De l’inégalité citoyenne créée par service civil

Dans un petit pays comme le nôtre, on se demande sérieusement à quoi peut bien servir le service civil, en dehors des cas – assez peu nombreux – de vrai conflit de conscience, sinon à créer une inégalité flagrante entre ceux qui font du service militaire et ceux qui accomplissent un service civil. Je n’évoquerai même pas les conditions générales de confort assurées aux civilistes par comparaison avec l’inconfort habituel de la vie militaire, confort qui n’est pas réellement compensé par la durée du service civil. Mais il convient en revanche de se demander quel est le service rendu à la communauté et qui ne pourrait pas l’être par une personne engagée normalement et travaillant pour gagner sa vie. Que vont faire les civilistes dans les écoles, selon la décision récente du Parlement ? Assurer une surveillance permettant d’éviter de poser des caméras dans les préaux ? Expliquer aux enfants pourquoi l’armée est indispensable?
Si l’on peut concevoir à la rigueur l’aide apportée par des civilistes dans des EMS, des hôpitaux ou des prisons, pour autant qu’ils soient formés à accomplir correctement les actes nécessaires et n’occupent pas des places de travail, en revanche, on ne voit pas pourquoi ils seraient affectés, par exemple, pour les juristes, à la rédaction des recours pour des associations de protection de la nature ou des animaux. La Confédération n’a pas pour mission d’offrir à bas prix des employés supplémentaires à des associations privées, fussent-elles d’intérêt public. De quel droit soutiendrait-elle plutôt telle association privée que telle autre ?
En toute franchise, en dehors de travaux de nettoyage des forêts, des pâturages, éventuellement des places de fêtes ou de camping après les gens du voyages ou les romanichels, on peine à trouver une utilité quelconque au service civil. Peut-être un encadrement des réfugiés dans les camps ou centres d’accueil ?
Et surtout, qu’on n’envisage pas de service civil à l’étranger ! On sait la planque que représente, en France, le service civil dans les DOMTOM.
Décidément, dans un petit pays, dont l’armée de milice n’a qu’un rôle défensif, on se demande à quoi peut bien servir le service civil, sinon assurer une immense inégalité entre ceux qui remplissent leurs obligations militaires et ceux qui s’y refusent, sans que l’on exige encore un réel conflit de conscience.

Le 26 décembre 2015

Une irresponsabilité contagieuse

Les fonctionnaires genevois qui, en grève, ont défilé dans les rues de la ville, ont donné un fort mauvais exemple. Non seulement ils ont volé aux citoyens des heures de salaire payé avec leurs impôts, non seulement ils ont failli à leur engagement contractuel, mais ils ont aussi fait croire que tout mouvement de mauvaise humeur pouvait défiler en revendiquant n’importe quoi. On ne peut s’empêcher de penser que cette manifestation de la fonction publique a encouragé indirectement les participants libertaires de la nuit de samedi à dimanche à s’arroger le droit de défiler coûte que coûte. Et quand j’écris « coûte que coûte », c’est à prendre au sens propre vu les dégâts causés. Certes, il semble bien que des groupes de casseurs venus de l’étranger aient été les vrais agents des déprédations. Mais on sait qu’une manifestation – non autorisée à plus forte raison – contient hélas ! aujourd’hui les germes d’une extrême violence.
Selon Le Temps du 18 décembre, les syndicats des fonctionnaires reprocheraient au Gouvernement la réforme de l’imposition des entreprises, source de « pertes massives pour les finances publiques ». Si c’est là une des causes de la grève, alors il y a une manœuvre particulièrement malhonnête. Contre une décision du Parlement et du Gouvernement, il y a probablement le référendum. La grève est une démarche dévoyée.
Un mauvais exemple de plus ! La liberté est menacée par ceux qui en abusent.

Une idée apparemment inutile

Aux nouvelles de ce soir 15 décembre, on apprend que le Conseil national aurait accepté une motion socialiste demandant la suppression de l’exigence de deux témoins lors de la célébration du mariage devant l’officier d’état civil. Voilà qui va faire progresser le Pays !
Vaut-il réellement la peine de mettre en marche la machine législative pour une modification dont l’utilité est totalement nulle ? Certes, la raison d’être des témoins n’a plus le rôle particulier de garantie d’absence de vice du mariage qu’il avait autrefois, et les témoins ne peuvent absolument pas empêcher les mariages de complaisance ni ne l’ont jamais pu. En revanche, ils ajoutent très souvent une note amicale à la cérémonie laïque et contribuent à une certaine solennité de l’acte civil public. En quoi sont-ils gênants ? Vaut-il vraiment la peine de débattre du sujet pour conclure que les témoins, d’obligatoires, deviendront facultatifs, ce qui semble être la décision prise en fin de compte ?

Une motion apparemment inutile peut cacher une manoeuvre
Cette motion est tellement inutile apparemment que nous ne pouvons nous empêcher de nous demander si elle ne cache pas une autre démarche. Le partenariat enregistré entre couples de même sexe exige une cérémonie d’enregistrement devant l’officier d’état civil, mais sans témoins. On sait que le Parlement va débattre prochainement du mariage pour tous. Alors, supprimer les témoins du mariage pour faire déjà disparaître une différence de forme entre la célébration du mariage civil et l’enregistrement du partenariat enregistré, n’est-ce pas simplement préparer les mentalités à supprimer la différence entre le mariage, union hétérosexuelle, et le partenariat enregistré, union de personnes de même sexe ? En outre, sachant combien certaines personnes souhaitent mettre fin au caractère solennel du mariage pour en faire un banal contrat de vie commune, on peut penser que s’attaquer aux témoins est un premier pas dans cette direction. Soyons sur nos gardes !

Le syndrome de Palmyre

L’Etat islamique (EI) autoproclamé veut détruire et anéantir tout ce qui peut évoquer une civilisation ou une culture qu’il déteste. Cela s’est pratiqué de tout temps. La Réforme a détruit des statues de saints, les communistes ont endommagé des églises et des œuvres d’art, la Révolution française aussi. C’est évidemment une manifestation extrême. On pourrait se contenter d’écarter ou d’ignorer ce que l’on n’aime pas. Ce serait moins dommageable tout en relevant du même « syndrome ». Parce que notre civilisation est moins barbare que celle des fous de l’EI c’est ce que se contentent de faire, par exemple chez nous en Suisse, ceux qui prétendent empêcher de mettre une crèche sous un sapin de Noël public, ceux qui ne veulent pas que les écoles enseignent aux enfants des chants traditionnels de Noël, voire parlent de Noël aux élèves. C’est aussi du syndrome de Palmyre que souffrent ceux qui veulent supprimer les croix existant au bord des routes ou sur des montagnes dans certains cantons, voire enlever les crucifix dans des salles de cours ou d’audience de tribunaux, interdire l’interprétation d’une musique ou d’une œuvre théâtrale religieuse, etc…. Manifestation de haine, de vengeance ou de peur, le syndrome de Palmyre a ceci de particulier qu’il détruit sans reconstruire laissant un vide propre à justifier toutes les violences.

Parlementaires et médias, cessez vos petits jeux stupides!

Ce soir, dimanche 6 décembre, à trois jours des élections du Conseil fédéral, les médias salivaient à l’idée qu’il pourrait éventuellement y avoir un psychodrame mercredi prochain sous la coupole. On pourrait, paraît-il, imaginer qu’un des UDC élus ne soit pas un candidat officiel de son parti ; cette supposition permet alors à Tony Brunner de rouler les mécaniques et d’annoncer que, si c’est le cas, l’élu devra refuser son élection ou sera éjecté du parti. On revivrait le cas de Mme Widmer-Schlumpf.
On se rappelle certes qu’à la fin du siècle dernier, M. Francis Matthey, socialiste, non candidat officiel, avait été contraint par son parti de refuser son élection. On ne sait pas de quoi il avait été menacé au cas où il aurait refusé, mais on se doit de constater que certains partis ne sont pas enclins à respecter le vote du Parlement et n’hésitent pas à exercer une pression sur leur élu pour l’obliger à refuser son élection. C’est déplorable parce que cela nuit énormément à la crédibilité du Conseil fédéral et de ce membre-là, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Pays.
En fait, ces petits jeux de « Tu élis qui je veux ou bien je te sabote », où les chefs de partis exercent leur influence et se prennent pour des chefs sioux, sont éminemment nuisibles. On espère que les partis qui prétendent à un ou deux sièges au Conseil fédéral ont assez le sens de leur responsabilité pour présenter des candidats compétents et de valeur ; on espère que si le Parlement élit une personne qui n’est pas officiellement candidate de son parti, il le fait par conviction que cette personne est mieux pour le pays que celle présentée et non pas pour gonfler ses biceps ou humilier un parti. Laissons les ridicules et minables jeux de pouvoir aux pays qui se croient démocratiques et concentrons-nous sur l’intérêt général, dût-on ainsi décevoir les médias !

Le 6 décembre 2015

Une médiatisation de la confusion

La fâcheuse habitude des slogans favorise la confusion des idées.
La première page du Temps de ce jour cite, entre guillemets, une affirmation imputée à Mme le Pen, à savoir : « Le peuple a toujours raison même quand il a tort ». Voilà qui s’appelle confondre une règle d’ordre et une opinion.
La démocratie fonctionne grâce à la règle d’ordre de la majorité des votants. Sans cette règle d’ordre, ne peut régner que l’anarchie ou l’arbitraire. Cette règle d’ordre permet de mettre fin à un moment précis à un « combat d’opinions », sans conteste possible, parce que les chiffres – en dehors de l’erreur de comptage ! – sont des faits objectifs indiscutables.

Le respect de la majorité est une règle d’ordre non pas un jugement de valeur

Afin que l’ordre règne, le résultat majoritaire doit être respecté et mis en oeuvre. Que la majorité ait voté pour telle opinion permet aux autorités qui doivent la mettre en oeuvre de se prévaloir d’une légitimité démocratique, en particulier dans les relations internationales, quand elles cherchent à exécuter le choix sorti des urnes. Mais personne n’a jamais contesté le droit, voire le devoir d’une autorité, qu’elle soit politique ou judiciaire, de chercher l’interprétation d’un texte complexe et l’application de ce dernier de manière conciliable avec l’intérêt et l’esprit de la communauté que cette autorité représente. Si le texte a une portée internationale, cette recherche implique autant d’intelligence diplomatique que de fermeté. La première est une condition de l’efficacité de l’autorité sur le plan international où la « face » (= la susceptibilité nationale ou conventionnelle) importe parfois plus que le résultat ; la seconde s’appuie sur le fonctionnement de la légitimité démocratique, soit le respect du résultat du vote. Personne ne doit s’occuper vraiment de savoir si « le peuple a raison ou tort » pour la pure et simple raison que ce jugement des citoyens peut être insultant ou affaiblissant. Il est insultant s’il sous-entend que les citoyens sont stupides et affaiblissant s’il signifie que les autorités ne sont pas crédibles, c’est-à-dire ne savent pas faire passer leurs messages auprès de leurs administrés.
La démocratie, condition de la liberté, est probablement le régime qui exige le plus de bon sens et de maîtrise de soi de la part de tous les acteurs. Les populistes de gauche comme de droite et ceux qui embouchent leurs trompettes pourraient bien devenir des fossoyeurs de la liberté.