Le pays dont le prince serait un expert

Le Temps du 7 février dernier a rapporté les propos de M. Yves Flückiger, recteur de l’Université de Genève, récemment élu à la tête de « swissuniversities » répondant aux questions de M David Haeberli. Précisons d’entrée de cause que les réponses n’étaient pas mises entre guillemets. Elles sont donc un résumé tel que compris par M. Haeberli.

Il n’en demeure pas moins qu’un passage mérite une attention particulière et engendre quelques inquiétudes. C’est celui qui illustre le bien-fondé du titre de l’article, lui entre guillemets donc imputable à son auteur, à savoir :,

« Je veux remettre l’expertise au centre »

Invité à se prononcer sur les relations entre la Suisse et l’UE et sur l’importance des fonds européens pour la recherche en Suisse, M. Flückiger aurait dit (je cite Le Temps et non pas un mot-à-mot de M. Flückiger, qui n’y figure pas comme tel) : « Il est évident que les investissements suisses isolés disparaîtraient complètement dans la masse…..Mon travail de conviction auprès des parlementaires – je préfère ce terme à celui de lobbyisme – sera de leur faire mesurer l’importance de cette relation. Je suis frappé par la remise en question de la parole des experts ». « Nous devons bien sûr faire notre autocritique. Mais il reste inquiétant d’entendre un politicien dire qu’il n’existe pas de preuve que l’activité humaine influence le réchauffement climatique Je veux donc mener un travail de conviction pour remettre l’expertise au centre du débat » (c’est moi qui ai mis des passages en gras).

Quel lien y a-t-il entre les relations Suisse-UE et la parole des experts climatologues ?

Les relations Suisse-UE (dans l’immédiat, la votation du 17 mai et le problème du contrat-cadre) relèvent de la politique, donc des règles du fonctionnement démocratique, donc du débat et de l’appréciation des autorités politiques. Que la solution retenue en politique doive aussi tenir compte des intérêts des chercheurs – scientifiques –  c’est nécessaire et légitime, mais ce n’est absolument pas le seul critère et il n’y a tout simplement aucune expertise « sacrée » sur ce sujet politique.

La confusion que l’article semble imputer à M. Flückiger est extrêmement inquiétante. ; malheur à la liberté d’opinion dans un pays où le prince serait un expert qui ne tolérerait pas le questionnement des politiciens !

 

 

 

 

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Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.

5 réponses à “Le pays dont le prince serait un expert

  1. Je vois pas vraiment le problème dans ces propos. Je pense qu’il veut souligner le mépris d’une part importante de la classe politique pour la recherche académique.

    Il faut reconnaître que l’UDC ment sciemment sur les conséquences sur la recherche académique. Voici un extrait de 2018 depuis le site de l’UDC:
    “L’utilité des programmes de recherche scientifique UE – Horizon 2020 – est aussi largement surestimée du point de vue suisse. Des chercheurs suisses sont à la tête de la majorité des programmes de recherche importants, notamment grâce à la capacité novatrice de la recherche scientifique helvétique. Ce qui est certain, c’est que les avantages du programme Horizon 2020 ne compensent pas, beaucoup s’en faut, les inconvénients de la libre circulation des personnes. Rappelons également que les universités de pointe souvent citées d’Oxford et de Cambridge ne feront forcément plus partie du programme Horizon 2020 après la réalisation du Brexit.”

    L’auteur de cet extrait ne connait strictement rien au fonctionnement de la recherche académique malheureusement. Et au final je pense que Yves Flückiger veut dénoncer ce genre de propos où on se permet de dire à l’académie ce qui est bon pour elle.

    Cependant je suis d’accord avec l’UDC, “Ce qui est certain, c’est que les avantages du programme Horizon 2020 ne compensent pas, beaucoup s’en faut, les inconvénients de la libre circulation des personnes” et je voterai oui le 17 mai. La libre circulation des personnes favorisent les chercheurs mais elle pénalise les jeunes diplômés.

  2. « Je veux donc mener un travail de conviction pour remettre l’expertise au centre du débat »

    Cette remarque est totalement contradictoire : soit on est dans le domaine de l’expertise qui suppose une certaine objectivité scientifique et / ou un savoir-faire technique, soit on affirme des convictions dont Marc Bonnant a dit qu’elles sont « l’intelligence à l’arrêt ».

    A moins évidemment que l’expertise soit au service d’une cause et, dans ce cas, elle ne remplit plus le rôle, supposé neutre, qui est attendu d’elle par la société.

    Ce qui permet de donner un début d’éclaircissement à l’étonnement de M. Flückiger : « Je suis frappé par la remise en question de la parole des experts ».

  3. « Malheur à la liberté d’opinion dans un pays où le prince serait un expert qui ne tolérerait pas le questionnement des politiciens »

    Et à plus petite échelle, malheur à un journal où ses chefs seraient les représentants d’experts qui souhaiteraient faire taire le questionnement dans la rubrique des blogs.

  4. Le problème des non-experts est qu’ils ne savent pas quels experts sont des vrais experts alors parfois, ils tirent au sort !

    1. Je me réponds à moi-même, parce que ma boutade est ridicule et fausse. Non on ne tire pas un expert au sort, on le choisit pour qu’il dise ce que l’on veut, en espérant éviter toute contradiction.
      Je comprends mal la proposition “remettre l’expertise au centre du débat “. Est-ce (1) remettre au centre le débat d’experts ? ou (2) remettre l’expertise pour remplacer le débat ? Débat – expertise me semblent deux termes souvent antagonistes. Faisant suite à l’expression ” Je veux donc mener un travail de conviction” ce serait plutôt (1) en désirant convaincre par débats d’experts ?
      Je donne ma langue au chat.

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