L’exigence constitutionnelle de la double majorité “peuple et canton” est-elle démodée?

L’égalité entre les cantons est remise en question, par la gauche ou les Verts, quand par hasard un double scrutin constitutionnel permet à une majorité des cantons de bloquer une initiative constitutionnelle acceptée par une faible majorité du peuple suisse.

Tel fut le cas de l’initiative « pour des entreprises responsables » acceptée le 29 novembre 2020 par 50,7 % des citoyens mais refusée par 17 cantons dont 5 « demi-cantons » contre 9 cantons dont un « demi-canton ». Le 30 novembre 2020, le Président des Verts, M. Glättli, déposait une initiative parlementaire demandant que la majorité requise pour le vote des cantons soit portée à 2/3 (= 16 cantons dont 1 « demi-canton »).

Le même jour, dans le Temps, Mme Mazzone écrivait « « Nos Confédérés auraient dû y réfléchir à deux fois avant d’introduire la double majorité, au sortir du Sonderbund ».

L’exigence de la double majorité « peuple et cantons » devrait-elle être « mise à jour » ?

Aucune institution n’est par principe intangible et sa contestation peut être légitime, non parce que les “pères fondateurs” n’avaient pas réfléchi, mais parce que l’environnement s’est peut-être modifié. Les deux principaux changements relevés par M. Glättli seraient l’atténuation des tensions religieuses entre cantons catholiques et protestants par rapport à la fin du 19e siècle mais aussi et surtout l’accroissement du rôle des villes par rapport aux cantons plus campagnards. On constate en effet que, parmi les 9 cantons acceptants, lors du scrutin de novembre 2020, figurent ZH, BE, VD, NE, GE et BS.  Dès lors se poserait la question du poids à accorder aux cantons dont le chef-lieu connaît les problèmes spécifiques des agglomérations.

Toute modification de la constitution fédérale affecte directement les cantons et chacun d’entre eux

L’article premier de la Constitution fédérale énonce le principe suivant : « Le peuple et les cantons (énumération nominative) forment la Confédération suisse ». Les Communes ne sont pas mentionnées. Dès lors, que la modification constitutionnelle étende ou institue une compétence fédérale, qu’elle concerne les droits économiques, sociaux ou individuels, elle va s’imposer aux cantons, réduisant leur compétence ou les obligeant à assurer le respect de charges nouvelles. Aux cantons de veiller à l’application de la Constitution fédérale par leurs communes. C’est du droit cantonal que dépendent les règles générales de police et les premières instances judiciaires qui sont, sous responsabilité cantonale, chargées d’assurer au premier degré, au sein des communes d’un canton, l’ordre et le respect du droit y compris fédéral.

Dans notre Etat fédéral, chaque canton est, comme tel, une personne «juridique »

Chacun des 26 cantons énumérés par la Constitution fédérale est, en tant que tel, constitutif de la Confédération. Six de ces cantons (Obwald et Nidwald, Bâle-Ville et Bâle-Campagne, Appenzell Rhodes Extérieures et Appenzell Rhodes Intérieures) étaient autrefois qualifiés de demi-cantons car ils provenaient de la division des trois cantons d’origine. Ils ne comptaient alors que pour une demi-voix, à la différence des 20 autres cantons qui comptaient chacun pour une voix entière. La constitution révisée de 1998 a doublé la mise pour chaque canton (deux voix) et demi-canton (une voix) car ces « demi-cantons » ne voulaient plus être qualifiés de « demi-  »; ils admettaient, vu leur histoire, de n’avoir qu’une voix et non pas deux comme les 20 autres cantons. La différence du nombre de voix ne tient ni à la taille ni à la richesse, ni au nombre de communes mais simplement à l’histoire ; en outre, la crainte était de déséquilibrer les rapports linguistiques au sein de la Confédération, les six anciens « demi-cantons » étant tous germanophones. Mais cette « mise au goût du jour » n’a rien changé à la nature des cantons. Chaque canton ou ancien « demi-canton » est une entité complète avec les trois fonctions judiciaire, exécutive et législative, avec un territoire et une population. Le vote cantonal est déterminé par le résultat du vote de sa population.  La règle de la majorité simple pour la modification de la constitution fédérale est la même pour toute la population suisse, aussi bien pour déterminer le résultat du vote cantonal que pour déterminer le résultat du vote suisse. Soumettre le vote cantonal à une règle de majorité différente de celle du peuple suisse, signifierait que la population d’un canton n’a pas la même valeur démocratique sur le plan cantonal que sur le plan suisse. On ne peut dissocier un canton de sa population. C’est là le secret de l’équilibre fédéraliste. La règle de la majorité pour le vote fédéral des cantons doit être la même que pour le vote fédéral du peuple, car c’est le vote démocratique du peuple de chaque canton qui donne le résultat du vote cantonal et ce vote populaire ne change pas de valeur au cours du même scrutin. On pourrait parfaitement exiger qu’une modification de la constitution fédérale doive être approuvée par une majorité qualifiée (par exemple des 2/3), du peuple et des cantons au lieu de la majorité simple. Ce qui importe, c’est que les deux  majorités soient calculées de la même manière parce que c’est le peuple de chaque canton qui constitue le peuple suisse.

Information: Le Conseil National a enterré l’initiative parlementaire lundi dernier 30 mai au premier jour de sa session.

Mise au point après un article mal compris

Certaines personnes auraient reproché au Temps d’avoir admis sur un blog mon texte intitulé « Y a-t-il un droit à l’avortement ? » où auraient été écrites des choses fausses par rapport au droit suisse  (qui n’était au demeurant pas l’objet de cette réflexion concentrée sur l’aspect éthique du problème) ; je tiens donc à apporter quelques précisions au sujet du droit suisse afin d’éviter tout malentendu.

Le code pénal suisse actuel

A aucun moment le code pénal suisse actuel n’utilise le terme « avortement ». Il ne traite, aux art. 118, 119, 120, que de “l’interruption de grossesse” et met en titre marginal des articles 118 et 119, sièges de la matière, les termes suivants :                  « Interruption de grossesse punissable » et « interruption de grossesse non punissable».

Liberté de la femme “d’interrompre ou de faire interrompre sa grossesse pendant les 12 semaines suivant les dernières règles”

C’est à l’art.  118 al. 3, intitulé « Interruption de grossesse punissable », que l’on trouve le passage suivant : « La femme qui interrompt sa grossesse, la fait interrompre ou participe à l’interruption d’une quelconque façon après la douzième semaine suivant le début des dernières règles, sans que les conditions fixées à l’art. 119, al.  1er soient remplies, sera punie etc… ». C’est ce passage qui consacre la pleine liberté de la femme d’interrompre une grossesse pendant les 12 semaines suivant le début des dernières règles.

La formulation du code recourt à une tournure sémantique qui tient compte de la charge éthique de la notion d’avortement.

Du 1er janvier 1942, date de l’entrée en vigueur du premier code pénal suisse, au 1er octobre 2002, date de l’entrée en vigueur des articles actuels susmentionnés concernant l’interruption de grossesse, le code pénal suisse distinguait d’une part     « l’avortement » (non défini) « commis par la mère », puni de l’emprisonnement (art. 118)  et “l’avortement” (non défini) “commis par un tiers” , puni de la réclusion (art. 119), et d’autre part « l’interruption non punissable de la grossesse », soumise à des conditions très strictes (art. 120), avec, d’ailleurs, la précision  que, dans ce cas, « il n’y a pas avortement au sens du présent code ».

On mesure bien dans la terminologie choisie, la charge éthique de la notion d’avortement.

La charge éthique du mot « avortement » est également respectée dans le droit actuel où le terme “avortement” a totalement disparu du code et où le législateur ne parle plus que “d’interruption de grossesse”, montrant par là d’ailleurs que sa vraie préoccupation est l’aide à  la détresse éventuelle de la mère.

On peut reprocher au législateur d’avoir atténué la réalité médico-juridique de l’avortement en évitant le terme même et en recourant à une formulation concentrée sur la grossesse, soit sur la mère. Mais on peut affirmer aussi qu’en laissant toute liberté à la mère d’interrompre sa grossesse pendant les douze semaines qui suivent les dernières règles puis en posant certaines conditions à cette interruption après ce délai, le législateur a évité de reconnaître un pur et simple « droit à l’avortement ».

La question éthique du « droit à l’avortement » vaut donc d’être posée avant qu’elle soit peut-être ignorée.

 

 

 

 

Peut-on vraiment parler d’un “droit à l’avortement”?

Je voudrais aborder cette question sans a priori, sans jugement des personnes, sans sexisme, seulement sous un angle éthique fondamental et la lier à une autre question éthique : « y a-t-il un droit à l’euthanasie ? ».

C’est volontairement que je rapproche les deux questions, car toutes deux concernent la mort : l’euthanasie, comme l’avortement, c’est une mise à mort ; le droit à l’euthanasie est le droit de demander et d‘obtenir d’être mis à mort ou le droit de mettre à mort une personne qui le demande ; le droit à l’avortement est le droit de demander la mise à mort de l’enfant futur que l’on porte.

Dans les deux cas, la cause de la demande de mise à mort est le plus souvent une situation de détresse de la personne qui la formule ou qui revendique le droit concerné. Mais cette détresse, si respectable soit-elle, crée-t-elle vraiment un “droit” à une mise à mort ?

A vrai dire, le problème n’est pas tout à fait le même selon qu’il s’agit d’euthanasie ou d’avortement. Dans le premier cas, le suicide permettrait à la personne concernée d’éviter de requérir l’aide d’un tiers. Mais un suicide n’est pas toujours possible, pour de multiples raisons dont, parfois, la crainte d’un échec.

L’avortement, lui, ne peut être pratiqué sans l’aide d’un tiers et d’un tiers professionnel, sauf à se muer en une atroce boucherie.

On peut dire que la personne qui souhaite être euthanasiée « dispose de son propre corps », mais le problème, c’est qu’elle réclame d’autrui l’accomplissement de sa mise à mort. Si le droit de pratiquer l’euthanasie est revendiqué par un tiers, c’est-alors du droit de tuer à la demande qu’il s’agit. L’Etat ne peut entériner ni un “droit” à être mis à mort sur demande, ni un “droit” de mettre à mort sur demande. Il doit veiller au respect du “droit” à la vie et dans ce sens, notre droit pénal qui ne punit l’assistance au suicide que s’il y a un mobile égoïste paraît très équilibré.

En cas d’avortement, la question est beaucoup plus complexe, puisqu’il ne s’agit pas seulement de disposer de son propre corps mais aussi de disposer en même temps de la vie d’une 2e corps, grandissant en soi. Il ne peut pas y avoir de “droit” à l‘avortement parce que nul n’a un droit individuel absolu de vie et de mort sur un tiers ; en revanche, il y a bien une double responsabilité de l’Etat d’assurer la protection de la santé, éventuellement de la vie de la mère et de l’enfant à naître. Un avortement sera toujours le résultat d’une sorte de pesée d’intérêts. Il est donc normal que le législateur y pose des conditions. Celles-ci seront plus ou moins strictes selon la culture ambiante et doivent être cherchées dans le respect et de la mère et de l’enfant futur. Mais à aucun moment, dans cette recherche d’une solution, le législateur ne peut reconnaître un « droit à l’avortement » comme tel, car le faisant, il nie le principe même de la valeur de l’être humain.

D’aucuns diront qu’il s’agit juste d’une question de vocabulaire. Je ne le pense pas. Il s’agit d’un problème beaucoup plus profond. La revendication par certains milieux d’un “droit” à l’avortement semble l’indice d’une fuite devant la vérité, d’une peur de la responsabilité. On ne peut pas jouer avec les mots quand ils concernent des valeurs fondamentales.

 

 

“Lâcher” l’OTAN, et vite!

La Finlande et la Suède veulent entrer dans l’OTAN, et vite, par crainte de la Russie.

Les pays européens devraient au contraire lâcher l’OTAN, et vite, puisque les Etats-Unis ont déclaré ouvertement vouloir l’utiliser pour écraser la Russie, en s’aidant d’ailleurs de l’Ukraine. Combien de morts, combien de destructions, combien d’expatriés, quelle durée de la guerre, quels risques pour l’avenir de l’Europe ? Questions sans intérêt. Derrière l’OTAN, avec l’Ukraine, c’est la vengeance américaine.

J’avoue être bouleversée par cette déclaration de guerre totale faite par l’Amérique.

Et dire que, chez nous, d’aucuns semblent souhaiter que nous violions – ou que nous modifiions (petit sursaut démocratique !) – la législation sur l’exportation d’armes de manière à permettre à nos acheteurs européens de fournir « nos » armes à l’Ukraine, donc en fait, à l’OTAN ! Mais réveillez-vous. Cette guerre en Ukraine n’est pas une lutte entre le Mal et le Bien, il s’agit, hélas! d’une violation du droit international par la guerre après de multiples violations du droit international par non application de traités ou d’accords. Quand un des belligérants veut l’écrasement complet de l’autre, la guerre militaire tourne en guerre de religion, c’est-à-dire en guerre du mal contre le mal, guerre de l’orgueil des chefs, sans considération pour les populations. Puisse l’Europe vassalisée ouvrir les yeux, et vite !

L’Europe vassalisée

Jamais l’Europe occidentale n’a été plus faible ! Jamais elle n’a été aussi dépendante des Etats-Unis. Guerre russo-américaine sous couvert de l’OTAN pseudo-européen, aux dépens du peuple ukrainien et peut-être de la population européenne : l’Europe occidentale roule les mécaniques en prenant des sanctions dont l’effet négatif est plus sensible sur son propre territoire qu’en Russie,  se pare d’une bure de « pureté » en insultant le gouvernement russe, viole sa propre liberté de la presse en interdisant des medias russes, ferme ses universités ou sa culture à des étudiants et des artistes russes, bref fait tout ce que lui demande, plus ou moins discrètement, l’Oncle Sam qui rigole sous cape, avec des airs de petit saint. En deux mot, l’Europe s’est rendue définitivement incapable d’avoir la moindre influence positive dans ce triste conflit. Elle contribue juste à jeter de l’huile sur le feu et à accueillir des réfugiés ce qui – indépendamment de la question humanitaire, qui est tout à fait légitime – offre l’avantage de décharger l’Ukraine d’un coût social (sans vraiment, à notre connaissance, partager ce coût avec les Etats-Unis).

Cédant au charme de la propagande du gouvernement ukrainien mais aussi aux propos trompeurs des stratèges américains, l’Europe occidentale a totalement perdu le nord et son attitude moralisante constitue une menace pour sa propre paix. Elle n’est plus qu’un jouet entre les mains de trois puissances : les Etat-Unis, l’Ukraine et la Russie. La Turquie, membre de l’OTAN  mais qui se garde bien de le rappeler, Israël – à qui M. Poutine vient de faire des excuses à cause des propos d’un de ses diplomates – seront peut-être les seuls Etats capables de présider à des accords de paix. L’Europe est morte. Et pendant ce temps, le président ukrainien continue de haranguer sur nos ondes les populations, voire les Parlements des Etats européens afin qu’ils poussent leur pays à aider militairement l’Ukraine, au risque de déclencher une guerre européenne. Et toi, mon pays, tu perds complètement la tête, affolé par le lourd chantage de tes voisins.

Europe occidentale, terre de la culture, de la démocratie, des droits de l’homme, te remettras-tu de cette vassalisation ?