Union civile ou partenariat enregistré ?
Le Pape s’est prononcé en faveur de l’union civile entre personnes de même sexe. Ceci équivaudrait, en gros, à notre partenariat enregistré et à l’esprit qui prévalait quand on l’a introduit en droit suisse, à savoir : éviter toute confusion avec le mariage.
Pour l’Eglise catholique, le mariage est un sacrement. Ce n’est pas le cas pour les protestants. Mais pour les uns comme pour les autres, comme d’ailleurs aussi pour des générations d’êtres humains indépendamment de toute référence religieuse, le mariage est une institution en rapport avec la filiation, c’est-à-dire avec la descendance par le sang. La filiation, ce n’est pas la parentalité. La première est une continuation naturelle de l’espèce. La seconde est une manifestation d’affection protectrice envers un enfant existant. Il arrive que les deux notions coïncident et c’est évidemment ce que l’on souhaite pour tout enfant. Mais la seule affection (appelée aujourd’hui parentalité d’intention) n’a jamais suffi à la conception ni assuré la descendance.
L’union civile (comme le partenariat enregistré) ne concerne que deux personnes
Deux personnes adultes de même sexe peuvent décider de faire ménage commun et souhaiter conclure un contrat présumé durable dont découlent des garanties plus ou moins automatiques financières (entretien, succession, logement, assurances, éventuellement fiscalité), sociales (reconnaissance de leur union par la société), personnelles (fidélité réciproque, entraide). C’est ce que permet le partenariat enregistré en Suisse (peut-être encore à améliorer sur certains de ces points, ce n’est nullement exclu), ce que permettrait sans doute ou devrait assurer une « union civile ». On pourrait concevoir qu’une telle union – comme on pourrait aussi le concevoir pour le partenariat enregistré – soit proposée aussi bien aux couples de même sexe qu’aux couples hétéro-sexuels (= actuellement concubins), qui ne veulent pas se marier pour quelque raison que ce soit, mais réclament depuis des années une protection automatique pour leur couple. Cela équivaudrait à un contrat de ménage commun très étendu, avec effets réflexes prévus par la loi, qu’on appelle ce contrat union civile ou partenariat enregistré.
La spécificité du mariage, c’est le lien avec la filiation (à ne pas confondre avec la parentalité)
Pendant des siècles et actuellement encore dans bien des civilisations, le mariage n’a pas été du tout une question d’amour et le droit ne s’est d’ailleurs guère préoccupé du sentiment en matière de mariage. La raison d’être de l’institution, c’était la survie de la famille (de sang), de la race, de la société. Il était important en outre que l’on connaisse le père et la mère de l’enfant, pour des motifs variés, ce que le mariage facilite. Avec le développement du respect de l’enfant (et des moyens scientifiques de déterminer sa famille de sang) dans nos sociétés occidentales, il est également apparu que l’enfant avait le droit absolu de connaître son père et sa mère et si possible de vivre avec eux, dans un cadre stable. Le mariage, dans l’idéal, concrétise la garantie de ce droit de l’enfant. En revanche, à aucun moment le mariage ne concrétise le droit d’avoir un enfant (= droit à l’enfant), même si le développement de la procréation médicalement assistée avec don de sperme, telle qu’elle existe en Suisse, peut le faire croire. Le don de sperme réservé en Suisse à un couple marié n’a pas été pensé par le législateur comme la concrétisation d’un droit à avoir un enfant, mais comme le dernier remède encas de stérilité ou de risque de transmission d’une maladie (voir l’article 5 de la loi). L’exigence d’un couple marié doit servir le bien de l’enfant (« La procréation médicalement assistée est subordonnée au bien de l’enfant, art. 3 al. 1er ; c’est nous qui avons mis en gras).
Les défenseurs les plus acharnés du mariage pour tous revendiquent le droit à l’enfant par le biais du mariage
Certains milieux – toutes tendances sexuelles confondues – réclament le mariage pour tous au nom d’un droit pour tous à l’enfant (maints articles de presse – que j’ai déjà cités dans ce blog à plusieurs reprises – et maintes déclarations publiques le rappellent). Ces milieux assimilent donc le mariage à une institution conférant de par la loi un droit à l’enfant. C’est une déviation de l’institution, une consécration de la « chosification » de l’enfant. Celui qui prétend avoir droit à un enfant réduit ce dernier à un objet (forme d’esclavage), voire à un cobaye (test pour voir s’il souffre réellement dans sa vie de n’avoir pas de père ou deux pères ou pas de mère ou bien deux ou trois mères, le tout sans interruption possible de l’expérience). La tendance mondiale va certes dans ce sens avec le trafic juteux des dons de sperme, d’ovules et l’exploitation des mères porteuses. Une société est responsable du niveau de “chosification » de ses membres.
La première protection contre la « chosification » des enfants est le langage
Ce ne sont pas les féministes qui vont me contredire. Or sur le sujet du langage, nous touchons au problème du « mariage pour tous ».
Union hétérosexuelle par excellence depuis des lustres, le mariage devrait brusquement devenir une union de deux personnes sans genre. Accepter ce changement de contenu d’un mot, équivaudrait à détacher l’institution de sa raison d’être millénaire : protéger la filiation par le sang. Ce n’est parce que la société a cessé – par bonheur – de maudire les enfants et les parents dits « illégitimes » qu’il faut dénaturer le mariage, ni consacrer à travers lui un droit à l’enfant.
Pour respecter le droit des adultes de vivre ensemble comme ils le veulent, on pourrait ouvrir le partenariat enregistré (= union civile) à tous les couples, indépendamment de leur genre sans toucher au mariage
Le mariage, institution officielle et millénaire illustrant symboliquement le droit d’un enfant à avoir un père et une mère connus et dans toute la mesure du possible de vivre avec eux doit rester réservé aux couples hétérosexuels. Puisse le Conseil des Etats qui se penche actuellement sur le sujet pousser sa réflexion un peu plus loin que le Conseil national et avoir présent à l’esprit que le mariage comme tel concerne en fait plus l’avenir des enfants que le présent des adultes !