Un Tessinois vaut-il moins qu’une femme suisse allemande?

L’excitation relative à l’élection d’une conseillère fédérale verte serait du plus haut comique, si elle n’était en réalité révélatrice d’une myopie politique inquiétante.

Supposons un instant que les Verts proposent un choix entre deux candidats, un Tessinois et une Suissesse allemande-déçue-de-sa-non-élection-au-Conseil-des-Etats. Ils seraient alors déchirés – et leurs soutiens aussi – entre un appui à la minorité tessinoise et un appui au sexe déçu. Peut-être que le Parlement pourrait envisager de « troquer » un Tessinois PLR contre un Tessinois Vert.

Mais comme en l’espèce le candidat vert est une candidate, personne ne relève qu’il importe de conserver le conseiller fédéral de la minorité tessinoise – minorité qu’on honorait encore il y a peu – et qu’il faudrait plutôt « troquer » une femme suisse allemande PLR contre une femme Verte également suisse-allemande. Ce serait évidemment hautement dommage, car la « femme » PLR est excellente, mais après tout, pour certains, la « formule magique » est une question d’arithmétique partisane un point c’est tout !

Si vraiment on « troquait » un Tessinois contre une Suissesse allemande, comme le proposent les Verts et les Socialistes, le Conseil fédéral aurait alors 5 membres alémaniques (dont 2 du canton de Berne, avec pour particularité que le même canton vient précisément de ne pas élire l’un d’eux au Conseil des Etats pour le représenter !) et deux membres latins. Pour respecter l’équilibre des cultures (3 latins/ 4 Alémaniques), on pourrait alors songer à « troquer » une PDC haut-valaisanne contre un PDC tessinois. Mais… remplacer une femme par un homme, quelle horreur ! Faut-il alors compter une Haut-Valaisanne comme représentant la Suisse latine ? Il me semble me souvenir qu’il y a quelques années, un candidat fribourgeois germanophone avait été écarté parce que ne représentant pas vraiment les Romands !

On ne peut que s’étonner de constater que, contrairement à ce qui se passait pour l’élection de M. Cassis, personne, aujourd’hui, ne semble attacher d’importance à la présence au Conseil fédéral d’une minorité tessinoise et pourtant le Tessin fait face à des difficultés particulières. A croire qu’un Tessinois vaut nettement moins qu’une Alémanique Verte.

L’égalitarisme, cette déviance contemporaine de l’égalité qui pourrit l’avenir

L’égalitarisme est une notion arithmétique et comptable alors que l’égalité est une valeur éthique et philosophique. Et malheureusement, c’est l’égalitarisme qui piège les foules.

Il n’y a pas pire ennemi de l’égalité que l’égalitarisme. Alors que la première – l’égalité – prend en considération la personne en tant qu’être humain dans sa totalité et s’efforce de valoriser et de respecter les différences qui constituent la richesse des identités, l’égalitarisme veut gommer les différences de fait qu’il ne tolère pas.

J’en ai pris conscience il y a des années déjà au sein d’associations féminines. Un certain nombre de féministes ne supportaient pas les divergences d’opinions entre les femmes. Je me rappelle d’ailleurs cette députée socialiste – dont je tairai le nom car elle est décédée depuis lors -à qui je disais ne pas pouvoir voter pour telle femme dont je ne partageais absolument pas les idées et qui m’a déclaré tout de go : « Vous n’êtes pas une femme ». Cette forme d’égalitarisme primaire est responsable de l’idée longtemps majoritaire chez les hommes selon laquelle il suffirait de nommer une ou deux femmes alibis pour assurer l’égalité, chaque femme les valant toutes !  Pour corriger cet égalitarisme primaire il faut la solution déshonorante des quotas.

On retrouve les méfaits de l’égalitarisme, actuellement, dans l’idée faussement généreuse de la société « inclusive », de l’école « inclusive ». Cette mode nie l’existence de différences de fait entre des personnes, justifiant des prises en charge différentes et adaptées. Il faut beaucoup de maturité pour respecter l’égalité de valeur au-delà des différences de fait. L’égalitarisme qui nie les différences de fait conduit souvent à l’indifférence et à l’injustice et parfois même au mépris.

Mais les pires conséquences actuelles, sans doute, de cette vague égalitariste, découlent de la théorie du genre et de la négation non scientifique des différences de fait hommes/femmes. Cela débouche sur le mariage pour tous, destructeur de la société, et sur sa conséquence déshumanisante, le droit à l’enfant puis à l’enfant sans défaut.

Chacun de nous connaît et a des amis homosexuels qui ne souhaitent pas autre chose que d’être respectés dans leur différence d’orientation sexuelle et d’avoir le droit de vivre librement en couple avec des règles successorales, sociales, financières – ce que peut parfaitement assurer un partenariat enregistré probablement encore un peu complété par le législateur. Mais ils n’osent pas le dire car ils seraient la cible des défenseurs acharnés de la cause et seraient qualifiés de « traitres ».

Il n’est pire ennemi de l’égalité, de la dignité humaine et de la liberté d’opinion que la doctrine de l’égalitarisme.

 

Les entourloupes parlementaires du mariage pour tous

A fin décembre 2013, le groupe parlementaire des verts libéraux a déposé une initiative parlementaire proposant que la constitution fédérale soit modifiée afin de permettre l’extension du mariage aux couples de même sexe. Cette démarche était parfaitement respectueuse des droits des citoyens et des cantons sur une question aussi délicate que l’extension du mariage aux couples de même sexe.

Le premier tour de passe-passe parlementaire

La Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N), saisie de l’initiative parlementaire et désireuse d’éviter la  complication  d’une démarche constitutionnelle, a demandé un avis de droit à l’office fédéral de la justice. Ce dernier a répondu que la modification constitutionnelle n’était pas nécessaire et qu’on pouvait directement réviser la loi. Cette manière de faire permet d’éviter un vote automatique du peuple et des cantons, prive les cantons d’un droit de décision et oblige les citoyens à récolter les 50.000 signatures nécessaires au référendum. La majorité des parlementaires membres de la CAJ-N ne craignent pas d’exprimer ainsi un profond mépris des citoyens et des cantons, à la différence des initiants. Ces derniers évidemment ne vont pas refuser le « plus » qu’on leur offre quand ils avaient demandé le moins.

A moins donc que les Chambres ne refusent d’entrer en matière sur la révision du code civil sans un vote constitutionnel préalable tel que demandé par les initiants, ce premier tour de passe-passe aura réussi.

Mais la CAJ-N a encore procédé à un second tour de passe-passe.

Le second tour de passe-passe de la CAJ-N

Craignant les « risques politiques » (sic) d’une « législation cohérente » (sic), la CAJ-N présente un projet qui ne règle que l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, sans en résoudre les nombreuses questions annexes, notamment, de son propre aveu, en matière de « rentes de survivant », par exemple. Selon les termes mêmes du rapport de la CAJ-N, « pour éliminer rapidement la discrimination des couples homosexuels en matière de mariage, la commission est prête à s’accommoder temporairement de certaines incohérences et inégalités de traitement et à ne les lever que dans le cadre de la prochaine révision ou des prochaines révisions ».

En résumé la Commission fournit un travail sciemment bâclé pour mieux aveugler les citoyens. Cette manière de faire est indigne de parlementaires honnêtes.

Une partie du second tour de passe-passe concerne la procréation médicalement assistée

Certains milieux de lesbiennes souhaiteraient assurer l’égalité dans le mariage pour tous en autorisant le don de sperme pour les couples de femmes. Comme le dit expressément le communiqué de presse officiel du 30 août 2019 de la CAJ-N, « par 13 voix contre 12, la commission a décidé de renoncer à intégrer au projet la possibilité pour les couples de femmes mariées de recourir au don de sperme, estimant que cela empêcherait le projet de trouver une majorité. Elle souhaite ainsi n’aborder les questions liées à la procréation médicalement assistée que lors d’une prochaine étape ». C’est le triomphe du saucissonnage dans toute sa malhonnêteté. Une minorité de la commission souligne que seule cette variante du don de sperme permettrait « d’atteindre l’égalité totale souhaitée entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels ». On voit poindre l’enfant-objet, otage du fétichisme égalitaire

Il est temps que l’on dise haut et fort les inadmissibles tours de passe-passe au moyen desquels des parlementaires – dont on ignore s’ils ont été réélus ! – souhaitent embobiner ou rouler les citoyens.