Incitation à péché

Pourquoi ne pas l’avouer ? J’ai horreur du principe des amendes d’ordre. Ce sont soit des taxes déguisées, soit  des ventes de droit à l’irresponsabilité, des incitations à péché.

Dans la mesure où certaines collectivités publiques inscrivent le montant supputé des amendes d’ordre à leur budget, elles les considèrent à l’évidence comme des taxes déguisées dont elles espèrent tirer un bon montant. Il est vrai que la surveillance des lieux de stationnement, des moindres petits dépassements de vitesse, sans danger – sinon par la distraction imposée au conducteur qui doit regarder son compteur plutôt que la route en particulier en ville – et autres causes mineures d’amendes d’ordre impliquent un travail administratif, donc du service public individualisé, des frais. Personne ne se soucie de savoir s’il y avait culpabilité ou non (à moins de refuser de payer l’amende et de passer alors à la vitesse pénale). Tant pis, ça rapporte !

Il y a évidemment des amendes d’ordre pour des actes un  peu plus graves. Il s’agit bien alors de payer après usage un droit à l’irresponsabilité. Dans ces cas aussi, le refus de payer fait passer à la « vitesse pénale », ce qui permet éventuellement de découvrir après coup qu’il n’y avait aucune faute, donc aucune raison de payer une amende !

De joyeux drilles de la politique fédérale semblent vouloir inciter le Conseil fédéral à proposer des amendes d’ordre pour « sanctionner » les personnes qui crachent par terre leurs mégots ou leurs chewing gums, jettent négligemment hors poubelles leurs déchets de toutes sortes ; le projet de loi comporterait une incitation à la délation de la part de ceux qui ont assisté à l’acte. C’est vrai que Lausanne notamment est devenue une ville plutôt sale, que les parcs et les lieux de pique-nique sont souvent dans un état de saleté répugnant. Mais plutôt que d’instituer des taxes déguisées avec incitation à la délation afin de  satisfaire aux budgets, ne faudrait-il pas prendre les choses en amont ?

Autrefois, l’école sanctionnait par des notes – des notes ? horresco referens ! – l’ordre et la propreté. C’était une manière de faire comprendre qu’ordre et propreté font partie intégrante de la formation qui conduit à la fin de la scolarité et qu’on ne devient adulte que si on a compris et intégré ce principe qui plonge ses racines dans le respect d’autrui. C’est évidemment très démodé, mais cela ne coûte rien d’essayer et des enseignants intelligents peuvent même en faire un jeu. Joli programme d’enseignement – enfin utile – pour la HEP !

 

Le 18 avril 2016

 

 

 

 

 

Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.

Une réponse à “Incitation à péché

  1. Madame,

    Ce ne fût pas toujours le cas, mais je trouve vos interventions pleines d’humour et d’une subtile intelligence tout ça dans une grande liberté de ton. Ce qui m’étonne d’autant que je serais plutôt un marginal.
    Alors je vous en remercie et au plaisir de continuer à vous lire.
    meilleurs messages

    Olivier Wilhem

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