La paille et la poutre

En page 2 de son édition du lundi 24 février, Le Temps répond à plusieurs questions concernant le changement climatique et cette lecture est tout à fait intéressante pour les non scientifiques dont je fais partie.

Mais si au moins on en était resté là. Pourquoi fallait-il compléter ces passages par le mépris, les accusations et le matraquage ?

Que ce soit l’éditorial de Mme Minet ou la page 3 du Temps qu’elle signe aussi, tout ce qui pourrait conduire à réfléchir intelligemment aux solutions nécessaires pour faire face au réchauffement climatique est pollué par un état d’esprit détestable.

 

L’apriori de mauvaise foi de ceux qui doutent du caractère anthropique de la cause du réchauffement.

« Notre rôle dans sa survenue ne fait plus aucun doute » écrit Mme Minet dans son éditorial.

Ce n’est pourtant pas ce que disait le rapport du GIEC de 2015 cité dans le Temps du 18 août 2018 (il y a donc 18 mois !) : « Il est extrêmement probable que l’activité humaine est la cause du réchauffement observé depuis le milieu du XXe siècle ». Cette formule- dont j’ai mis les deux mots en gras – est parfaitement honnête et ne sous-entend pas que ceux qui auraient encore des doutes et l’exprimeraient ne sont que des vieillards chenus ou des vendus aux lobbies. Certes, Mme Farine dit bien, dans son éditorial, « certains sont de bonne foi », mais la page 3 du Temps qui propose un classement des climato-sceptiques omet cette catégorie. Si on est « climatosceptique », selon le Temps, on a un « potentiel de nuisance » (sic). On est soit « indifférent », « vieux professeur », « conspirationniste », « lobbyiste » ou « réaliste qui a mis une fausse moustache pour se donner un air de respectabilité ».

Ne faudrait-il pas éventuellement compléter l’art. 261 bis du code pénal par la sanction de celui qui, publiquement, aura incité à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur attachement à une théorie climatique » ?

 

l’extrémisme raciste (ou antisémite) n’est ni de gauche ni de droite

L’Allemagne vient de vivre une terrible tragédie à Hanau et on ne peut qu’éprouver un sentiment d’horreur à l’idée de ces multiples assassinats. Peut-on affirmer pour autant, comme le fait le Temps de ce 21 février (p. 1) – mais il n’est pas le seul –, que « l’extrémisme de droite gangrène profondément le pays » ?

On ne saurait dire que cet extrémisme est de droite, dans la mesure où il serait la manifestation d’un racisme et d’un antisémitisme. Cette manifestation est certes typique du nazisme, mais on ne peut ignorer que le terme de nazisme n’est que la contraction de l’appellation « national – socialisme ». Or cette appellation devait être opposée en son temps à l’internationale socialiste qui correspondait au communisme. Il s’agissait-là de deux conceptions antinomiques du socialisme dont l’histoire a révélé que les méthodes expéditives et non démocratiques étaient fortement identiques.

L’antisémitisme et le racisme ne sont typiques ni de la droite, ni de la gauche. Ils sont florissants – hélas ! – dans bien des populations ou Etats (y compris la Palestine et Israël). On les confond avec la xénophobie, qui en est une forme atténuée mais pas plus sympathique pour autant.

Les autorités sont responsables de la xénophobie

Parce qu’elle est une forme atténuée de racisme, la xénophobie peut être soignée par les pouvoirs publics. Ils doivent tenir compte du sentiment qu’une population autochtone peut avoir d’être moins bien traitée que des immigrants étrangers. Un tel sentiment est extrêmement dangereux et la manière dont les autorités le prennent en compte peut être à l’origine soit d’un apaisement dans la population, soit d’une exacerbation du sentiment d’injustice. C’est cette exacerbation qui finit par éclater en extrémisme raciste ou antisémite. Elle se manifeste parfois plus ou moins clairement dans certaines tranches sociales qui se sentent particulièrement méprisées par les autorités, mais elle n’est intrinsèquement ni de gauche ni de droite. L’attribuer à une tendance politique particulière contribue simplement à accroître les tensions en condamnant sans appel et sans preuve une catégorie de citoyens.

Une femme exceptionnelle

La vie réserve des surprises enrichissantes. Je lui dois d’avoir, il y a quelque temps, rencontré une femme exceptionnelle qui pétille de vie et distille le courage.

Brève présentation (approuvée par la personne concernée)

Ayant vécu des abus durant sa petite enfance, elle ne trouve le courage et la détermination de régler son histoire qu’une fois jeune adulte. En 1998, elle obtient la condamnation de son abuseur. Elle ne veut cependant pas tomber dans la victimisation et s’investit corps et âme dans sa reconstruction. Pour vaincre son « monde intérieur dominé alors par des sentiments de haine, de colère et d’envie de tuer » (sic), elle « part à la quête de la paix et de la joie » (sic).

Je la cite ci-dessous (avec son accord) :

« Un abus dans l’enfance bousille le monde intérieur et détruit les belles valeurs pour laisser la place à la honte, au dégoût, à ce terrible sentiment de culpabilité. La réparation peut prendre du temps. Il ne faut jamais lâcher. Au fond, on découvre ce qui n’a pas été touché, ce qui est intact et pur. Le meilleur allié dans ce combat restera toujours l’amour pour soi et pour la vie. Notre <<carte de visite>> devrait correspondre à l’être humain en devenir que nous sommes, celui auquel nous aspirons et qui vit déjà en nous. C’est certainement lui, et lui seul, qui peut nous ramener à la paix. Nous ne sommes pas l’épisode tragique que nous avons vécu mais c’est la manière dont nous regardons cet épisode qui nous révèle. Un épisode tragique n’est pas une vie, mais chaque pas et chaque traversée que nous réalisons donnent et font émerger le sens de notre Vie. Sur ma carte de visite, je ne suis pas <<l’enfant abusé>>, je suis <<une femme qui défend le droit et le devoir de vivre sa grandeur>>.

« Être aimée en tant que victime me rendait malheureuse et incomplète. Prendre conscience que derrière cette étiquette vivait un être humain imparfait m’a ramenée à ma liberté et à ma responsabilité, à mon essence et à ma nature profonde, celle qui a toujours existé en moi et qui ne demandait qu’à s’exprimer.

Lorsque j’ai pu prendre conscience et accepter le fait que je puisse être autant bourreau que victime – dans ma vie au quotidien – l’horizon et de nouvelles perspectives sont apparus. A partir de ce moment-là, il était clair qu’il était juste et possible de ne plus être uniquement l’une ou l’autre de ces facettes mais que grâce à une combinaison des deux, je pouvais décider, pour chacune de mes actions et chacun de mes choix, de faire le plus de bien et le moins de mal possible. A ce moment-là, s’est dessiné un nouveau départ dans ma Vie que j’ai appelé Loup Chocolat en hommage à cette prise de conscience. Ainsi est née cette identité avec sa première collection de sacs et de poèmes en guise de symbole pour ce début de voyage vers autre chose. » (Fin de citation).

Passer du duel au duo

Créer sa petite entreprise et la baptiser « Loup Chocolat », c’est une gageure.

Comme le dit sa créatrice que je cite à nouveau :

« <<Loup Chocolat>> est avant tout un oxymore <<métaphorique>> représentant la grandeur possible de l’être humain et des êtres humains ensemble. Deux forces antagonistes lointaines et proches à la fois, voire dépendantes l’une de l’autre. Ensemble, elles devraient choisir le chemin de l’équilibre, de l’équité, d’un environnement sain et de la paix. C’est l’appréciation des qualités de l’être humain qui va contribuer à empêcher autant que possible un dérapage. C’est essentiel de laisser la place à cette (re) construction, à cette expression, à cette évolution. Notre guerre intérieure nous appartient. Nous ne pouvons pas tuer une partie de nous-mêmes, nous ne pouvons trouver la paix qu’en incluant l’ensemble de nos facettes dans une unité qui nous révèle nos possibles. Le bien et le mal existent avant tout dans l’être humain et c’est cette prise de conscience – qui devrait être encouragée dès le plus jeune âge – qui pourra nous aider à choisir d’exprimer le bien »

« Passer du duel au duo…c’est reconnaître l’existence de l’autre, reconnaître ses besoins, ses qualités. Ça passe par la création de ce lien vital, un pont que Loup Chocolat propose et qui va soutenir une meilleure répartition des richesses, des opportunités et un meilleur équilibre. Autrement dit, rendre l’environnement plus sain afin de diminuer le risque de tout possible et nouveau dérapage. Passer du duel au duo signifie également reconnaître un dénominateur commun qui nous rassemble, à savoir <<être humain>>, ainsi qu’un but commun qui doit nous motiver, à savoir <<rendre l’humanité meilleure>>. On parviendra ainsi à respecter et apprécier ce en quoi l’autre est différent, ce en quoi l’autre est enrichissant. La paix dans le monde se construit avec des êtres humains en paix. Et cette voie est devant nous et ne peut pas être barrée. Nous sommes libres et responsables de la suivre » (fin de citation).

 

Une admirable capacité de résilience et une responsabilité de la société

(Je cède à nouveau la parole à cette femme merveilleuse) :

« Je ne partage évidemment pas mon temps avec la personne qui s’est mal comportée à mon égard. Toutefois, cette personne a le droit – si sa santé et son autonomie le lui permettent – de repartir et de faire vivre ce qu’elle a de mieux en elle et trouver une (nouvelle) harmonie à composer avec chacun de ses pas. Tant mieux si elle est aimée et félicitée. Plein de gens pourraient profiter de ses qualités humaines, sociales et professionnelles. Plus on pointe du doigt le bourreau, plus s’alourdit l’étiquette « victime ». Une telle situation ne peut amener qu’à passer à côté de ce que chacun pourrait être de mieux. Évidemment que si un individu est considéré ou a été diagnostiqué comme dangereux, alors il y a lieu de prendre des mesures adaptées ».

« La société se doit d’aller comprendre en profondeur ce qui déclenche ce dérapage, ce poison, pour pouvoir l’éradiquer, l’éliminer sans perdre de temps. Quel est l’ennemi ou l’antidote de ce poison ?

Écouter est essentiel, c’est cette faculté qui nous amène à la compréhension, la compréhension vers l’évolution de l’humanité et la construction d’un monde qui ne reste pas enfermé dans la haine et la peur. ». (fin de citation)

 

Une conclusion pleine d’espoir

Et mon interlocutrice de poursuivre :

« En tant que femme, artiste, mère et entrepreneuse, je défends donc un monde humaniste où chaque être humain a le droit tout comme le devoir de se diriger vers sa grandeur et ce, peu importe le point de départ. Cet accès doit rester libre, car c’est lui et lui seul qui peut favoriser l’évolution positive de l’être humain, ce dont cette terre a précisément besoin. » (Fin de citation).

 

Il y a vraiment des rencontres qui font du bien. Merci !

 

 

 

Le pays dont le prince serait un expert

Le Temps du 7 février dernier a rapporté les propos de M. Yves Flückiger, recteur de l’Université de Genève, récemment élu à la tête de « swissuniversities » répondant aux questions de M David Haeberli. Précisons d’entrée de cause que les réponses n’étaient pas mises entre guillemets. Elles sont donc un résumé tel que compris par M. Haeberli.

Il n’en demeure pas moins qu’un passage mérite une attention particulière et engendre quelques inquiétudes. C’est celui qui illustre le bien-fondé du titre de l’article, lui entre guillemets donc imputable à son auteur, à savoir :,

« Je veux remettre l’expertise au centre »

Invité à se prononcer sur les relations entre la Suisse et l’UE et sur l’importance des fonds européens pour la recherche en Suisse, M. Flückiger aurait dit (je cite Le Temps et non pas un mot-à-mot de M. Flückiger, qui n’y figure pas comme tel) : « Il est évident que les investissements suisses isolés disparaîtraient complètement dans la masse…..Mon travail de conviction auprès des parlementaires – je préfère ce terme à celui de lobbyisme – sera de leur faire mesurer l’importance de cette relation. Je suis frappé par la remise en question de la parole des experts ». « Nous devons bien sûr faire notre autocritique. Mais il reste inquiétant d’entendre un politicien dire qu’il n’existe pas de preuve que l’activité humaine influence le réchauffement climatique Je veux donc mener un travail de conviction pour remettre l’expertise au centre du débat » (c’est moi qui ai mis des passages en gras).

Quel lien y a-t-il entre les relations Suisse-UE et la parole des experts climatologues ?

Les relations Suisse-UE (dans l’immédiat, la votation du 17 mai et le problème du contrat-cadre) relèvent de la politique, donc des règles du fonctionnement démocratique, donc du débat et de l’appréciation des autorités politiques. Que la solution retenue en politique doive aussi tenir compte des intérêts des chercheurs – scientifiques –  c’est nécessaire et légitime, mais ce n’est absolument pas le seul critère et il n’y a tout simplement aucune expertise « sacrée » sur ce sujet politique.

La confusion que l’article semble imputer à M. Flückiger est extrêmement inquiétante. ; malheur à la liberté d’opinion dans un pays où le prince serait un expert qui ne tolérerait pas le questionnement des politiciens !

 

 

 

 

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