En rapport avec le conflit en Ukraine, la clause de non réexportation de munitions signée par les pays qui ont acheté en son temps des munitions à la Suisse déploie des effets inattendus.
Cette clause touche en fait à la liberté de l’Etat acheteur de décider de sa politique étrangère dans le domaine des munitions
Un Etat indépendant ne saurait soumettre sa politique étrangère à la volonté d’un pays étranger. Et en tous les cas jamais dans une situation d’urgence et de nécessité. Le signataire doit pouvoir invoquer urgence et nécessité pour se libérer de la clause de non-réexportation, lorsqu’ urgence et nécessité rendent une telle clause incompatible avec sa propre politique étrangère.
L’Allemagne, l’Espagne, le Danemark pourraient légitimement invoquer leurs obligations d’urgence en qualité de membres de l’OTAN et de l’Union européenne pour passer outre à leur engagement politico-économique antérieur envers la Suisse.
Il est plus simple de reprocher à la Suisse de ne pas violer ou changer sa loi, avec effet rétroactif, que d’invoquer ses propres obligations à l’égard de ses alliés quand on n’a en réalité pas très envie de réexporter des munitions
L’Allemagne montre la Suisse du doigt en lui reprochant la clause signée et critique notre pays de ne pas violer ou du moins modifier sa loi pour supprimer ladite clause avec effet rétroactif. Cela signifierait modifier la loi avec effet rétroactif dans l’intérêt d’une des parties au conflit russo-ukrainien. Ceci ne serait guère compatible avec la neutralité. Mais l’Allemagne – très réservée sur la question de l’exportation de ses propres armes non suisses, ce qui lui vaut quelques blâmes et critiques de la part de ses alliés – trouve plus confortable de faire peser la responsabilité sur la Suisse, avec un petit chantage à sa renonciation à des achats futurs, que de devoir prendre sa propre décision d’urgence à cause de la pression de ses alliés.
Au jeu de «la patate chaude » en politique, qui gagnera ?
L’Allemagne drapée dans le drapeau européen et dans celui de l’OTAN, brandissant en outre la menace de boycotter à l’avenir le matériel militaire suisse ou bien la Suisse, refusant de supprimer une clause de non-réexportation avec effet rétroactif et dans l’intérêt d’une seule des deux parties à un conflit ?
Il faut beaucoup plus de courage pour être neutre que pour refiler la « patate chaude » à un tiers.
Mais il faut quoi qu’il en soit énormément de diplomatie et de pédagogie pour ne vexer personne ! Or aucune de ces deux formes d’art ne semble avoir présentement l’heur d’être pratiquée !