Un congé paternité, à quoi ça sert?

Cette question sans doute incongrue m’a été inspirée par un bref passage de l’éditorial du Temps de ce 4 décembre, intitulé : « La paternité est un sujet politique ». On y lit en effet : « Aujourd’hui, dans nos sociétés surconnectées et fracturées, le besoin de bâtir un lien parental profond semble devenu essentiel pour équilibrer nos vies professionnelles trop souvent épuisantes. Le rôle assigné au père est aussi un révélateur des inégalités entre hommes et femmes qui parcourent la société suisse. Un récent rapport de l’OCDE pointait comme faiblesse de la compétitivité helvétique le faible taux d’activité des femmes, souvent contraintes – par « tradition » et faute de structures adaptées – de sacrifier leur vie professionnelle en prenant un temps partiel pour s’occuper des enfants … »

En résumé, le lien parental est utile pour « déstresser » de la profession, mais nuisible à l’épanouissement professionnel des femmes. Et les enfants, là au milieu ? Comme tels, ils sont soit une thérapie, soit une voie vers l’égalité entre adultes, soit des obstacles à la vie professionnelle des femmes et à la compétitivité suisse. Ils n’existent pas pour eux-mêmes ; ils peuvent servir à des fins politiques.

Quelle sécheresse ! Quel mépris !

Jamais on ne lit un instant que l’enfant a besoin de ses deux parents et qu’il a besoin d’eux bien plus longtemps que pendant le congé parental qui est toujours conçu d’abord dans l’intérêt de ses parents. Il en va de même des structures d’accueil dont le but ne peut pas être d’assurer le « lien parental profond » mais qui doivent libérer les parents du souci de l’enfant pour se consacrer à leur profession.

Notre société n’aime pas les enfants, elle les utilise politiquement. Elle sait juste qu’elle a besoin d’eux pour assurer l’AVS des aînés et éviter peut-être la disparition de la société occidentale (si c’est encore possible), parfois aussi pour satisfaire des ego de parentalité. Ce problème-là doit être abordé une fois.  La question du congé de paternité, à nouveau sur la table, en sera-t-elle enfin l’occasion ?

 

 

Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.

Une réponse à “Un congé paternité, à quoi ça sert?

  1. Une fois de plus, Mme Sandoz met dans le mille. Pour compléter son approche, je relève que l’irresponsabilité de beaucoup de jeunes parents est de plus en plus flagrante, tout praticien du droit de la famille (avocats et magistrats) le mesure chaque jour. On voit des pères d’enfants de 4 ans, séparés, pas encore divorcés, qui se mettent en ménage et procréent avec leur concubine, et viennent ensuite pleurer chez l’avocat qu’ils n’ont pas le minimum vital pour entretenir ce petit monde. J’en ai vus qui fument un paquet de cigarettes par jour, mais ne songent pas qu’un paquet de préservatifs, nettement moins cher, serait peut-être plus utile pour conserver un minimum vital décent. Mais dans cette société, tout leur est dû, ils ont la notion de leurs droits, mais on ne leur a jamais parlé des devoirs.

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