La «dérive sentimentale», ennemi numéro un de la démocratie

Notre époque est marquée au coin des « sentiments » engendrés ou entretenus par l’image et par tous les moyens technologiques. Ces derniers favorisent les réseaux d’amis ou d’ennemis reliés par « l’amour ou la haine », beaucoup moins souvent par la réflexion. Or la démocratie est un régime de réflexion et de raison. Cela ne signifie pas que les autorités en tant que personnes, les citoyens comme individus doivent être dénués de sentiments, de chaleur humaine, de sensibilité, loin de là. Mais lorsqu’il s’agit du fonctionnement des institutions, de l’exercice du mandat politique, de la recherche du meilleur service du bien commun, la « dérive sentimentale », comme dirait Jean Romain, est catastrophique. C’est la raison pour laquelle, à mon avis, il est toujours dangereux de prévoir une élection de l’exécutif par le peuple. Le culte de la personnalité favorisée par la nécessité du ou des candidats de « se vendre » a pour conséquence que la publicité électorale doit faire appel à ce qui touchera les foules. Cela favorise les promesses impossibles à tenir, les discours tonitruants et vides, les flatteries des plus bas instincts (jalousie, vanité, phobies de toute catégorie). On sait bien que pour être élu il faut toucher les foules et les foules ne pensent pas.

Le problème est un peu différent en ce qui concerne l’élection du législatif dans la mesure où l’élément partisan, donc prioritairement politique, joue un rôle. Théoriquement, cela devrait encourager les partis politiques à élaborer et mettre en valeur un programme raisonné. Malheureusement, le jeu est fréquemment faussé par un programme vide mais gonflé de promesses flattant les mauvais sentiments, parfois par la tendance actuelle, chez nous en tous les cas, de chaque candidat d’une liste, d’essayer de faire une campagne personnelle où l’on retrouve les défauts de la campagne pour un membre de l’exécutif élu par le peuple.

La « dérive sentimentale » fausse également de plus en plus l’exercice de la démocratie directe que représente l’initiative populaire constitutionnelle. Les titres sont fréquemment trompeurs. Deux exemples récents: l’initiative rejetée en 2014, intitulée « Financer l’avortement est une affaire privée – alléger l’assurance maladie en radiant les coûts de l’interruption de grossesse de l’assurance de base ». Le texte de l’initiative elle-même ne concernait que l’assurance de base et ne posait pas du tout la question éthique fondamentale du caractère privé ou non de l’avortement. Or on ne vote pas le titre comme tel, soit le principe du caractère privé ou non du financement de l’avortement, on ne vote que le texte destiné à la constitution. On ne saura donc pas si le résultat négatif du vote concernait le principe éthique ou seulement le problème LAMAL du texte.

Un deuxième exemple est celui de l’initiative soumise au vote le 28 février prochain, intitulée « pour le couple et la famille – non à la pénalisation du mariage » dont le texte pose le problème éthique de la définition du mariage en même temps qu’une question purement fiscale très technique ». Le débat se focalise sur l’aspect fiscal qui est l’un des enjeux principaux que le titre n’exprime absolument pas. Que signifie en soi « la pénalisation du mariage » ? Rien, mais cela touche tous ceux qui tiennent à cette institution. On surfe sur les bons sentiments, on déploie un papier qui ressemble terriblement à un de ces anciens colle-mouches sur lesquels on espère voir s’agglutiner des citoyens au cœur sensible. L’interprétation ultérieure du résultat du vote sera impossible et les plus fanatiques auront beau jeu de crier à la trahison des autorités qui ne « respecteront pas la volonté populaire ». Comment respecter ce que les auteurs mêmes du texte ont rendu trouble ?
Les exemples pourraient être multipliés. C’est un grave sujet d’inquiétude. La « dérive sentimentale » est plus favorable aux systèmes politiques totalitaires qu’à la démocratie.

De la responsabilité des scientifiques et des chercheurs ou le mérite d’Apple

L’affaire qui oppose présentement Apple au FBI concerne, au-delà de la bonne ou de la mauvaise foi éventuelle des protagonistes, une question fondamentale : à quel moment un scientifique ou un chercheur a-t-il la responsabilité de refuser la communication d’une découverte ou la progression d’une recherche parce qu’il craint que les effets négatifs ne soient plus importants que les effets positifs ? C’est le principe de la responsabilité personnelle des chercheurs et des scientifiques, la question éthique fondamentale de la recherche et de la science. Elle s’est posée de manière très claire une première fois lors de la découverte de la bombe atomique. Elle va se poser de plus en plus souvent vu l’accélération des progrès techniques dans maints domaines. A quel moment faut-il interrompre la recherche du développement des drones afin de protéger la sphère privée, l’utilisation des robots, pour ne pas tuer toute humanité dans les relations de travail, les contacts médicaux, les activités sociales? Où doit s’arrêter la recherche génétique pour ne pas anéantir la dignité et l’identité humaines ? Etc…
La question doit être posée et traitée de toute urgence. Elle ne trouvera pas de réponse univoque, c’est certain, mais il convient de tordre le cou à une affirmation entendue très souvent de la part de chercheurs notamment universitaires : « Je n’ai aucune responsabilité dans ma recherche, parce que je travaille pour le progrès, c’est aux politiciens de prendre des mesures pour éviter des dérives dangereuses dans l’utilisation de mes découvertes ».
Il incombe certes à un Etat ou à ses autorités politiques de refuser, en dernière instance, d’utiliser une découverte scientifique dont on peut deviner les effets dangereusement négatifs. Prenons pour exemple la responsabilité de la Suisse de n’autoriser ni le don d’ovules ni les mères porteuses, envers et contre tout, malgré la déviance de plusieurs Etats, afin de lutter contre la chosification de la personne. Mais ce n’est que la phase ultime. La première responsabilité, c’est celle des médecins qui encouragent des patientes à recourir à des solutions interdites ou acceptent de se livrer au petit jeu de la fabrication artificielle d’enfants-choses ou celle des chercheurs en biogénétique qui nient ou feignent d’ignorer les effets négatifs de leurs efforts scientifiques.
Sans le savoir peut-être, et pour des raisons commerciales même éventuellement, Apple vient d’ouvrir un débat qu’il est grand temps d’avoir.

Tabac, alcool, drogue: la politique de la confusion

« Addiction Suisse épingle une politique passive », titre le Temps du 9 février. J’ai une furieuse envie d’écrire : « Addiction suisse, comme d’ailleurs l’Office fédéral de la santé publique et plusieurs organismes officiels qui se préoccupent de lutte contre les addictions sont responsables des échecs, dans la mesure où ils favorisent les confusions et tiennent un double langage ».
Selon eux, « il faut remettre au centre la santé et non la consommation ». En fait, ce qu’il faut d’abord remettre au centre, c’est la distinction entre les produits, parce qu’on ne peut pas lutter de la même manière contre l’addiction au tabac ou à l’alcool et celle à toute autre « drogue ». Ce n’est pas d’abord une question de santé pour celui qui y cède, pour la bonne raison que la plupart des gens se fichent pas mal de leur santé surtout quand ils sont jeunes. Sans cela, il n’y aurait pas de dopage, aucun hors piste, pas de chauffards, pas autant d’adolescents en surpoids etc…. Mais la remarque vaut aussi pour les personnes plus âgées. Non ! La santé n’est pas un argument sérieux. Et le coût de la santé publique encore moins; si ce n’était pas le cas, il y a longtemps déjà que l’on aurait trouvé le moyen d’éviter, par exemple, la surconsommation de médicaments dans les cliniques, les hôpitaux et les EMS et la répétition systématique et souvent inutile de certaines analyses ou autres vérifications impliquant des appareils coûteux.
La toute première confusion causée par certains milieux spécialisés qui prétendent lutter contre les addictions, c’est de parler de « drogues légales » pour l’alcool et le tabac. Quel message envoient-ils aux jeunes qui ne vont pas comprendre pourquoi il y a des « drogues légales », pernicieuses, mais autorisées, et des « drogues illégales »,  pernicieuses aussi, mais alors interdites. Ce combat de la terminologie, d’aucuns – dont je suis – le mènent depuis des années, mais le premier réfractaire absolu, c’était déjà, il y a plus de vingt ans, l’Office fédéral de la santé publique. Il voulait la confusion terminologique entre les trois catégories de substances objets de la dépendance sous prétexte que la cause première était identique : l’addiction.
Que l’addiction à la cigarette et à l’alcool doive être combattue, c’est juste, mais la voie qui y conduit n’est pas la même que celle qui mène à la consommation de cannabis et autres drogues  plus ou moins frelatées. C’est précisément la spécificité de chacune des voies conduisant à l’addiction à l’un ou l’autre des produits qui doit être étudiée pour y adapter les moyens de lutte. En outre, l’addiction peut être liée à une faiblesse de caractère ou à une souffrance dont il est important de connaître la cause pour la soigner ou la supprimer. Mais la faiblesse en question n’aura pas toujours la même cause. Et le moyen de soigner l’addiction qui en découle ne sera pas forcément le même.
A cela s’ajoute que, si l’on fait passer le message à tous les réseaux mafieux liés au cannabis et autres drogues mortifères que ce n’est pas la consommation (donc la production) qui doit être combattue, on créera un appel d’air dont ces assassins ne manqueront pas de tirer le plus grand profit aux dépens de la santé, de la sécurité et de la liberté de tous.

Les nouveaux docteurs Mengele

Cauchemar ou réalité ? Lors d’une journée consacrée au droit de la famille à l’université de Genève, jeudi dernier, a été évoquée l’hypothèse d’un couple de lesbiennes qui, pour être  reconnues “mères d’intention” d’un même enfant, dans un pays atrocement dépravé, feraient implanter dans l’utérus de l’une d’elles un embryon provenant des ovules de l’autre, fécondés par du sperme anonyme.
Que deux femmes puissent être assez malades du fantasme d’enfants pour jouer à ce petit jeu tragiquement malsain, serait d’une tristesse inouïe, mais si un médecin se livrait à un acte aussi monstrueux, il ne serait qu’un nouveau docteur Mengele. C’est d’ailleurs bien à ce même exemple que ressemblent tous ceux qui se prêtent à la fabrication d’enfants avec ovocytes plus ou moins anonymes et mères porteuses, notamment dans le but de satisfaire des « parents d’intention ».
Il est temps de mettre un terme à cette inhumaine déviance. Il est certes toujours arrivé qu’un enfant ne soit pas celui du mari de sa mère, voire du concubin de celle-ci. Mais que l’on cesse de seriner qu’il existe des parents génétiques, d’autres biologiques et des parents d’intention. Ou alors il faudra bientôt chercher des vaccins contre les docteurs Mengele.

Couvrez ce sein…

Fallait-il couvrir les statues et autres œuvres d’art italiennes pour la venue d’un haut dignitaire iranien ?

J’avais envie, spontanément, de répondre un NON énergique, à moins que les autorités occidentales n’exigent, pour se rendre en Iran, qu’aucune femme n’ait le visage couvert.
Et puis je me suis souvenue que, pour Henri IV, « Paris vaut bien une messe ». Comme on n’arrête pas de nous répéter que tout ce qui se passe dans les pays musulmans est une conséquence des croisades chrétiennes, je me suis dit qu’on pouvait sûrement voir dans la position du roi Henri une justification à la conduite de l’Italie. Cependant, tout bien réfléchi, il m’a semblé que la situation n’était pas la même : Henri IV avait abjuré sa confession pour restaurer la paix dans son propre pays. L’Italie n’avait rien à restaurer, c’est l’Iran qui doit restaurer son image en Occident et obtenir la fin des sanctions et la reprise des échanges. Donc ce n’était pas à l’Italie de voiler ses œuvres d’art.

Une fois de plus, nous confondons, en Europe, le respect de l’autre avec la trahison de notre culture. Pourquoi ? Je comprends que l’on ne cherche pas à accueillir un chef musulman dans une boîte de nuit et qu’on évite de le faire assister à un défilé de mode de bikinis. Je trouve normal qu’on ne le régale pas de boudin ni de fricassée de porc. Mais de là à renier des œuvres d’art, il y a un pas qui ne peut conduire qu’au mépris de l’Occident. Sommes-nous des renégats suicidaires ?

Incompréhensible silence

Pourquoi le Conseil fédéral n’a-t-il pas mis en vigueur la loi votée par le Parlement en mars 2015 pour exécuter la première initiative sur le renvoi des étrangers criminels ? Une fois le délai référendaire échu sans avoir été utilisé, le 9 juillet 2015, la loi pouvait être immédiatement mise en vigueur et les citoyens auraient donc pu constater et la bonne volonté des autorités et, éventuellement déjà, les effets « positifs » du texte voté.
Pourquoi donc n’avoir rien fait et pourquoi, dans la campagne actuelle, ne jamais montrer, preuves en main, que la première initiative a bien été mise en œuvre et que seule la mauvaise foi des initiants en retarde les effets ? Je n’ai pas entendu une seule fois, ni lu une référence à la modification pénale votée. On entretient donc l’idée dans la population – pour la plus grande joie des défenseurs de la seconde initiative UDC – que rien n’est prévu, à ce jour, pour sanctionner les étrangers criminels. C’est favoriser et entretenir la méfiance du peuple envers les autorités, alors que tout montre l’abus de la part des initiants.
L’impéritie des partis politiques et des autorités est à l’origine de la votation du 9 février 2014 sur laquelle d’aucuns continuent de pleurnicher. La même incapacité risque bien d’être la cause du succès de l’initiative UDC dite « de mise en œuvre » lors du vote du 28 février prochain. La démarche suicidaire est incompréhensible. Les arguments de droit international et de « discrimination » des délinquants étrangers par rapport aux délinquants suisses, sans cesse avancés pour contrecarrer le fond de cette seconde initiative, ne touchent absolument pas une partie des citoyens convaincus simplement que les autorités n’ont rien fait depuis le 28 novembre 2010 et ne veulent rien faire. Mais de grâce, Mme Somaruga, et vous, parlementaires de la précédente législature, dites donc la vérité s’il n’est pas déjà trop tard. Vous serez sans cela responsables de votre échec devant le peuple et les cantons.

Chers concitoyens, on vous trompe: réagissez

On a souvent entendu les parlementaires se plaindre du nombre des initiatives constitutionnelles fédérales qui leur prennent beaucoup de temps à cause des campagnes de vote. S’ils avaient un soupçon de courage et de lucidité pour déclarer nulles toutes celles qui le sont à l’évidence, ils auraient beaucoup moins de travail et les institutions seraient mieux gardées !
L’initiative de l’UDC, dite « de mise en œuvre », objet de la votation du 28 février prochain, est un exemple de plus de l’impéritie des parlementaires (bon, il y a un nouveau Parlement depuis lors !). Il n’est pas nécessaire d’être exceptionnellement futé pour voir que cette initiative n’est pas constitutionnelle, mais législative. Or le droit fédéral ne connaît pas ce genre d’initiative, autrement dit, elle n’a pas à être soumise au vote. Elle devait être mise au panier sans hésitation par le Parlement. On ne peut tolérer une tricherie quand il s’agit de démocratie, car c’est la pire menace pour les droits politiques. A vrai dire, le Conseil fédéral n’avait pas pris les devants non plus et on ignore si sa Chancellerie avait suggéré la chose ou non.

Le mécanisme de base
Le 28 novembre 2010, peuple et cantons acceptent la première initiative UDC sur le renvoi des étrangers criminels. Cette initiative donne au législateur, soit le Parlement, un délai de cinq ans (donc jusqu’au 28 novembre 2015) pour mettre le texte en œuvre, notamment préciser les infractions pénales, voire les compléter, et édicter les dispositions correspondant à la violation de l’interdiction d’entrer sur le territoire suisse. Elle ne dit pas que les principes généraux du droit pénal et du droit administratif suisse ne sont pas applicables.
Lorsqu’un texte constitutionnel doit être mis en œuvre par le législateur, la loi que ce dernier élabore est, naturellement, sujette au référendum facultatif ; les initiants qui considéreraient que l’initiative n’est pas convenablement exécutée, peuvent donc essayer de récolter les 50’000 signatures nécessaires et soumettre la loi de mise en oeuvre au vote populaire si la récolte aboutit. Ce ping pong des compétences fait partie de l’équilibre des pouvoirs dans une démocratie semi-directe telle que la nôtre.

La double tricherie de l’UDC
A fin 2012 déjà, c’est-à-dire trois ans avant l’expiration du délai constitutionnel, l’UDC, considérant que les autorités ne mettront pas bien en œuvre sa 1ère initiative (présomption gratuite de mauvaise foi !), double le Parlement et dépose son propre projet de loi sous forme d’initiative constitutionnelle fédérale pour laquelle elle se met à récolter des signatures. Autrement dit, l’UDC, parti déjà gouvernemental (certes, en 2012, avec un seul conseiller fédéral, mais ce n’était plus leur « demi-conseiller », mais M. Maurer), viole sa propre première initiative qui laissait cinq ans au Parlement et essaie de se substituer à celui-ci. Pour un parti qui se dit démocratique, c’est un comble ! Et quel exemple pour la jeunesse !

La cécité des autorités fédérales
Le 26 juin 2013, le Conseil fédéral transmet au Parlement un projet de loi d’exécution de la 1ère initiative UDC, qui est discuté aux Chambres selon la procédure législative habituelle. La loi est votée par le Parlement le 20 mars 2015, publiée en vue du référendum le 31 mars 2015, le délai référendaire expire le 9 juillet 2015 sans que le référendum ait été demandé. La loi valablement votée n’est pas encore en vigueur, pourquoi ?
Parce que le même 20 mars 2015, quand elle votait la loi, l’Assemblée fédérale devait se prononcer sur la validité de la 2e initiative UDC, dite « de mise en œuvre », donc sur la validité d’un projet de loi illégal. Les parlementaires avaient tout en main pour refuser de soumettre cette initiative au vote, puisque de contenu législatif ; ils devaient alors rappeler que le referendum est le seul moyen légal de contester la mise en œuvre d’une initiative constitutionnelle par une loi élaborée par le Parlement. La tricherie de l’UDC était sans doute tellement évidente qu’elle a dû crever les yeux et c’est donc une assemblée de non voyants qui a décidé de soumettre l’initiative au vote.

Une manoeuvre qui menace gravement la démocratie
La tricherie de l’UDC est tellement énorme et la cécité de autorités fédérales tellement grave, que seul un gigantesque NON pourra protéger les institutions d’une dérive totalitaire.

Le 22 janvier 2016

Une convention de l’ONU sur l’abolition de la maternité de substitution?

Le 2 février prochain se tiendront à l’Assemblée nationale à Paris, salle Victor Hugo, les assises pour l’abolition universelle de la maternité de substitution. Cette initiative est due presque exclusivement à des groupements de gauche. Il serait regrettable de laisser politiser une question qui est fondamentalement de nature éthique et non pas politique. Voilà un domaine dans lequel la Suisse pourrait prendre une initiative en plein accord avec sa constitution fédérale,  avec sa loi en vigueur autant qu’avec la pratique actuelle du Tribunal fédéral. Pourquoi ne pas proposer à l’ONU une convention sur l’abolition de la maternité de substitution ?

Un programme typiquement onusien

La maternité de substitution est un fléau qui menace de gagner peu à peu du terrain si on ne lui coupe pas les ailes le plus rapidement possible. Certes, certains pays en autorisent la pratique, mais on a d’autres conventions de l’ONU ou signées dans le cadre de l’ONU qui interdisent une pratique quand bien même celle-ci est courante dans certains Etats ; il suffit, hélas, de penser à la torture, à l’esclavage, à la peine de mort, à la discrimination raciale etc… On en conclura peut-être qu’il est inutile de conclure des traités qui ne sont pas signés par certains Etats et, de toute manière, qui sont violés par quelques-uns des signataires. Il n’en demeure pas moins que c’est une manière d’attirer l’attention sur un phénomène grave et de reconnaître l’importance universelle d’une valeur.

La maternité de substitution, une « chosification » de l’enfant et de la femme

Quelle que soit la manière de la pratiquer, avec ou sans don d’ovule et de sperme plus ou moins anonyme, la maternité de substitution est une négation de la dignité et de l’identité de l’enfant et une « marchandisation » de la femme. On commande un enfant à une mère porteuse dont on exploite souvent la misère et on se préoccupe peu de savoir quels liens se tissent entre mère et enfant pendant la grossesse, ni d’en déterminer l’importance dans le développement ultérieur de l’enfant. La « chose vivante » doit être livrée à un certain terme, si possible en parfait état de marche (on sait qu’en Chine, l’enfant dont le sexe ne plaît pas – en général une fille ! – est refusé ! Il devient « chose sans maître » ! Et quid si par hasard il a quelque autre défaut ?)

Une vraie mission pour la Suisse

Le rôle de notre pays à l’ONU doit être de favoriser la reconnaissance et le développement des valeurs universelles. Initier une convention sur l’abolition de la maternité de substitution est une vraie mission humanitaire.

Payer pour ne pas voter?

Le canton de Schaffhouse a, de très longue date, frappé d’une amende (de 10 CHF sauf erreur) ceux de ses citoyens qui «ne votent pas». Il paraît que la conséquence en est un taux de participation quasiment toujours supérieur à 70 %, ce qui n’est nettement pas le cas dans les autres cantons, ni d’ailleurs sur le plan suisse. Fort de cet exemple, un conseiller national PBD viendrait de déposer aux Chambres une initiative demandant que l’on introduise le système de l’amende sur le plan national pour les votations fédérales.

Nous espérons assez de bon sens aux Chambres pour que les Conseillers ne suivent pas cette suggestion. Il ne s’agit pas de critiquer une longue tradition schaffhousoise, mais de se demander s’il se justifie de l’étendre à toute la Suisse, tant il est vrai – disaient les Romains – que «quod licet Jovi non licet bovi». Il nous plaît de placer Jupiter à Schaffhouse !

A la différence des piles «wonder», la démocratie ne s’use que lorsqu’on ne s’en sert pas. Plutôt que de vouloir créer une nouvelle source de « surveillance » et de complications administratives, notre parlementaire PBD devrait se demander pourquoi les citoyens participent si peu au vote et suggérer éventuellement une étude de la question au Fonds National Suisse de la recherche scientifique. Le sujet paraît moins inutile que certains autres largement soutenus financièrement!….

Quelques arguments entendus pour justifier l’abstentionnisme

Qui n’a entendu cette éternelle litanie :
– On vote trop souvent ! (essayez de suggérer une diminution du droit de vote ! Bonne chance !)
– Les sujets sont trop compliqués (et pourtant il vaut mieux ne pas prendre les citoyens pour des crétins !)
– On est mal renseigné sur les sujets à traiter ou on ne connaît pas les candidats (c’est vrai qu’il faut un petit effort parfois pour lire les journaux ou l’explication du Conseil fédéral, pour regarder la TV, pour écourter la radio ou pour aller sur Facebook).
– Les questions sont mal posées (elles reprennent pourtant simplement le titre donné par les initiants à leurs initiatives ou par les parlementaires à leur loi !)
– Il faut mettre un timbre pour renvoyer son enveloppe de vote si on ne va pas soi-même l’apporter au bureau de vote (autrefois, il n’y avait même pas ce choix !)
– De toute façon, « j’ai mieux à faire et la politique, c’est tout combine et compagnie » (évidemment que les citoyens, eux, sont des saints tant qu’ils ne font pas de politique !)

Quelques suggestions de remèdes sans complications administratives

– Ne lancer que des initiatives utiles et réfléchies (les partis représentés au Gouvernement devraient s’abstenir de vérifier l’étendue de leur influence par le biais d’une initiative populaire).
– Oser, au Parlement, déclarer nulles les initiatives qui ne respectent pas l’unité de la forme (par exemple qui sont rétroactives, car c’est le référendum qui a cet effet, pas l’initiative), ou l’unité de la matière (il ne peut y avoir plus d’une question à trancher dans un texte constitutionnel).
– Veiller à la clarté, à la précision et à l’honnêteté des titres des initiatives et des lois.
– Cesser de légiférer au cas par cas ou pour faire parler de soi.
– Expliquer, à l’école, les exigences de la démocratie, qui attend des citoyens qu’ils soient respectueux de leurs devoirs autant que défenseurs de leurs droits et mettre en évidence que l’on n’a que les politiciens que l’on mérite car ils sont issus de la société que l’on constitue !

Aucun besoin d’amendes, pour tout cela !

De l’inégalité citoyenne créée par service civil

Dans un petit pays comme le nôtre, on se demande sérieusement à quoi peut bien servir le service civil, en dehors des cas – assez peu nombreux – de vrai conflit de conscience, sinon à créer une inégalité flagrante entre ceux qui font du service militaire et ceux qui accomplissent un service civil. Je n’évoquerai même pas les conditions générales de confort assurées aux civilistes par comparaison avec l’inconfort habituel de la vie militaire, confort qui n’est pas réellement compensé par la durée du service civil. Mais il convient en revanche de se demander quel est le service rendu à la communauté et qui ne pourrait pas l’être par une personne engagée normalement et travaillant pour gagner sa vie. Que vont faire les civilistes dans les écoles, selon la décision récente du Parlement ? Assurer une surveillance permettant d’éviter de poser des caméras dans les préaux ? Expliquer aux enfants pourquoi l’armée est indispensable?
Si l’on peut concevoir à la rigueur l’aide apportée par des civilistes dans des EMS, des hôpitaux ou des prisons, pour autant qu’ils soient formés à accomplir correctement les actes nécessaires et n’occupent pas des places de travail, en revanche, on ne voit pas pourquoi ils seraient affectés, par exemple, pour les juristes, à la rédaction des recours pour des associations de protection de la nature ou des animaux. La Confédération n’a pas pour mission d’offrir à bas prix des employés supplémentaires à des associations privées, fussent-elles d’intérêt public. De quel droit soutiendrait-elle plutôt telle association privée que telle autre ?
En toute franchise, en dehors de travaux de nettoyage des forêts, des pâturages, éventuellement des places de fêtes ou de camping après les gens du voyages ou les romanichels, on peine à trouver une utilité quelconque au service civil. Peut-être un encadrement des réfugiés dans les camps ou centres d’accueil ?
Et surtout, qu’on n’envisage pas de service civil à l’étranger ! On sait la planque que représente, en France, le service civil dans les DOMTOM.
Décidément, dans un petit pays, dont l’armée de milice n’a qu’un rôle défensif, on se demande à quoi peut bien servir le service civil, sinon assurer une immense inégalité entre ceux qui remplissent leurs obligations militaires et ceux qui s’y refusent, sans que l’on exige encore un réel conflit de conscience.

Le 26 décembre 2015