Petit dictionnaire de la laïcité

Plus la laïcité devient « républicaine » plus elle tend à devenir une religion.

Au sens le plus simple du terme, un État est laïc quand l’autorité politique n’est jamais en même temps, comme telle, autorité religieuse, et réciproquement  quand toutes les règles juridiques sont élaborées par des autorités politiques au sens ci-dessus et quand l’application desdites règles ne peut être assurée ou vérifiée officiellement que par des organismes non religieux. Ainsi, par exemple, un État laïc ne reconnaît pas d’effets juridiques propres à un mariage religieux célébré sur son territoire. Un État laïc est aussi un État dans lequel une fonction publique ne sera pas attribuée à une personne qui la revendique au nom de sa religion ou en rapport avec son appartenance religieuse (évidemment qu’il s’agit de réserver le cas de l’aumônier précisément engagé à cause de son « état » religieux).

Cette définition est encore relativement simple, mais les choses se compliquent quand on se met à parler d’une « société laïque ».

Qu’est-ce qu’une société laïque ? C’est une société dans laquelle le fait d’être ou de se dire membre d’une communauté religieuse ou pratiquant d’une certaine religion  n’entraîne aucune conséquence particulière automatique, ne fonde aucun droit particulier contre ou pour telle ou telle personne, ni n’impose quoi que ce soit en rapport avec cette communauté en dehors de ce que peuvent prévoir les règles civiles d’associations, par exemple.

Une société laïque se concilie parfaitement avec la pratique publique d’une religion pour autant que cela ne provoque pas de désordre, d’insécurité, de menace pour la liberté d’autrui. Une société laïque peut même considérer que telle religion fait partie intégrante de la culture ou des traditions locales et dès lors en soutenir certaines activités. Elle peut parfaitement admettre que les adeptes de telle ou telle religion portent publiquement un vêtement particulier qui leur est propre, attestant l’appartenance de celui qui le porte à une communauté particulière, pour autant que ce vêtement ne concrétise pas une volonté de se couper de la société civile ni une atteinte évidente à l’identité de la personne ; le vêtement particulier ne doit pas équivaloir à la négation d’une valeur fondamentale de ladite société civile, par exemple en cachant le visage, authentique identité individuelle.

Une société laïque ne doit pas être une société sans valeurs propres

C’est là sans doute le plus difficile. Quand elle ne sait pas ou plus, en fait, quelles sont ses valeurs fondamentales, la société laïque se réfugie derrière la laïcité pour se protéger et justifier son intolérance. Elle qualifie de « valeur républicaine », n’importe quelle manifestation d’anti-religion ou d’anti-cléricalisme et piétine la liberté au nom de la défense de celle-ci. Elle devient policière, “autoritariste” et  violente. Elle tombe dans tous les panneaux de la provocation, elle se croit menacée chaque fois qu’on se moque d’elle ou qu’on la nargue. Elle a peur d’être détruite parce qu’elle n’a rien d’autre à offrir que le vent de paroles creuses baptisé “laïcité”.

Il n’est pas moins dangereux pour l’avenir de s’affirmer une société laïque – qui renie les racines éventuellement chrétiennes dont elle tire ses valeurs essentielles, telles que le respect de chaque personne, de la liberté et de la responsabilité individuelles – que de plastronner derrière un costume religieux en y camouflant son prosélytisme.

 

Le 31 août 2016

 

Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.

15 réponses à “Petit dictionnaire de la laïcité

  1. Les diverses acceptions de votre définition de la laïcité sont évidemment justes, pleines de bon sens. La complication survient quand les acteurs religieux se trouvent sur les marges : processions catholiques en pays traditionnellement protestant, refus de travailler en classe pour un élève de confession juive intégriste, port de la burqa dans des espaces publics, refus du médecin ou de l’infirmier par le mari de la femme hospitalisée, … .On se trouve plutôt dans le domaine de la provocation, donc trouble public, que dans celui d’une honnête pratique religieuse ; et là, le pouvoir public se doit d’agir avec fermeté.

  2. Du fait que les autorités religieuses n’ont aucune légitimité, à part quelques croyances obscures sans fondements, les citoyens doivent se référer à la loi démocratiquement approuvée en respectant les principes de bases des droits de l’homme.
    Donc nul n’est tenu de suivre les préceptes invoqués par quelque religion qui soit.
    Les femmes qui portent un voile le font par soumission à une volonté contraire à l’esprit de la loi qui souligne l’égalité entre les hommes et les femmes.
    Les vêtements traditionnels montrant ostensiblement le rôle inféodé des femmes sont donc à proscrire.

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