Le pire et le meilleur

A qui lui demandait un jour ce qu’il y avait de pire au monde, Ésope répondit : « La langue » et à qui lui demanda ce qu’il y avait de meilleur, il répondit : « la langue ». Langue de vipère ou paroles divines !

Peut-être que si on lui posait la même question aujourd’hui, Ésope répondrait : « le foot ».

Qu’y a-t-il de plus sympathique que la petite équipe locale d’enfants  qui tapent dans leur ballon, courent de tout leur cœur pour arriver à « shooter », se retournent rouges de fierté vers les braves parents au bord du terrain quand ils ont « mis un but » ?

Qu’y a-t-il de plus dégradant que ces équipes dont on mesure la « valeur marchande globale » comme on mesurerait celle d’un cheptel, et celle individuelle de leurs joueurs comme on marchanderait une bête de race? Que ces excités qui se sautent dessus, font des signes plus ou moins agressifs quand l’un d’entre eux a mis un but ? Que ces chauvins même pas folkloriques et parfois hargneux ?

L’image catastrophique du sport et de la compétition qu’offrent les mondiaux de foot ne peut que stimuler les jalousies, la goinfrerie financière, les rivalités haineuses. On en nourrit les nouvelles  jusqu’à plus soif. Vivement la fin ! Mais que reste-t-il  de l’idéal sportif et de la capacité d’effort et de discipline personnelle qu’il exige ?

Le coût de l’accueil

L’Union Européenne se dispute et se déchire sur la question des requérants d’asile et des réfugiés. Le problème est identique chez nous où les uns se targuent d’être généreux et accusent les autres de pingrerie et de xénophobie. Et si l’on essayait de poser les données du problème sans a priori.

 

Distinguer la générosité individuelle de la responsabilité politique

Qui décide d’embrasser une cause doit être d’accord d’en payer le prix. Si je décide d’accueillir une personne réfugiée, je dois être prête à la loger chez moi ou ailleurs à mes frais, à l’entretenir, à payer éventuellement sa formation, voire les soins médicaux, bref, à assumer pour elle tout ce que je ferais pour un enfant adoptif.  Je dois aussi assumer les adaptations réciproques rendues nécessaires par nos éventuelles différences culturelles. Je ne peux pas simplement me dire que les autres n’auront qu’à prendre le relai si je n’y parviens pas. En un mot, ma générosité, c’est mon problème et c’est à moi d’essayer de le résoudre avec la bonne volonté de mon hôte, naturellement.

Les autorités qui doivent faire face à la question des réfugiés et des requérants d’asile n’assument pas personnellement directement le « coût » de l’accueil. Elles doivent résoudre toutes les questions de logement, d’entretien, de formation scolaire et professionnelle éventuelle, de places de travail ou d’aide sociale, de santé, avec les infrastructures nécessaires construites parfois en hâte sur le domaine public, exploitées par des employés publics, en principe, le tout au moyen des fonds publics fournis par les impôts. Elles doivent en outre assurer la sécurité et la paix publiques en veillant à la cohabitation harmonieuse voire à l’assimilation réciproque des cultures diverses. C’est la quadrature du cercle à partir du moment où la population indigène dont elles assurent en premier lieu la gestion conformément à leur rôle politique n’est pas composée que de saints ayant fait vœu de pauvreté et de service. Il ne serait pas mauvais que certains milieux caritatifs essayent de comprendre le dilemme des autorités mais aussi des populations au lieu seulement de les conspuer.

 

Après le Moyen-Âge et la Renaissance, quelle ère nouvelle ?

Les grandes invasions du début du premier millénaire après Jésus-Christ ont lancé le Moyen-Âge, il y eut la prise de Rome et la chute de l’empire romain d’occident ; la prise de Constantinople et la chute de l’empire romain d’orient ont ouvert la Renaissance. Chaque fois avec beaucoup de souffrances. Comment nommera-t-on l’ère qui suivra la période actuelle de l’arrivée de centaines de milliers de réfugiés et de requérants d’asile et de la chute de l’Europe occidentale ?

 

 

Gardez-vous de vos amis!…

Dimanche soir 17 juin, émission « Temps présent » sur la RTS 1. La journaliste intervieuwe une jeune représentante du groupe des antispécistes genevois. A la question : « <Ne pensez-vous pas que casser des vitrines, c’est aller un peu loin dans la défense et la protection des droits des animaux ?», la pimprenelle répond sans la moindre hésitation : « Les vitrines ont toujours couru ce risque ; les vitrines cassées, ça fait partie du jeu ».

Si j’avais été un animal, je serais partie en tremblant de crainte que l’on puisse m’assimiler à cette race humaine capable de produire des cerveaux aussi limités.

Comme spectatrice de l’émission, j’ai été atterrée. Cette personne avait pourtant l’air d’avoir passé l’âge où l’on tabasse sa poupée pour asseoir son autorité.

Chers Animaux, gardez-vous de certains de vos amis, ils sont plus dangereux que tous vos ennemis, quand ils méprisent et violentent leurs semblables sous prétexte de vous aimer. Rappelez-vous qu’on racontait, autrefois, que certains officiers SS pleuraient d’émotion quand ils voyaient mourir un oisillon tombé du nid !…

 

La Haute Ecole d’art de Genève (HEAD) otage de la mafia de la drogue?

Le Temps de ce 8 juin rapporte (p.8) que « Les propos de M. Fernand Melgar le privent d’un mandat à la HEAD ». Mais quel crime a-t-il donc commis ? Il a dénoncé les dealers de rue lausannois, constaté que ceux-ci n’étaient généralement pas des Européens et aurait affirmé que « Le laisser-faire lausannois frise l’homicide par négligence ».

En général, les alcooliques ne supportent pas qu’on s’en prenne à leur dépendance

Pour que les étudiants s’en prennent – en accord avec un certain enseignant de l’ECAL, avec le directeur d’un Département de la HEAD et avec un cinéaste suisse (tous cités par Le Temps) – avec autant de violence aux propos de M. Melgar, se sentiraient-ils eux-mêmes visés ? Il est évident que les consommateurs ont besoin des dealers. Mais on sait aussi que le cercle vicieux des consommateurs-dealers doit être entretenu par le harponnage de clients par les dealers eux-mêmes. Dans la mesure où les clients futurs pourraient être d’abord des adolescents, la société doit mettre le holà !

Des étudiants immatures incapables de discuter

Le plus frappant dans cette histoire, c’est que les petits artistes en herbe de la HEAD et la direction de l’Ecole se montrent apparemment incapables d’aborder un sujet délicat en se mettant autour d’une table. Comme tous les lâches, ils n’ont d’autre argument que l’intimidation. On pourrait comprendre que l’on n’ait peut-être plus envie d’aller enseigner dans ce tout petit monde.

Pourquoi tant de violence ?

Les opposants à une opinion sont de plus en plus souvent incapables de trouver un autre argument que celui de la violence, de l’intimidation, ou de la grossièreté. Si l’on considère d’une part cette violence verbale, voire physique et les violences sexuelles toujours plus nombreuses, d’autre part l’effrayante augmentation de la consommation des drogues, cocaïne en particulier, on ne peut que se demander pourquoi il n’y a pas d’étude du lien éventuel entre violence et consommation. Pour renforcer la lutte contre les dealers, il serait passionnant, utile et raisonnable de creuser et dénoncer très sérieusement les méfaits catastrophiques de la drogue.

 

 

Le vrai courage

La légitimité de la désobéissance « civile » est un problème philosophique qui remonte haut dans le temps (voir, par exemple, Antigone, de Sophocle). Il y a des cas en effet où un particulier, voire plusieurs personnes, considèrent qu’une interdiction ou une injonction contenues dans une loi sont incompatibles avec leurs valeurs fondamentales, voire avec des valeurs supérieures. C’est alors l’occasion pour ces personnes de manifester leur attachement à ces valeurs en bravant la loi, sachant qu’elles encourront une peine de ce fait.

Il faut du courage pour accomplir un tel acte et son auteur mérite le respect même si on ne partage pas du tout son opinion.

Dans ce sens, les objecteurs de conscience qui, avant l’introduction du service civil, refusaient le service militaire et acceptaient de faire de la prison à cause de leurs convictions philosophiques ou religieuses méritaient le respect.

L’aide aux clandestins français

Des jeunes ont, en France, aidé des clandestins à passer la frontière, violant l’interdiction légale.

Ils l’ont fait au nom d’une solidarité qui leur tient à cœur, sachant qu’ils risquaient d’être punis. Leur vraie générosité ne réside pas dans l’aide apportée (la situation des clandestins en France n’en était pas améliorée) mais dans le risque qu’ils acceptaient de courir personnellement en accordant cette aide interdite. Si on balaie, sous prétexte de solidarité, la loi qu’ils ont enfreinte – même très légèrement – on supprime la générosité de leur acte. On nie leur courage. On sanctionne à leur place ceux qui ont démocratiquement pris des mesures pour tenter de résoudre un réel problème qui préoccupe des milliers de personnes.

Frontière entre liberté d’une minorité et légitimité démocratique

La solidarité invoquée par les jeunes pour violer l’interdiction légale d’aider des clandestins à passer la frontière française est un motif strictement personnel à cause duquel ces jeunes ont pris des risques. C’est précisément à ce principe de solidarité que la loi violée fixait une limite dans le but de protéger la population. En aidant des clandestins contre la loi, les jeunes concernés refusent cette limite et contestent le besoin de protection de la majorité ou le moyen choisi. C’est leur liberté, éventuellement leur grandeur, mais leur opinion personnelle ne l’emporte pas comme telle sur le but de la loi voulue par une majorité.  Leur opinion personnelle peut justifier une atténuation de la peine mais non pas une négation de l’infraction. C’est bien là que réside la frontière entre liberté d’une minorité et légitimité démocratique.