Du lobbyisme religieux dans un monde laïc

Il n’y a pas eu de confinement de toute la population en 1918, ainsi que le rappelle le N° 2149 de La Nation journal vaudois (voir p. 1, article signé JMH qui cite la Revue historique vaudoise 127/2019, p. 112), en conséquence, les cultes, messes et autres célébrations religieuses communautaires n’avaient pas été interdits. En revanche, la communion protestante avec coupe commune pour le vin, avait été interdite pour des raisons sanitaires. C’est alors – on me l’a rappelé maintes fois dans mon enfance – que le pasteur Amiguet, pasteur de la paroisse de St Jean Cour, à Lausanne, a décidé, dans sa paroisse, de procéder à la communion par intinction, soit en laissant chaque fidèle tremper lui-même délicatement dans la coupe de vin une extrémité de son petit morceau de pain. Cette forme de communion a été admise par les autorités sanitaires de l’époque, ainsi d’ailleurs que par les autorités ecclésiastiques. C’est cette forme que l’on a toujours continué de pratiquer à St Jean Cour et que je pratique, où que je sois. Elle a été expressément recommandée, en février 2020, par nos autorités ecclésiales vaudoises avant l’interdiction des célébrations religieuses (à vrai dire, liberté avait été laissée aux paroisses de choisir entre le petit gobelet individuel ou l’intinction). Et puis le strict confinement a interdit les cérémonies religieuses à l’exception des cérémonies funéraires, au demeurant réduites à presque rien.

Le déconfinement par étapes oublie les célébrations religieuses

Quand il a été question du déconfinement par étapes, on s’attendait que soient mentionnées les célébrations religieuses. Silence ! Les autorités auraient-elles oublié ces événements sans importance à leurs yeux ? Inquiets de ce silence, les représentants des différentes religions monothéistes ont décidé de pratiquer un peu de « lobbyisme », comme les milieux économiques, sportifs, culturels etc… ? A vrai dire, le terme de lobbyisme n’est peut-être pas adéquat car ce ne sont pas – à ma connaissance – les parlementaires qui ont été approchés, mais seulement le Conseil fédéral.

Cette démarche – dont l’efficacité a été manifeste – me réjouit, mais me trouble aussi. Indique-t-elle que notre pays est devenu tellement athée que les autorités ne peuvent se soucier spontanément de la reprise de la vie ecclésiale ? C’est vrai que cette activité ne « rapporte » rien de tangible à l’Etat, à la différence des milieux de l’économie, du sport, des loisirs. Mais peut-être qu’en fait, les Autorités ont voulu par leur silence tester l’importance pour la population des Eglises qu’elles subventionnent souvent ? Je veux retenir cette hypothèse et croire que notre pays n’est pas devenu une terre sans foi où la religion a besoin de lobbies pour être prise au sérieux.

 

 

De la bonne ou mauvaise application du principe de précaution

On peut trouver sur internet une interview passionnante au sujet de l’actuelle pandémie, interview de Monsieur Jean-Dominique Michel, anthropologue et spécialiste mondial de santé publique, à Genève. M. Michel a également publié, y apprend-on, plusieurs articles sur le sujet dans la Tribune de Genève. Curieusement, personne ne l’invite à Infra-Rouge ni sur les ondes. Or ce qu’il dit, de manière pondérée et respectueuse d’autrui, mais claire et franche, est du plus haut intérêt.

La Suisse aurait interdit la vente à des médecins privés du médicament recommandé par le prof. Raoult, ce médicament étant soudainement réservé à la pratique hospitalière

Depuis le début du confinement, la vente du médicament recommandé par le prof. Raoult – et qui est un médicament officiel contre le paludisme –  serait « réservée à la pratique hospitalière » (ce sont les termes de l’interview). M. Jean-Dominique Michel, atteint lui-même du corona au tout début du confinement, a, en plein accord avec son médecin, voulu acquérir le médicament. Il déclare s’être « heurté au rideau de fer des pharmacies » et avoue avoir réussi à se procurer le remède de manière peu légale.

Cette information ne manque pas d’être inquiétante : de quel droit, un remède officiellement utilisé contre le paludisme, donc parfaitement valable et reconnu, pourrait-il être interdit à la vente sur ordonnance médicale privée, alors qu’il peut, selon les expériences chinoises notamment, être utile, voire très utile, dans le traitement du corona ? Pourquoi serait-il réservé à la pratique hospitalière ?

On nous a dit, lors de « l’affaire Raoult », aux nouvelles, que des recherches étaient actuellement en cours afin de déterminer l’efficacité réelle du médicament contre le corona et le stade de la maladie où l’utilisation dudit médicament serait la plus adéquate. On nous a dit aussi que si le moment du traitement était mal choisi, le médicament pouvait s’avérer dangereux, voire mortel. Les médecins privés sont-ils vraiment tellement irresponsables et ignorants qu’ils ne puissent à aucun moment tenir compte de ces incertitudes et en discuter avec leurs patients ?

Pourquoi une restriction en faveur de la pratique hospitalière ?

Le principe de précaution a été avancé en relation avec les vérifications scientifique à opérer. S’agit-il encore vraiment d’un tel principe quand les probabilités d’effets positifs sont au moins aussi élevées que celles d’effets négatifs, à en croire l’expérience chinoise ? La chose est pressante. Sans doute essaie-t-on d’avancer rapidement.

On nous a dit, il y a six semaines, que des vérifications étaient en cours

Où en est-on aujourd’hui des vérifications ? Une information suivie et une discussion ouverte entre des médecins praticiens privés, des chercheurs, des médecins d’hôpital et des spécialistes de la santé publique seraient une forme d’honnêteté à l’égard des citoyens. On nous tient au courant jour après jour de l’évolution de la maladie, il serait indispensable de nous tenir aussi au courant de l’évolution des connaissances relatives à un remède déjà existant et approuvé par certains scientifiques plutôt que d’empêcher des médecins privés de recourir à ce traitement en plein accord avec leur patient. Cette absence d’information et cette étonnante interdiction créent un malaise.

 

Une dictature de la santé physique?

Au moment où se pose la question de la surveillance des personnes par le biais de leur téléphone, de la surveillance des consommateurs qui fréquenteront les restaurants, les bistrots, les cafés, et alors que des personnes sont encore séquestrées – et le mot n’est pas trop fort quand les occupants d’appartements protégés dans des maisons sont enfermés à l’intérieur de ces habitations avec impossibilité d’en sortir car les portes sont bloquées – peut-être est-il alors temps de s’interroger sur une « dictature de la santé ».

La santé selon l’OMS

« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».

« La possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale ».

Ces deux affirmations solennelles de l’OMS posent un problème particulièrement aigu en cette période de pandémie.

Comment concilier cette définition très large de la santé avec le droit à la liberté de mouvement, à la liberté de réunion, à la liberté économique ? Toutes ces libertés sont des droits fondamentaux. Toutes contribuent au bien-être physique, mental et social de chaque personne. L’Etat a-t-il le droit de protéger le bien-être physique sauf à sacrifier le bien-être mental et social ? A-t-il le droit de décider que l’un des bien-être l’emporte sur les autres ? Qui peut décider quel constituant dudit bien-être individuel doit être sacrifié dans l’intérêt de la collectivité et de quel intérêt de cette collectivité ?

Le confinement privilégie l’éventuel bien-être physique par rapport au bien-être mental et social.

Le pouvoir politique est-il autorisé à favoriser la protection d’un des aspects de la santé au sens de l’OMS plutôt qu’un autre ? Peut-on imposer ce choix à la population sans tomber dans une sorte de dictature du bonheur tel que défini « subjectivement » par le pouvoir et quelques experts ?

Les réponses aux questions ci-dessus ne sont ni évidentes ni simples mais c’est une raison supplémentaire de veiller à réduire au maximum toutes les atteintes à la liberté des personnes sitôt que ces atteintes ne sont pas une condition sine qua non de la sauvegarde de la santé physique et de la vie de la grande majorité de la population. Le fait que la technique facilite la surveillance des personnes au nom du progrès rend plus impérative encore la nécessité de vérifier si la seule dimension physique de la santé est vraiment la valeur à laquelle doivent être sacrifiées toutes les autres libertés.