Danse du ventre en mai prochain à Dorigny

Les milieux sociaux et juridiques suisses s’excitent au sujet de la gestation pour autrui (mères porteuses) notamment depuis les deux arrêts du Tribunal fédéral rendus l’année dernière  et qualifiant de fraude à la loi l’utilisation à l’étranger, par des citoyens suisses domiciliés en Suisse, de ce mode de procréation pour tourner l’interdiction du droit suisse. Ces deux jugements fédéraux sont, à nos yeux, excellents. Ce n’est pas l’avis de tout le monde. Les 26 et 27 mai prochain, à l’Université de Lausanne, la faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique et celle des sciences sociales et politiques organisent deux jours de colloque public et international sur la question de la gestation pour autrui. Le papillon publicitaire mentionne que « la Suisse a adopté une des lois européennes les plus restrictives » dans le domaine et que « le Tribunal fédéral vient de rendre une jurisprudence restrictive » alors que, « en 2013, la Commission nationale d’éthique a publié… un document… qui remet en question les multiples interdictions actuellement en vigueur ». On devine que le débat auquel participeront des intervenants suisses et étrangers sera animé.

Afin de clarifier d’entrée de cause la situation en cas de gestation pour autrui, nous décrivons ci-dessous les cas dans lesquels il y a recours à une mère porteuse (=, pour nous, un ventre porteur ou un ventre loué) :

  • Ovule plus sperme provenant de donneurs anonymes, embryon implanté dans l’utérus d’une femme qui s’est engagée à remettre l’enfant, à la naissance, à un couple hétéro- ou homosexuel précis en tant que parents exclusifs. Il n’y a aucun lien génétique ni biologique entre le couple et l’enfant. Père et mère génétiques sont  Seul le ventre porteur est connu. C’est un des deux cas jugés par le Tribunal fédéral : le couple acheteur de l’enfant était marié.
  • Ovule provenant d’une donneuse anonyme, sperme d’un homme connu quelconque, embryon implanté dans l’utérus d’une femme qui s’est engagée à remettre l’enfant à la naissance à un couple hétéro- ou homosexuel précis en tant que parents exclusifs. Il n’y a aucun lien génétique ni biologique entre le couple et l’enfant. Le père génétique connu est ignoré, le ventre porteur est connu.
  • Ovule provenant d’une donneuse anonyme, sperme d’un homme connu qui est un des membres d’un couple hétéro- ou homosexuel, embryon implanté dans l’utérus d’une femme qui s’est engagée à remettre l’enfant à la naissance à ce couple en tant que parents exclusifs. Il existe un lien génétique avec un des membres du couple qui est le père génétique, mais aucun lien biologique. La mère génétique est inconnue, le ventre porteur est connu. C’est l’autre cas jugé en Suisse : le couple loueur du ventre était homosexuel.
  • Ovule provenant d’une donneuse connue quelconque, sperme d’un donneur anonyme, embryon implanté dans l’utérus d’une femme dont l’ovule ne provient pas et qui s’est engagée à remettre l’enfant à la naissance à un couple hétéro-ou homosexuel précis en tant que parents exclusifs de l’enfant. Il n’y a aucun lien génétique ni biologique avec les membres du couple, la mère génétique est connue mais ignorée, le ventre porteur est connu, le père génétique est inconnu.
  • Ovule provenant d’une donneuse connue, qui est un des membres d’un couple hétéro- ou homosexuel (lesbiennes), sperme d’un donneur anonyme, embryon implanté dans l’utérus d’une femme qui s’est engagée à remettre l’enfant à la naissance à ce couple en tant que parents exclusifs. Il existe un lien génétique avec un des membres du couple qui est la mère génétique mais non pas biologique, le père génétique et inconnu, le ventre porteur est connu.
  • Ovule provenant d’une donneuse connue qui est un des membres d’un couple de lesbiennes, sperme d’un donneur anonyme ou connu, embryon implanté dans l’utérus de la femme qui vit en partenariat avec la donneuse d’ovule et s’engage à partager avec cette dernière l’enfant qui viendra au monde afin qu’il ait les deux femmes pour parents exclusifs. Il y a un lien génétique avec une des partenaires, un lien biologique avec l’autre (c’est le ventre), le père génétique est, selon les cas, connu mais ignoré ou inconnu.
  • Partenaires homosexuelles dont l’une se fait inséminer par le sperme d’un donneur anonyme ou connu et s’engage à partager avec l’autre, dès la naissance, l’enfant dont elles seront les parents exclusifs. Il y a alors une mère génétique et biologique (mère et ventre), une partenaire sans aucun lien ni génétique ni biologique avec l’enfant mais loueuse du ventre de sa partenaire et un père génétique, selon les cas inconnu ou connu mais ignoré.
  • Ovule et sperme provenant de donneurs connus, un couple hétérosexuel, embryon implanté dans l’utérus d’une femme qui s’engage à remettre à ce couple, dès la naissance, en qualité de parents exclusifs, l’enfant qui provient des ovocytes dudit couple. Dans ce cas seulement, l’enfant est bien génétiquement l’enfant des deux parents, mais il n’est pas l’enfant biologique de sa mère génétique, le ventre porteur est néanmoins connu. C’est évidemment pour l’enfant le cas le moins injuste de tous.

 

La présentation ci-dessus qui tient du herd book des meilleurs cheptels illustre tristement ce que peut représenter le fantasme d’enfant en cas de gestation pour autrui. Que des Etats autorisent ces trafics d’enfants, que des médecins acceptent de se livrer à ces manipulations échappe autant à l’entendement qu’à l’éthique et au respect des droits de l’homme. Mais il est clair qu’une fois l’enfant venu au monde, il faudra chercher le meilleur moyen juridique de lui assurer une protection efficace tout en décourageant et en condamnant sa marchandisation et la danse du ventre porteur. Puisse le colloque lausannois de mai prendre de la hauteur dans le débat et ne pas céder à la tentation du modernisme !

Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.

Une réponse à “Danse du ventre en mai prochain à Dorigny

  1. Le pedigree des prochains enfants objets de ce commerce est bien décrit, dans toute son horreur.
    Bravo pour votre clairvoyance, mais l’évolution en ce domaine est à craindre.

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