Payer pour ne pas voter?

Le canton de Schaffhouse a, de très longue date, frappé d’une amende (de 10 CHF sauf erreur) ceux de ses citoyens qui «ne votent pas». Il paraît que la conséquence en est un taux de participation quasiment toujours supérieur à 70 %, ce qui n’est nettement pas le cas dans les autres cantons, ni d’ailleurs sur le plan suisse. Fort de cet exemple, un conseiller national PBD viendrait de déposer aux Chambres une initiative demandant que l’on introduise le système de l’amende sur le plan national pour les votations fédérales.

Nous espérons assez de bon sens aux Chambres pour que les Conseillers ne suivent pas cette suggestion. Il ne s’agit pas de critiquer une longue tradition schaffhousoise, mais de se demander s’il se justifie de l’étendre à toute la Suisse, tant il est vrai – disaient les Romains – que «quod licet Jovi non licet bovi». Il nous plaît de placer Jupiter à Schaffhouse !

A la différence des piles «wonder», la démocratie ne s’use que lorsqu’on ne s’en sert pas. Plutôt que de vouloir créer une nouvelle source de « surveillance » et de complications administratives, notre parlementaire PBD devrait se demander pourquoi les citoyens participent si peu au vote et suggérer éventuellement une étude de la question au Fonds National Suisse de la recherche scientifique. Le sujet paraît moins inutile que certains autres largement soutenus financièrement!….

Quelques arguments entendus pour justifier l’abstentionnisme

Qui n’a entendu cette éternelle litanie :
– On vote trop souvent ! (essayez de suggérer une diminution du droit de vote ! Bonne chance !)
– Les sujets sont trop compliqués (et pourtant il vaut mieux ne pas prendre les citoyens pour des crétins !)
– On est mal renseigné sur les sujets à traiter ou on ne connaît pas les candidats (c’est vrai qu’il faut un petit effort parfois pour lire les journaux ou l’explication du Conseil fédéral, pour regarder la TV, pour écourter la radio ou pour aller sur Facebook).
– Les questions sont mal posées (elles reprennent pourtant simplement le titre donné par les initiants à leurs initiatives ou par les parlementaires à leur loi !)
– Il faut mettre un timbre pour renvoyer son enveloppe de vote si on ne va pas soi-même l’apporter au bureau de vote (autrefois, il n’y avait même pas ce choix !)
– De toute façon, « j’ai mieux à faire et la politique, c’est tout combine et compagnie » (évidemment que les citoyens, eux, sont des saints tant qu’ils ne font pas de politique !)

Quelques suggestions de remèdes sans complications administratives

– Ne lancer que des initiatives utiles et réfléchies (les partis représentés au Gouvernement devraient s’abstenir de vérifier l’étendue de leur influence par le biais d’une initiative populaire).
– Oser, au Parlement, déclarer nulles les initiatives qui ne respectent pas l’unité de la forme (par exemple qui sont rétroactives, car c’est le référendum qui a cet effet, pas l’initiative), ou l’unité de la matière (il ne peut y avoir plus d’une question à trancher dans un texte constitutionnel).
– Veiller à la clarté, à la précision et à l’honnêteté des titres des initiatives et des lois.
– Cesser de légiférer au cas par cas ou pour faire parler de soi.
– Expliquer, à l’école, les exigences de la démocratie, qui attend des citoyens qu’ils soient respectueux de leurs devoirs autant que défenseurs de leurs droits et mettre en évidence que l’on n’a que les politiciens que l’on mérite car ils sont issus de la société que l’on constitue !

Aucun besoin d’amendes, pour tout cela !

Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.

2 réponses à “Payer pour ne pas voter?

  1. Il ne faut pas rendre le vote obligatoire; mais il faudrait surtout que le langage politique des questions soit plus clair et plus fiable….ainsi il y aurait plus de personnes qui voteraient!

  2. Pourquoi la démotivation du citoyen : parce que la seule fois ou un politicien dit la vérité c’est lorsqu’il
    accuse son adversaire de mentir.

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