Et si on bricolait le droit de vote?

Quand on ne peut pas « changer le peuple », après un vote dont le résultat déplaît, on propose parfois de « bricoler le droit de vote ».

« Pensez donc, ma petite dame, tous ces jeunes qui ont voté contre le Brexit et à qui les vieux barbons en surnombre ont imposé de sortit de l’UE pour se barricader sur leur île… Cela vous tord le cœur. Ils n’ont plus d’avenir. Ils ne pourront plus étudier à l’étranger. Et la recherche ? Condamnée à tourner en rond sans la manne financière de Bruxelles. Nos cerveaux vont s’expatrier !»

Cela ne vous rappelle-t-il rien ? C’était ce que l’on entendait en Suisse après le 9 février, et ce que l’on a entendu, en Suisse toujours, après le 6 décembre 1992. Et comme par hasard, de beaux esprits suggèrent aussitôt – puisqu’on ne peut changer le peuple ! – d’accorder à l’avenir un poids particulier au vote des jeunes, voire de diminuer celui du vote des plus de 60 ans. Ben voyons : faudra-t-il donner le droit de vote aux embryons quand on  se prononcera sur le don d’ovules ?

 

En Suisse, les jeunes votent comme les seniors notamment en matière d’UE

Un excellent exposé de Mme Miauton – dont la colonne hebdomadaire dans le Temps remet en général les pendules à l’heure – le 23 juin dernier à Apples, a mis en évidence, grâce à des statistiques de sondages opérés à plusieurs reprises lors de votations en Suisse, que les jeunes, ici, votent de la même manière que les seniors. Ce sont les actifs d’âge moyen qui votent autrement.

 

Ceux qui veulent bricoler le droit de vote cherchent en général à flatter les jeunes : Tous les régimes qui souhaitent bricoler les votes s’entendent mal avec la démocratie et comme par hasard ils cherchent d’abord à flatter les jeunes puis éventuellement à évacuer les vieux. Que l’on se souvienne notamment de l’URSS qui organisait ses festivals de la Jeunesse et des Etudiants où le lavage de cerveau et la flatterie étaient à l’honneur. Que l’on songe aux jeunesses hitlériennes !

Le manque d’expérience de la vie des harponnés et le fait que ceux qui les flattent peuvent offrir des postes de travail et ont en général soit le pouvoir soit l’argent, facilitent le succès auprès des jeunes. Il y a quelques années, je ne sais plus quel homme politique avait proposé de donner aux parents autant de droits de vote qu’ils avaient d’enfants mineurs, afin que la Suisse ait une vraie politique de la famille !

 

Au lieu du vote censitaire, prévoir celui des dents de lait. Un « think tank » (les idées ne naissent qu’en anglais !) semble dérouler une nouvelle proposition pour augmenter le vote des jeunes, voire réduire celui des séniors : non pas réintroduire le suffrage censitaire, supprimé depuis belle lurette, mais favoriser celui des dents de lait ! Qu’on se le dise !

Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.

4 réponses à “Et si on bricolait le droit de vote?

  1. Pour le brexit, le jeune sont si peu nombreux que même s’ils avaient tous voté et que leur votent comptait double c’est toujours les vieux qui aurait le plus de poids. Donc bricoler ne sert à rien.
    Vous faites partie d’une génération qui a eu la chance de pouvoir gérer son destin, soyez en au moins conscient.

    1. Vous semblez, Monsieur Perdrisat, avoir une certaine rancœur envers les générations qui vous ont précédé et envers le système démocratique. J’espère, quant à moi, que personne ne changera rien au principe “une voix, un vote”. Instaurer le droit de vote multiple ou sélectif conduirait à un terrible cafouillage qui n’aurait plus rien de démocratique. Chacun aurait une préférence et il n’y aurait aucune raison de privilégier l’une plutôt que l’autre. Donner plus de poids dans la société à des gens immatures ou juste “matures” n’est-il pas plus dangereux que d’en donner à des gens assagis par le temps?! Pour le moins, ça se discute. Les jeunes sont de futurs vieux (du moins il faut l’espérer). Ne regretteront ils pas plus tard des choix faits dans l’ignorance ou dans l’impétuosité? Dans le même esprit, il a été de mode dans les “Pays de l’Est” à une certaine époque de considérer que seuls les “socialistes” avaient des idées qui méritaient d’être exprimées. Vous voyez le danger? Mon opinion de “vieux” est qu’il vaut mieux en rester au système actuel; on ne fera jamais rien de mieux (ou de moins mal).

  2. Je suis de votre avis. Il est délicat de bricoler les droits de vote des jeunes, et la mathématique en matière de votations n’a jamais amélioré la démocratie.
    Il faut au contraire simplifier: droit de vote dès 18 ans uniquement; et plus de droit de vote après 65 ans. Un peu comme pour le permis de conduire, mais avec moins de passe-droit. Chaque chose en son temps.
    Bien entendu, les seniors à l’esprit leste pourraient sans autre influencer le débat politique à travers des blogs divers et autres interventions.

  3. “Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants,
    Lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles,
    Lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter,
    Lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus, au-dessus d’eux, l’autorité de rien et de personne, alors, c’est là, en toute beauté, et en toute jeunesse, le début de la tyrannie.”
    Platon

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