Une précision bienfaisante dans une démocratie chancelante

Merci au Temps de ce 26 mars (p. 2, Débats) d’avoir publié l’article du docteur Jacques-André Haury, intitulé « Cessons de confondre <<tests positifs>> et <<infections>> ». L’auteur, médecin, y explique clairement l’erreur de l’OFSP dans sa manière de comptabiliser les cas d‘infections et de définir le fameux RE, taux de transmissibilité de l’infection.

A un moment où l’on commence à vivre des dérives policières anti-manifestants, il est vital de remettre l’église au milieu du village

Il est assurément regrettable que les manifestants de Berne (certes, manifestation non autorisée) le 20 mars dernier, n’aient pas pris la peine, pour la plupart, de mettre un masque (j’allais écrire « afin de sauver la face ! »). Mais l’absence de masque et d’autorisation ne justifiait à aucun moment les excès des molestations, voire les brèves séquestrations policières et les bannissements de Berne pour 48 heures au plus, rapportés ce 26 mars par Sarah Dohr, journaliste et présidente de BON POUR LA TETE, dans l’hebdomadaire du même nom. La manifestation simultanée de Liestal, également interdite, n’a pas donné lieu, elle, à des dérives policières, semble-t-il. Quant à la manifestation interdite à Altdorf pour la fin de cette semaine, elle aurait pu , au lieu d’être interdite, être strictement subordonnée à l’engagement de porter le masque. La liberté de manifester pacifiquement peut parfaitement être soumise à des mesures de sécurité. Mais ce sont les pays non démocratiques qui procèdent – en dehors de toute violence – à des arrestations en masse, à des contrôles systématiques d’identité, éventuellement à des bannissements.

Quand l’entretien de la peur et de l’erreur justifie des sanctions policières voire pénales, la démocratie pourrit par la tête

La particularité la plus inquiétante de cette pandémie des inconnues scientifiques, c’est la rapidité avec laquelle elle transforme de « fiers démocrates, amis de la liberté » en un troupeau de délateurs solidaires ! Je n’ai pas de sympathie particulière pour les manifestations de masse, même pacifiques, surtout à notre époque où la réunion est facilitée par les réseaux sociaux au détriment souvent de l’organisation de la sécurité des citoyens. Mais c’était la grandeur de notre pays que de savoir encadrer ces manifestations sans violence, même quand elles ne sont pas autorisées. Quel phénomène fait d’une pandémie peu létale – et l’on s’en réjouit – la première menace pour la vérité, la démocratie et les libertés ?

La lourde tâche des politiques

Les attaques du Parlement contre la task force, lors de la session de mars, ont entraîné des réactions fort intéressantes dont le Temps notamment a rendu compte, citant par exemple, en p. 8 du numéro du 4 mars, les propos de M. Riou, épidémiologiste à l’université de Berne : « Les discours alternatifs viennent le plus souvent de scientifiques issus d’autres disciplines, même s’ils n’ont aucune qualification en épidémiologie ».

 C’est précisément là que réside le malaise.

Une crise sociétale aussi grave que celle déclenchée par la pandémie ne peut être gérée selon les seules règles décrites par des « modèles mathématiques simulant sur ordinateur des scénarios de l‘évolution de l’épidémie ». Ces scénarios sont évidemment intéressants, mais ils ne reflètent qu’un aspect du problème. Il est indispensable que d’autres spécialistes de disciplines variées fassent aussi connaître leur point de vue et que les avis divergents dans tous les domaines puissent être entendus par les décideurs politiques, parce que ces derniers doivent pouvoir peser le pour et le contre de tous les paramètres concernant la population dont ils sont responsables : santé, économie, futur des jeunes, taux de mortalité comparée à d’autres saisons et maladies et aux âges, poids psychique et affectif, menaces pour la démocratie et les libertés fondamentales, et même relations internationales.

Quelques scientifiques vont fournir des résultats purement mathématiques, mais il faut bien plus de données pour mesurer le facteur humain et sociétal des dégâts.

Le mépris de certains « experts » pour les données autres que strictement sanitaires

Le Temps toujours (19 mars, p. 3) a interviewé le président des médecins romands qui aurait dit, à propos de la problématique de la réouverture des restaurants : le Conseil fédéral doit à nouveau décider s’il suit des données sanitaires objectives ou s’il gouverne sur la base des sondages et manœuvres des lobbyistes.

Ce passage scandaleux n’était pas entre guillemets, peut-être trahit-il donc la pensée de ce médecin. Mais il correspond malheureusement à une sorte d’arrogance d’experts sanitaires qui semblent oublier que l‘être humain est beaucoup plus complexe que ses seuls algorithmes sanitaires

La terrible question politique

Le Conseil fédéral et les conseillers d’Etat des cantons assument la très lourde responsabilité de décider si la population doit peu à peu mourir de l’application absolue du principe de précaution au seul risque sanitaire ou s’il vaut mieux pour elle d’assumer les risques de vivre en liberté. Et aucun expert, aucun scientifique n’a de réponse à cette question d’avenir, la seule réponse est politique.

 

La Suisse favoriserait la création par la Chine du prochain cimetière de la liberté

L’article fort intéressant de M. François Nordmann (LT du 16 mars, p. 2) intitulé « Les paramètre de la nouvelle stratégie envers la Chine » se termine par cette injonction totalement fondée : « La nouvelle stratégie du Conseil fédéral devra indiquer quelle position la Suisse entend prendre dans le combat pour la liberté, la démocratie et les droits de l’homme qui oppose les démocraties occidentales à la Chine autoritaire, qui est l’atelier et, de plus en plus, le laboratoire mais parfois aussi le goulag du monde en devenir ».

Qui a poussé un cri, pendant la pandémie, devant le massacre de la liberté à Hong Kong ?

A part M. Frédéric Koller, journaliste, dans un magnifique article du Temps du 25 janvier dernier (p. 4) sous le titre ironique « Bienvenue dans le nouveau Hong Kong », qui a poussé un cri devant le massacre de toute liberté à Hong Kong par la Chine ? Les mesures sanitaires dictées par le corona avaient permis de stopper à Hong Kong toute velléité de manifestation anti régime de Pékin. On apprenait, par M. Koller, que « l’opposition politique étant laminée, restait la conquête des esprits. Elle passe par la culture et l’éducation. Depuis l’été dernier, on fait le tri dans les bibliothèques, on revoit les manuels, on censure ce qu’il reste de presse libre. Et grâce à un parlement purifié, on s’assurera bientôt que les enseignants ne dévient plus du dogme patriotique dicté par Pékin. Par caméra interposée ». Perfection du goulag !

Le rouleau compresseur chinois anti liberté est au point. Prochain cimetière de la liberté, Taiwan.

L’article de M. Nordmann nous apprend que dans un protocole d’accord de 2007 qui « jette les bases du dialogue et de la coopération entre le Conseil fédéral et le gouvernement de la Chine », « la Suisse réaffirme le principe d’une seule Chine et déclare s’opposer à tout mouvement d’indépendance de Taiwan ». On croit faire un cauchemar ! Nous violons notre principe de neutralité, bénissons par anticipation toute violation des droits de l’homme par la Chine ! Si l’on ajoute à cette lâcheté le fameux traité autorisant les fonctionnaires de police chinois à enquêter sur notre sol, nous comprenons pourquoi la Chine a raison de nous mépriser profondément.

Réveillon-nous, que diable, nous sommes en train de favoriser l’extension des cimetières de la liberté. N’est-ce vraiment que de la bêtise ? Que font nos parlementaires ? Le Corona n’est pas une excuse.

 

 

 

 

Parler franchement

Rien n’encourage plus le « complotisme » que le sentiment désagréable que quelque chose d’important n’est pas dit.

En cette époque de pandémie où malheureusement les vraies incertitudes politico-scientifiques côtoient les demi-vérités, on attend des autorités qu’elles jouent franc-jeu si elles veulent être respectées.

Il est donc temps de dire clairement, en relation avec la pandémie :

  • Quelles sommes ont été investies par nos pouvoirs publics dans les recherches des pharmas. Pour quelles recherches ? Chez quelles pharmas ? A quelles conditions ?
  • Quelles sommes ont été dépensées par nos pouvoirs publics pour acquérir quels remèdes ou/et quels vaccins, à quelles conditions ?

La solidarité et les énormes sacrifices imposés à la population méritent une pleine franchise de la part des autorités. La vraie difficulté réside peut-être dans l’absence de franchise des autres Etats.

Démocratie directe: un régime si subtil

Il faut vraiment des nerfs d’acier pour exercer le pouvoir dans une démocratie directe, surtout quand la presse – et parfois les élus eux-mêmes – n’en comprennent pas vraiment les règles.

« Crise de confiance » envers le Conseil fédéral, « quasi-camouflet pour le Président de la Confédération » pouvait-on lire dans l’éditorial du Temps de ce lundi 8 mars. « Un camouflet au Conseil fédéral sur l’identité numérique » titrait en gros le même Journal, en p. 3. Bon. Ce n’est plus la « gifle » que l’on pouvait lire autrefois quand un texte fédéral était rejeté en référendum – il y a donc déjà un léger progrès – mais c’est encore et toujours la même incompréhension des mécanismes de notre démocratie directe.

Quand une loi est soumise au référendum, elle est le fruit du travail puis d’une décision finale du Parlement et non pas du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral prend souvent l’initiative des lois et soumet un projet au Parlement, mais jamais une loi ne peut faire l’objet d’un référendum si elle n’a pas été discutée, travaillée et votée par le Parlement. Par conséquent, c’est le texte final du Parlement qui est soumis au référendum et si la loi est rejetée en vote populaire, c’est le Parlement qui a perdu et non pas le Conseil fédéral.

Comme le Parlement est rarement unanime, il appartient très logiquement aux parlementaires qui ont approuvé le texte final de la loi de défendre celle-ci pendant la procédure référendaire et à ceux qui ont refusé ce texte de soutenir l’opposition référendaire. Le Conseil fédéral, lui, ne devrait pas avoir son mot à dire, car ce n’est plus « son » texte et il devra exécuter le résultat du vote, même s’il lui déplaît.

En résumé, le rejet, dimanche dernier, de la loi sur l’identification électronique est une défaite du Parlement et non d’un département fédéral, voire de son chef.

Quand un traité est soumis au référendum, il a dû être au préalable approuvé par le Parlement qui n’avait en revanche pas le droit d’en modifier le texte.

Les traités internationaux doivent, en principe, être soumis à l’approbation du Parlement. Ce dernier peut refuser son approbation, en revanche, il ne peut pas modifier le texte. Quand un traité est soumis au référendum, c’est donc parce que le Parlement a approuvé le texte signé par le Conseil fédéral. Si le traité est rejeté en vote populaire, c’est le Parlement qui est désavoué, car ce dernier avait approuvé le texte du Conseil fédéral. S’il ne l’avait pas approuvé, il ne pourrait pas faire l’objet d’un référendum.

Si le traité est approuvé en vote populaire, l’approbation concerne aussi bien le vote du Parlement que le texte signé par le Conseil fédéral. C’est un double acte de confiance de la part des citoyens. En résumé, l’acceptation du traité avec l’Indonésie, ce dernier dimanche, même à une faible majorité, est une double victoire du Parlement et du Conseil fédéral et non un « quasi-camouflet » du Président de la Confédération.

Le Conseil fédéral ne devrait pas intervenir dans une campagne référendaire quelle qu’elle soit.

Que le référendum porte sur une loi élaborée et votée par le Parlement ou sur un traité international signé par le Conseil fédéral et approuvé par le Parlement, le Conseil fédéral ne devrait jamais prendre part à la campagne, ni en corps, ni par l’intermédiaire de l’un ou l’autre de ses membres. D’abord, parce que c’est la décision du Parlement qui est la cause du référendum et non pas la décision du Conseil fédéral, ensuite parce que le Conseil fédéral sera lié par le résultat du vote même s’il le désapprouve et enfin parce que, s’il s’agit d’un traité, il faudra que la Conseil fédéral se prévale du vote populaire pour asseoir sa position face aux Etats tiers et qu’il aura perdu toute crédibilité s’il s’est engagé dans une campagne et a échoué, alors qu’il peut toujours prouver qu’il a défendu loyalement le traité devant le Parlement puisque ce dernier l’avait approuvé.

En cas de vote sur une initiative populaire et un contre-projet, il est évident que le Conseil fédéral ne peut s’engager contre une initiative populaire dans la campagne de vote puisqu’il devra éventuellement l’appliquer si elle passe alors qu’il l’aurait combattue et que le contre-projet, direct ou indirect, est toujours un texte final du Parlement, donc on y retrouve le même mécanisme que pour une loi.

Quand il s’engage dans une campagne référendaire, non seulement le Conseil fédéral montre sa méconnaissance de la démocratie directe mais de surcroît il nuit lourdement à la collégialité

Ce ne sont en général qu’un ou quelques conseillers fédéraux qui s’engagent – ou doivent s’engager-  pour un projet pendant une campagne de vote, accréditant l’idée que le Conseil fédéral n’agit pas collégialement. En outre, cela tend une perche à la presse qui rêve de mettre les membres de l’exécutif en contradiction ou en compétition les uns avec les autres. En fait, le Collège a toujours dû prendre une décision en corps pour qu’un texte soit soumis au Parlement. Les membres du Conseil fédéral ont très bien su le rappeler à plusieurs reprises à l’occasion de la lutte contre la pandémie et Mme Keller-Sutter n’y a pas manqué après le rejet de la loi sur l’identité électronique, mais malheureusement, sans s’être abstenue pendant la campagne.

Notre démocratie directe est d’une subtilité et d’une intelligence qui me fascinent. Elle constitue un rempart contre les tentations du pouvoir et du narcissisme mais est, de ce fait, un obstacle aux effets de manche et de verbe creux ! Peu spectaculaire, elle déplait à une société de l’image, des querelles et des twitts.

 

 

Covid et liberté d’expression

Les reproches adressés par le Parlement fédéral à la « taskforce » en relation avec ses déclarations publiques critiquant parfois le Conseil fédéral ont été qualifiées d’atteinte à la liberté d’expression des experts.

Essayons d’y voir clair :

Quelle est la nature exacte de la « taskforce » ? Qui en a choisi et nommé les membres ? Quels milieux scientifiques représentent-ils ? Avec quel mandat ? Comment fonctionne-t-elle ? Que communique-t-elle à notre exécutif fédéral ? Quelle est la responsabilité assumée par ses membres dans les conseils et les informations transmis ? Combien compte-t-elle de médecins pratiquants ? Les réponses à ces questions sont un préalable à la détermination de l’étendue de la liberté d’expression publique des membres de cette « taskforce ». Pourquoi cette dernière ne se préoccupe-t-elle jamais de la manière dont les médecins de cabinet ont soigné leurs patients quand ceux-ci étaient atteints du covid ? La quarantaine ou l’isolement ne sont pas des soins mais bien des sortes de menace incitant éventuellement des personnes à ne pas consulter leur médecin traitant même en cas de symptômes par crainte de subir ces privations de liberté souvent sans contrôle sanitaire.

Ce qu’il y a de plus frappant, dans cette pandémie, c’est l’absence totale d’intérêt des « scientifiques » pour les soins à donner hors hôpital ou hors soins intensifs aux malades du Covid

On a assisté aux prises de bec entre scientifiques au sujet de tel ou tel médicament proposé par des praticiens généralement honorables – traités volontiers de charlatans – mais à aucun moment la « taskforce » n’a évoqué la nécessité impérieuse de trouver le plus rapidement possible la manière de soigner les malades afin d’éviter l’hospitalisation ou les soins intensifs. Il y a eu confiscation – on s’en souvient – de certains médicaments que les pharmaciens n’avaient – n’ont toujours ? – plus le droit de vendre même sur ordonnance. Comment peut-on expliquer cela ?

Pourquoi est-ce que le Conseil fédéral – mais d’autres chef d’Etat aussi, semble-t-il – a accepté de décharger les producteurs de vaccins de toute responsabilité pour les dommages collatéraux que les vaccins pourraient éventuellement causer ?

Réponse d’un parlementaire : « c’est normal sinon jamais ces boîtes n’auraient accepté de mettre si vite des vaccins sur le marché et de plus à si large échelle. Normalement on vaccine quelques centaines de milliers de personnes et on attend quelques années pour s’assurer qu’il n’y a pas d’effets secondaires importants. S’il y avait de gros problèmes, avec les vaccins actuels, jamais ces boîtes ne pourraient les assumer ». Cela signifie-t-il que les vaccins sont mis sur le marché au corps défendant des producteurs ?

N’y a-t-il aucun moyen de parer au plus pressé grâce à des médicaments existants afin d’atténuer les risques d’aggravation pour les malades ? Cette catégorie de recherche ou de découverte permettrait peut-être de laisser plus de temps et de liberté de choix en matière de vaccination sans mettre en danger la population ni exiger le maintien, voire l’aggravation des mesures de privation de liberté. Aux informations du soir du 5 mars, sur la RTS, M. Pugin, médecin chef des HUG, a dit qu’on avait trouvé des moyens de diminuer un peu les cas de mortalité en hôpital. C’est une bonne nouvelle. Espérons que les recherches s’intensifieront de ce côté aussi.

Mais il est clair que toutes ces questions, posées par une non-scientifique, sont sans doute dénuées de pertinence, juste tolérées au nom de la liberté d’expression.