Heurs et malheurs de la “swissitude”

« Swissitude ». Ce néologisme a été créé avant tout pour ridiculiser les citoyens qui refuseraient de naturaliser une personne étrangère sous le prétexte qu’elle ne serait pas assez assimilée. Le terme est naturellement très médiatisé dans la mesure où il permet de dénigrer des citoyens. Il vient de faire un nouveau tabac grâce au refus d’une petite commune agricole d’Outre-Sarine de naturaliser une candidate qui se bat contre les cloches de vache, au nom du droit au bonheur desdits ruminants.

Nous nous retiendrons d’analyser l’acuité psychologique d’une spécialiste en bonheur animal, mais c’est l’occasion de relever que l’on pourrait qualifier de « suissitude », la règle juridique selon laquelle tout citoyen suisse doit être bourgeois d’une commune et ressortissant d’un canton. Or pour être accepté comme bourgeois d’une commune sans doute vaut-il mieux ne pas en combattre a priori les habitudes ancestrales. Celui qui désire devenir membre d’une association – certes, privée – ne doit pas clamer haut et fort, en posant sa candidature, qu’il entend bien en modifier l’une des traditions séculaires; il s’exposerait ainsi légitimement à être retoqué. Il en va un peu de même pour un candidat à la bourgeoisie communale. Toutefois les motifs de refus doivent être graves, car la bourgeoisie est une condition d’obtention de la nationalité. Certes, rien n’empêche une personne de déménager si elle ne peut supporter les règles de la commune où elle vit et il existe en Suisse, et même dans le canton concerné, des communes sans vaches. Mais cela retarderait la naturalisation et entraînerait des coûts ; et puis surtout, en l’espèce, la candidate à la bourgeoisie ne se bat pas pour elle-même ni pour ceux que le bruit des cloches dérange, mais – selon elle – pour les vaches. Son combat subsistera donc où qu’elle se trouve et pas seulement en Suisse!  De telles personnes ne peuvent évidemment pas être exclues de toute communauté simplement parce qu’elles ont des idées « bizarres ». Mais on comprend qu’une petite commune rurale refuse de la considérer comme l’un des siens. Cela n’a rien à voir avec de la suissitude.

Le 8 janvier 2017

Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.