Pour le bien de l’enfant, en revenir à l’adoption simple

Le Parlement va se pencher prochainement sur une révision du droit de l’adoption. Cette révision a pour particularité de vouloir se détacher de la fiction selon laquelle l’adoption doit reproduire le plus fidèlement possible le principe de la famille naturelle, avec un père et une mère. Ce principe, consacré en 1976, lors de l’introduction en droit suisse de l’adoption plénière, consacre une rupture complète de l’enfant adoptif d’avec sa famille de sang et exige naturellement un respect aussi strict que possible du secret de l’adoption. Or cela se révèle de moins en moins compatible avec le droit de toute personne de connaître ses origines. En outre, les solutions recherchées aujourd’hui tendent à favoriser les adoptions dites « ouvertes » ou semi-ouvertes », c’est-à-dire permettant le maintien des contacts entre l’enfant adoptif et sa famille de sang. Le Message du Conseil fédéral relatif au nouveau droit de l’adoption y fait expressément référence. Dès lors, la question devrait se poser très sérieusement de réintroduire – avec une adaptation naturellement, en particulier en ce qui concerne la procédure d’adoption – dans le code civil, en lieu et place de l’adoption plénière, l’adoption simple que nous avons connue de 1912 à 1973.
L’adoption simple est caractérisée par le fait que l’enfant, s’il est adopté, devient bien l’enfant de l’adoptant, mais en gardant tous ses liens de filiation et d’alliance avec sa famille de sang. Dès lors, la recherche des origines n’est plus un problème, il n’y a plus de nécessité de secret de l’adoption et il est facile, si nécessaire ou souhaitable, de prévoir d’éventuels maintiens des relations affectives entre le ou les parents de sang et l’enfant adopté. Le bien de l’enfant est ainsi protégé.
Du point de vue économique, le bien de l’enfant est aussi assuré par le fait que, dans le cas de l’adoption simple, le parent adoptif assume tous les devoirs et reçoit tous les droits d’un parent (autorité parentale, garde, entretien, gestion des biens) ; l’enfant et ses descendants deviennent son, voire ses héritiers, mais le parent adoptif n’hérite pas de l’enfant adoptif ni des descendants de ce dernier, ce qui, disons-le, peut supprimer certains problèmes de familles recomposées. La situation est particulièrement heureuse en cas d’adoption de l’enfant de son conjoint ou de son partenaire enregistré.
La fiction de filiation et de famille naturelle de l’adoption plénière est totalement dépassée de nos jours. La seule chose qui importe, c’est la sécurité affective et économique de l’enfant, avec la garantie de ses droits élémentaires par rapport à la connaissance de ses origines voire à l’accès à celles-ci. L’adoption simple – connue du droit français, entre autres – serait une solution idéale et particulièrement moderne.

Le 8 mars

Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.

Une réponse à “Pour le bien de l’enfant, en revenir à l’adoption simple

  1. Chère Mme Sandoz,
    C’est le discours le plus sensé que j’aie lu ces dernières année.Il est inhumain de demander à un enfant de rompre ou d’ignorer les liens qu’il peut avoir avec sa famille de sang dès lors qu’il a passé la moitié de sa vie avec elle. Je me réjouis de ces changements car il est temps que se termine cette mascarade.

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