Discutant l’autre jour avec un bachelier frais émoulu – que je félicitais d’ailleurs – je lui ai demandé ce qu’il envisageait de faire par la suite. Il m’a répondu : « de la médecine ». « Fort bien ! Avez-vous déjà une idée de spécialisation ? ». « Je veux faire de la recherche » !
Ce n’est pas la première fois que je reçois ce genre de réponse, quelle que soit la discipline choisie, mais évidemment plus encore quand le choix se porte sur les sciences dites « dures » que sur les sciences humaines. Et pourtant, ces dernières ne sont pas non plus à l’abri du charme de la « recherche ». On ne sait pas ce que l’on va chercher, mais on veut être chercheur. Evidemment que si vous êtes « chercheur », même en recherche appliquée, vous échappez un peu au traintrain du travail quotidien, vous jouissez de beaucoup de liberté et, suivant les cas, d’une renommée internationale. Mais quel est le pourcentage de « chercheurs » dont une société à besoin ? Et chercheurs de quoi ?
« La HEP consacre plus du cinquième de son budget à la recherche appliquée et au développement »
C’est la phrase ci-dessus, lue en page 13 du « suivi pluriannuel du plan stratégique 2012-2017 de la Haute Ecole Pédagogique Vaud (rapport final – Mars 2018) » qui m’incite à poser la question du pourcentage de chercheurs nécessaires à une société. En effet, quand on sait que, dans le canton de Vaud, en première année de gymnase, les enseignants ne sont pas remplacés quand ils s’absentent, même pour plusieurs semaines, ce qui prive les élèves de nombreuses heures de cours, on se demande si on a trop peu d’enseignants ou trop de chercheurs. La question mérite d’être posée d’autant que le rapport précise encore que « les mécanismes institutionnels de soutien à la recherche ont été renforcés ».
Que cherchent les chercheurs ?
On apprend, à la page 12 du rapport susmentionné que « une structure des champs de recherche de la HEP a été réalisée avec la création de pôles d’excellence sous la forme de laboratoires ». Le rapport en énonce six, parmi lesquels le « laboratoire international de recherche sur l’éducation en vue du développement durable », un « laboratoire lausannois lesson study (3LS) » et un laboratoire appelé « FabLab », tous deux assez mystérieux pour les non-initiés. Qu’y recherche-t-on exactement ? On espère que les députés qui ont étudié ce rapport ont posé les bonnes questions et en ont écouté et compris les réponses.
Des laboratoires et des recherches appliquées vraiment utiles ?
Certes, les trois autres laboratoires concernent plus spécifiquement des problèmes d’enseignement (plurilinguisme, accrochage scolaire, inclusion scolaire), mais en connaîtra-t-on jamais les véritables conclusions au cas où elles seraient défavorables à la mode et aux convictions actuelles ? Je pense notamment aux recherches relatives à l’inclusion, c’est-à-dire au développement des classes uniques pour tous les élèves avec ou sans situation de handicap. Les enseignants qui vivent ces nouveautés et que j’ai eu l’occasion d’interpeller à ce sujet constatent, pour l’instant en tous les cas, que l’inclusion est défavorable aux élèves de toutes catégories, qui ne reçoivent pas l’enseignement dont ils ont réellement besoin, parce que les enseignants n’arrivent pas à satisfaire simultanément ces besoins extrêmement différents. Ou alors l’inclusion serait-elle la préparation déguisée à la voie unique refusée par les citoyens ?
Souhaitons une fois encore que les députés ouvrent l’œil et fassent preuve de curiosité. L’avenir de la société, donc de tous nos enfants et petits-enfants, en dépend. La recherche appliquée n’est pas une fin en soi.