Petits états d’âme après un dimanche de votations

Moi bon Suisse, moi pas vouloir fâcher l’UE !
A en croire certains spécialistes du monde économique, l’initiative de l’UDC sur la mise en oeuvre du renvoi des criminels étrangers menaçait nos relations avec l’UE, donc l’économie. Il y a fort à parier que cet arguments n’a pas joué un rôle déterminant dans le résultat du vote, d’autant moins que quelques personnages politiques d’Etats européens s’étaient permis de faire des commentaires sur notre Pays avant le vote, voire d’esquisser de discrètes menaces en cas de OUI. Mêlez-vous de ce qui vous regarde !
La campagne de ces dernières semaines a permis de mettre en évidence deux arguments qui ont probablement été décisifs : d’une part, l’initiative bafouait des valeurs qui sont de longue date celles chères à nos mœurs pénales, soit la responsabilité du juge d’éviter qu’une même peine pour une même infraction, ne soit beaucoup plus lourde pour un délinquant que pour un autre, à cause d’effets annexes. D’autre part, elle constituait un véritable abus de droit démocratique dans la mesure où elle violait toutes les règles de la bonne foi en matière d’exécution d’une initiative par le Parlement et bafouait notamment le droit de référendum.
Puisse ce NON ferme avoir coupé les ailes à toute nouvelle tentative future de violation des règles du droit d’initiative et de référendum ! Puisse la loi déjà votée par le Parlement depuis mars 2015 et non attaquée par un référendum dans le délai légal, entrer rapidement en vigueur et prouver que la meilleure protection des victimes réside dans le respect des droits fondamentaux de tous, malfrats compris.

La juste récompense de l’ambiguïté
La réponse ambiguë que donnent le peuple et les cantons à l’initiative PDC « Pour le couple et la famille- Non à la pénalisation du mariage » est le digne reflet de ce texte d’une maladresse inouië. Traitant de deux sujets diamétralement différents, la définition du mariage d’une part, un traitement fiscal des époux d’autre part, cette initiative mettait les citoyens dans l’embarras par son titre même : on pouvait le lire en effet comme suit: « OUI pour le couple et la famille, NON à la pénalisation du mariage. » Hé bien ! Nous y voilà : OUI au couple et à la famille, disent quelque 20 cantons. NON à la pénalisation du mariage répond une courte majorité du peuple. Si jamais résultat d’un vote est impossible à interpréter, c’est celui de ce soir. Heureusement qu’en fin de compte ce canard boîteux est refusé! La prochaine fois, le PDC qui se veut le chantre de la famille ferait bien de respecter l’unité de la matière et d’avoir le courage de dire clairement ce qu’il veut. Pour aujourd’hui, l’ambiguïté a perdu. Si seulement le Parlement avait fait son travail ! Il aurait déclaré le texte nul et on aurait évité des frais comme le souhaite le monde de l’économie qui trouve que le débat démocratique coûte cher !

Les belles promesses rendent les fous joyeux
Est-ce vraiment à cause des promesses de ne jamais tolérer qu’une seule voie dans les deux tubes du Gothard que la majorité des citoyens a accepté la loi sur le transit routier dans la région alpine ? C’est fort douteux ! En effet, les promesses ne durent en général guère plus d’une dizaine d’années. Voir à ce sujet l’adoption par un couple de même sexe dont l’interdiction était une promesse de la loi sur le partenariat enregistré entrée en vigueur en 2007 !…
Ce serait d’ailleurs absurde que de croire à la pérennité d’une promesse politique ou technique, car les choses évoluent et il est normal de devoir parfois les adapter après un certain temps, ce qui, chez nous, exige souvent un nouveau vote. Dans ce sens d’ailleurs, l’initiative des Alpes a sans doute vieilli en plus de vingt ans ! Sans tomber en désuétude, peut-être devrait-elle être révisée…
Donc ce ne sont pas les promesses qui ont valu le OUI de ce jour, mais ce sont probablement simplement le respect du canton du Tessin, la notion de solidarité confédérale, un certain pragmatisme bien helvétique.
Quant à parler d’une victoire de Mme Leuthard, c’est une marque d’ignorance de la collégialité que la Conseillère fédéral a d’ailleurs corrigée lors d’une interview en parlant d’un succès du Conseil fédéral et du Parlement. Mais soyons clairs une fois pour toutes, à la différence du politologue universitaire interrogé sur le sujet : il ne s’agit pas d’une victoire du Conseil fédéral. Les institutions démocratiques étant, chez nous, ce qu’elles sont, un projet de loi du Conseil fédéral ne passe devant le peuple que si le Parlement a bien été d’accord. C’est donc l’avis du Parlement qui est soumis au peuple lors d’un référendum et c’est le Parlement qui est soutenu ou lâché par le résultat du vote. Et l’on ne peut que regretter que nos conseillers fédéraux perdent tellement de temps et d’énergie à défendre devant le peuple des projets qui ne sont plus les leurs. C’est le rôle du Parlement. Le Conseil fédéral devra exécuter la volonté du souverain à l’issue du référendum, point barre. Lorsque, contrairement à ce soir, le vote est contraire à l’opinion qu’il a défendue pendant toute une campagne, les divergences d’avec le peuple sont plus difficiles à supporter. La Démocratie directe ne pratique pas le culte de l’exécutif, à la différence des régimes présidentiels !

L’éclat de rire des terroristes

L’Union européenne est, jusqu’à présent, tombée dans tous les panneaux des terroristes. Elle a ouvert d’abord les bras aux migrants avec la déclaration irresponsable de Mme Merkel. Résultat : un appel d’air qui est à l’origine d’une dégradation des relations au sein de l’UE (fermeture de frontières en violation de Schengen, épuisement de la Grèce à cause de Dublin). Ensuite, elle laisse accuser d’islamophobie ceux de ses membres ou voisins qui prennent des mesures contre les infractions de certains musulmans. Or les accusations d’islamophobie, comme celles de xénophobie accentuent l’importance des extrêmistes et développent le sentiment de culpabilité débilitant des passionnés d’angélisme. L’UE voit la France prendre des mesures d’urgence probablement totalement inutiles, contestées par une grande partie de sa population tant à gauche qu’à droite et affaiblissant la liberté démocratique. L’UE a vu la Belgique paniquer après les attentats du Bataclan au point de mettre Bruxelles en léthargie pendant quelques jours. Bref, le rêve des terroristes qui est de créer le désordre chez l’ennemi est magnifiquement réalisé au sein de l’Union européenne. Mais ce rêve va sans doute être couronné par un moment de bonne humeur quand les terroristes constateront que, pour se prémunir contre eux, l’UE songe à soumettre à surveillance et à punir les honnêtes gens et citoyens qui acquièrent ou possèdent légalement des armes. Elle provoque ainsi des mouvements de colère supplémentaires dans les populations locales. Le désordre interne augmente. J’entends d’ici l’éclat de rire de Daech, si tant est que des terroristes puissent rire !

La «dérive sentimentale», ennemi numéro un de la démocratie

Notre époque est marquée au coin des « sentiments » engendrés ou entretenus par l’image et par tous les moyens technologiques. Ces derniers favorisent les réseaux d’amis ou d’ennemis reliés par « l’amour ou la haine », beaucoup moins souvent par la réflexion. Or la démocratie est un régime de réflexion et de raison. Cela ne signifie pas que les autorités en tant que personnes, les citoyens comme individus doivent être dénués de sentiments, de chaleur humaine, de sensibilité, loin de là. Mais lorsqu’il s’agit du fonctionnement des institutions, de l’exercice du mandat politique, de la recherche du meilleur service du bien commun, la « dérive sentimentale », comme dirait Jean Romain, est catastrophique. C’est la raison pour laquelle, à mon avis, il est toujours dangereux de prévoir une élection de l’exécutif par le peuple. Le culte de la personnalité favorisée par la nécessité du ou des candidats de « se vendre » a pour conséquence que la publicité électorale doit faire appel à ce qui touchera les foules. Cela favorise les promesses impossibles à tenir, les discours tonitruants et vides, les flatteries des plus bas instincts (jalousie, vanité, phobies de toute catégorie). On sait bien que pour être élu il faut toucher les foules et les foules ne pensent pas.

Le problème est un peu différent en ce qui concerne l’élection du législatif dans la mesure où l’élément partisan, donc prioritairement politique, joue un rôle. Théoriquement, cela devrait encourager les partis politiques à élaborer et mettre en valeur un programme raisonné. Malheureusement, le jeu est fréquemment faussé par un programme vide mais gonflé de promesses flattant les mauvais sentiments, parfois par la tendance actuelle, chez nous en tous les cas, de chaque candidat d’une liste, d’essayer de faire une campagne personnelle où l’on retrouve les défauts de la campagne pour un membre de l’exécutif élu par le peuple.

La « dérive sentimentale » fausse également de plus en plus l’exercice de la démocratie directe que représente l’initiative populaire constitutionnelle. Les titres sont fréquemment trompeurs. Deux exemples récents: l’initiative rejetée en 2014, intitulée « Financer l’avortement est une affaire privée – alléger l’assurance maladie en radiant les coûts de l’interruption de grossesse de l’assurance de base ». Le texte de l’initiative elle-même ne concernait que l’assurance de base et ne posait pas du tout la question éthique fondamentale du caractère privé ou non de l’avortement. Or on ne vote pas le titre comme tel, soit le principe du caractère privé ou non du financement de l’avortement, on ne vote que le texte destiné à la constitution. On ne saura donc pas si le résultat négatif du vote concernait le principe éthique ou seulement le problème LAMAL du texte.

Un deuxième exemple est celui de l’initiative soumise au vote le 28 février prochain, intitulée « pour le couple et la famille – non à la pénalisation du mariage » dont le texte pose le problème éthique de la définition du mariage en même temps qu’une question purement fiscale très technique ». Le débat se focalise sur l’aspect fiscal qui est l’un des enjeux principaux que le titre n’exprime absolument pas. Que signifie en soi « la pénalisation du mariage » ? Rien, mais cela touche tous ceux qui tiennent à cette institution. On surfe sur les bons sentiments, on déploie un papier qui ressemble terriblement à un de ces anciens colle-mouches sur lesquels on espère voir s’agglutiner des citoyens au cœur sensible. L’interprétation ultérieure du résultat du vote sera impossible et les plus fanatiques auront beau jeu de crier à la trahison des autorités qui ne « respecteront pas la volonté populaire ». Comment respecter ce que les auteurs mêmes du texte ont rendu trouble ?
Les exemples pourraient être multipliés. C’est un grave sujet d’inquiétude. La « dérive sentimentale » est plus favorable aux systèmes politiques totalitaires qu’à la démocratie.

De la responsabilité des scientifiques et des chercheurs ou le mérite d’Apple

L’affaire qui oppose présentement Apple au FBI concerne, au-delà de la bonne ou de la mauvaise foi éventuelle des protagonistes, une question fondamentale : à quel moment un scientifique ou un chercheur a-t-il la responsabilité de refuser la communication d’une découverte ou la progression d’une recherche parce qu’il craint que les effets négatifs ne soient plus importants que les effets positifs ? C’est le principe de la responsabilité personnelle des chercheurs et des scientifiques, la question éthique fondamentale de la recherche et de la science. Elle s’est posée de manière très claire une première fois lors de la découverte de la bombe atomique. Elle va se poser de plus en plus souvent vu l’accélération des progrès techniques dans maints domaines. A quel moment faut-il interrompre la recherche du développement des drones afin de protéger la sphère privée, l’utilisation des robots, pour ne pas tuer toute humanité dans les relations de travail, les contacts médicaux, les activités sociales? Où doit s’arrêter la recherche génétique pour ne pas anéantir la dignité et l’identité humaines ? Etc…
La question doit être posée et traitée de toute urgence. Elle ne trouvera pas de réponse univoque, c’est certain, mais il convient de tordre le cou à une affirmation entendue très souvent de la part de chercheurs notamment universitaires : « Je n’ai aucune responsabilité dans ma recherche, parce que je travaille pour le progrès, c’est aux politiciens de prendre des mesures pour éviter des dérives dangereuses dans l’utilisation de mes découvertes ».
Il incombe certes à un Etat ou à ses autorités politiques de refuser, en dernière instance, d’utiliser une découverte scientifique dont on peut deviner les effets dangereusement négatifs. Prenons pour exemple la responsabilité de la Suisse de n’autoriser ni le don d’ovules ni les mères porteuses, envers et contre tout, malgré la déviance de plusieurs Etats, afin de lutter contre la chosification de la personne. Mais ce n’est que la phase ultime. La première responsabilité, c’est celle des médecins qui encouragent des patientes à recourir à des solutions interdites ou acceptent de se livrer au petit jeu de la fabrication artificielle d’enfants-choses ou celle des chercheurs en biogénétique qui nient ou feignent d’ignorer les effets négatifs de leurs efforts scientifiques.
Sans le savoir peut-être, et pour des raisons commerciales même éventuellement, Apple vient d’ouvrir un débat qu’il est grand temps d’avoir.

Tabac, alcool, drogue: la politique de la confusion

« Addiction Suisse épingle une politique passive », titre le Temps du 9 février. J’ai une furieuse envie d’écrire : « Addiction suisse, comme d’ailleurs l’Office fédéral de la santé publique et plusieurs organismes officiels qui se préoccupent de lutte contre les addictions sont responsables des échecs, dans la mesure où ils favorisent les confusions et tiennent un double langage ».
Selon eux, « il faut remettre au centre la santé et non la consommation ». En fait, ce qu’il faut d’abord remettre au centre, c’est la distinction entre les produits, parce qu’on ne peut pas lutter de la même manière contre l’addiction au tabac ou à l’alcool et celle à toute autre « drogue ». Ce n’est pas d’abord une question de santé pour celui qui y cède, pour la bonne raison que la plupart des gens se fichent pas mal de leur santé surtout quand ils sont jeunes. Sans cela, il n’y aurait pas de dopage, aucun hors piste, pas de chauffards, pas autant d’adolescents en surpoids etc…. Mais la remarque vaut aussi pour les personnes plus âgées. Non ! La santé n’est pas un argument sérieux. Et le coût de la santé publique encore moins; si ce n’était pas le cas, il y a longtemps déjà que l’on aurait trouvé le moyen d’éviter, par exemple, la surconsommation de médicaments dans les cliniques, les hôpitaux et les EMS et la répétition systématique et souvent inutile de certaines analyses ou autres vérifications impliquant des appareils coûteux.
La toute première confusion causée par certains milieux spécialisés qui prétendent lutter contre les addictions, c’est de parler de « drogues légales » pour l’alcool et le tabac. Quel message envoient-ils aux jeunes qui ne vont pas comprendre pourquoi il y a des « drogues légales », pernicieuses, mais autorisées, et des « drogues illégales »,  pernicieuses aussi, mais alors interdites. Ce combat de la terminologie, d’aucuns – dont je suis – le mènent depuis des années, mais le premier réfractaire absolu, c’était déjà, il y a plus de vingt ans, l’Office fédéral de la santé publique. Il voulait la confusion terminologique entre les trois catégories de substances objets de la dépendance sous prétexte que la cause première était identique : l’addiction.
Que l’addiction à la cigarette et à l’alcool doive être combattue, c’est juste, mais la voie qui y conduit n’est pas la même que celle qui mène à la consommation de cannabis et autres drogues  plus ou moins frelatées. C’est précisément la spécificité de chacune des voies conduisant à l’addiction à l’un ou l’autre des produits qui doit être étudiée pour y adapter les moyens de lutte. En outre, l’addiction peut être liée à une faiblesse de caractère ou à une souffrance dont il est important de connaître la cause pour la soigner ou la supprimer. Mais la faiblesse en question n’aura pas toujours la même cause. Et le moyen de soigner l’addiction qui en découle ne sera pas forcément le même.
A cela s’ajoute que, si l’on fait passer le message à tous les réseaux mafieux liés au cannabis et autres drogues mortifères que ce n’est pas la consommation (donc la production) qui doit être combattue, on créera un appel d’air dont ces assassins ne manqueront pas de tirer le plus grand profit aux dépens de la santé, de la sécurité et de la liberté de tous.

Les nouveaux docteurs Mengele

Cauchemar ou réalité ? Lors d’une journée consacrée au droit de la famille à l’université de Genève, jeudi dernier, a été évoquée l’hypothèse d’un couple de lesbiennes qui, pour être  reconnues “mères d’intention” d’un même enfant, dans un pays atrocement dépravé, feraient implanter dans l’utérus de l’une d’elles un embryon provenant des ovules de l’autre, fécondés par du sperme anonyme.
Que deux femmes puissent être assez malades du fantasme d’enfants pour jouer à ce petit jeu tragiquement malsain, serait d’une tristesse inouïe, mais si un médecin se livrait à un acte aussi monstrueux, il ne serait qu’un nouveau docteur Mengele. C’est d’ailleurs bien à ce même exemple que ressemblent tous ceux qui se prêtent à la fabrication d’enfants avec ovocytes plus ou moins anonymes et mères porteuses, notamment dans le but de satisfaire des « parents d’intention ».
Il est temps de mettre un terme à cette inhumaine déviance. Il est certes toujours arrivé qu’un enfant ne soit pas celui du mari de sa mère, voire du concubin de celle-ci. Mais que l’on cesse de seriner qu’il existe des parents génétiques, d’autres biologiques et des parents d’intention. Ou alors il faudra bientôt chercher des vaccins contre les docteurs Mengele.