure que je vieillis), j’apprécie infiniment leur réflexion et voudrais développer encore un peu la dimension éthique du problème.

 

Nos corps ne sont pas d‘abord une réserve de pièces de rechange

Un des aspects troublants, à mon sens, de cette modification du droit de la transplantation, c’est qu’elle fait apparaître les corps comme des espèces de réserves de pièces de rechange dans lesquelles on peut venir se servir à moins d’une opposition claire. Cette tendance existe dans un certain monde médicalo-scientifique, si l’on pense en effet aux discussions scientifiques relatives au clônage de foetus qui pourraient servir précisément d’une telle réserve pour un nourrisson souffrant d’une maladie incurable.

Une telle démarche est exclue par le droit suisse, de nos jours, mais l’est-elle dans tous les pays ? J’en doute fort, sachant la facilité avec laquelle on admet la fabrication de bébés sur catalogue (voir les Etats-Unis), l’utilisation légalisée des mères porteuses (voir les articles récents sur les mères porteuses ukrainiennes !) et même, dans certains Etats, la mutilation d’enfants ou de jeunes, parfois contre argent, parfois par violence, pour fournir des « cœurs, foies, reins etc… de rechange » à certains chirurgiens peu scrupuleux.

Entendons-nous bien, ce n’est pas l’esprit du droit mis en votation le 15 mai. Mais toute altération d’une volonté libre, fût-elle minime – comme celle proposée le15 mai – finit toujours par être un premier pas vers les abus.

 

Sommet de la bêtise ou abîme de la sottise?

Le Temps du 20 avril nous informe (p. 6 en bas) que Mme Amherd, conseillère fédérale, « demande au CIO d’exclure les fonctionnaires russes et biélorusses des fédérations sportives internationales ainsi que ses propres membres originaires de ces mêmes pays. Une requête que le CIO refuse d’appliquer ».

Le fait d’être originaire d’un certain pays est-il contraire aux droits de l’homme ?

Certains partisans d’une entrée de la Suisse au Conseil de sécurité de l’ONU disent que cela lui permettra de mieux défendre la démocratie et les droits de l’homme. Ben voyons ! Je me demande comment elle défendra le principe selon lequel le fait d’être originaire d’un pays ou d’un autre est contraire aux droits de l’homme, principe dont elle semble se faire l’avocat en ce moment.

Le fait d’être originaire d’un certain pays détruit-il le droit à la présomption d’innocence ?

Si vous êtes originaire de Russie ou de Biélorussie, vous êtes donc présumé un envahisseur de l’Ukraine, un partisan d’éventuels crimes de guerre, un défenseur de toutes les violations possibles du droit de la guerre. Aucun droit même au renversement de cette présomption.

Mesure-t-on l’absurdité malsaine d’une telle attitude ? Certes, le CIO n’est pas le lieu du triomphe de la vertu et le folklore patriotique des jeux olympiques est souvent horripilant, mais de grâce, Madame la Conseillère fédérale, réveillez-vous. Quelle potion magique vous a-t-on fait boire pour que, pleine de bon sens normalement, vous puissiez vous croire tout à coup l’ambassadrice de la Pureté ? Est-ce que vous êtes le porte-parole de la Commission de la science, de l’éducation et de la culture du Conseil national ? J’en frémirais. A quel niveau d’intelligence se situerait alors le Parlement ? Cette guerre des propagandes lave les cerveaux.

Il y a réfugiés et réfugiés

Aux nouvelles de la RTS de l’autre soir, un réfugié afghan se plaignait du statut spécialement favorable accordé aux réfugiés ukrainiens à la différence de celui accordé aux réfugiés d’autres pays, notamment, d’Afghanistan ; il réclamait le même statut favorable pour tous les réfugiés.

On peut comprendre le sentiment de frustration éprouvé par ce réfugié qui a dû faire un énorme effort pour apprendre la langue et attendre avant d’avoir le droit de chercher un travail et de pouvoir voyager en Suisse et hors de Suisse. Mais ces différences de traitement ne correspondent-elles pas à des différences fondamentales des situations ?

Maîtriser l’arrivée simultanée de plusieurs milliers de personnes

La problématique de l’accueil des réfugiés ukrainiens est totalement particulière, car on ne peut songer à laisser simplement livrés à eux-mêmes plusieurs milliers d’adultes et d’enfants. Leur permettre de trouver du travail ou d’être scolarisés est presque une question de bon sens, même si cela représente en fait un vrai tour de force d’organisation. Tour de force d’autant plus remarquable que le problème de la langue est considérable et qu’une recherche d’assimilation rapide n’est pas forcément souhaitable dans la mesure où ces personnes espèrent avant tout pouvoir rapidement retourner dans leur pays pour y retrouver entre autres pères et maris.

La preuve facilitée de la qualité de réfugié

Les nouvelles et les reportages fournissent la preuve évidente de l’agression militaire de l’Ukraine. La fuite de la population civile n’est causée ni par une tension interne de guerre civile (a-t-on parlé de réfugiés ukrainiens pendant les troubles internes du Donbass ? Les réfugiés actuels fuient-ils le régime politique de leur pays ?), ni par une problématique économique (L’Ukraine ne figurait pas parmi les pays pauvres dont les jeunes n’ont pas d’espoir d’avenir). Les milliers de civils ukrainiens, avant tout des femmes et des enfants, jouissent d’une présomption de légitimité de population globalement en danger de mort.

Les réfugiés venus d’autres pays ne peuvent pas se prévaloir de cette présomption. Ils fuient leur pays à titre individuel, souvent sans l’idée d’y retourner et doivent « prouver » leur qualité de réfugiés à titre individuel. La démarche est tout à fait différente et les mesures prises par le pays d’accueil y sont légitimement adaptées.

Plutôt que d’accréditer l’idée d’un racisme sous-jacent

Il serait souhaitable de mette en évidence la différence entre les situations des pays de provenance des réfugiés, le nombre global de ceux-ci, leurs motifs de chercher un refuge dans un autre pays. Ce sont des éléments qui peuvent parfaitement justifier des différences du point de vue des politiques et des méthodes d’accueil d’un pays, même s’ils ne peuvent jamais justifier, évidemment, un manque de respect des personnes quelles qu’elles soient.

 

 

 

 

 

 

La vérité “quoi qu’il en coûte”.

On parle de plus en plus du covid long

Qui en souffre ? Les malades du covid vaccinés ou les non-vaccinés ? Comment ce symptôme se manifeste-t-il exactement ? Il semblerait qu’il soit difficile à reconnaître et à accepter du côté des assurances, notamment lorsqu’il s’agit d’une grande fatigue ou d’une perte de concentration. Comment en prouver la cause exacte, en particulier à la sortie de cette période de pandémie qui a mis la résistance nerveuse de beaucoup à très rude épreuve, a suscité des dépressions, des épuisements, des pertes d’énergie, etc, indépendamment de toute maladie mais à cause de l’atmosphère ambiante. S’agit-il d’un covid long ou d’une « pénible sortie de pandémie » ?

De gros intérêts financiers sont en jeu selon la réponse, ce qui nuit naturellement à la vérité.

Et les effets secondaires du vaccin ?

Des récits vécus circulent – vite étouffés – au sujet du nombre étonnant de morts dans la force de l’âge, de gros problèmes de menstruations chez des femmes de tous âges, de recrudescence subite de maladies maîtrisées depuis des années, après la 2e ou la 3e dose, de négations médicales systématiques d’un rapport quelconque avec le vaccin, d’absence de tout suivi médical. D’énormes responsabilités financières et morales sont en jeu selon les réponses, ce qui nuit naturellement à la vérité.

 

Il est hors de question de reparler de vaccin tant que la vérité n’aura pas été dite honnêtement, au moins pour la Suisse, car il est évident que chaque pays a les mains plus ou moins liées par la politique sanitaire que lui avaient conseillée ses scientifiques officiels.

 

Il est hors de question de remettre un vaccin en urgence dans le commerce ou de continuer à utiliser les premiers.

Maintenant que l’on a constaté que les vaccins utilisés ne sont efficaces que peu de temps, qu’ils ne protègent ni des mutants ni de la contagion, il faut oser dire la vérité. Mais il y a de gros intérêts financiers et d’énormes responsabilités morales, ce qui rend l’exercice particulièrement périlleux.

Malheureusement, plus on tarde, plus la confiance en les autorités sanitaires s’altère et plus il sera difficile de restaurer la cohésion sociale.

La terrible invasion de l’Ukraine ne doit pas faire oublier la réalité sanitaire.

 

 

 

 

 

 

Une “moralisation” politique qui tue la paix

Attaquer militairement un pays est un acte de guerre inadmissible, on est tous d’accord, mais si l’on veut pouvoir signer la paix, il faut accepter de regarder la réalité en face, se pencher honnêtement sur l’histoire des années précédentes et arrêter d’invectiver l’un ou l’autre chef d’Etat en guerre.

La grande erreur classique consiste à croire et faire croire que le chef ennemi est stupide ou fou. Il peut être méthodique et la tactique élémentaire de défense est assurément d’essayer de connaître l’histoire d’un certain nombre d’années qui précèdent le déclenchement d’une attaque, les aspirations, les buts, et le taux de narcissisme du chef d’Etat attaquant. C’est exactement le contraire de ce que font les Européens et les Américains face à la Russie de M. Poutine.

Un peu d’histoire, pas trop difficile à trouver puisqu’elle ne remonte guère au-delà de l’éclatement de l’URSS après la chute du mur de Berlin en 1989, permettrait de se rendre compte que la Russie n’a pas toujours été traitée honnêtement par l’Occident, que l’Ukraine n’est pas un pays exempt de tout soupçon, que ni M. Poutine ni M. Zelensky ne sont des anges de vertu ou des exemples de modestie et qu’il serait sage de cesser de couvrir le premier de toutes les insultes possibles et de céder au chantage sentimental du second.

Le spectacle du Président de la Confédération sur la place fédérale dimanche en conversation avec M. Zelensky est une très, très mauvaise plaisanterie, comme l’est d’ailleurs l’idée que les sanctions – auxquelles la Suisse s’est pleinement associée – doivent faire souffrir le peuple russe afin qu’il se soulève contre son chef d’Etat. Comment peut-on à la fois espérer faire souffrir une population civile et s’insurger contre le fait que « l’ennemi » s’en prend à la population civile de l’autre ? Dans les deux cas, il y a lâcheté. Dans les deux cas, on espère gagner aux dépens des plus faibles. Ajoutons en outre que la population occidentale européenne risque aussi de souffrir de ses propres sanctions, mais de cela, les chefs d’Etat se soucient-ils quand ils sont tous éblouis par leur propre audace ?

En insultant M. Poutine, les chefs des Etats européens (dont la Suisse) – et M. Biden aussi – se donnent bonne conscience, jouent les petits saints, se rendent impropres à faire avancer la paix, laissant la place honorifique à la Chine, à la Turquie ou que sais-je et excitent une haine populaire contre tout ce qui évoque la Russie.  Plus malsain ne serait pas possible. Fasse le ciel que cela ne soit pas aussi dangereux que l’escalade militaire !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On avait failli n’avoir plus peur du virus et couler Moderna!

Par bonheur, le Temps du 15 mars (p. 9) ravive la peur du virus grâce à son titre entre guillemets, citant les propos du Prof. Flahault : « On ne sait prévoir ni l’ampleur, ni la sévérité de la vague qui va déferler sur l’Europe ». Voilà qui va assurément détendre l’atmosphère par rapport à l’Ukraine !…..

L’article vaut la peine d’être lu. On y apprend notamment cinq choses.

  • Il s’agit d’un sous-variant d’Omicron

« BA.1 cède actuellement sa place à son successeur BA.2 »

Dès lors, on se demande évidemment si, vu que le vaccin n’empêchait déjà pas la contagion par Omicron, il aura encore la moindre utilité contre ses sous-variants. Mais silence de l’article…

  • « Le sous-varians BA.2 d’Omicron est 30% plus transmissible que BA.1. Sa virulence fait toujours débat »

« L’ expérience des Britanniques et des Danois tend à faire penser que BA.2 n’est pas plus virulent que BA.1, voire qu’il serait même moins virulent. Néanmoins l’expérience sud-coréenne où la couverture vaccinale est supérieure à celle de la plupart des pays d’Europe de l’Ouest, de l’ordre de 87 %, avec en grande partie des vaccins à ARN messager, semble néanmoins montrer une forte propension du sous-variant BA.2 à entraîner des formes graves conduisant à l’hospitalisation en soins intensifs et au décès ».

Dès lors on se demande si les vaccins antérieurs à Omicron sont vraiment à recommander ! Mais silence de l’article …

  • Au Danemark , « la mortalité est en augmentation »

« La situation du Danemark est préoccupante dans le sens où elle évoque celle que vivent les Sud-Coréens actuellement. Les deux pays sont très vaccinés …. Et les deux pays subissent une vague de mortalité sans précédent depuis le début de la pandémie, liée au sous-variant BA.2 ».

Y a-t-il un lien entre la vaccination et la mortalité ?  C’est quand même troublant. Silence de l’article…

 

  • Danemark et Allemagne divergent quant aux causes de décès

« Les autorités danoises …. affirment que la plupart des décès seraient incidentaux, c’est-à-dire << avec le Covid – 19 >> et non << à cause du Covid-19 >>. Cela va toutefois à l’encontre d’une récente étude allemande publiée dans le Lancet qui montre, à partir des autopsies de décès rapportés au Covid-19, que 86 % étaient dus au coronavirus. »

Est-ce que les deux études danoise et allemande ont été faites pendant la même période, dans la même population?  Pour que l’une d’elles donne déjà lieu à une publication, peut-être est-elle antérieure à l’autre. Silence de l’article…

  • « …En Suisse, …. on jouit, depuis l’arrivée de la vaccination, de l’une des plus faibles mortalités d’Europe, alors même que la population est plutôt moins vaccinée (70 %) que celle de ses voisins directs

Quel rôle peut donc bien jouer la vaccination dans cette galère ? Le prof. Flahault esquisse une réponse : « est-ce le fait du choix par les autorités du vaccin de Moderna qui protégerait mieux et qui a été utilisé à plus de 60 % en Suisse ? Il est un peu tôt pour le dire…. »

Sacrément bonne idée d’évoquer les qualités éventuelles de Moderna, qui intéresse particulièrement la Suisse, mais avait été un peu écarté dans notre pays, donc offert en cadeau – quelque deux millions de doses – à des pays pauvres et qui, en outre, avait, à cause de Pfizer, perdu pas mal de valeur économique. Petit coup de pouce à Moderna ? Silence de l’article….

Contentons-nous d’avoir peur d’une éventuelle sixième vague sans poser de questions!

Le courage des lâches

Partout en Europe, aux Etats-Unis, en Chine, voire ailleurs encore et même, ô honte, en Suisse, c’est la mise au « rebut » des artistes russes, des sportifs russes, des joueurs russes, des auteurs russes y compris ceux déjà morts. D’aucuns préconisent même l’interdiction d’avoir des chats russes – ils confondent peut-être euphoniquement avec des « chars russes ». Et cette vague haineuse s’étend hélas aussi aux ressortissants russes ou russophones établis dans tous nos pays.

Que l’on craigne, ici ou là, un « agent russe » camouflé, passe encore, on serait gagné par la terreur KGB-iste des espions, mais faire ainsi porter à des particuliers qui n’y peuvent « mais » la responsabilité des actes de leur chef d’Etat – et en particulier en l’absence de toute démocratie, ce qui exclut l’association de la population à la décision de l’invasion de l’Ukraine -, c’est hélas favoriser une atmosphère de guerre d’une cruauté particulière. Cette forme de condamnation de l’action de M. Poutine est la manifestation du courage des lâches.

J’ajouterais en outre que c’est une attitude tout à fait contre-productive. En effet, quand les artistes et sportifs chassés retourneront dans leur pays et raconteront leur exclusion et leur punition, cela accréditera dans leur public la propagande officielle qui présente l’invasion de l’Ukraine comme une expédition salvatrice pour une population menacée. Si au contraire, on traitait les personnes russes de manière « normale », sans les mettre au ban de la société « pacifique », les artistes, les sportifs et autres pourraient rentrer en Russie et raconter peut-être la réalité ukrainienne visionnée par eux sur nos télévisions encore libres et rapporter des informations différentes de la propagande officielle. Cela pourrait contribuer à raccourcir la guerre.

Reprenons vite nos esprits et redevenons humains !

 

 

Une lenteur parfaitement légitime

La rue, la grande majorité des partis politiques, la presse, et naturellement les Etats étrangers reprochent au Conseil fédéral la lenteur de sa prise de décision. C’est ignorer le rôle de deux particularités helvétiques : la neutralité et le gouvernement collégial.

La neutralité sur le plan international 

Ce n’est pas une notion de science dure, et même si le droit international en fixe les contours, son contenu n’est pas défini en détail. Un Etat neutre assume une responsabilité non seulement envers sa population – comme chaque Etat – mais encore, à cause de sa neutralité, envers les Etats attaquants autant qu’envers les Etats attaqués, en même temps qu’une responsabilité envers les « autres Etats » (je mets tout au pluriel pour garder un point de vue général). Toute décision de politique étrangère en matière de sanction, par exemple, impliquera donc une appréciation d’ensemble particulièrement délicate, plus affinée, éventuellement, que celle prise par les Etats non neutres. Ces derniers sont tenus avant tout à l’égard des Etats membres de leurs alliances éventuelles – conclues à l’origine dans l’intérêt de leur population. La seconde situation, celle des Etats non neutres, est moins complexe que celle des Etats neutres.

Le gouvernement collégial

Peu de guerres, à ma connaissance, sont déclenchées par des pays à gouvernement collégial. Sauf le pays attaqué dont le gouvernement, collégial ou non, doit prendre une décision très rapide – puissions nous n’avoir jamais à vivre cette situation ! – les autres Etats doivent peser le pour et le contre pour décider de la meilleure attitude à avoir par rapport aux pays en guerre. Cette pesée d’intérêts – où la question de la paix intérieure du pays est aussi importante que celle de la paix extérieure – exige une confrontation entre les cultures et sensibilités nationales lesquelles s’affrontent au sein des membres d’un collège gouvernemental : cet affrontement des intérêts intérieurs – qui exige un peu de temps – est  peu connu  des pays à gouvernement non collégial.

Il n’est pas certain que ce soit toujours la meilleure décision qui soit prise en fin de compte, car la solitude du pays neutre au gouvernement collégial, donc peu dirigé par les coups de cœur, est souvent blâmée et condamnée, car non comprise. Elle exige, comme nous l’avons déjà écrit, beaucoup de courage et d’intelligence. Malheureusement, elle ne garantit pas forcément plus que dans les autres Etats, le discernement final.

 

 

 

 

Une neutralité utile en politique étrangère exige autant de force de caractère que d’intelligence

La terrible attaque de l’Ukraine met le Conseil fédéral à rude épreuve

Toujours incomprise des Etats européens, la neutralité de notre pays est difficilement compatible avec la mode actuelle de la moralisation et des insultes en politique.

La moralisation veut que l’on condamne, que l’on s’insurge, que l’on punisse.

Les insultes sont évidemment l’apogée de cette moralisation, car on va traiter l’une ou l’autre des parties à un conflit de tous les noms d’oiseau.

L’Etat neutre qui doit pouvoir, envers et contre tout, servir de pont crédible  entre des belligérants, leur offrir un espace où conclure éventuellement un cesser le feu, voire un traité de paix, bref, maintenir toujours une chance pour un règlement pacifique doit se retenir de céder au sentimentalisme, au paternalisme et aux rodomontades.

L’Union européenne roule les mécaniques en activant des sanctions

On a malheureusement déjà constaté l’inefficacité des sanctions en Iran, en Afghanistan, sinon pour la population qui, elle, en souffre réellement, ce dont un régime national totalitaire se fiche parfaitement.  Face à un Etat aussi puissant que la Russie les sanctions risquent d’avoir le même effet.

Que penser des sanctions dirigées contre M. Poutine lui-même ou contre les personnes qui dépendent directement de lui ou lui sont liées personnellement ? Sera-t-il possible ensuite de favoriser des pourparlers en étant crédible et sans que l’une ou l’autre des parties ait « perdu la face » ? La situation est d’autant plus délicate que les sanctions pourraient avoir des effets boomerang ?

 

Avoir assez de force de caractère et d’intelligence

Pour un pays neutre, comment ne pas céder à la tentation de punir la Russie et M. Poutine en s’associant à la sanction imposée par l’UE sans avoir l’air de « profiter » d’une situation spéciale ? Comment manifester son désaccord avec l’invasion russe et son respect de la souveraineté ukrainienne sans se joindre au chœur américano-européen ? Comment résister à la pression de l’UE qui réclame une preuve de « solidarité », alors que le problème n’est pas là. Le seul vrai problème est de tout mettre en œuvre pour que la guerre puisse prendre fin le plus rapidement possible avant que la maladie belliqueuse ne devienne une pandémie !

Puisse le Conseil fédéral trouver la force de caractère et l’intelligence nécessaires pour que la neutralité en politique étrangère de notre pays soit utile à la paix !

 

 

 

 

 

A Munich, l’Union européenne a peut-être raté une occasion d’éviter la guerre en Ukraine

La 58e Conférence de Munich sur la sécurité s’est tenue à Munich du 18 au 20 février 2022, à un moment où le monde est confronté à de sérieux défis sécuritaires, en particulier à celui de l’Ukraine. 

La faute au test sanitaire?

Selon les informations fournies par Google, la Conférence réunit au moins une trentaine de chefs d’Etat et de nombreux participants de la plus haute importance. Les Etats-Unis y avaient dépêché, cette année, leur Vice-Présidente ainsi que leur Secrétaire d’Etat ; l’ONU était représenté par M. Guterres, l’OTAN, par son chef, M. Stoltenberg, la Commission européenne par sa Présidente, Mme von der Leyen, l’Ukraine, par son Président, M. Zelensky. M. Poutine avait décliné l’invitation et aucun participant russe n’était attendu. Alors que l’Ukraine allait naturellement être au centre des débats, on ne peut que regretter naturellement l’absence de toute personnalité russe à cette Conférence sur la sécurité. Google ne nous dit pas la cause de cette absence, mais le Temps, oui (22.02.2022, p. 2 sous la plume de M. François Nordmann, article intitulé « A Munich, l’Europe affiche sa fermeté ») ; on peut lire en effet ces termes : « L’Ukraine a dominé l’agenda de la conférence de même que les nombreuses rencontres bilatérales. Ce n’était pas le lieu de la diplomatie, les invités de la Fédération de Russie ayant dû renoncer à se rendre à Munich faute de se soumettre au test sanitaire » (c’est moi qui mets en gras).

Que le refus du test ait été un prétexte côté russe, on ne saurait l’exclure, mais que, côté européen, l’exigence du test – principe de précaution sanitaire – ait pu paraître plus importante qu’une chance supplémentaire éventuelle de rencontre et de discussion avec des représentants russes, afin d’éviter la guerre, l’esprit humain se refuse à l’admettre.

Le discours de Mme von der Layen

A cette espèce de « vexation sanitaire » infligée à la Russie s’est ajouté le discours de Mme von der Leyen (téléchargeable en français ou en anglais sur google) lors de la remise d’un prix à M Stoltenberg, Chef de l’Otan, qui a « porté le flambeau de cette alliance unique » (sic). Non contente d’énoncer toutes les sanctions possibles contre la Russie si cette dernière envahissait l’Ukraine – ce qui pouvait se concevoir – la Présidente de la Commission a profité de rappeler l’importance de l’OTAN,  d’évoquer toutes les qualités démocratiques de l’Ukraine et toutes les activités et intensions perverses de la Russie, éventuellement avec son allié chinois. Voilà certainement ce qui est peu recommandé quand on en est encore à espérer une issue diplomatique. La Russie n’était pas représentée à Munich, mais le discours de Mme von der Leyen n’était pas secret !!!!!

Ce n’est pas de la fermeté que l’Union européenne a affiché à Munich, c’est une grande maladresse qui a peut-être précipité les événements terrifiants déclenchés aujourd’hui à l’Est de l’Europe.