Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières.

Flou, piège et malentendu

Merci aux parlementaires qui ont attiré l’attention sur le contenu du Pacte ci-dessus et demandé une discussion aux Chambres avant toute signature par la Suisse. Puisse le texte, de 41 pages, être lu attentivement par nos représentants politiques, car il mérite plus qu’une réaction viscérale de générosité ou de rejet. C’est une véritable bombe à retardement.

On relève d’abord qu’il rappelle, à juste titre, la distinction entre réfugiés et migrants, lesquels sont protégés par des Pactes distincts et des règles internationales différentes. Ceci ne prête pas à la critique.

Ensuite, il réaffirme « le droit souverain des Etats de définir leurs politiques migratoires nationales » ainsi que « dans les limites de leur juridiction souveraine, [d]’opérer une distinction entre migrations régulières et irrégulières ». Voilà qui est intéressant. Le seul problème, c’est qu’il n’y a aucune définition de chacune des deux catégories de migrations. Le Pacte ne concerne que les migrations régulières et a pour but de « faire en sorte que les filières de migration régulière soient accessibles et plus souples ». Il contient une sorte de charte du traitement des migrants réguliers dans les pays d’immigration. Il est évident que lorsqu’un pays a besoin d’une immigration, il est juste qu’il s’engage à traiter les migrants selon les règles contenues dans le Pacte. Mais c’est bien là que réside le malentendu : les Etats qui signeront ce Pacte ont-ils, de leur aveu, un besoin de migrants ? Pourront-ils, pour que cette migration soit dite régulière, choisir la catégorie de migrants qu’ils souhaitent, et devraient-ils, alors – ce qui serait normal – mais alors seulement considérer que ces migrants sont en situation régulière ? Un Etat pourrait-il n’ouvrir ses frontières qu’à des migrants déterminés? Aurait-il le droit de donner la préférence, par exemple, aux chrétiens, ou aux musulmans, ou aux juifs, ou aux bouddhistes, et pour autant qu’ils soient médecins, informaticiens, ou spécialistes de telle ou telle activité, mais aussi de considérer que tous les migrants purement économiques, chômeurs chez eux ou pauvres, ou malades, sans avenir dans leur pays d’origine, sont des migrants irréguliers ? On nous permettra de penser que ce n’est pas là l’esprit du Pacte mondial.

Le Pacte contient 23 objectifs dont le but est d’assurer le meilleur traitement possible des migrants, leur inclusion dans la population d’accueil, de « favoriser les pratiques de recrutement justes et éthiques … ». Sur ces 23 objectifs, deux seulement concernent les pays d’origine des migrants, l’un incite à « lutter contre les facteurs négatifs et les problèmes structurels qui poussent les personnes à quitter leur pays d’origine », l’autre à « coopérer en vue de faciliter le retour et la réadmission des migrants en toute sécurité et dignité ainsi que leur réintégration durable ». Le Pacte va donc être ressenti dans le monde comme un puissant appel vers les Etats signataires, une promesse d’eldorado, une garantie de succès et d’accueil à bras ouverts. On nous rassure certes en disant que le Pacte n’est pas contraignant ? Qu’est-ce que cela peut bien signifier ? Il créera un malaise moral, inspirera les recours contre des décisions de renvoi pourtant légitimes. Il accentuera l’attrait des Etats signataires donc accroîtra, au détriment des réfugiés, ce flux de personnes, migrantes économiques, qui modifient très rapidement le paysage européen et placent les autorités et les populations autochtones devant des crises sociales douloureuses et pourtant niées.

La Suisse, qui n’est pas une terre d’immigration, ne peut pas signer le Pacte si elle veut rester accueillante pour les réfugiés.

 

 

Les “gilets jaunes” ou l’histoire de France répétée

Le 14 juillet 1789, la Bastille était prise par des hommes et des femmes écrasés par les impôts.

Le 10 août 1792, les Tuileries étaient prises d’assaut par des « Sans-culottes » criant leur faim et leur colère.

Le 24 novembre 2018 les Champs Élysées sont occupés par des hommes et des femmes en gilet jaune, criant leur colère d’avoir à peine de quoi se nourrir après avoir payé tous leurs impôts et toutes leurs taxes.

La démocratie n’aurait-elle pas progressé en France ? Ou serait-ce la monarchie qui n’aurait pas évolué ?

L’histoire n’est qu’un perpétuel recommencement – les expériences des générations précédentes ne servant jamais aux suivantes. En réalité, les gilets jaunes sont l’illustration de l’utilité des partis politiques pour qu’un minimum de démocratie puisse fonctionner. A défaut de partis, c’est l’anarchie qui menace, le chef contesté ne sachant pas avec qui conclure un accord afin de rétablir l’ordre, ni même ce qui pourrait satisfaire la majorité des plaignants.  Il peut alors être tenté de recourir à la force ou risque de déclencher de nouvelles révolutions, voire de ruiner le pays en satisfaisant des revendications ponctuelles de manière arbitraire.

Les « gilets jaunes » mettent en évidence la responsabilité des partis politiques organisés, ayant une conception générale du rôle de l’Etat, une vue d’ensemble du bien commun et – ce qui est indispensable – un programme pour atteindre leur but. Lorsqu’un groupement de citoyens réunit des personnes additionnant des intérêts individuels plus ou moins semblables, mais sans la moindre idée de la manière de les satisfaire en tenant compte de l’ensemble de la communauté nationale, la démocratie est en danger.

Nos partis politiques auraient intérêt à étudier de très près le phénomène français pour en tirer une leçon et se recentrer sur leur vraie responsabilité qui est de gérer l’ensemble de la communauté communale, cantonale ou nationale dans laquelle ils occupent des postes. Certes, il est légitime que chaque parti politique cherche à obtenir un maximum de sièges afin de faire triompher sa conception du bien public qu’il considère évidemment comme la meilleure, mais ce n’est jamais pour son bien personnel qu’un citoyen est élu, qu’un parti occupe des sièges. C’est pour accomplir le devoir magnifique sans lequel il n’y a pas de démocratie, c’est-à-dire le meilleur service possible du bien commun.

 

 

 

Christophe Colomb déboulonné ou le courage des lâches

Ainsi donc, « la ville de Los Angeles a retiré une statue du navigateur génois accusé par certains de génocide », nous apprenait Le Temps du 15 novembre dernier. Et l’on y précise que « la scène a été immortalisée par le démocrate Mitch O’Farrell » qui participe ainsi, selon ses termes, cités toujours par LT, « à une étape naturelle vers l’élimination de la fausse histoire selon laquelle Christophe Colomb a découvert l’Amérique ». Ses actions auraient déclenché « le plus grand génocide de l’histoire ».

Bon, du côté de l’histoire proprement dite de la découverte de l’Amérique, il semble bien qu’elle soit antérieure à Christophe Colomb, puisque ce seraient des navigateurs chinois qui auraient découvert le continent plusieurs dizaines d’années avant le navigateur génois. Dont acte. Comme les Chinois n’avaient pas offert leur découverte à un monarque européen, on peut admettre que Christophe Colomb a été le premier à découvrir le continent dans l’intérêt de l’Espagne. Qu’il ait, hélas, comme l’ont fait très souvent les « découvreurs » ou « occupants » d’une terre nouvelle, massacré les populations autochtones, c’est totalement déplorable, mais ne vaut-il pas mieux, devant une statue, avoir l’occasion de rappeler que l’homme ne fait rien, même d’héroïque, qui ne soit aussi entaché de mal, plutôt que de punir un vieux mort en enlevant sa statue et en prétendant effacer ainsi un pan de l’histoire humaine ?

Il était sans doute aussi erroné d’instituer, en 1937 (445 ans après l’arrivée de Christophe Colomb), la fête fédérale du « Christophe Columbus Day » qui ne rimait à rien, que de déboulonner la statue du navigateur 78 ans plus tard. Ceux qui utilisent l’histoire aux fins d’exciter le nationalisme ou la haine revancharde de groupes ethniques ne sont que des lâches. Il faut un vrai courage pour regarder son passé en face avec ses taches et ses grandeurs, pour l’assumer tel qu’il est, pour en tirer d’éventuels avertissements, mais aussi parfois de la fierté, sans vouloir ni l’effacer ni le truquer. Le risque, quand on remodèle ou simplement juge le passé après coup, hors de l’esprit de l’époque, c’est qu’on l’ampute de sa dimension humaine donc universelle.

 

 

 

Racolage bancaire

J’étais l’autre jour dans une banque cantonale pour y effectuer un paiement international. Après la transaction, le responsable me dit : « vous avez un compte postal ». N’ayant pas perçu le ton interrogatif, je réponds : « comment le savez-vous ? Sans doute parce qu’il m’arrive d’alimenter mon compte bancaire à partir de mon compte postal ». « Non, non » me répond mon interlocuteur, je vous demande si vous avez un compte postal parce que si c’est le cas, vous savez sans doute que vos frais vont augmenter. La Poste vous en a avertie. Si vous ouvrez plutôt un compte chez nous, cela ne vous coûtera rien. Vous n’aurez pas de frais. »

Je me suis insurgée contre ce racolage de clients. Comme je faisais part de ma désapprobation de la méthode à l’employé présent, il me dit : « Nous devons augmenter le nombre de clients, et toutes les banques font cela ». Je n’ai pu me retenir de dire que c’était, toutes proportions gardées, le même genre de démarche que celle à laquelle l’UBS s’était livrée jadis avec les clients étrangers. « Non » me répond l’employé, « car notre banque est propriété de l’Etat ».

On déduit de cela que le niveau éthique de l’Etat n’est en aucun point différent de celui de la société civile et que la concurrence entre entreprises de droit public obéit aussi aux règles de la jungle. En outre, on éprouve le sentiment extrêmement désagréable d’être sous tutelle ! Je ne suis pas certaine de réapprovisionner mon compte dans cette banque d’Etat!

 

Qui veut noyer son chien…

Quoi qu’en disent certains politologues ou spécialistes de l’éthique politique, la « transparence » s’apparente un peu à une chasse aux sorcières. Les « affaires » genevoises ont évidemment un tour très particulier car il est bien exact que si les notes de frais ne peuvent pas être justifiées, il y a une gestion déloyale de fonds publics tombant sous le coup du droit pénal. Mais dans cette espèce de condamnation médiatique immédiate de tous les élus de l’exécutif de la ville de Genève sans leur laisser la moindre chance d’apporter la preuve éventuelle que les montants dépensés pendant les dix dernières années étaient justifiés, on perçoit une sorte de jubilation malsaine, une délectation dans la curée.

Cette jubilation malsaine atteint son apogée dans la condamnation de Mme Savary. Il importe en effet de ne pas la mettre « dans le paquet genevois » mentionné ci-dessus car elle n’a utilisé que de l’argent privé. Ses relations avec son parti politique ne nous regardent pas et, en tant que parlementaire et non pas membre d’un exécutif, ses liens amicaux avec un millionnaire ne tirent pas vraiment à conséquence. Qui peut bien avoir intérêt à la détruire ? Une jalousie déguisée en justicière virginale serait-elle en train de mener le bal ?