Une taxe CO2 sur les billets: pour quoi faire?

L’idée de prélever une taxe CO2 sur les billets d’avion semble faire son chemin. Mais on ne dit pas à quoi elle servira.

En effet, si elle est peu élevée – ce qui semble devoir être le cas – elle ne diminuera pas le nombre des voyages en avion. Si elle est très élevée, elle découragera les personnes ayant de petits moyens et pas les autres, ce qui sera très injuste. On constate d’ailleurs que cette taxe ne joue pas de rôle dans la décision – parfaitement louable et intelligente et au demeurant déjà prise par certains enseignants ou certains directeurs de collèges ou de gymnase – de n’organiser ou ne favoriser que les voyages d’élèves sans recourir à l’avion, la Suisse (et même l’Europe) pouvant être visitée notamment en train.

Si on prélève une taxe sur les billets d’avion, il faut qu’elle serve à quelque chose. Qu’on décide donc d’une affectation, par exemple, la constitution d’un fonds pour diminuer le coût des billets de train en Suisse. Mais d’une manière générale prélever une taxe pour avoir l’air de faire quelque chose, sans qu’elle ait la moindre utilité, qu’on nous pardonne, c’est du fétichisme.

La Suisse est en Europe

Le Temps n’ayant pas publié ma lettre de lecteur en réaction à l’article de M. Michel Barde portant l’intitulé ci-dessus, je la reproduis ici car j’essayais d’y mettre en évidence une erreur souvent commise par ceux qui évoquent les résultats d’un vote exigeant la double majorité du peuple et des cantons : ils ne citent que le résultat du vote du peuple et omettent de mentionner celui des cantons. C’est d‘autant plus regrettable que la portée du double vote est d’un intérêt politique et sociologique considérable, comme le montre magnifiquement M. Jean-Christian Lambelet, professeur honoraire  d’économie à l’Université de Lausanne, dans son livre qui vient de paraître chez Slatkine, «De la démocratie directe en suisse ». L’omission du résultat du vote des cantons, peu respectueuse de nos institutions, est toujours troublante, notamment de la part d’un citoyen suisse. C’est exactement ce qu’a fait M. Michel Barde, dans le Temps, dans son article où il déplorait le résultat du vote de l’EEE en 1992.

Réaction à l’article de M. Michel Barde

Dans son article du Temps du 1e février (p.8, Débats), M. Michel Barde rappelle le rejet, le 6 décembre 1992, par la Suisse, de l’adhésion à l’Espace économique européen. L’auteur précise, avec un point d’exclamation, que ce rejet était dû à 50, 3 % des votants. Pourquoi ne dit-il pas également que cela correspondait au vote de 14 cantons et 4 demi-cantons (forte majorité par rapport aux 20 cantons et 6 demi-cantons) ? La double majorité requise pour la votation d’alors rendait impossible l’acceptation par le peuple seulement. Il n’est pas correct de laisser croire que c’est juste une très, très faible majorité du peuple qui a voté NON alors que le système fédéraliste reflétait un refus politique d’une tout autre importance. On relèvera en outre que la participation était alors de 78,33 %, ce qui rend le résultat cantonal encore plus instructif. Les cantons plus encore que le peuple avaient conscience que l’Union européenne pose à la Suisse un vrai problème institutionnel.

 

 

 

Le chancre de la gratuité

La manifestation féministe prévue pour le 14 juin prochain – ce n’est pas une grève, puisqu’il ne s’agit pas d’un conflit de travail, et ce n’est pas celle « des femmes », car on ne nous a pas demandé notre opinion et, en outre, il paraît que les hommes sont invités à y participer ! –  cette manifestation donc tombera, nous dit la presse, en période d’examens pour les gymnasiens et les étudiants. Voilà qui pose un petit problème : comment choisir entre un examen auquel on échoue car on ne s’y présente pas afin de participer à une manifestation à laquelle on tient et un examen à cause duquel on manque une manifestation à laquelle on tient, étant bien entendu que l’on tient aussi à obtenir un résultat suffisant pour sa maturité, son bachelor ou son master qui sont une clé d’avenir.

La presse toujours nous informe que les autorités compétentes, dans certains cantons, ont invité les directeurs de gymnase et les recteurs des hautes écoles à éviter dans toute la mesure du possible de mettre des examens le 14 juin ! On se simplifiera ainsi la vie car il n’y aura pas de remous ni de risques de recours contre des résultats contestés ce jour-là, comme dans la Broye lors de la manifestation de janvier pour le climat.

 

Surtout que la manifestation du 14 juin ne cause pas de problèmes

On comprend parfaitement les préoccupations des autorités et on regrette que le 14 juin ne tombe pas sur un dimanche. On ne peut toutefois s’empêcher de penser qu’en mettant tout en œuvre pour que les participants à la manifestation n’aient si possible pas à choisir quel risque ils préfèrent prendre, on réduira leur acte à des défilés joyeux de vacanciers. Je m’en réjouis pour eux, mais on aura ôté à la manifestation une grande partie de la portée que ses instigatrices espèrent lui donner. La gratuité supprime la valeur et la maturité du choix.

 

 

Toujours la même erreur.

Les citoyens genevois ont accepté la loi sur la laïcité ! C’est leur droit, mais ce n’était certainement pas une « loi Maudet ». Selon la réponse de M. Maudet au sondage, réponse reproduite par Le Temps en p. 2, « … une majorité du corps électoral continue d’accorder sa confiance à mes projets. J’en veux pour preuve la votation de ce dimanche sur la laïcité qui s’est tout de même soldée dans les urnes par une acceptation à 55 % ».

Comment un homme politique connaisseur des institutions peut-il dire quelque chose d’aussi erroné ?

Peu importe, vu le principe de collégialité, qu’une loi soit initiée par un conseiller d’Etat et son département ou par un autre. Elle ne sera soumise au Parlement que si le collège exécutif est d’accord, donc au nom du Conseil d’Etat, et elle ne sera soumise au référendum que si le Parlement l’a acceptée en vote final après d’éventuels amendements. En deux mots, une loi soumise au vote des citoyens n’est jamais qu’un texte sortant du Parlement.

C’est toujours par ignorance des mécanismes institutionnels et par goût malsain de la personnalisation, avec approbation ou désapprobation finale citoyenne (dans les urnes !), que d’aucuns s’obstinent à donner à une loi le nom du membre de l’exécutif du département duquel elle est sortie à l’origine.

En l’espèce – vu précisément la portée délicate du contenu de la loi dont on ne nous a pas dit quelles modifications elle avait subies au Parlement cantonal, mais vu en outre la problématique particulière liée à la personne de M. Maudet – il n’est apparemment venu à l’idée de personne que le vote portait sur une « loi Maudet » ! Les 55% de OUI n’ont rien à voir avec M. Maudet, les 45 % de NON, non plus.

C’est vraiment triste que même un politicien chevronné puisse commettre une telle erreur !

 

 

Galanterie et politesse du cœur

Dans son excellent article intitulé << Non, ce n’était pas « mieux avant », sauf pour la galanterie >> (Le Temps du 4 février, p. 8), Mme Amanda Castillo relève à juste titre que si notre époque comporte de très nombreux avantages en matière de confort et d’hygiène par rapport au « bon vieux temps », en revanche, côté galanterie, la situation est nettement péjorée. Pour preuve de ce qu’elle avance, l’auteur donne quelques exemples de la vie quotidienne : « une femme enceinte jusqu’aux yeux est contrainte de rester debout dans les transports publics tandis que plusieurs jeunes hommes, enfoncés dans leurs sièges, feignent de ne pas remarquer son état ; une femme se débattant dans les escaliers avec la poussette, sous le regard indifférent du voisin ; une femme obligée d’apostropher un homme qui lui grille la priorité au comptoir d’un magasin ». Or ce qui me frappe, dans ces trois cas, c’est qu’il s’agit moins d’un manque de galanterie que d’une absence de politesse du cœur.

La galanterie est le résultat – fort agréable au demeurant – d’une éducation qu’un certain féminisme agressif s’est efforcé de ridiculiser et de décourager, voire de détruire, au nom d’une égalité mal comprise.

Mais qu’est-ce qui détruit la politesse du cœur, celle qui rend attentif, femme ou homme, à la situation d’autrui, qui fait que l’on cède sa place dans un bus, que l’on donne un coup de main à une personne qui se débat avec un pousse-pousse, ou avec une charge trop lourde, qu’on ne bouscule pas l’autre pour passer avant lui ? Bref, il y a toute une série de petits actes qui n’ont rien à voir avec une galanterie – hélas ! démodée – mais qui sont simplement le reflet d’une attention à l’autre. Le fait même de se retourner avant de fermer ou de laisser se fermer une porte indique que l’on se soucie de la personne qui pourrait être ou est en train d’approcher (ceci dit, il arrive qu’on pèse sur le mauvais bouton et ferme au nez de l’autre la porte d’un ascenseur que l’on voulait garder ouverte !).

Cette politesse du cœur, peut-être est-ce à nous, les « anciens » d’en montrer l’exemple. Elle ne sera jamais démodée, elle n’est pas une question d’âge et peut se révéler contagieuse. Comment assurer cette contagion notamment sur les réseaux sociaux où la violence et la vulgarité verbales semblent avoir anesthésié la politesse du cœur ?