“Un droit sur l’enfant”

Pourquoi, mais pourquoi faut-il dire commettre tant d’erreurs quand il s’agit des enfants ?

« Le Temps » de ce mercredi 2 octobre consacre un article à la PMA et au mariage pour tous puisque la première fait actuellement couler de l’encre en France et que le second en fera couler en Suisse dès décembre. Chose amusante, alors que le mariage pour tous (et la PMA) sera un des premiers objets débattus par notre nouveau parlement, aucun candidat – à ma connaissance – n’y fait allusion dans sa campagne. Et la presse ne pose aucune question à ce sujet. Terrain glissant à éviter ?

Bien de l’enfant et PMA

L’article du Temps susmentionné rappelle qu’en Suisse, même si le mariage pour tous était voté, il exclurait le droit au don de sperme pour des couples de lesbiennes. Un tel don n’est admis actuellement que pour un couple marié, donc hétérosexuel. Au moment de la naissance, le mari est présumé le père de l’enfant, conformément au droit suisse, et inscrit comme tel à l’état civil. C’est évidemment une situation boîteuse pour l’enfant puisqu’il devra apprendre qu’il n’est pas le fils biologique de son père, ce qui est toujours une cause de traumatisme, même si le législateur autorise – comme en Suisse – l’enfant à déclencher une procédure pour connaître l’identité de son père biologique qui ne peut pas être anonyme. Il n’est vraiment pas souhaitable que l’État favorise la multiplication de ces situations toujours délicates pour l’enfant.

Si le couple hétérosexuel n’est pas marié, le don de sperme n’est pas autorisé par la Suisse ; autrement dit, pour une femme non mariée ou mariée à une autre femme ou en partenariat avec une autre femme, le don de sperme est exclu puisqu’il ne peut pas y avoir de présomption de paternité . Dans ce cas, c’est le bien de l’enfant qui prévaut de manière absolue.

Droit sur l’enfant

L’article du Temps cite entre guillemets les propos de la présidente romande de Pink Cross et de l’Organisation suisse des lesbiennes (LOS), citation que nous reproduisons fidèlement : « Une chose importante pour nous, c’est que la PMA vient avec la double filiation automatique. Dans un couple hétérosexuel, cela signifie qu’il n’y a pas besoin de tests génétiques pour que le deuxième parent soit reconnu comme coparent. Mais actuellement, si deux femmes ont un enfant à l’étranger, l’une va revenir en Suisse enceinte et l’autre devra entamer une procédure d’adoption qui peut durer jusqu’à deux ans après la naissance. Si la première décède, l’autre mère n’a pas de droit sur l’enfant ».

« Un droit sur l’enfant ». Voilà l’expression la plus odieuse que l’on puisse utiliser. On a des droits sur un immeuble, sur un tableau, sur un animal, pas sur une personne. Apparemment il y a des personnes qui veulent un enfant pour avoir des droits sur lui. Certes, dira-t-on, les parents ont une autorité parentale, un droit de prise en charge de l’enfant mais ce ne sont pas des droits au sens habituel, car ce sont des droits devoirs qui représentent d’abord une responsabilité envers l’enfant. Ces droits devoirs sont liés à la paternité et à la maternité reconnues juridiquement et ne peuvent être acquis de manière artificielle que par l’adoption. Mais tant que dure la procédure d’adoption, le futur parent adoptif a déjà l’obligation de fournir des soins et de pourvoir à l’éducation de l’enfant et en cas de mort de la mère de l’enfant, sa partenaire qui est en voie de l’adopter pourra continuer la procédure d’adoption en qualité de personne seule, l’enfant ne lui sera pas enlevé. Elle continuera donc à devoir lui assurer soins et éducation et l’enfant sera protégé, ce qui est évidemment la seule chose importante. Le bien de l’enfant ne dépend pas des droits de son parents mais en fait de ses devoirs.

Dans la discussion qui va s’ouvrir en Suisse au sujet du mariage pour tous et de la procréation médicalement assistée, il faudra être extrêmement attentif à ne pas confondre les droits et les intérêts des adultes avec le bien de l’enfant.

Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.

7 réponses à ““Un droit sur l’enfant”

  1. Merci à Madame Sandoz de continuer à défendre contre vents et marées ce qui lui tient à cœur.

    Par contre je regrette que dans ce journal nous n’ayons pas, une fois au moins, un article sur les besoins reconnus de l’enfant. De la puéricultrice à l’éducatrice de la petite enfance, des psychologues au pédiatres et pédopsychiatres, ou même les généralistes de famille, le choix est vaste… Ces personnes ayant un savoir et une expérience ne sont-elles pas invitées à s’exprimer dans Le Temps ? Ou craignent-elles toutes d’aborder un sujet sur lequel on ne veut jamais s’arrêter, sinon pour invoquer de mauvaises intentions dirigées contre une communauté qui vise ses droits unilatéralement ? Si la presse tient à accompagner les courants forts pour être une bonne presse dans le bon vent, elle finira par n’être qu’un cerf-volant maintenu en l’air au bout de sa cordelette, et si le vent devait tourner elle s’adaptera à nouveau… Cela ne semble pourtant pas correspondre aux annonces d’un journal qui se veut ouvert et critique, qui tente de limiter la publicité pour qu’elle ne recouvre pas les vrais articles d’information, et donnant des points de vue qui touchent à la réalité : Tout ou partie ? La publicité peut devenir effectivement trop encombrante, mais les articles exclusifs dans leur orientation et bien assis dans ces pages aussi. Nous ne désirons pas croire mais nous construire de vraies opinions, dans une vision plus large de la réalité du monde où nous vivons. Qu’en pense le rédacteur en chef ?..

    1. Eh oui, Dominic, et ce n’est pas seulement dans ce journal. Nous sommes bombardés du matin au soir par des nouvelles tendancieuses et ciblés pour nous formater. Les politiciens appellent ça ” discours pédagogique “, moi je l’appelle lavage du cerveau !
      Et comme, en étant agée, j’ai eu la chance d’étudier à une autre époque, j’ai eu donc la chance d’apprendre à apprendre et à me faire une idée toute seule. C’est vrai que à la retraite nous avons beaucoup de temps pour nous renseigner à des sources différentes, mais quand je me rends compte qu’on débite devant moi que des phrases toute faites, stéréotypes, qui sont juste les titres des articles eh bien…ça me désole !
      Mme Sandoz a le privilège d’utiliser un discours juridique compétent allié à une vision humanitaire, dans ce cas le bien de l’enfant.

    2. Selon l’article “Comment Le Temps s’adresse aux jeunes” du 1er octobre, la stratégie du Temps est de s’orienter vers un lectorat plus jeune. Les moins de 30 ans étant généralement positionnés plus à gauche que le reste de la population, les contenus progressistes sont favorisés. Ceci explique la déferlante d’articles sur l’inégalité salariale, les droits LGBT, les migrants, Greta Thunberg, etc. Amusant lorsqu’on les lit dans le 20 Minutes, agaçant lorsqu’on les lit dans un journal qui s’affiche comme objectif et de qualité.

  2. Les parents n’ont aucun droit sur leur enfant ils n’ont que des devoirs. Priver volontairement un enfant de ses origines biologiques est une bombe à retardement, la révolte de l’adolescent est programmée.

  3. Merci d’avoir réagi. Les termes que vous avez cités m’avaient également marqué à leur lecture.

    Et merci également à Dominic dont j’apprécie toujours les interventions. Je soutien sa critique invitant le Temps à donner la parole à des experts (notez le pluriel) de l’enfance afin qu’ils partagent leur point de vue sur ces questions.

    Enfin, le fait que le thème ne soit pas discuté durant la campagne en vue des élections fédérales me sidère également.

  4. Les 2 chambres fédérales sont peuplées de juristes et d’avocats. Ils sont stratégiquement favorables aux bouleversements dans la société car cela signifie pour eux plus de volume d’affaires, plus d’honoraires à encaisser de ces pauvres contribuables. Les couples du même sexe cherchent les sensations fortes. Certain.e.s veulent avoir des enfants, juste pimenter leur vie avec des énormes risques d’emmurement & d’emmerdements de toutes sortes. Avoir un enfant juste par égoïsme pour avoir un droit sur lui, ou par vengeance de la société traditionnelle ne favorise pas le bonheur dans la famille.

    1. Bravo à Proton pour son commentaire. Ce “droit à l’enfant” est surtout revendiqué par des couples complètement immatures, infantilisés et quérulents, ne connaissant que le terme “droit”, mais ignorant celui de “devoir”. Leur pronostic social et psychiatrique est sombre, et celui de leurs malheureux enfants probablement encore pire. Je puis vous dire qu’on en voit de plus en plus dans les procès en droit de famille (que certains avocats, trop nombreux, et pas seulement aux chambres fédérales, font en effet mousser pour finir leurs fins de mois au dépens de leur clients). C’est consternant, mais tant que la gauche fera voter ce genre de lois, et que des gens qui sortent de la faculté de droit, en sachant à peine lire et écrire, trouveront leur brevet d’avocat dans les paquets de chips ou de lessive, ça ne s’arrangera pas…

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