Les “gilets jaunes” ou l’histoire de France répétée

Le 14 juillet 1789, la Bastille était prise par des hommes et des femmes écrasés par les impôts.

Le 10 août 1792, les Tuileries étaient prises d’assaut par des « Sans-culottes » criant leur faim et leur colère.

Le 24 novembre 2018 les Champs Élysées sont occupés par des hommes et des femmes en gilet jaune, criant leur colère d’avoir à peine de quoi se nourrir après avoir payé tous leurs impôts et toutes leurs taxes.

La démocratie n’aurait-elle pas progressé en France ? Ou serait-ce la monarchie qui n’aurait pas évolué ?

L’histoire n’est qu’un perpétuel recommencement – les expériences des générations précédentes ne servant jamais aux suivantes. En réalité, les gilets jaunes sont l’illustration de l’utilité des partis politiques pour qu’un minimum de démocratie puisse fonctionner. A défaut de partis, c’est l’anarchie qui menace, le chef contesté ne sachant pas avec qui conclure un accord afin de rétablir l’ordre, ni même ce qui pourrait satisfaire la majorité des plaignants.  Il peut alors être tenté de recourir à la force ou risque de déclencher de nouvelles révolutions, voire de ruiner le pays en satisfaisant des revendications ponctuelles de manière arbitraire.

Les « gilets jaunes » mettent en évidence la responsabilité des partis politiques organisés, ayant une conception générale du rôle de l’Etat, une vue d’ensemble du bien commun et – ce qui est indispensable – un programme pour atteindre leur but. Lorsqu’un groupement de citoyens réunit des personnes additionnant des intérêts individuels plus ou moins semblables, mais sans la moindre idée de la manière de les satisfaire en tenant compte de l’ensemble de la communauté nationale, la démocratie est en danger.

Nos partis politiques auraient intérêt à étudier de très près le phénomène français pour en tirer une leçon et se recentrer sur leur vraie responsabilité qui est de gérer l’ensemble de la communauté communale, cantonale ou nationale dans laquelle ils occupent des postes. Certes, il est légitime que chaque parti politique cherche à obtenir un maximum de sièges afin de faire triompher sa conception du bien public qu’il considère évidemment comme la meilleure, mais ce n’est jamais pour son bien personnel qu’un citoyen est élu, qu’un parti occupe des sièges. C’est pour accomplir le devoir magnifique sans lequel il n’y a pas de démocratie, c’est-à-dire le meilleur service possible du bien commun.

 

 

 

Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.

5 réponses à “Les “gilets jaunes” ou l’histoire de France répétée

  1. Gilet jaune, bonnet rouge, sans culotte, bonnet blanc, blanc bonnet 🙂

    La France, que j’adore, est toujours précuseure de tendances et, Dieu nous en garde, augure de l’état du monde.
    Et malgré celà, rien ne change, ni dans la France colonisatrice et usurpatrice d’un siège au concert mondial qu’elle ne mérite pas, ni dans le monde.

    Vous avez bien raison d’avertir nos politiques qui filent du mauvais coton.
    Car si la Suisse peut s’enorguellir de succès, c’est en partie par lâcheté de neutralité, mais aussi par une souplesse de vue. Or cette souplesse est fort mise à mal par des pseudos Hodler en tenue de gnomes de Zürich.

    Maintenant, on crie “haro sur le Maudet”. Cet homme a-t-il donc commis une faute si grave, qu’il doive payer pour les autres qui vendent le pays aux hyper-riches?

    Je laisse les blogbusters-lecteurs en juger

    Bien à vous cher Suzette

  2. La notion de « bien commun » est-elle celle qui satisfait le plus grand nombre ? Ou qui permet à l’ensemble d’une population de vivre les uns avec les autres ? L’idéal serait évidemment qu’une décision prise et approuvée démocratiquement réunisse les deux aspects cités du « bien commun ». Je pense aux paysans suisses… Si nous ne craignions pas la perte de notre relative indépendance alimentaire, ni cette « qualité de production suisse » souvent mise en avant, voudrions-nous encore payer des subventions pour soutenir une minorité de la population qui ne participerait plus au « bien commun » ? Nous pourrions alors vivre aisément sans ces semblables encombrants et devenus inutiles. Il resterait peut-être encore alors la notion de solidarité au sens plus large : « Ces personnes veulent vivre ! » Et son opposé : « Nous aussi !.. »
    Les manifestations des gilets jaunes appellent à une solidarité en créant un blocus que dénonce le ministre : « La population française en a assez ! » Mais de quoi cette population en a-t-elle le plus assez ? De ne plus pouvoir circuler normalement pour aller à son travail ? Ou de n’avoir finalement plus les moyens financier pour s’y rendre ? Ou encore plus net, un patron de petite entreprise qui ne parvient plus à assurer le salaire de celui qui réussit à faire malgré tout son trajet ? Je trouve ainsi assez déplorable qu’un homme politique à haute responsabilité jongle de cette manière avec la satisfaction populaire immédiate. Débloquer les routes ne débloquera pas la situation. Sur ce modèle, les partis politiques se servent finalement de la force populaire et du droit démocratique pour en altérer complètement le sens. Il semble que ceux-ci s’efforcent de vendre des solutions comme un quelquonque produit commercial plein de promesses. Pour quel bénéfice et pour qui ?

  3. Vous avez bien résumé la situation telle qu’elle devrait être: en démocratie ce qui compte c’est le bien commun et non pas les avantages individuels. Attention aux dérives messieurs les politiques.

  4. inutile de regarder en France, quand la Suisse est incapable d’endiguer les hausses de primes maladie qui étouffent les plus modestes et les privent de soins élémentaires !
    La paille et la poutre, etc , …

    1. @ M. Hubert Giot.
      Si la France « fait mieux » pour les plus modestes en matière de soins,  comme vous le laisseriez entendre, il ne serait alors pas « inutile de regarder » pour découvrir leurs solutions. Ou est-ce que la paille est trop près de l’oeil ?.. Les cotisations de Caisse maladie sont lourdes en Suisse pour la classe moyenne qui les paye au tarif plein, sans compter la franchise et la participation de 10 %. C’est donc bien les chanceux de cette classe privilégiée qui hésiterons à consulter. Et dans la balance des payements à la caisse des coûts c’est encore la classe moyenne qui soutient les personnes de bas revenu exemptées de participer. En Suisse les plus modestes au bas de l’échelle ont accès sans restrictions aux soins élémentaires, et dans les cas plus sérieux ou graves ils n’entrent pas à l’hôpital par une porte plus petite que les autres, les moyens employés pour les soigner seront l’égal de ce qui est fait pour chacun. Maintenant si la France a pris en compte plus tôt que la Suisse l’assistance active mobile (Service social d’urgence, interventions à domicile préventives au risque de violences familiales, bus médical, et même en efficacité générale le SMUR qui a tardé à exister chez nous), ce pays plein de bonnes idées ne parvient pas à assurer le poids financier de son plan de santé sans cesse compromis. La Suisse plus lente, moins créative, offre une sécurité de santé à chacun qui n’a rien à envier à la France plus « sociale dans l’esprit » mais qui échoue à la mise en oeuvre de ses idéaux. Mais peut-être n’est-ce qu’un simple problème de paille et de poutre qui les empêche de voir plus clair pour espérer une facile solution…

Les commentaires sont clos.