Un enfant quand je veux, un enfant si je veux

Tel était le titre d’un récent article du Temps consacré à la cryogénisation des ovocytes, demandée notamment par des femmes souhaitant renvoyer une éventuelle grossesse à plus tard, quand cela leur conviendrait professionnellement (je laisse volontairement de côté de très éventuels cas de maladie).

Je suis toujours étonnée de constater l’absence de réflexion éthique accompagnant les découvertes de la science en relation avec la procréation en général et la facilité avec laquelle on semble oublier que tout ce qui touche à la procréation concerne notamment une personne en devenir, l’enfant. Dans une société qui se targue de se préoccuper des faibles, des pauvres, des marginaux, des laissés pour compte, comment se fait-il que l’on puisse prétendre que procréation, grossesse, avortement, ne concernent que les adultes alors que, toujours, au centre de ces phénomènes, il y a le vrai faible, le vrai muet, celui dont on façonne l’avenir, l’enfant, et que jamais on ne parle de lui ? Bon, une fois qu’il est né, on l’utilise évidemment, avec un peu de chantage, pour obtenir la légitimation des actes antérieurs des adultes.

Revenons à notre titre.

Dire « Un enfant quand je veux et si je veux », c’est en fait considérer a priori trois situations comme légitimes :

  • Le principe du droit à l’enfant, comme on a droit à un bien de consommation au moment où on en a envie et pour autant qu’on en ait envie ;
  • le principe de l’enfant sans père, très à la mode d’ailleurs dans notre société où, sous prétexte d’émancipation, certaines femmes oublient qu’un enfant a besoin de deux parents et prétendent se passer du père qui les importune;
  • le principe de la mère abusive qui considère que l’enfant lui appartient – puisqu’elle décide quand elle le veut et si elle le veut.

Pendant des siècles, l’enfant n’a été considéré que comme une force de travail assurant l’avenir de ses parents.

Puis on s’est rendu compte que c’était une personne dont on était responsable ce qui impliquait des contraintes.

Alors on s’est réfugié derrière le culte de l’enfant-roi, on a brandi l’intérêt de l’enfant sous tous les prétextes et, bardé de ces beaux sentiments, on a ignoré le fait que l’enfant existe, comme personne, avant qu’on le voie et qu’il n’est pas seulement un produit quelconque de la science.

Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.

3 réponses à “Un enfant quand je veux, un enfant si je veux

  1. Vous êtes une coquine, chère Suzette ( n’en suis pas étonné :).
    Oui, ça rappelle la fameuse parole machiste “Où tu veux et quand tu veux”.

    Bon, blague à part, ce n’est peut-être pas si faux, l’effet retard, en ces moments tragiques de la planète?

    Enfin, personnellement, je trouverais digne qu’une femme qui veuille un enfant, trouve le moyen de voir si réellement, il pourrait naître.
    Bien sûr, je n’y inclus pas, ce que vous avez amplement documenté, tous les cas d’égoisme, ou d’un enfant comme mascotte!

  2. L’enfant-roi, c’est peut-être aussi parfois quand le père et la mère n’ont pas les qualités pour être roi et reine, et à défaut deviennent valet et bonne. On n’aide pas véritablement ceux-ci en leur déclarant à chacun : « C’est vous qui devez être le roi, pas votre enfant ! Et vous la reine ! » Voir ce qu’ils devraient être ne suffit pas à les élever au niveau qu’ils n’ont pas acquis au moment où la cigogne leur confie un enfant. « Faites comme ceci, faites comme cela, c’est vous qui devez lui dire ce qu’il peut ou ne peut pas, etc ». Aucun valet n’est devenu roi, ni bonne reine, en sachant reproduire le comportement adéquat… Et que deviendrait l’enfant-roi dans ce théâtre ? Encore plus déçu le jour où il se rendra compte de la réalité du monde extérieur : On ne devient pas indépendant du jour au lendemain et se posant une couronne sur la tête comme papa… Les enfants petit-roi existaient déjà couramment dans le passé, dans certaines familles aisées où le père et la mère donnaient des ordres à la gouvernante qui était l’intermédiaire entre eux et l’enfant. Ceux et celles que j’ai connus, qui n’ont pas réussi à gagner une situation professionnelle suffisamment rémunératrice leur permettant de reproduire ce tableau familial se sont trouvés dépourvus le jour venu. Ils n’étaient ni père, ni mère, ni roi, ni reine, ni valet, ni gouvernante… Et tentaient d’être tout à la fois dans l’espoir de redonner vie à ce qui n’était plus qu’un rêve dans un jeu de rôles…
    « Avoir un enfant quand je veux, et si je veux… » L’avoir quand il arrive plus naturellement n’est pas toujours mieux. Les moyens financiers, la maturité psychologique, l’amour… Que ce n’est pas simple pour l’être humain, mais qui préférerait être un lapin ? Sans rire je songe à de brèves images qui sont restées gravées dans ma mémoire, où une famille africaine très pauvre répondait à une question : « Vous avez tant de difficultés pour vivre, pourquoi avoir voulu donner naissance à trois autres enfants après le premier ?.. » Leur réponse : « C’est notre seule richesse… » Que peut-on en penser ? Une richesse qui les appauvrit davantage, mais sans laquelle ils n’auraient peut-être plus de sens à donner à leur vie. Leurs enfants leur offrent un avenir, le seul auquel ils peuvent croire, plus fort que tout. Peut-on leur reprocher vraiment de ne pas songer à l’avenir de ces enfants ? Dans notre pays nous ne posons pas de conditions à l’aide dont ont besoin les couples aux ressources limitées ayant beaucoup d’enfants, même si parfois on s’en offusque. Nous considérons que c’est un droit. La famille africaine que je cite a pris ce droit aussi, mais on l’estimera certainement insensée ou irresponsable. Ainsi, à « Un enfant quand je veux, si je veux » de la femme sans cœur, on pourrait opposer, à l’attention de la famille africaine : « Des enfants que nous ne voulons pas, vous les aimez mais ils seront comme vous, sans avenir pour personne… »

    Je suis un retraité sans problème financier, qui se sent pauvre de n’avoir pas eu d’enfants, la seule richesse que je n’ai pas. Personne ne va évidemment me plaindre, et encore moins me faire des reproches. C’est le grand avantage pour moi de ne devoir rien à personne, pour n’avoir pas usé de mon droit de créer une famille quand je n’en avais pas les moyens. C’est la plus grande erreur que j’ai commise…

  3. BRAVOOO Madame Sandoz ! ET MERCIII pour les générations futures … Heureusement … Je suis Nurse-éducatrice et voit des enfants de tout les âges chercher leur père ou une référence masculine … DURE LA VIE SANS PERE ! OU PIRE SANS SA MERE ! Chaque jour un chagrin incommensurable !

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