La critique est aisée…

« La critique est aisée et l’art est difficile ». Cette formule de Destouches, souvent attribuée à Boileau, est aujourd’hui plus actuelle que jamais. Son actualisation, elle la doit à plus petit que soi, à un dénommé « corona », pollueur vicieux s’il en est.

La critique, un aspect de la liberté d’opinion, donc aussi de la responsabilité

Les régimes politiques ou religieux qui pratiquent la censure sont insupportables, mais ceux qui admettent la censure ne sont pas plus infaillibles que les censeurs eux-mêmes et le risque, c’est que les uns ou les autres cessent d’en être conscients.

La liberté de critiquer, dopage de la démocratie, requiert impérativement, de même que toute liberté, le sens de la responsabilité.

En cette période de pandémie où les autorités sont appelées à prendre des décisions parfois déplaisantes, la critique assume une double responsabilité. D’une part, elle sauvegarde pour la population un espace d’indépendance, donc de dignité, quand l’autorité s’arroge un pouvoir (une importance) accru. D’autre part, elle doit veiller à ne pas instiller dans cette même population un sentiment de peur, ou de méfiance, voire un désir de vengeance que les circonstances présentes pourraient décupler, les transformant alors en une force meurtrière.

Et l’art, la gestion d’une crise, est difficile

Ceux qui sont aux commandes lors d’une crise, doivent prendre des décisions sans long délai de réflexion, faire face à l’immédiat, mais simultanément penser à « l’après ». Comment concilier des impératifs souvent contradictoires, puisque l’immédiat doit durer le moins longtemps possible et « l’après » assurer le futur ?

La nécessaire distance par rapport aux experts

Dans la crise actuelle, l’immédiat concerne avant tout la gestion de la santé et des soins, l’après, celle de l’économie. Les deux domaines ont leurs experts et des experts dont les opinions divergent. Bienheureux le gouvernement collégial dont les membres ont des sensibilités différentes selon leur philosophie et leur culture propres ! Il réussira, mieux qu’un exécutif unipersonnel, à chercher un juste milieu entre les avis d’experts. Il pourra prendre une décision politique, c’est-à-dire aussi adaptée que possible à une population, et pas seulement à des impératifs scientifiques purs. Le rôle des experts scientifiques est d’informer au sujet des faits bruts, mais non de gérer une population. C’est aux politiques et en particulier aux membres de l’exécutif que cette gestion incombe. Cette gestion est beaucoup plus complexe que le seul problème scientifique lequel, d’ailleurs, n’a pas toujours qu’une seule solution. Et le temps manque pour les tester.

La critique, elle, s’appuie souvent sur la seule opinion des experts, ou de certains d’entre eux. Elle peut par conséquent induire le public en erreur comme tout ce qui est simplifié à l’extrême et donc éveiller des peurs, des doutes, des haines.

 

En temps de crise, on devrait écrire : « Quand l’art est difficile, la nécessaire critique devient, elle aussi, difficile »

 

Question de mode!

Le supplément du Temps du week end dernier était consacré à la mode. Pourquoi ne pas le feuilleter en cette période un peu sombre ? Festival de couleurs, de belles silhouettes, mais une question lancinante : pourquoi les défilés de mode montrent-ils avant tout des modèles impossibles à porter ?

Qui voudrait ressembler à une mongolfière ou à un lapin de Pâques à gros nœud derrière les oreilles ?

Ou encore à une volumineuse barbe à papa ?

Soyons objective ! Il y a quelques très beaux modèles « mettables » – certes pour une autre ligne que la mienne et pour un autre budget sans doute, c’est parfaitement normal -, mais pour le reste, pitié !

Ajoutons encore que la mode est immortalisée par des photographies d’art, si artistiques qu’on ne voit ni ne comprend la forme ou l’aspect des modèles présentés, malgré un commentaire marginal. Je me suis franchement demandé si le mot d’ordre avait été de divertir les lecteurs/trices pour un dimanche un brin morose!

Comme vous le constaterez, j’ai attendu quelques jours avant de vous faire part de mes états d’âme, dans l’espoir que vous ayez déjà mis le supplément aux vieux papiers et ne puissiez donc vérifier si peut-être, j’exagère un peu. Et si vous n’avez pas encore tout jeté, précipitez-vous sur ce fascicule. Je serais curieuse de connaître votre interprétation du contenu. Lâchons-nous un peu, mais poliment.

Il n’y a pas de 4e pouvoir!

Le Temps du 3 mars (p. 4) rapporte une interview de M. Nils Metzler au sujet de Julian Assange.

A la question du journaliste : « Qu’est-ce qui vous fait dire qu’il (= Julian Assange) est encore journaliste ? », la réponse, résumée et non citée, de M. Metzler aurait été la suivante : « Un journaliste est une personne qui passe des informations importantes au public. C’est le quatrième pouvoir qui a pour but de surveiller le fonctionnement des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire et d’informer le public en cas de dysfonctionnements. Cela fait partie du contrôle démocratique ».

 

Confusion entre un pouvoir au sens démocratique et la liberté de la presse

En démocratie, les trois pouvoirs auxquels M. Metzler fait allusion sont toujours élus, parfois directement par le peuple, parfois au 2e degré, mais jamais les personnes qui l’exercent ne sont des employés de l’Etat ou d’un patron quelconque. Ils sont des magistrats, organes de l’Etat dont ils assurent l’existence même.

Un journaliste n’est pas un organe de l’Etat, il n’est jamais élu, il est parfois indépendant, parfois salarié. Il n’exerce aucun pouvoir au sens institutionnel. Il lui arrive d’être engagé par un groupe de pression, suivant le media (on devrait dire medium) pour lequel il travaille.

Parce que l’on est en démocratie, le journaliste jouit de la liberté de la presse qui lui permet de rendre compte et de rapporter objectivement ce qu’il voit, même quand ce n’est pas favorable au pouvoir en place élu. Le principe de la liberté de la presse doit, en tant que tel, assurer l’information nécessaire aux citoyens pour qu’ils puissent accomplir leur rôle politique propre d’électeurs, voire de participant aux décisions de la gestion de l’Etat en cas de démocratie directe. La liberté de la presse implique la responsabilité du journaliste dans l’exercice de sa profession, mais n’incorpore aucun mandat de surveillance des trois pouvoirs.

 

Confusion entre liberté de la presse et liberté d’opinion

La liberté de la presse confère aux journalistes la tâche de rendre compte aux citoyens de l’activité et de la conduite des autorités en rapport avec l’exercice de leur pouvoir. La liberté d’opinion permet d’exprimer ce que l’on pense, par exemple, d’une telle conduite ou d’une telle activité, mais cette liberté-là appartient à toute personne et n’est pas réservée aux journalistes dont la responsabilité est précisément de distinguer leur rôle d’informateurs de celui de juges. La confusion entre ces deux rôles risque toujours de favoriser un état d’esprit de grand inquisiteur et de déboucher sur des procès publics violant les droits les plus élémentaires de tout « accusé » à être entendu et présumé innocent jusqu’au jugement judiciaire. C’est alors une vraie menace pour la liberté de chacun.