Une “moralisation” politique qui tue la paix

Attaquer militairement un pays est un acte de guerre inadmissible, on est tous d’accord, mais si l’on veut pouvoir signer la paix, il faut accepter de regarder la réalité en face, se pencher honnêtement sur l’histoire des années précédentes et arrêter d’invectiver l’un ou l’autre chef d’Etat en guerre.

La grande erreur classique consiste à croire et faire croire que le chef ennemi est stupide ou fou. Il peut être méthodique et la tactique élémentaire de défense est assurément d’essayer de connaître l’histoire d’un certain nombre d’années qui précèdent le déclenchement d’une attaque, les aspirations, les buts, et le taux de narcissisme du chef d’Etat attaquant. C’est exactement le contraire de ce que font les Européens et les Américains face à la Russie de M. Poutine.

Un peu d’histoire, pas trop difficile à trouver puisqu’elle ne remonte guère au-delà de l’éclatement de l’URSS après la chute du mur de Berlin en 1989, permettrait de se rendre compte que la Russie n’a pas toujours été traitée honnêtement par l’Occident, que l’Ukraine n’est pas un pays exempt de tout soupçon, que ni M. Poutine ni M. Zelensky ne sont des anges de vertu ou des exemples de modestie et qu’il serait sage de cesser de couvrir le premier de toutes les insultes possibles et de céder au chantage sentimental du second.

Le spectacle du Président de la Confédération sur la place fédérale dimanche en conversation avec M. Zelensky est une très, très mauvaise plaisanterie, comme l’est d’ailleurs l’idée que les sanctions – auxquelles la Suisse s’est pleinement associée – doivent faire souffrir le peuple russe afin qu’il se soulève contre son chef d’Etat. Comment peut-on à la fois espérer faire souffrir une population civile et s’insurger contre le fait que « l’ennemi » s’en prend à la population civile de l’autre ? Dans les deux cas, il y a lâcheté. Dans les deux cas, on espère gagner aux dépens des plus faibles. Ajoutons en outre que la population occidentale européenne risque aussi de souffrir de ses propres sanctions, mais de cela, les chefs d’Etat se soucient-ils quand ils sont tous éblouis par leur propre audace ?

En insultant M. Poutine, les chefs des Etats européens (dont la Suisse) – et M. Biden aussi – se donnent bonne conscience, jouent les petits saints, se rendent impropres à faire avancer la paix, laissant la place honorifique à la Chine, à la Turquie ou que sais-je et excitent une haine populaire contre tout ce qui évoque la Russie.  Plus malsain ne serait pas possible. Fasse le ciel que cela ne soit pas aussi dangereux que l’escalade militaire !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On avait failli n’avoir plus peur du virus et couler Moderna!

Par bonheur, le Temps du 15 mars (p. 9) ravive la peur du virus grâce à son titre entre guillemets, citant les propos du Prof. Flahault : « On ne sait prévoir ni l’ampleur, ni la sévérité de la vague qui va déferler sur l’Europe ». Voilà qui va assurément détendre l’atmosphère par rapport à l’Ukraine !…..

L’article vaut la peine d’être lu. On y apprend notamment cinq choses.

  • Il s’agit d’un sous-variant d’Omicron

« BA.1 cède actuellement sa place à son successeur BA.2 »

Dès lors, on se demande évidemment si, vu que le vaccin n’empêchait déjà pas la contagion par Omicron, il aura encore la moindre utilité contre ses sous-variants. Mais silence de l’article…

  • « Le sous-varians BA.2 d’Omicron est 30% plus transmissible que BA.1. Sa virulence fait toujours débat »

« L’ expérience des Britanniques et des Danois tend à faire penser que BA.2 n’est pas plus virulent que BA.1, voire qu’il serait même moins virulent. Néanmoins l’expérience sud-coréenne où la couverture vaccinale est supérieure à celle de la plupart des pays d’Europe de l’Ouest, de l’ordre de 87 %, avec en grande partie des vaccins à ARN messager, semble néanmoins montrer une forte propension du sous-variant BA.2 à entraîner des formes graves conduisant à l’hospitalisation en soins intensifs et au décès ».

Dès lors on se demande si les vaccins antérieurs à Omicron sont vraiment à recommander ! Mais silence de l’article …

  • Au Danemark , « la mortalité est en augmentation »

« La situation du Danemark est préoccupante dans le sens où elle évoque celle que vivent les Sud-Coréens actuellement. Les deux pays sont très vaccinés …. Et les deux pays subissent une vague de mortalité sans précédent depuis le début de la pandémie, liée au sous-variant BA.2 ».

Y a-t-il un lien entre la vaccination et la mortalité ?  C’est quand même troublant. Silence de l’article…

 

  • Danemark et Allemagne divergent quant aux causes de décès

« Les autorités danoises …. affirment que la plupart des décès seraient incidentaux, c’est-à-dire << avec le Covid – 19 >> et non << à cause du Covid-19 >>. Cela va toutefois à l’encontre d’une récente étude allemande publiée dans le Lancet qui montre, à partir des autopsies de décès rapportés au Covid-19, que 86 % étaient dus au coronavirus. »

Est-ce que les deux études danoise et allemande ont été faites pendant la même période, dans la même population?  Pour que l’une d’elles donne déjà lieu à une publication, peut-être est-elle antérieure à l’autre. Silence de l’article…

  • « …En Suisse, …. on jouit, depuis l’arrivée de la vaccination, de l’une des plus faibles mortalités d’Europe, alors même que la population est plutôt moins vaccinée (70 %) que celle de ses voisins directs

Quel rôle peut donc bien jouer la vaccination dans cette galère ? Le prof. Flahault esquisse une réponse : « est-ce le fait du choix par les autorités du vaccin de Moderna qui protégerait mieux et qui a été utilisé à plus de 60 % en Suisse ? Il est un peu tôt pour le dire…. »

Sacrément bonne idée d’évoquer les qualités éventuelles de Moderna, qui intéresse particulièrement la Suisse, mais avait été un peu écarté dans notre pays, donc offert en cadeau – quelque deux millions de doses – à des pays pauvres et qui, en outre, avait, à cause de Pfizer, perdu pas mal de valeur économique. Petit coup de pouce à Moderna ? Silence de l’article….

Contentons-nous d’avoir peur d’une éventuelle sixième vague sans poser de questions!

Le courage des lâches

Partout en Europe, aux Etats-Unis, en Chine, voire ailleurs encore et même, ô honte, en Suisse, c’est la mise au « rebut » des artistes russes, des sportifs russes, des joueurs russes, des auteurs russes y compris ceux déjà morts. D’aucuns préconisent même l’interdiction d’avoir des chats russes – ils confondent peut-être euphoniquement avec des « chars russes ». Et cette vague haineuse s’étend hélas aussi aux ressortissants russes ou russophones établis dans tous nos pays.

Que l’on craigne, ici ou là, un « agent russe » camouflé, passe encore, on serait gagné par la terreur KGB-iste des espions, mais faire ainsi porter à des particuliers qui n’y peuvent « mais » la responsabilité des actes de leur chef d’Etat – et en particulier en l’absence de toute démocratie, ce qui exclut l’association de la population à la décision de l’invasion de l’Ukraine -, c’est hélas favoriser une atmosphère de guerre d’une cruauté particulière. Cette forme de condamnation de l’action de M. Poutine est la manifestation du courage des lâches.

J’ajouterais en outre que c’est une attitude tout à fait contre-productive. En effet, quand les artistes et sportifs chassés retourneront dans leur pays et raconteront leur exclusion et leur punition, cela accréditera dans leur public la propagande officielle qui présente l’invasion de l’Ukraine comme une expédition salvatrice pour une population menacée. Si au contraire, on traitait les personnes russes de manière « normale », sans les mettre au ban de la société « pacifique », les artistes, les sportifs et autres pourraient rentrer en Russie et raconter peut-être la réalité ukrainienne visionnée par eux sur nos télévisions encore libres et rapporter des informations différentes de la propagande officielle. Cela pourrait contribuer à raccourcir la guerre.

Reprenons vite nos esprits et redevenons humains !

 

 

Une lenteur parfaitement légitime

La rue, la grande majorité des partis politiques, la presse, et naturellement les Etats étrangers reprochent au Conseil fédéral la lenteur de sa prise de décision. C’est ignorer le rôle de deux particularités helvétiques : la neutralité et le gouvernement collégial.

La neutralité sur le plan international 

Ce n’est pas une notion de science dure, et même si le droit international en fixe les contours, son contenu n’est pas défini en détail. Un Etat neutre assume une responsabilité non seulement envers sa population – comme chaque Etat – mais encore, à cause de sa neutralité, envers les Etats attaquants autant qu’envers les Etats attaqués, en même temps qu’une responsabilité envers les « autres Etats » (je mets tout au pluriel pour garder un point de vue général). Toute décision de politique étrangère en matière de sanction, par exemple, impliquera donc une appréciation d’ensemble particulièrement délicate, plus affinée, éventuellement, que celle prise par les Etats non neutres. Ces derniers sont tenus avant tout à l’égard des Etats membres de leurs alliances éventuelles – conclues à l’origine dans l’intérêt de leur population. La seconde situation, celle des Etats non neutres, est moins complexe que celle des Etats neutres.

Le gouvernement collégial

Peu de guerres, à ma connaissance, sont déclenchées par des pays à gouvernement collégial. Sauf le pays attaqué dont le gouvernement, collégial ou non, doit prendre une décision très rapide – puissions nous n’avoir jamais à vivre cette situation ! – les autres Etats doivent peser le pour et le contre pour décider de la meilleure attitude à avoir par rapport aux pays en guerre. Cette pesée d’intérêts – où la question de la paix intérieure du pays est aussi importante que celle de la paix extérieure – exige une confrontation entre les cultures et sensibilités nationales lesquelles s’affrontent au sein des membres d’un collège gouvernemental : cet affrontement des intérêts intérieurs – qui exige un peu de temps – est  peu connu  des pays à gouvernement non collégial.

Il n’est pas certain que ce soit toujours la meilleure décision qui soit prise en fin de compte, car la solitude du pays neutre au gouvernement collégial, donc peu dirigé par les coups de cœur, est souvent blâmée et condamnée, car non comprise. Elle exige, comme nous l’avons déjà écrit, beaucoup de courage et d’intelligence. Malheureusement, elle ne garantit pas forcément plus que dans les autres Etats, le discernement final.