Faire peur

Dans sa préface du livre de Bernard Wicht (privat-docent auprès de la faculté des sciences sociales et politiques de l’UNIL) intitulé « les loups et l’agneau-citoyen », M. Bjorn Wouters (ancien officier de police judiciaire du commandement DR3 « anti-terrorisme » de la Police Judiciaire Fédérale de Bruxelles) écrit ce qui suit : « Les actes terroristes auxquels une société est confrontée, ont pour but initial d’instaurer un climat de peur… La peur mine le moral, tétanise, crée la confusion et détériore la confiance de la population en ses représentants politiques ». M. Wouters ajoute que la perte de confiance vis-à-vis de l’Etat est amplifiée parce que celui-ci prend alors des mesures liberticides « qui mènent à une destruction de la société et de la démocratie depuis l’intérieur ».

Pourquoi certains mouvements actuels veulent-ils absolument « faire peur » ?

On se rappelle la déclaration de la jeune Greta Thunberg tant à Katowice qu’au WEF : « je ne veux pas de votre espoir, je veux que vous ayez peur ».

On ne peut s’empêcher de rapprocher cette déclaration de celle que Le Temps du 9 avril (p. 3 « Temps fort ») impute à une enthousiaste de « la grève des Femmes » du 14 juin à l’intention de ses employeurs : « Le but de la grève c’est de leur faire peur… ».

Pourquoi « faire peur » plutôt que de discuter, de persuader, de chercher des solutions communes ? Parce que la peur – qui se nourrit souvent de haine – ne s’adresse pas à la raison, à l’intelligence, mais seulement à l’irrationnel, à l’instinct animal de survie, sans la moindre considération pour autre chose que son moi immédiat. La peur vise la foule parce que la foule ne réfléchit pas. L’instinct animal de survie pousse la foule à piétiner tout obstacle à sa fuite, sans hésitation.

Tout mouvement social ou politique qui s’appuie sur la peur porte en lui un germe de haine et de terrorisme. C’est une maladie dont la démocratie véritable et la liberté pourraient ne pas se relever.

Il y a unité de la matière et unité de la matière

La constitution fédérale exige, pour qu’une initiative constitutionnelle populaire soit valable, qu’elle respecte le principe de l’unité de la matière. A ce défaut, selon le texte même, elle est déclarée nulle par le Parlement. Ce dernier, on le sait, a des pudeurs de puceau et n’a pratiquement jamais le courage d’exercer son mandat (sauf éventuellement si l’initiative émane d’une très faible tendance politique : courageux, mais pas téméraire !). Et pourtant, la règle est très importante. En effet, la constitution pose les principes de base du fonctionnement de l’Etat et des rapports entre les citoyens et les autorités. Il est fondamental que ce cadre soit clair. Proposer dans la constitution une disposition qui contient deux idées à propos desquelles il est presque impossible d’avoir la même opinion, c’est placer le citoyen devant un choix dont le résultat entraînera une lecture impossible pour le législateur chargé de concrétiser la constitution. Le risque existe autant d’une mauvaise interprétation d’un OUI que d’un NON et la démocratie souffre toujours du moindre manque de clarté. Ces dernières années, maintes initiatives auraient dû être annulées.

Pas de principe de l’unité de la matière pour la loi

Le problème n’est pas du tout le même quand il s’agit d’une loi, c’est la raison pour laquelle celle-ci n’est pas soumise à l’exigence de l’unité de la matière. En effet la loi – toujours plus aisée à modifier que la constitution, et simple concrétisation des grandes lignes de la constitution – est avant tout pragmatique. A plus forte raison dans une démocratie de concordance comme la nôtre est-il essentiel de trouver une voie commune pour réaliser les buts ou tâches inscrits dans la constitution. Pour cela, la recherche de la solution la plus opportune est indispensable et le législateur a pour mission d’arriver à un résultat concret admissible pour le plus grand nombre. Le référendum facultatif apparaît comme le contrôle populaire de l’efficacité de la solution – parfois complexe – trouvée.

C’est exactement le cas de la RFFA

Certes, les « paquets » ne plaisent pas beaucoup aux citoyens qui doivent alors avaler souvent une couleuvre en plus du remède. Mais c’est précisément tout l’art du législateur. Et c’est aussi la grandeur du choix à faire lors du référendum. Est-il plus opportun d’accepter un inconvénient pour avoir un certain résultat ou faut-il au contraire tout rejeter ? Nous avons la chance exceptionnelle, en Suisse, sur le plan fédéral notamment, grâce au référendum facultatif, de pouvoir nous prononcer sur l’opportunité ou non d’une solution législative. La pesée du pour et du contre face à l’opportunité d’une solution législative qui ne pourra jamais être complètement satisfaisante rend l’exercice des droits politiques passionnant et met en évidence la responsabilité des citoyens dans la gestion de  leur avenir.

L’essentiel est de ne pas confondre mécanisme constitutionnel et fonctionnement législatif et le Parlement est parfois responsable de cette confusion quand il ne remplit pas son rôle face à une initiative constitutionnelle populaire qui viole l’unité de la matière.

Une annulation humoristique

Le Tribunal fédéral vient donc d’annuler le scrutin relatif à la fameuse initiative PDC sur le mariage et la fiscalité des époux. Notre Cour suprême a prononcé semble-t-il cette annulation pour erreur grave d’information des citoyens relative aux conséquences fiscales de l’initiative. Une telle erreur, émanant des autorités fédérales, est assurément inadmissible, mais la situation ne manque pas de piquant car le Parlement aurait dû, lui, avant le vote, déclarer l’initiative nulle pour violation du principe de l’unité de la matière.

Nullité d’origine de l’initiative

Le texte de l’initiative concernait d’une part une définition du mariage comme l’union d’un homme et d’une femme ; cette définition d’origine sociologique, culturelle, historique, philosophique, éventuellement aussi religieuse, fait actuellement l’objet de discussions et est fortement contestée par certaines personnes.

La seconde phrase du texte concernait le traitement fiscal des couples mariés, sujet de nature financière à propos duquel une appréciation chiffrée des conséquences éventuelles du texte était importante. A cette difficulté d’appréciation s’ajoutait, pour cet alinéa, la problématique du traitement fiscal des couples en partenariat enregistrés, soumis, en droit suisse, aux mêmes règles que les couples mariés et non mentionnés dans l’initiative.

Il est évident que les deux sujets contenus chacun dans un  des deux alinéas ne concernaient pas les mêmes problématiques et qu’un Parlement à peine conscient de son devoir de respect de la constitution devait annuler le texte puis, ce qu’il peut faire, en proposer la scission en deux articles soumis à deux votes distincts. Comme il ne l’a pas fait, on ne pourra jamais savoir si l’initiative a été refusée en vote populaire parce que la majorité des votants refusaient la définition du mariage, ou parce que cette majorité était mal renseignée sur la conséquence fiscale du second alinéa. En imputant le résultat négatif à une mauvaise information relative au second alinéa, le TF a peut-être, avec beaucoup d’habilité et – qui sait, bien que ce ne soit pas la spécialité des juges de Mon-Repos – une pointe d’humour, sanctionné indirectement l’impéritie parlementaire.

La problématique mise en évidence par le Tribunal fédéral

Notre Haute Cour n’en a pas moins mis le doigt sur la problématique mainte fois soulevée par des partis politiques, de la portée et de la légitimité de l’information donnée par les autorités officielles qui interviennent dans la campagne avant une votation. Une sérieuse réflexion méritera d’être engagée sur ce sujet, en dehors de toute passion concernant la définition du mariage.

Lettre ouverte à des femmes normales (s’il en reste encore!)

Chères Amies et Compagnes de souffrance,

Vous arrive-t-il aussi parfois de vous demander si nous sommes des être humains ou des bêtes curieuses ? Depuis des mois, on nous assomme de considérations de tout genre sur notre âge, notre libido, notre souffrance de chaque jour à cause des hommes (mâles, s’il en reste encore!), de la maltraitance dont nous supportons les injustices comme l’agneau pascal (c’est de saison), etc… Des syndicalistes de fortune nous préparent une « grève des femmes », qui sera « joyeuse » (HA ! Ha !) à propos de laquelle elles se sont bien gardées de nous consulter. Des villes débaptisent des rues en notre honneur ; en cette année électorale, les partis politiques se demandent tous comment ils pourraient grappiller nos suffrages : un peu de flatterie, un peu de fausse modestie masculine, un peu de sensualité « prosaïque » censée rendre hommage à notre émancipation !

Nous prend-on réellement pour des idiotes ? Quand nous épargnera-t-on enfin ces innombrables pages – y compris dans Le Temps qui devient bougrement casse-pied sur ce point – qui ne parlent que de nous, mais d’un « nous » qui ne nous concerne pas, nous rabaisse, nous réduit à des statistiques et nous rend aussi fatigantes qu’antipathiques ?

Chères Amies et Compagnes de souffrance,

J’ai envie de vous dire mon amitié et mon admiration, à vous qui êtes capables, chaque jour, de réaliser votre tâche dans la bonne humeur, même quand vous avez une migraine, qui savez rire de vous-mêmes, qui faites sans cesse avancer ce que d’aucuns appellent la « cause des femmes » parce que vous savez prendre de la distance par rapport aux événements, et vous montrer à la hauteur de l’honneur qui est le vôtre d’être des êtres normaux avec lesquels on peut avancer dans la vie. C’est de vous et de votre ténacité, de votre capacité d’organisation, de votre sens de l’humour et de l’honneur que dépend réellement l’avenir des femmes. Merci !

Un enfant quand je veux, un enfant si je veux

Tel était le titre d’un récent article du Temps consacré à la cryogénisation des ovocytes, demandée notamment par des femmes souhaitant renvoyer une éventuelle grossesse à plus tard, quand cela leur conviendrait professionnellement (je laisse volontairement de côté de très éventuels cas de maladie).

Je suis toujours étonnée de constater l’absence de réflexion éthique accompagnant les découvertes de la science en relation avec la procréation en général et la facilité avec laquelle on semble oublier que tout ce qui touche à la procréation concerne notamment une personne en devenir, l’enfant. Dans une société qui se targue de se préoccuper des faibles, des pauvres, des marginaux, des laissés pour compte, comment se fait-il que l’on puisse prétendre que procréation, grossesse, avortement, ne concernent que les adultes alors que, toujours, au centre de ces phénomènes, il y a le vrai faible, le vrai muet, celui dont on façonne l’avenir, l’enfant, et que jamais on ne parle de lui ? Bon, une fois qu’il est né, on l’utilise évidemment, avec un peu de chantage, pour obtenir la légitimation des actes antérieurs des adultes.

Revenons à notre titre.

Dire « Un enfant quand je veux et si je veux », c’est en fait considérer a priori trois situations comme légitimes :

  • Le principe du droit à l’enfant, comme on a droit à un bien de consommation au moment où on en a envie et pour autant qu’on en ait envie ;
  • le principe de l’enfant sans père, très à la mode d’ailleurs dans notre société où, sous prétexte d’émancipation, certaines femmes oublient qu’un enfant a besoin de deux parents et prétendent se passer du père qui les importune;
  • le principe de la mère abusive qui considère que l’enfant lui appartient – puisqu’elle décide quand elle le veut et si elle le veut.

Pendant des siècles, l’enfant n’a été considéré que comme une force de travail assurant l’avenir de ses parents.

Puis on s’est rendu compte que c’était une personne dont on était responsable ce qui impliquait des contraintes.

Alors on s’est réfugié derrière le culte de l’enfant-roi, on a brandi l’intérêt de l’enfant sous tous les prétextes et, bardé de ces beaux sentiments, on a ignoré le fait que l’enfant existe, comme personne, avant qu’on le voie et qu’il n’est pas seulement un produit quelconque de la science.