Le 5 juin sera-t-il un nouveau 9 février?

Le résultat du vote du 9 février  2014 – qui provoque encore constamment les pleurnicheries de certains – était dû en particulier à deux facteurs : d’une part, le texte même de l’initiative ne disait pas réellement l’enjeu des votations, d’autre part, les citoyens entendaient punir les autorités de leur incapacité à voir et admettre les problèmes humains – notamment de dumping salarial – liés à l’abondance de la main d’œuvre étrangère.

La votation du 5 juin prochain relative à l’initiative « en faveur du service public » risque bien de provoquer le même genre de résultat. Pour de très nombreux citoyens, il s’agit, en soutenant cette initiative, de lutter contre la déshumanisation du service postal, de permettre la sauvegarde des bureaux de poste de quartier, d’assurer le passage du facteur à domicile, dans l’exercice de sa fonction sociale essentielle pour des personnes âgées ou solitaires, bref, de sauver ce qui assurait une sorte de précieux lien social et dont la disparition affecte beaucoup de personnes sans que les autorités y prêtent la moindre oreille. Or l’initiative n’assure rien de tout cela. Elle  règle des niveaux de salaires et d’honoraires de collaborateurs dans la parfaite tradition de la jalousie financière, elle exige une transparence des coûts et recettes ainsi que de l’emploi des recettes, elle interdit tout but lucratif et toute subvention croisée ainsi que tout objectif fiscal. Elle utilise un vocabulaire technique dont on ne peut déduire aucune humanisation quelconque et dont les conséquences éventuellement néfastes à une capacité d’adaptation des services publics à l’évolution technique ne déboucheront sur aucune amélioration sociale par exemple de la poste.

Il est encore temps que les autorités reconnaissent publiquement la vraie altération humaine du service public et s’engagent à y chercher des solutions respectueuses des êtres humains si elle veulent éviter un oui massif à une initiative de fausse technique financière qui ne fera probablement que des dégâts.

 

Le 25 avril 2016

Incitation à péché

Pourquoi ne pas l’avouer ? J’ai horreur du principe des amendes d’ordre. Ce sont soit des taxes déguisées, soit  des ventes de droit à l’irresponsabilité, des incitations à péché.

Dans la mesure où certaines collectivités publiques inscrivent le montant supputé des amendes d’ordre à leur budget, elles les considèrent à l’évidence comme des taxes déguisées dont elles espèrent tirer un bon montant. Il est vrai que la surveillance des lieux de stationnement, des moindres petits dépassements de vitesse, sans danger – sinon par la distraction imposée au conducteur qui doit regarder son compteur plutôt que la route en particulier en ville – et autres causes mineures d’amendes d’ordre impliquent un travail administratif, donc du service public individualisé, des frais. Personne ne se soucie de savoir s’il y avait culpabilité ou non (à moins de refuser de payer l’amende et de passer alors à la vitesse pénale). Tant pis, ça rapporte !

Il y a évidemment des amendes d’ordre pour des actes un  peu plus graves. Il s’agit bien alors de payer après usage un droit à l’irresponsabilité. Dans ces cas aussi, le refus de payer fait passer à la « vitesse pénale », ce qui permet éventuellement de découvrir après coup qu’il n’y avait aucune faute, donc aucune raison de payer une amende !

De joyeux drilles de la politique fédérale semblent vouloir inciter le Conseil fédéral à proposer des amendes d’ordre pour « sanctionner » les personnes qui crachent par terre leurs mégots ou leurs chewing gums, jettent négligemment hors poubelles leurs déchets de toutes sortes ; le projet de loi comporterait une incitation à la délation de la part de ceux qui ont assisté à l’acte. C’est vrai que Lausanne notamment est devenue une ville plutôt sale, que les parcs et les lieux de pique-nique sont souvent dans un état de saleté répugnant. Mais plutôt que d’instituer des taxes déguisées avec incitation à la délation afin de  satisfaire aux budgets, ne faudrait-il pas prendre les choses en amont ?

Autrefois, l’école sanctionnait par des notes – des notes ? horresco referens ! – l’ordre et la propreté. C’était une manière de faire comprendre qu’ordre et propreté font partie intégrante de la formation qui conduit à la fin de la scolarité et qu’on ne devient adulte que si on a compris et intégré ce principe qui plonge ses racines dans le respect d’autrui. C’est évidemment très démodé, mais cela ne coûte rien d’essayer et des enseignants intelligents peuvent même en faire un jeu. Joli programme d’enseignement – enfin utile – pour la HEP !

 

Le 18 avril 2016

 

 

 

 

 

Une expérience-bidon

 « Lausanne pourrait tester le revenu de base », nous apprend Le Temps du 14 avril  (treize jours de retard pour les poissons !). Apparemment, 39 conseillers communaux contre 37 auraient soutenu un postulat demandant  « d’étudier la mise en place d’une expérience pilote de revenu de base ». On choisirait pour cela « un échantillon de personnes qui reçoivent déjà des prestations sociales »

Qui peut être assez naïf ou immature pour penser un seul instant qu’un tel système puisse être  « testé » sur un échantillon de personnes  et en particulier sur un échantillon de personnes appartenant toutes à une même catégorie sociale? Tout test aboutira à un résultat faux, parce que les personnes constituant un tel échantillon sont choisies en fonction de paramètres qui ne correspondent pas à la réalité sociale globale ; elles seront en outre plus que probablement motivées à se conduire comme le souhaitent ceux qui les ont choisies, si on les informe de la raison du traitement qu’on leur propose et si on leur demande leur accord (impossible assurément de procéder à une telle expérience sans tenir les cobayes au courant de leur rôle ni solliciter leur consentement ou alors on est en dictature !).

Un régime comme celui du revenu de base inconditionnel ne peut pas être testé. Il implique un changement complet de système financier public, une réorganisation administrative intégrale, une transformation radicale de la société, de l’éducation, de la culture, en conséquence des investissements considérables et une domestication de la pensée.

Puisse le rejet de l’initiative fédérale à l’origine du postulat d’une très faible majorité du conseil communal lausannois être si massif que cela permette en toute légitimité à la Municipalité de la « Grand’ville » de renoncer à une expérience-bidon, mais assurément déjà coûteuse.

 

Le 14 avril 2016

 

Danse du ventre en mai prochain à Dorigny

Les milieux sociaux et juridiques suisses s’excitent au sujet de la gestation pour autrui (mères porteuses) notamment depuis les deux arrêts du Tribunal fédéral rendus l’année dernière  et qualifiant de fraude à la loi l’utilisation à l’étranger, par des citoyens suisses domiciliés en Suisse, de ce mode de procréation pour tourner l’interdiction du droit suisse. Ces deux jugements fédéraux sont, à nos yeux, excellents. Ce n’est pas l’avis de tout le monde. Les 26 et 27 mai prochain, à l’Université de Lausanne, la faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique et celle des sciences sociales et politiques organisent deux jours de colloque public et international sur la question de la gestation pour autrui. Le papillon publicitaire mentionne que « la Suisse a adopté une des lois européennes les plus restrictives » dans le domaine et que « le Tribunal fédéral vient de rendre une jurisprudence restrictive » alors que, « en 2013, la Commission nationale d’éthique a publié… un document… qui remet en question les multiples interdictions actuellement en vigueur ». On devine que le débat auquel participeront des intervenants suisses et étrangers sera animé.

Afin de clarifier d’entrée de cause la situation en cas de gestation pour autrui, nous décrivons ci-dessous les cas dans lesquels il y a recours à une mère porteuse (=, pour nous, un ventre porteur ou un ventre loué) :

  • Ovule plus sperme provenant de donneurs anonymes, embryon implanté dans l’utérus d’une femme qui s’est engagée à remettre l’enfant, à la naissance, à un couple hétéro- ou homosexuel précis en tant que parents exclusifs. Il n’y a aucun lien génétique ni biologique entre le couple et l’enfant. Père et mère génétiques sont  Seul le ventre porteur est connu. C’est un des deux cas jugés par le Tribunal fédéral : le couple acheteur de l’enfant était marié.
  • Ovule provenant d’une donneuse anonyme, sperme d’un homme connu quelconque, embryon implanté dans l’utérus d’une femme qui s’est engagée à remettre l’enfant à la naissance à un couple hétéro- ou homosexuel précis en tant que parents exclusifs. Il n’y a aucun lien génétique ni biologique entre le couple et l’enfant. Le père génétique connu est ignoré, le ventre porteur est connu.
  • Ovule provenant d’une donneuse anonyme, sperme d’un homme connu qui est un des membres d’un couple hétéro- ou homosexuel, embryon implanté dans l’utérus d’une femme qui s’est engagée à remettre l’enfant à la naissance à ce couple en tant que parents exclusifs. Il existe un lien génétique avec un des membres du couple qui est le père génétique, mais aucun lien biologique. La mère génétique est inconnue, le ventre porteur est connu. C’est l’autre cas jugé en Suisse : le couple loueur du ventre était homosexuel.
  • Ovule provenant d’une donneuse connue quelconque, sperme d’un donneur anonyme, embryon implanté dans l’utérus d’une femme dont l’ovule ne provient pas et qui s’est engagée à remettre l’enfant à la naissance à un couple hétéro-ou homosexuel précis en tant que parents exclusifs de l’enfant. Il n’y a aucun lien génétique ni biologique avec les membres du couple, la mère génétique est connue mais ignorée, le ventre porteur est connu, le père génétique est inconnu.
  • Ovule provenant d’une donneuse connue, qui est un des membres d’un couple hétéro- ou homosexuel (lesbiennes), sperme d’un donneur anonyme, embryon implanté dans l’utérus d’une femme qui s’est engagée à remettre l’enfant à la naissance à ce couple en tant que parents exclusifs. Il existe un lien génétique avec un des membres du couple qui est la mère génétique mais non pas biologique, le père génétique et inconnu, le ventre porteur est connu.
  • Ovule provenant d’une donneuse connue qui est un des membres d’un couple de lesbiennes, sperme d’un donneur anonyme ou connu, embryon implanté dans l’utérus de la femme qui vit en partenariat avec la donneuse d’ovule et s’engage à partager avec cette dernière l’enfant qui viendra au monde afin qu’il ait les deux femmes pour parents exclusifs. Il y a un lien génétique avec une des partenaires, un lien biologique avec l’autre (c’est le ventre), le père génétique est, selon les cas, connu mais ignoré ou inconnu.
  • Partenaires homosexuelles dont l’une se fait inséminer par le sperme d’un donneur anonyme ou connu et s’engage à partager avec l’autre, dès la naissance, l’enfant dont elles seront les parents exclusifs. Il y a alors une mère génétique et biologique (mère et ventre), une partenaire sans aucun lien ni génétique ni biologique avec l’enfant mais loueuse du ventre de sa partenaire et un père génétique, selon les cas inconnu ou connu mais ignoré.
  • Ovule et sperme provenant de donneurs connus, un couple hétérosexuel, embryon implanté dans l’utérus d’une femme qui s’engage à remettre à ce couple, dès la naissance, en qualité de parents exclusifs, l’enfant qui provient des ovocytes dudit couple. Dans ce cas seulement, l’enfant est bien génétiquement l’enfant des deux parents, mais il n’est pas l’enfant biologique de sa mère génétique, le ventre porteur est néanmoins connu. C’est évidemment pour l’enfant le cas le moins injuste de tous.

 

La présentation ci-dessus qui tient du herd book des meilleurs cheptels illustre tristement ce que peut représenter le fantasme d’enfant en cas de gestation pour autrui. Que des Etats autorisent ces trafics d’enfants, que des médecins acceptent de se livrer à ces manipulations échappe autant à l’entendement qu’à l’éthique et au respect des droits de l’homme. Mais il est clair qu’une fois l’enfant venu au monde, il faudra chercher le meilleur moyen juridique de lui assurer une protection efficace tout en décourageant et en condamnant sa marchandisation et la danse du ventre porteur. Puisse le colloque lausannois de mai prendre de la hauteur dans le débat et ne pas céder à la tentation du modernisme !

Panamapapers ou la fin de la séparation des pouvoirs

Le journalisme d’investigation joue probablement un rôle important en matière de lanceurs d’alerte. Il peut contribuer à assainir une situation sociale, économique, voire politique, mais à une condition seulement : qu’il ne néglige pas un principe essentiel de la démocratie, la séparation des pouvoirs. Que la police (= la presse d’investigation) mène une enquête, en secret, puis que la population en soit informée, de manière que l’affaire ne puisse pas être discrètement étouffée, que des faits généraux soient rendus publics, c’est sans doute bien. Mais que la même police donne déjà des noms en pâture, en les associant à des probabilités d’actes délictueux, c’est le triomphe de l’arbitraire et cela sent son Robespierre. Quand la police rend la justice elle-même, en se donnant des airs de chevalier blanc, la démocratie a des relents de charnier.

Et qu’on ne vienne pas roucouler en invoquant que l’on a naturellement rappelé le principe de la présomption d’innocence au moment où l’on sous-entendait que telle personne nommée avait accompli les pires exactions. C’est cette présomption d’innocence précisément qui veut qu’on ne rende aucun nom public tant que la culpabilité n’a pas été prouvée, donc tant que la justice ne s’est pas prononcée, en dehors d’un très éventuel flagrant délit. La police enquête, le juge condamne ou acquitte.

Je n’ai aucune sympathie ni pour le blanchiment d’argent, ni pour la fraude, ni pour l’évasion fiscale, ni pour quelque tricherie que ce soit en général, mais les pires régimes politiques sont ceux où la police et la justice sont exercées par les mêmes personnes, par les mêmes autorités ou par les mêmes groupes de pression. Ces régimes-là sont liberticides.

 

Le 8 avril 2016

Une occasion manquée

On apprend aujourd’hui aux nouvelles qu’une école de Bâle-Campagne aurait accepté de dispenser deux adolescents musulmans de serrer la main de leur maîtresse de classe pour la saluer, au nom de la liberté religieuse. La réaction des autorités à cette dispense est très négative, c’est rassurant. Mais ce qui ne l’est pas, c’est le manque de sens pédagogique des enseignants concernés.

L’attitude des deux élèves demandait une réaction ciblée immédiate : un entretien individuel, avec un maître (et pas directement avec une maîtresse), pour expliquer ce que représente une poignée de mains, dans nos valeurs culturelles, de surcroît en regardant la personne dans les yeux. C’était l’occasion rêvée d’aborder avec un adolescent des questions de la vie de tous les jours. De l’aider à sortir peut-être de préjugés, voire d’établir un contact avec ses parents.

Selon le déroulement de l’entretien, on pouvait même concevoir, après cela, une discussion en classe avec la maîtresse au sujet des différentes manières d’exprimer la politesse et le respect d’autrui selon les cultures (tous nos adolescents, même non musulmans, ne sont pas forcément bien élevés !). Il est évident que le refus de serrer la main d’une personne parce que c’est une femme constitue une forme de mépris. Il est donc totalement exclu de l’admettre selon nos valeurs. C’est une  impolitesse à ne pas confondre avec des cultures dans lesquelles on ne touche la main à personne parce que le contact physique doit être évité.

Le véritable sujet de scandale, en l’espèce, ce n’est pas le refus des deux gosses de toucher la main de leur maîtresse, c’est l’incapacité des responsables locaux d’y réagir avec intelligence.

 

L’expérience, c’est comme la brosse à dents, ça ne sert qu’à une personne

Chacun connaît ce charmant dicton, si réaliste. Chacun se rappelle aussi l’expérience malheureuse et frisant le ridicule, faite par nos cousins du bout du lac, lorsqu’ils ont voulu frapper les mendiants d’amendes. Ils n’ont jamais pu les recouvrer, malgré des frais gigantesques de poursuites et de démarches juridiques couronnées d’insuccès auprès des autorités roumaines. Et pourtant, c’est bien ce que réclament l’initiative législative populaire vaudoise comme d’ailleurs le contre-projet du conseil d’Etat concernant tous deux la mendicité.

L’initiative propose de punir celui qui mendie d’une amende de 50 à 100 frs, et celui qui envoie mendier des personnes de moins de 18 ans, ou des personnes dépendantes, ou qui organise la mendicité d’autrui, ou qui mendie accompagné d’une ou de plusieurs personnes mineures ou dépendantes, d’une amende de 500 à 2’000 francs.

Le contre-projet menace d’une amende de 1’000 à 10’000 francs celui qui organise la mendicité d’autrui en vue d’en tirer profit ou qui en tire profit, d’une amende de 2’000 à 10’000 francs, celui qui organise la mendicité ou tire profit de la mendicité de personnes dépendantes ou mineures et enfin d’une amende de 100 à 500 francs celui qui mendie en compagnie d’une ou de plusieurs personnes mineures. En outre,  en cas de récidive, les montants prévus seront doublés.

Le Grand Conseil ne s’est pas encore prononcé.

Il est totalement inadmissible d’exploiter des personnes et à plus forte raison des mineurs en les contraignant à mendier ; malheureusement, en dehors d’une saisie immédiate du « gain » – qui n’est précisément guère possible quand il s’agit des « organisateurs » de la mendicité par autrui – saisie immédiate qui n’est au demeurant prévue ni par les projets de loi vaudoise, ni d’ailleurs par le code pénal suisse, il faut, pour prononcer une amende, un procédure judiciaire. Va-t-on alors embouteiller les tribunaux pour pouvoir prononcer des amendes que l’on sait irrécupérables, et surpeupler les prisons si ces amendes non payées devaient être converties en peine privative de liberté, conversion qui exige aussi une procédure judiciaire ?

Lausanne est devenue, il est vrai, une ville pleine de mendiants. Malheureusement, les projets législatifs mentionnés ci-dessus ne peuvent avoir aucun effet protecteur, car les mendiants, comme les réfugiés, viennent de pays qui les maltraitent. La Roumanie ne respecte nullement ses propres citoyens. L’Union européenne, si prompte à prendre des sanctions contre ses membres quand ils semblent avoir un parti d’extrême droite au pouvoir, observe un silence discret quand la Roumanie, raciste, ostracise une partie de sa propre population tout en vilipendant les milliards reçus pour lui venir en aide.

La seule méthode pour décourager la mendicité, c’est de ne jamais donner d’argent. Mendier perd alors tout intérêt !

Les mesures envisagées tant par l’initiative vaudoise que par le contre-projet ne peuvent que réjouir les exploitants des mendiants, voire le pays dont ils viennent, car elles contribueront à alourdir notre administration, à nous coûter cher et à nous compliquer la vie. Il suffira d’augmenter un peu le nombre de mendiants pour paralyser complètement le système. Peut-on alors avoir une loi que l’on sait inapplicable mais dont on espère un effet d’intimidation ? La solution convainc peu.