L’initiative sur les juges étrangers: occasion d’un vrai débat de fond?

L’économie est importante et l’on ne saurait ignorer les conséquences d’un vote à ce point de vue. Mais réduire la question de l’initiative dite « des juges étrangers » au seul intérêt de notre économie, comme l’a fait ce matin une des intervenantes à la tribune du Conseil national est vraiment trop maigre.

L’initiative UDC dont débattaient nos parlementaires de la Chambre basse pose notamment deux questions essentielles que l’on passe trop sous silence :  1) d’une manière générale, est-il souhaitable de mettre dans la constitution une disposition qui nous lie les mains sur le plan international ? 2) N’y a-t-il pas d’autre solution plus diplomatique que l’affirmation pure et simple de la primauté d’un droit par rapport à un autre ?

A la première question, nous répondons par un NON clair et net. Les relations internationales impliquent parfois une rapidité de manœuvre ou de réaction, une souplesse et une finesse diplomatique peu conciliables avec la rigidité d’un principe constitutionnel. Rien n’est, à mon avis, plus dangereux, éventuellement plus contraire à l’intérêt d’un Pays que de lui lier les mains dans une constitution en matière de relations internationales.  Mais il est important, afin d’éviter cette erreur, que les autorités sachent se montrer attentives aux craintes et aux déceptions des citoyens et qu’elles ne se contentent pas de descendre en flammes une initiative simplement parce qu’elle émane d’un certain parti politique.

La réponse à la seconde question est assez simple : le droit connaît parfaitement la manière pratique de gérer la coexistence des règles. C’était un principe appliqué en Suisse par la jurisprudence de l’arrêt dit Schubert, qui consacrait l’égalité d’importance du droit national et du droit international et admettait que la règle postérieure (dans le temps) l’emportait sur la règle antérieure – à moins que les deux ne soient conciliables. Cela signifiait que si le Parlement ou le peuple votait une loi contraire à un accord international, il devait le faire en toute connaissance de cause parce qu’il décidait ainsi dans un cas d’espèce, s’il fallait renégocier ou dénoncer un texte international. Ajoutons que la règle permettait aussi, suivant les cas, aux autorités d’anticiper la nécessité de négociations futures.

Cette règle avait et aurait – si l’on voulait bien y revenir – l’avantage de mieux associer les parlementaires, voire les citoyens, à la vie internationale, dans des situations déterminées que ne le fait la simple garantie de la primauté du droit national ou du droit international.

Il serait intéressant d’avoir un débat sur le sujet plutôt que de se contenter du poncif de la défense de nos intérêts économiques ou d’échanger des insultes et des coups entre partis opposés.

Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.

Une réponse à “L’initiative sur les juges étrangers: occasion d’un vrai débat de fond?

  1. Mme Sandoz a comme toujours raison, mais on connaît déjà la fin de l’épisode: une fois de plus nos autorités se coucheront devant l’Union européenne. Cassandre a parlé…

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