Une société ultra-dénonciatrice

Dans son article du Matin Dimanche du 3 décembre dernier, M. Lionel Baier, commentant l’affaire Buttet, constate que : « Dans une société devenue ultraconservatrice, les électeurs traquent chez ceux qu’ils ont élus la probité à laquelle il se sont ou ont été soumis ».

On a quelque peine à suivre le raisonnement.

En réalité, la société n’est pas devenue ultraconservatrice, mais au contraire tellement laxiste, individualiste et vulgaire qu’il n’y a plus que la dénonciation pour essayer de sauver le respect de la personne et de soi-même qu’enseignait autrefois la politesse, éventuellement aussi le christianisme. En fait, la société est devenue ultra-dénonciatrice.

Quelques exemples ? Comme un nombre important de personnes trichent avec le tri des déchets, les sacs poubelles sont ouverts et fouillés afin de découvrir le nom d’éventuels tricheurs et de les dénoncer.

Comme des personnes se conduisent de plus en plus mal dans les trains ou les lieux publics, il faut des caméras capables de dénoncer les coupables.

Vu les abus de toutes espèces commis dans certaines entreprises, on crée la notion de « lanceurs d’alerte », et on protège, voire – en matière fiscale internationale notamment ! – on soudoie leur délation.

Et d’aucuns proposent systématiquement d’enrichir le code pénal de quelques nouvelles infractions que l’éducation moyenne rendait jusqu’alors inutiles.

Il ne s’agit pas de croire ni de prétendre que tout était parfait autrefois et que tout est devenu affreux. Non ! En revanche, on doit constater que plus une société se montre « permissive » et prétendument « ouverte à tout » plus elle doit se protéger des abus en devenant policière.

Le devoir de délation serait-il la règle de politesse des sociétés laxistes ?

 

 

 

 

Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.

5 réponses à “Une société ultra-dénonciatrice

  1. Amplement d’accord et quel dommage que la société se pourrise à ce point, quelles qu’en soient les raisons.

  2. P.S. Mais quand on voit comment les avocats et la justice fonctionnent, il ne faut pas s’étonner que les gens ne paient pas la taxe poubelle!

  3. Aussi longtemps que l’on inculquera aux enfants leurs droits, sans les informer qu’ils ont surtout des devoirs, la société continuera à se suicider lentement, et certains avocats et la justice travailleront toujours aussi mal.
    M.Wilhem serait bien inspiré de ne pas généraliser sur les avocats, j’en connais (peu) qui ne sont ni voleurs, ni négligents. Et le rapport entre la taxe poubelle et le comportement de certains avocats ne m’apparaît pas d’une aveuglante évidence.

  4. Les choses se passent en Suisse comme n’importe où dans le monde. On dispose de la meilleure administration et de la meilleure justice qu’il soit possible d’acquérir avec de l’argent. Mais le plus grand scandale dans ce beau pays est qu’il est pratiquement impossible au citoyen lambda de provoquer un scandale en dénonçant la corruption et l’incompétence des autorités.

  5. Peut-on vraiment confondre et mélanger le phénomène éminemment helvétique de la dénonciation de son voisin, qui jette les bouteilles le dimanche ou qui ne paie pas son sac de poubelle, avec la dénonciation d’abus et de crimes de toutes sortes, naguère tus et dissimulés sous la pression de la fortune, de la réputation ou de l’autorité de la personne qui en était l’auteur?

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