La politique européenne suisse aux ordres des syndicats européens ?

Même si, en soi, le résultat n’est pas complètement déplaisant, on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi le parti socialiste suisse et plus spécialement l’Union syndicale suisse sont tellement à cheval sur les mesures d’accompagnement donc opposés au contrat-cadre, tout en affirmant leur sympathie pour l’Union européenne. La réponse à cette question vient d’être donnée dans le Temps de vendredi 28 juin.

Dans son article intitulé « le socialisme est-il soluble dans l’Union européenne », M. Rennwald écrit à propos du contrat-cadre et des mesures  d’accompagnement, cause de l’opposition socialiste à la ratification: «Lâcher du lest sur ces mesures reviendrait à  déclencher une spirale de démantèlement social, en Suisse et en Europe. C’est ce que la plupart des syndicats européens ont compris, en demandant à l’Union syndicale suisse (USS) de ne pas reculer sur ce terrain, une position inverse pouvant avoir des conséquences négative dans tous les autres pays ».

On apprend donc que la politique suisse à l’égard de l’Union européenne est dictée par les syndicats suisse et européens et ce, aux fins d’influencer la politique sociale de l’Union européenne. C’est une information lourde de conséquences qui induit quelques questions :

  • Est-il normal que la politique suisse soit dictée par des syndicats étrangers et bradée par l’union syndicale suisse ?
  • Est-il normal que la démocratie directe soit instrumentalisée à des fins syndicales par une coalition helvético-européenne ? Car c’est bien à cause de la démocratie directe que l’union syndicale suisse a de l’influence, vu que c’est la perspective d’un échec du contrat-cadre en votation populaire qui retient le Conseil fédéral de le signer. Et c’est à cause de la démocratie directe helvétique que les syndicats européens voient une utilité importante de leur compagnonnage avec l’union syndicale suisse.
  • Le Conseil fédéral – en particulier ses membres socialistes – ont-ils conscience, voire connaissance de cette usurpation de pouvoir par l’Union syndicale suisse et les syndicats étrangers ?
  • L’Union européenne elle-même sait-elle que, dans certains domaines – par exemple en matière de politique sociale – elle n’a d’autre pouvoir que celui que les syndicats européens veulent bien lui laisser ? Sait-elle que les syndicats de ses Etats membres sont prêts à jouer contre elle en utilisant les institutions d’un pays non-membre pour faire de la résistance ?

La découverte qu’une coalition des syndicats par-dessus les frontières abuse de la démocratie directe   de notre Pays pour confisquer une partie de la politique étrangère suisse et de la politique sociale européenne ne manque pas de causer de lourdes inquiétudes pour l’avenir. Aucune confiance n’est plus possible en qui que ce soit.

 

 

Le sexe, l’orientation sexuelle, la religion doivent-ils être des atouts électoraux?

Je ne vais pas revenir sur la question du sexe qui implique la discussion des quotas, sujet éculé. En revanche, l’orientation sexuelle et la religion méritent un instant de réflexion.

On a souvent l’occasion de lire que tel personnage public est homosexuel et c’est volontiers mis en évidence et répété par les médias voire par la personne élue elle-même. Dans sa belle « grande interview » du dimanche 23 juin dans le Temps, M. Jean-François Roth, ancien conseiller d’Etat et conseiller aux Etats jurassien, a répondu à la question relative au fait qu’il n’avait pas fait allusion à sa vie privée avant la fin de son mandat en ces termes : « Je n’ai jamais eu une vie cachée, mais je n’ai pas voulu être le porte-drapeau d’une cause… En ce qui me concerne, j’ai toujours essayé de banaliser mon statut à ce sujet… ».

Le problème de la religion est pris sous un angle un peu différent dans l’article intéressant de M. Ahmed Ajil, intitulé « Islamophobie : une subtilité qui nous échappe », publié en p. 8 du Temps du mardi 25 juin. L’auteur note que la violence politico-idéologique peut être liée au « répertoire abondant d’images négatives » au sujet de « tout … Moyen-Oriental musulman qui ne saurait dissimuler son identité », alors qu’il y a une « quasi-absence d’images positives ». Il relève notamment un « manque de représentativité politique » en Suisse. On peut comprendre ce passage en ce sens qu’il faudrait par exemple que des candidats d’origine moyen-orientale sur des listes électorales annoncent leur appartenance religieuse afin d’en être le porte-drapeau.

La politique en général et plus spécialement une campagne électorale doivent-elles servir d’occasion de propagande pour une orientation sexuelle ou pour une religion ? La réponse n’est pas simple parce que – c’est avéré – les minorités ont besoin d’images positives d’elles-mêmes pour échapper à la tentation éventuelle de se radicaliser comme d’ailleurs pour faire admettre leur particularité par la société et échapper à un ostracisme haineux. Mais d’un autre côté, rien n’est plus propice à l’échauffement des esprits, voire au développement de l’hostilité à l’égard de la différence que le fait de brandir cette différence comme une sorte de « droit à un traitement spécial ».

Il me semble tout à fait souhaitable que les électeurs connaissent l’état civil (célibataire, marié, pacsé, parent) voire la religion ou la philosophie spirituelle des personnes candidates à une élection, car cela fait partie de leur identité ; cela peut indiquer leur connaissance particulière de telle ou telle difficulté de l’existence. En revanche, il est de la responsabilité tant des personnes candidates que des médias de ne pas ériger telle ou telle particularité en « atout électoral ». Le danger existe alors que la religion comme l’orientation sexuelle servent à la conquête du pouvoir et, pour la religion en particulier, c’est un danger historique et belliqueux.

 

 

Les pleurnicheuses les ont eus!

Ainsi, les parlementaires fédéraux ont introduit les quotas dans les conseils et les directions des SA ! Effet de la prétendue grève du 14 juin, paraît-il. Quelle déchéance !

Comment peut-on souhaiter, comme femme, être choisie sur la base de quotas et comment peut-on, comme parlementaire, introduire des quotas dans des entreprises privées ? Par chance, il n’y a pas de sanction prévue si les 30 ou 20 % de femmes ne sont pas atteints ! Sursaut d’intelligence qui fait encore pleurnicher certaines.

Pour être franche, je me demande parfois si, en introduisant les quotas dans les SA, les parlementaires (mâles) n’ont pas trouvé une manière de se moquer en sourdine des manifestantes du 14 juin au poing levé, voire, à Genève, aux seins nus.

  • Ah ! Vous voulez un droit à la nomination dans des postes dirigeants ? Hé bien, en fixant les quotas que vous réclamez, on privera pour des années les femmes les plus compétentes de la possibilité de penser qu’elles ont été choisies pour leurs compétences. Il leur faudra faire la preuve par neuf de leur capacité, ce que l’on n’exige jamais des hommes parce qu’ils ne subissent pas, eux, de quotas, sinon à l’envers, en étant exclus au profit de personnes du sexe dit faible pour lesquelles on ne sait pas la raison du choix dont elles ont profité.

D’aucunes se plaignent que, dans un poste à responsabilité, on exige et attend plus d’une femme que d’un homme ; c’est typiquement l’effet de l’esprit des quotas, que ceux-ci soient appliqués ou non. Pour justifier de son poste – dont on ignore à quel titre il a été accordé ! – il s’agit que la femme en place se montre parfaite. La jalousie des médiocres (hommes et femmes) triomphe.

Entre les parlementaires opportunistes qui ont voté oui à la modification de la SA pour ne pas perdre des électeurs/trices et ceux, machos, qui y ont vu une manière de se moquer discrètement des femmes en acceptant la demande de certaines d’entre elles, ce sera difficile de choisir lors de l’élection de cet automne. Peut-être y a-t-il eu quelques « non » sauvant l’honneur.

La valeur inestimable du travail domestique gratuit

Les tâches domestiques sont mises en évidence à l’occasion du 14 juin prochain. Serait-ce peut-être l’occasion de dire quelques vérités ?

Cela fait des années que je réagis systématiquement lorsque quelqu’un – tant homme que femme et beaucoup de jeunes personnes aussi – affirme sans sourciller que sa « mère » ou son « épouse » ou « telle femme » « ne travaille  pas » parce qu’elle est « femme au foyer ». J’ai, à chaque occasion, relevé qu’une femme au foyer n’arrêtait pas de travailler mais simplement qu’elle n’exerçait pas d’activité professionnelle lucrative. Nuance !…

Bien que munie d’une licence puis d’un doctorat en droit, je n’ai pas été élevée dans l’idée d’être une « femme de carrière » et je considérais que, si je me mariais et avais des enfants, ma première « carrière » serait d’être une bonne maîtresse de maison capable de rendre les siens heureux. Et comme chacun le sait, ce n’est pas facile tous les jours notamment lorsque les enfants sont petits. Mais exercer cette activité pour ceux que l’on aime comporte aussi maintes satisfactions. Et puis, lorsque le ménage et les tâches éducatives étaient trop « embêtantes », je me suis souvent dit que les hommes devaient « se taper » le service militaire qui leur « fichait en l’air » pas mal de semaines, et, pendant leurs études, pas mal de vacances, même s’il y avait aussi, apparemment, de bons moments, et que mon « activité domestique » était un peu mon « service à la communauté » puisqu’il évitait à la société de devoir prendre en charge notre ou nos enfants (en dehors naturellement de l’école obligatoire !). Bref, il y avait une sorte d’égalité des « corvées » entre tâches domestiques et service militaire obligatoire.

Mais lorsque j’ai dû, du jour au lendemain, prendre une activité professionnelle lucrative – et c’était pourtant dans des conditions privilégiées – je me suis soudain aperçue que je n’étais plus mon propre maître, chef d’une petite entreprise domestique, que j’avais perdu la liberté d’organiser mon travail comme je le voulais, que je dépendais d’un « employeur », que j’étais donc subordonnée à quelqu’un. Cette découverte-là m’a permis de mesurer ce qui fait peut-être, en tous les cas dans certaines familles, le privilège de la maîtresse de maison et mère de famille : elle est un chef d’entreprise indépendant. O certes ! Ses horaires sont dictés par ceux de sa famille, ses journées ne sont pas de 8 heures seulement ni ses semaines de cinq jours seulement, mais elle n’a pas de supérieur hiérarchique (dans les ménages heureux !).

Toutes les situations ne sont assurément pas les mêmes, toutes les responsabilités familiales ne sont pas égales, il y a des proches aidants, hommes et femmes, absolument admirables d’abnégation.  Que la journée du 14 juin soit l’occasion de rendre hommage à toutes celles et ceux qui dans l’ombre accomplissent leur tâche gratuite, de mesurer la valeur sociale et économique de leur immense travail, c’est magnifique. Mais que l’on réduise ce travail à une simple exclusion du marché pour inactivité, comme semble le dire, en rouge, en p. 13 du Temps du 11 juin, Mme Sepulveda, membre de la Commission indépendante pour la réforme de la fiscalité internationale des entreprises qui aurait affirmé que « à l’échelle mondiale, on estime que 606 millions de femmes, soit 41 % des inactives, sont exclues du marché du travail en raison de leurs responsabilités familiales » c’est d’une petitesse d’esprit indigne de l’égalité.

“Les politiques migratoires sont des politiques nationales”

Tels sont les propos que le Temps du 1er juin (p. 3) impute à Mme Louise Arbour, de nationalité canadienne, qui vient d’achever son mandat de représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies pour les migrations.

On ne saurait affirmer idée plus exacte que celle du titre ci-dessus.  C’est malheureusement ce que l’Union européenne et bien des responsables politiques s’acharnent à nier en s’obstinant à traiter de nationalistes populistes – terme peu flatteur s’il en est – les formations politiques qui voudraient que leur pays puisse légiférer librement en matière de migration.

Les politiques migratoires sont des politiques nationales

Mais de qui parle-t-on quand on évoque une politique migratoire nationale ? L’article susmentionné semble imputer à Mme Arbour une double lecture de l’affirmation : politique nationale de certains pays d’immigration pour qui « la migration est une excellente chose ; elle permet de compenser des déficits démographiques et de construire des pays ». Mais aussi politique nationale des pays d’émigration où « l’exportation de main-d’œuvre est inévitable pour diverses raisons. De plus, les transferts d’argent effectués par les migrants chez eux représentent jusqu’à 20% du PIB de leur pays d’origine ». On voit bien les intérêts parfois divergents, parfois convergents des pays d’immigration et d’émigration et il est évident que les différents Etats européens n’ont pas du tout tous les mêmes intérêts à accueillir des migrants, voire les mêmes catégories de migrants, alors que les Etats d’émigration ont intérêt à exporter leur pauvreté, leurs jeunes gens à former– vont-ils rentrer dans leur pays une fois formés, c’est la grande question – ou quelquefois leurs cas sociaux, voire leur mafia.

 

Si les politiques migratoires sont des politiques nationales, il ne peut guère y avoir un Pacte mondial sur les migrations

Le Pacte en question consacre un certain nombre de droits des migrants, voire des pays d’émigration, mais il ne résout pas les spécificités des politiques nationales d’immigration, car c’est évidemment impossible. C’est la raison pour laquelle plusieurs pays, dont la Suisse, ne peuvent pas y adhérer.

Plutôt que de montrer du doigt les « nationalistes populistes » – ce que ne fait pas Mme Arbour si on lit soigneusement ses réponses dans le Temps – et d’exacerber ainsi d’éventuels sentiments xénophobes locaux, il serait certainement utile d’oser affirmer que les politiques migratoires sont des politiques strictement nationales, donc « limitées » par rapport à un Etat et de les distinguer soigneusement des politiques d’accueil des réfugiés qui, elles, nécessitent aujourd’hui des règles internationales, par exemple européennes.