Snobisme sénatorial

Il y a quelques mois, un de mes amis libéraux, ancien député au Grand conseil vaudois, a publié une lettre de lecteur dans 24 H où il s’insurgeait contre le titre de Sénateurs donné à tout bout de champ à nos  Conseillers aux Etats. Il avait mille fois raison. Cette appellation, sans doute dictée par une soumission aveugle à la mode américaine, est politiquement, voire historiquement fausse.

Par Sénat, on désigne, en français, toutes sortes de chambres ou conseils dont les rôles et la composition sont variables et souvent peu clairs et dont l’origine historique est multiple.

Certes, le Sénat du Congrès américain a bien été copié par nos constitutionnalistes de 1848 pour devenir, chez nous, le Conseil des Etats,  mais il  y a aussi des Sénats dans la plupart des Etats des Etats-Unis et ils n’ont évidemment ni la même composition, ni la même raison d’être que le Sénat du Congrès.

Le titre de « Conseil des Etats », pour la Chambre des Cantons de notre Parlement, est porteur de l’histoire du Pays : une construction, par la base, où les Cantons « exercent tous les droits qui ne sont pas délégués à la Confédération » (art. 3 de la constitution fédérale). C’est un hommage rendu à l’organisation fédéraliste sans laquelle la Suisse serait sans doute déchirée et appauvrie par des guerres des langues et des rivalités entre cultures, voire entre religions.

Un sénateur n’est au fond qu’un élu. Un Conseiller aux Etats est ou devrait être porteur d’une identité cantonale. Peut-être est-ce à cause de leur dégradation au rang de Sénateurs que les Conseillers nationaux sont souvent si peu conscients de leur mission fédéraliste. Une réflexion politique sur le sujet, au lieu d’une servile singerie américaine, même dans les médias, pourrait donner un nouveau souffle à l’avenir du Pays.

 

Le 31 mars 2016

 

Bon sens au Parlement

             Le billet humoristique du mardi de Fathi Derder – toujours lu avec plaisir – nous a appris une excellente nouvelle : le Conseil national semble avoir enterré la proposition de l’ancien conseiller national Neyrinck d’autoriser le don d’ovules. Donc la Suisse va continuer d‘interdire et le don d’ovules et le prêt de ventre (= mère porteuse !). Il semble  que les parlementaires se soient rendu compte que l’on ne pouvait pas mettre le don d’ovules sur pied d’égalité avec le don de sperme. O sublime lucidité ! L’insoutenable théorie du genre n’a pas encore totalement pollué le monde politique. D’aucuns diront que c’est la preuve que nous avons un Parlement de droite, étroitement conservateur, avec un fort lobby paysan etc…. Evidemment que le lobby paysan a quelque peine à confondre un coq et une poule, donc à plaider le libre choix du genre pour les gallinacés comme d’ailleurs pour les autres animaux de la ferme en général. Tout espoir n’est pas perdu.

Quoi qu’il en soit, souhaitons que de l’eau coule sous les ponts avant qu’un autre esprit « éclairé » ne remettre le sujet du don d’ovules sur le métier!

Erreur journalistique, double erreur politique

Dans le Temps du 21 mars, Eric Berlinger, à La Havane, rapporte une interview d’un Cubain, Esteban,« retraité de l’industrie chimique cubaine ». En évidence, dans le texte de l’article, cette citation, en gros caractères rouges, entre guillemets, du retraité cubain, dont je reproduis la seconde phrase : « Pour nous, l’éducation et la santé sont des droits ». Je lis soigneusement l’article et y trouve la citation suivante, également entre guillemets, dont voici la seconde phrase : « Pour nous, l’éducation et la santé gratuites sont des droits ». Chercher l’erreur dans le texte mis en évidence.

Le journaliste n’avait-il pas compris la portée exacte de l’affirmation de M. Esteban ? La place accordée au texte mis en évidence est-elle seule responsable de la suppression du mot « gratuites » ? La question vaut d’être posée car les deux messages ne sont pas du tout identiques, même s’ils sont tous deux erronés, et l’on mesure ainsi les ravages que peut éventuellement faire une prétendue information médiatique. Le lecteur pressé n’aura lu que le titre en évidence.

Ce qui importe au retraité cubain, c’est la gratuité, et c’est elle qui illustre le droit à la santé ou à l’éducation.

Ce qui ressort du titre du Temps, c’est le droit à la santé et à l’éducation comme tel. Autre programme. Qu’on en juge un peu.

 

L’éducation et la santé gratuites sont des droits 

Sans doute le retraité cubain a-t-il voulu parler de la scolarisation et de la formation professionnelle et non pas de l’éducation. Cette dernière est un devoir des parents, des enseignants, de tout adulte responsable. Elle ne peut être que gratuite car elle est une transmission de valeurs. Cette transmission correspond à une volonté de grandir et de faire grandir. Elle exige une capacité de croire en l’avenir et de respecter l’autre.

En revanche, on peut concevoir que tout citoyen ait  droit à une scolarisation et à une formation professionnelle et que, selon le régime politique, celles-ci soient totalement ou partiellement gratuites. La scolarisation est une condition indispensable de la démocratie ; l’analphabétisme en est un ennemi mortel. Quant à la formation professionnelle, elle représente une clé de l’autonomie et de l’indépendance de la personne, voire la richesse d’une société. La gratuité peut être une des manières choisies par un Etat d’assurer à sa population l’accès à la démocratie, à l’autonomie et à l’aisance économique.

En ce qui concerne la santé, elle n’est que gratuite, car la santé comme telle ne coûte rien. C’est la maladie ou l’invalidité qui coûtent et dont la suppression ou l’atténuation impliquent des soins, lesquels ont un prix. Qui doit le payer ? On touche ici au délicat problème des assurances maladie, invalidité, accident. Un régime politique peut en prévoir la gratuité. Ce qui importe c’est qu’il en assure l’efficacité. Le principe de la gratuité n’en est pas forcément la garantie.

En résumé, le retraité cubain aurait dû dire : dans notre régime politique, on considère que l’on a droit à une scolarisation, à une formation professionnelle ainsi qu’à des soins médicaux et hospitaliers gratuits.

L’éducation et la santé sont des droits : archi-faux

On vient de le voir, l’éducation n’est pas un droit mais un devoir de transmission. Bon, le journaliste a repris l’erreur de la formule cubaine, mais l’a nettement aggravée car l’absence de la notion de gratuité empêche de rectifier le terme d’éducation et d’y lire scolarisation et formation professionnelle. Si l’éducation était un droit peut-être y aurait-il moins de personnes mal éduquées !

Quant à la santé, affirmer purement et simplement que c’est un droit, voilà qui frise la sottise absolue. La santé est un véritable cadeau dont celui qui en jouit doit être reconnaissant et responsable, envers la société autant qu’envers lui-même, de l’entretenir dans la mesure du possible. En revanche, celui qui est atteint dans sa santé a le droit d’être soigné, c’est une marque de solidarité sociale fondamentale. Mais cette affirmation ne résout pas pour autant le problème du coût.

Faut-il conclure ? Les impératifs médiatiques ne sont pas forcément la meilleure garantie d’une information crédible. Et il est toujours faux de parler d’un droit à l’éducation autant que d’un droit à la santé.

 

Le 22 mars 2016

 

Prenons-en de la graine

Le Temps de ce vendredi 18 mars nous apprend qu’une femme musulmane faisait sa prière dans le couloir d’un wagon CFF. Faut-il s’en formaliser ?

Ma première réaction est de me dire : c’est une chance qu’en christianisme, la valeur de la prière ne dépende pas de la gestuelle ! On peut donc prier discrètement, sans risquer de déranger qui que ce soit. Mais il convient d’aller plus loin. Après tout, cette femme a osé montrer sa conviction culturelle (la religion en fait partie). Elle nous indique donc clairement que nous sommes absurdes de vouloir – sous prétexte de tolérance et de respect d’autrui – chercher sans cesse à effacer de l’espace public ce qui pourrait évoquer une culture chrétienne. Osons au contraire clairement affirmer que notre pays, comme l’Occident en général, a une longue tradition chrétienne, que toute sa culture et son histoire en sont imprégnées. Laissons les croix sur les sommets, au bord des routes, sur les drapeaux et les produits suisses même vendus à l’étranger, dans les salles de classe ou d’université, ouvrons les églises, sonnons les cloches, apprenons à l’école des chants de Noël, mettons des crèches, étudions l’histoire de l’art et l’architecture des cathédrales. Faisons lire dans les écoles Blaise de Montluc, Agrippa d’Aubigné, Pascal, Bossuet, Fénelon, Claudel, Jean d’Ormesson et combien d’autres – qui, de surcroît, écrivent une langue élégante – parlons des guerres de religion, des conquêtes arabes et de Charles Martel.

Je remercie cette femme d’avoir osé montrer sa religion et sa culture. Elle nous signale notre faiblesse. Si nous n’osons pas comme elle affirmer notre tradition, nous nous sentirons agressés et nous ne parviendrons pas à défendre, envers et contre tout, nos valeurs fondamentales, celles qui viennent du christianisme et sont constitutives de la culture et non pas, comme d’autres, du pouvoir de l’Etat.

 

 

 

Pour le bien de l’enfant, en revenir à l’adoption simple

Le Parlement va se pencher prochainement sur une révision du droit de l’adoption. Cette révision a pour particularité de vouloir se détacher de la fiction selon laquelle l’adoption doit reproduire le plus fidèlement possible le principe de la famille naturelle, avec un père et une mère. Ce principe, consacré en 1976, lors de l’introduction en droit suisse de l’adoption plénière, consacre une rupture complète de l’enfant adoptif d’avec sa famille de sang et exige naturellement un respect aussi strict que possible du secret de l’adoption. Or cela se révèle de moins en moins compatible avec le droit de toute personne de connaître ses origines. En outre, les solutions recherchées aujourd’hui tendent à favoriser les adoptions dites « ouvertes » ou semi-ouvertes », c’est-à-dire permettant le maintien des contacts entre l’enfant adoptif et sa famille de sang. Le Message du Conseil fédéral relatif au nouveau droit de l’adoption y fait expressément référence. Dès lors, la question devrait se poser très sérieusement de réintroduire – avec une adaptation naturellement, en particulier en ce qui concerne la procédure d’adoption – dans le code civil, en lieu et place de l’adoption plénière, l’adoption simple que nous avons connue de 1912 à 1973.
L’adoption simple est caractérisée par le fait que l’enfant, s’il est adopté, devient bien l’enfant de l’adoptant, mais en gardant tous ses liens de filiation et d’alliance avec sa famille de sang. Dès lors, la recherche des origines n’est plus un problème, il n’y a plus de nécessité de secret de l’adoption et il est facile, si nécessaire ou souhaitable, de prévoir d’éventuels maintiens des relations affectives entre le ou les parents de sang et l’enfant adopté. Le bien de l’enfant est ainsi protégé.
Du point de vue économique, le bien de l’enfant est aussi assuré par le fait que, dans le cas de l’adoption simple, le parent adoptif assume tous les devoirs et reçoit tous les droits d’un parent (autorité parentale, garde, entretien, gestion des biens) ; l’enfant et ses descendants deviennent son, voire ses héritiers, mais le parent adoptif n’hérite pas de l’enfant adoptif ni des descendants de ce dernier, ce qui, disons-le, peut supprimer certains problèmes de familles recomposées. La situation est particulièrement heureuse en cas d’adoption de l’enfant de son conjoint ou de son partenaire enregistré.
La fiction de filiation et de famille naturelle de l’adoption plénière est totalement dépassée de nos jours. La seule chose qui importe, c’est la sécurité affective et économique de l’enfant, avec la garantie de ses droits élémentaires par rapport à la connaissance de ses origines voire à l’accès à celles-ci. L’adoption simple – connue du droit français, entre autres – serait une solution idéale et particulièrement moderne.

Le 8 mars

Ma femme, ma mère…. ne travaille pas!

S’il est une formule détestable, c’est bien celle-ci : «Cette femme travaille-t-elle ? ». Réponse : « Non ! Elle est mère au foyer ! »
Et les personnes qui se croient émancipées d’y aller de leur petit couplet : « Une femme qui a eu une formation professionnelle doit travailler. Ainsi, elle paiera des impôts et restituera à la société une partie de ce que sa formation a coûté ». Ben voyons ! Ainsi, elle justifiera aussi le financement de crèches par les fonds publics, l’organisation de devoirs surveillés, la mise sur pied de cantines pour nourrir les enfants à midi, éventuellement le recours à une Maman de jour ou la mise à contribution systématique des grands-parents, etc….
Et puisqu’une mère au foyer « ne travaille pas », comment expliquer l’affirmation de certaines personnes selon laquelle « les femmes qui exercent une activité professionnelle ont, avec l’activité ménagère, une double journée de travail » ?
Il ne s’agit pas ici de porter un jugement sur la manière dont les époux et parents organisent la répartition des tâches entre eux, mais de reconnaître simplement qu’une épouse et une mère au foyer « travaillent ». Elles n’exercent simplement pas d’activité professionnelle lucrative.
Puisque c’est aujourd’hui la « journée des femmes », osons rendre hommage à toutes celles qui apportent à la société le travail considérable, non reconnu, jamais achevé et fondamental de la disponibilité et de l’efficacité à la maison. Elles épargnent beaucoup de frais à la société et contribuent largement au bonheur de ceux qu’elles aiment.

Le 8 mai 2016

La demande d’adhésion à l’UE avait dépassé Migros-data

Donc le Parlement a voté hier le retrait de la demande d’adhésion de la Suisse à l’UE ! Si l’on en croit la fin de la déclaration de M. le Conseiller fédéral Burkhalter à la tribune du Conseil national, cette demande d’adhésion était maintenant dénuée de tout effet. La situation est intéressante : un parlementaire UDC réclame pour la énième fois, par une motion, le retrait de cette demande d’adhésion déposée en 1992. Cette fois, le Parlement le soutient à une majorité des 2/3 alors que, précédemment, le refus était toujours catégorique. Le Conseiller fédéral responsable des relations internationales s’y oppose mais conclut que la décision sera au demeurant sans effet car la demande est en quelque sorte périmée. L’analyse des protagonistes est amusante : l’UDC, incapable de concevoir que les situations internationales ne doivent jamais être bloquées par des débats sur la place publique ni par des votes « catégoriques », et peut-être dans l’espoir de prendre une revanche sur le résultat du vote de dimanche dernier, entonne son antienne et obtient que sa motion soit mise au vote. Les 2/3 du Parlement – soudain désireux de s’attirer les bonnes grâces d’une grande formation politique malmenée ces derniers temps par tous les autres partis ou parce que les partis bourgeois se seraient, avant les élections, engagés à soutenir la motion ? – votent la motion. Le ministre des affaires étrangères essaie-t-il de faire passer un message : cette demande n’a plus aucune valeur réelle, donc on peut en faire ce que l’on veut et se dire qu’en la votant, on classe définitivement l’affaire, mais attention à la portée symbolique que la décision pourrait avoir notamment pour une Union européenne dont la susceptibilité est actuellement à fleur de peau pour de multiples raisons et que nous avons quelque intérêt à ne pas provoquer gratuitement ?.
Evidemment que cette dernière remarque ne peut pas être formulée telle quelle à la tribune par le chef de la diplomatie helvétique ! Notre Conseiller fédéral a-t-il essayé de faire comprendre à la majorité du Parlement qu’il serait plus subtil et diplomatique de s’abstenir ? Les relations internationales conduites publiquement par un Parlement ne sont pas celles qui favorisent le mieux les rapports du droit des gens ! Mais les signaux n’ont pas été compris. Espérons toutefois que cette lecture est fausse et que, comme le penserait M. F. Cherix selon Le Temps du 2 mars, « le vote du Conseil national indique, par un message adressé à l’UE, mais aussi à l’UDC elle-même, que la Suisse veut s’en tenir à la voie bilatérale. »