Fathi Derder a raison: la sécurité n’est pas un droit

La page 13 du Temps de cette fin de semaine oppose les opinions de M. Vautravers et de M. Derder sur la question suivante : la sécurité passe-t-elle avant la vie privée? Cette question peut d’ailleurs être formulée autrement : la sécurité est-elle un droit ?
La réponse est, à l’évidence, NON, car la sécurité est un moyen, non pas un droit. Un droit consacre une valeur à reconnaître. La liberté et la vie privée sont incontestablement des droits, car elles représentent la concrétisation du respect de la personne. La sécurité est un moyen d’assurer ce respect. L’Etat est responsable de ce moyen, par le droit, donc aussi les tribunaux, la police et l’armée. Il doit donc s’assurer que ces moyens « autoritaires » sont bien utilisés pour défendre la liberté, la vie privée, l’égalité, et non pas pour acquérir, conserver ou fortifier le pouvoir des autorités. C’est bien pourquoi les pleins pouvoirs, généralement attentatoires à la liberté et à la vie privée, ne sont admissibles à des fins sécuritaires qu’en dernière extrêmité, comme le droit de tuer, qui est une atteinte au droit à la vie, ne l’est qu’en cas exceptionnel de légitime défense.
En résumé, les autorités sont entièrement responsables de la sécurité car elles doivent assurer la sauvegarde de la liberté et de la vie privée des membres de la communauté qu’elles gouvernent. La sécurité n’est pas un droit des citoyens, c’est un devoir des autorités.

Par peur de l’Islam, la politique du vide

Ainsi donc, le Conseil communal de Neuchâtel a décidé d’ôter la crèche de noël qui avait été placée sous le sapin de noël de la Ville ! Quelle manière « courageuse » de transmettre une culture, de montrer une capacité de dialoguer avec des personnes d’avis différents, de respecter une longue tradition de valeurs ! Il doit y avoir dans ce Conseil une majorité qui prend pour une guerre religion une éducation à la différence et à la connaissance d’une civilisation dont sont issues de très grandes valeurs. Nous voilà bien éloignés de la ferme affirmation de Mme Merkel, à Berne, le 3 septembre dernier, retransmise par Yves Petignat sur son blog du Temps : « il ne faut pas juste en appeler à la culture chrétienne, il faut la vivre. Le débat avec l’islam est une chance ».

A force de créer du vide on nourrit le fanatisme

Depuis près de deux mille ans, le christianisme a forgé la culture occidentale dans ses plus belles réalisations, mais aussi, certes, avec des dérapages et des violences, comme toutes les civilisations ; pourquoi l’occulter ? Pourquoi taire l’origine de Noël, cadeau à l’humanité ? Certes, cette fête souffre actuellement d’une dérive matérialiste, mais ce n’est assurément pas en vidant Noël de sa substance chrétienne que l’on corrigera les excès de la fête. Bien au contraire. C’est en créant le vide qu’on favorise tous les excès, y compris le fanatisme.

L’interdiction du voile n’est pas l’affirmation d’une valeur.

Dans le même ordre d’idée, l’UDC veut interdire le voile dans les écoles valaisannes. Tant qu’il ne cache pas le visage, le foulard ne porte pas atteinte à la communication avec autrui. Le christianisme est, par excellence, une religion de communication et non pas de kamikazes solitaires; insistons sur cette valeur de communication plutôt que d’interdire un habillement banal qui laisse le visage libre et n’empêche donc pas de sourire à l’autre, premier geste de contact. Répétons, montrons, vivons les capacités de contacts et d’échanges de notre civilisation forgée par le christianisme pour que nos jeunes ne cherchent pas à combler un vide en se jetant dans un fanatisme sécurisant de certitudes. Rien, en effet, n’est plus angoissant que le vide laissé par l’effacement des valeurs. L’interdiction du voile n’est pas une valeur.

Du droit des voyous d’occuper illégalement des locaux

Un courriel reçu tout à l’heure (24 novembre au soir) de la Direction de l’université et envoyé à toute la communauté universitaire informe que, depuis lundi 23 novembre, un certain auditoire est occupé illégalement par un collectif « souhaitant sensibiliser la communauté universitaire à la cause des réfugiés dans le canton de Vaud » (sic).
Des tractations entre la Direction de l’Unil et des représentants du collectif qui viennent d’avoir lieu ont permis d’obtenir de ce « collectif » que les occupants ne consomment plus de la nourriture dans les locaux et n’occupent plus l’auditoire la nuit ; en outre, le collectif s’engage à partir jeudi soir 26 novembre. Qu’on nous pardonne, c’est immédiatement qu’ils devraient partir et on ne peut que souhaiter qu’ils trouvent, demain, porte close et gardiens à toutes les autres. L’Université est un lieu public et la force publique peut être requise pour expulser des particuliers d’un lieu public. Le collectif est un groupe privé. Il sème du désordre et utilise illégalement un lieu public, il peut être expulsé manu militari. Toutefois, l’Université n’aime pas recourir à la violence, car elle est un lieu de débats et de discussions, non pas de pugilats. Les conseillers du collectif de réfugiés le savent bien et ils abusent de ce qui pourrait être une faiblesse de l’institution.
Quel mauvais exemple est donné aux étudiants ! Celui qui parque sans droit sur une place ou dépasse son temps de parking d’un quart d’heure, à l’université, est immédiatement puni d’une amende. Ceux qui occupent illégalement des locaux pendant plusieurs jours, empêchant les cours, compliquant la vie de la communauté universitaire, se voient simplement priés de partir dès que ça leur sera possible, et d’éviter de salir.

Le mauvais exemple protégé
Notre droit privé ignore l’expulsion manu militari immédiate de celui qui occupe illégalement un immeuble ou une partie de celui-ci. C’est ce qui protège les squatters installés dans une maison dont le propriétaire est momentanément absent. Seul un jugement – après une longue procédure, bien coûteuse si possible – pourrait justifier une exécution forcée avec l’aide de la force publique. Certains avocats – ou autres méchants coquins – qui connaissent leur code n’ont donc aucun scrupule à abuser de cette lacune de la loi et à se moquer des droits légitimes car ils savent qu’ils seront impunis. Ils savent aussi que certains lieux publics ne seront pas mieux protégés que des lieux privés parce que l’autorité responsable répugne à recourir à la police (à part l’Université, c’est aussi le cas des églises). Ils ont alors beau jeu d’aboyer et de rouler des mécaniques en prenant des airs de saints protecteurs de la veuve, de l’orphelin, voire des réfugiés. Or la fin ne justifie pas les moyens.
Dans le domaine public, les autorités sont responsables de l’exemple qu’elles donnent. La mollesse n’est pas forcément le bon exemple.

Le piège

Une fois de plus, les fous d’Allah, terroristes et autres kamikases promis au ciel ont gagné ! L’horreur parisienne qu’ils ont réussi à créer est en train de faire la une des journaux, de tous les médias et les images passent et repassent avec avertissement que les scènes sont éventuellement difficiles à supporter pour les personnes sensibles. On fait appel à la solidarité, on excite indirectement les milieux extrêmistes en Europe, on justifie le sentiment rampant de peur de la population. Tout ce que cherchent les terroristes. Ils ont besoin de propagande et de caisse de résonance pour leur délire massacreur et « purificateur ».
Une des grandes forces des terroristes, c’est précisément d’exploiter tout ce qui fait en un sens la grandeur des pays européens : leur liberté de la presse, leur liberté d’opinion, leur respect des personnes, leur tolérance à l’égard des opinions variées, leur libre circulation, leur humanité. Mais, comme toujours, ces valeurs ont des revers parce que les autorités et les responsables qui les appliquent, les peuples qui les respectent sont faillibles. La tactique terroriste, c’est évidemment de créer des réflexes d’Etats policiers, de guerre de religion, de panique populaire. C’est de paralyser si possible la vie courante, de compromettre les sources économiques telles que le tourisme, de provoquer une vague de méfiance, de délation au sein de la population.
Et, sans le savoir probablement, les médias soutiennent et favorisent cette tactique en donnant le maximum d’audience aux méfaits des tueurs. Les médias ne peuvent pas se taire, c’est évident. Mais ils devraient peut-être renoncer à se vendre mieux grâce à la pub terroriste et à se concurrencer dans les titres et récits d’horreurs. Les hommes d’Etat et les politiciens aussi devraient faire preuve de retenue. Il y a là une réflexion vitale à faire très rapidement. C’est une mesure de sécurité.

Le 15 novembre 2015

L’enfant, “ballon de foot” de l’égalité parentale

L’article du Temps du 9 novembre,  « Le difficile combat de Christine Bussat… La fondatrice de Marche blanche défend maintenant l’égalité parentale » cite, à propos de ce combat, un commentaire magnifique de Maître Anne Reiser, avocat, spécialiste du droit de la famille. Parlant de la garde partagée par défaut – autrement dit garde partagée de principe, sans étude spéciale de l’intérêt ou du bien de l’enfant – Me Reiser la compare plus ou moins au jugement de Salomon. Le Temps la cite en ces termes : « … en achevant de trucider les enfants en les coupant en deux. Si je devais défiler, ce serait pour le droit de l’enfant de voir ses parents et les gens qui l’aiment, sans graver dans le marbre son emploi du temps ».
Merci, Maître Reiser ! Vous osez dire, en spécialiste de la pratique du droit de la famille, que le problème à résoudre, ce n’est pas l’égalité parentale voire l’égalité entre hommes et femmes, mais le bien de l’enfant. Ce bien exige que l’enfant puisse avoir des contacts aussi harmonieux que possible avec chacun de ses deux parents, sans être toujours obligé de « déménager » à dates et heures fixes, de renoncer éventuellement à « voir des copains », parce que cette envie de les voir plutôt que d’aller chez son autre parent serait interprétée par le parent frustré comme une manœuvre de l’autre pour le couper de son enfant. Et comme on sait que rares sont les cas où les parents séparés ou divorcés ne pratiquent pas un peu de chantage affectif sur l’enfant, on mesure combien la garde partagée, réglée comme du papier à musique, risque d’emprisonner l’enfant entre ses deux parents.

Le bien de l’enfant ne se fonde pas sur l’égalité juridique entre ses parents, il l’emporte sur leur ego
Le fétichisme de l’égalité arithmétique entre les parents consacre en réalité le mépris du bien de l’enfant, alors que le bien de l’enfant présuppose une affection égale de la part de et pour chacun de ses parents. Il est aussi aberrant de partir de l’idée qu’un enfant peut se passer sans autre de l’un de ses parents que de croire que son bien réside dans un état d’enfant « ballon de foot » que chacun des parents renvoie à l’autre quand ça l’arrange ou dont la justice organise les « passes ».
Comme le montre le récit du jugement de Salomon auquel Maître Reiser faisait allusion, la « vraie » mère (= le « vrai » parent) est celle qui n’hésite pas à préférer son enfant à son « ego » …

Le 10 novembre 2015

Mon robot, mon chien, mon humain

D’un voyage en Italie, au début des années cinquante, mes parents avaient rapporté un cendrier dans le fond duquel était écrit : « ma pipe, mon chien, ma femme ». Mon père fumait la pipe et nous avons tous bien ri de ce petit clin d’œil au machisme alors ambiant.
Les temps ont changé. La fumée est devenue un paria, donc mort à la pipe et au cendrier, et l’égalité voudrait que l’on ne parlât plus de femme ni de mari. En français, on pourrait bien mettre « homme », en accord avec l’Académie, mais certains sourcils féministes se fronceraient au grand dam des puristes et puis, « mon homme » a un autre sens ! Force est donc d’adapter le texte du fond de ce qui a dû cesser d’être un cendrier et devenir un petit vide-poche et d’y mettre : « Mon robot, mon chien, mon humain ». Exit l’humour, resterait un message !

Quel message dans cette nouvelle trilogie ?
L’échelle des valeurs subsiste : Tout en haut, la chose, ensuite l’animal, enfin l’homme. Mais en fait, le message a changé, car la pipe n’était qu’un objet inanimé dont la qualité dépendait essentiellement de l’utilisateur et qui faisait corps avec lui. Le chien était un compagnon de vie et « la femme », une moitié de soi-même. Le robot, bien que « chose » – dont LT du 4 novembre nous apprend que certaines personnes s’y attachent d’affection – a une sorte de « volonté technique » indépendante de celle de l’utilisateur. Il échappe au contrôle strict de son propriétaire. Il lui confère peut-être le sentiment d’exercer une toute-puissance sur une espèce d’esclave, ce qui satisfait son ego, mais il ne rend aucun service en étant mu par un sentiment quelconque. Il trompe toutefois par son apparente vitalité, ce que la pipe ne faisait pas, et c’est sans doute cet aspect trompeur qui fait naître les sentiments d’attachement que l’homme peut apparemment éprouver pour le robot. Mais quelle vacuité ! L’animal au moins a une vraie vie. Il est cependant plus bas dans l’échelle que le robot car il a parfois une volonté propre et peut faire échec à celle de son maître, surtout quand ce dernier pratique l’anthropomorphisme et confond l’animal avec un humain.
Enfin, si l’être humain est tout au bas de l’échelle des valeurs, c’est parce que notre époque s’obstine a répéter que l’homme est le pire ennemi de l’homme et que le vide spirituel ambiant (voir LT du 2 novembre, article de l’écrivain français et philosophe Abdennour Bidar : La pire menace : le vide spirituel) tend à le priver de toute transcendance.
Par chance, je n’ai pas trouvé de vide-poche avec la nouvelle trilogie ! A vrai dire, je n’ai pas cherché non plus.