Petites considérations philosophiques au treizième jour de la première mission Artemis

Ce lundi 28 Novembre, le vaisseau Orion de la NASA assisté de son module de service ESM de l’ESA, est passé au point le plus distant de son orbite autour de la Lune. La NASA a naturellement pris de nouvelles photos du couple que la Terre forme avec la Lune. C’est l’occasion de réfléchir à ce que nous sommes, à nos limites donc à notre fragilité mais aussi à nos capacités, que nous devons toujours mieux exploiter.

Nous avons déjà vu des photos de la Terre depuis l’espace mais celles-ci sont particulières car elles sont prises d’un vaisseau à bord duquel demain des hommes voyageront, pour la première fois depuis la fin du programme Apollo en 1972. Maintenant que la mission Artemis I est partie et parvenue jusque-là, il est certain qu’Artemis II décollera et ira aussi jusque-là. Et les hommes à bord verront de leurs yeux ce que nous voyons aujourd’hui.

Nous sommes, sur cette photo, à 432.117 km de la Terre donc bien plus près que la sonde Voyager 1 ne l’était le 14 février 1990 lorsqu’elle a pris sa propre photo (ci-dessous) de la Terre depuis plus de 6 milliards de km et à propos de laquelle Carl Sagan avait évoqué notre « pale blue dot », cette petite lumière infime (au sein de laquelle d’ailleurs Terre et Lune sont indissociables). Il est évident que depuis l’environnement de notre étoile voisine la plus proche, Proxima Centauri, située à seulement 4,23 années-lumière, mais quand même 40 mille milliards de km (40.000.000.000.000 !), nous ne verrions plus rien du tout, avec les mêmes moyens d’observation ou d’ailleurs avec quelques moyens d’observation visuels que ce soit. Et bien sûr que nous ne distinguerions même plus notre Soleil des lueurs environnantes si nous nous éloignions jusqu’au centre de notre galaxie, situé à quelques 25.000 années-lumière (1.000.000.000.000.000.000 km).

Ce mardi nous étions donc tous sur cette photo de la NASA montrant la Terre et la Lune, à la fois très loin et en même temps tout près. Regardez ces deux astres immobiles et forcément silencieux puisque dans le vide. Nous étions là, à cet instant, tous autant que nous sommes, vous, moi et les 8 autres milliards d’êtres humains, saisis dans le calme d’un travail délicat de réflexion fruit de notre cerveau, ou de réalisation par nos mains d’un ouvrage plus ou moins difficile, ou bien dans le tumulte de la rue ou même pour certains dans la brutalité de la guerre, ou encore en contemplation de notre océan et de ses vagues qui s’écrasent sur la plage, un des symboles pendant des millénaires de l’infini et de l’éternité. Comme le disait Carl Sagan, nous sommes vraiment tous là, comme l’ont déjà été les plus de 30 milliards d’êtres humains qui nous ont précédés et dont les restes sont retournés à cette Terre, avec tous les animaux, toutes les plantes, tous les insectes, tous les êtres vivants ou ayant jamais existé.

Et nous sommes évidemment fragiles puisque nous sommes tout petits par rapport à cet Univers, tous rassemblés sur cette petite bille bleue perdue dans un espace infini sinon illimité, ou existent et rodent des monstres d’une puissance énorme, forcément inconscients et à l’occasion violents. Je veux bien sûr parler des étoiles à commencer par notre Soleil, bienfaiteur aujourd’hui mais dangereux demain lorsqu’il vieillira et déjà avant, s’il nous « gratifie » d’un « événement Miyake » à l’occasion d’une de ses colères magnétiques qui ferait disjoncter ensemble toutes nos centrales électriques. Je veux parler également du trou-noir central de notre galaxie, qui tient ensemble par sa masse, des milliards d’étoiles dont notre petit Soleil et qui lui, également, est aussi terrible qu’il est vivant car il nous dévorera tous, un jour très lointain. Je veux parler encore de toutes les étoiles voisines qui voguent avec le Soleil autour du centre galactique dans une ronde si longue mais si rapide (250 km/s pour effectuer une seule rotation en 225 millions d’années, pour le Soleil !) qu’elles peuvent un jour pénétrer dans notre système pour le bouleverser complètement parce que nos trajectoires et nos vitesses sont quelque peu différentes. Je veux enfin parler des myriades de petits astres que sont les comètes et les astéroïdes qui forment les Nuages de Oort qui enserrent notre système solaire comme une coque ou, plus proche, la Ceinture de Kuiper comme un tore, ou encore plus proche la Ceinture d’Astéroïdes comme une roue ou, plus rares mais imprévisibles, les astéroïdes venus d’autres systèmes stellaires, comme Borissov, et qui pourraient être projetés dans le nôtre ; tous ces projectiles qui un jour peuvent nous frapper et nous détruire.

Oui notre Univers est dangereux tout autant que merveilleusement beau du fait de sa grandeur et de la puissance des divers éléments qui l’habitent. Son immobilité et sa placidité apparentes sont trompeuses tout simplement parce que son échelle de temps, tout comme ses distances, est immense, totalement démesurée par rapport à notre échelle de temps humaine. Mais au sein de cette immobilité apparente, les dérèglements ou tout simplement le début ou l’achèvement des évolutions peuvent être extrêmement rapides (comme par exemple l’implosion d’une étoile géante en fin de vie) et, pour nous, les conséquences soudaines et ultra-rapides, tout aussi bien qu’infiniment longues et de ce fait, imperceptibles. Physiquement nous ne faisons tout simplement « pas le poids ».

Et cependant intellectuellement nous le faisons ce « poids » car nous disposons de l’intelligence et de la mémoire, de la capacité de faire et de communiquer, donc de la capacité de construire et de progresser. Ainsi nous avons la capacité de prendre cette merveilleuse photo de la Terre et de la Lune et d’y réfléchir pour savourer nos accomplissements mais aussi pour voir ce que nous devons faire à partir de là, pour aller plus loin et pour faire mieux.

Bien sûr, entre nous sur ce petit caillou, nous nous devons de maintenir la paix mais nous devons aussi prendre conscience de nos faiblesses et imperfections pour éviter l’injustice, les tensions trop fortes et in fine la guerre, en faire prendre conscience aux autres, accepter nos différences pour réfléchir ensemble à ce qu’il convient de faire dans notre intérêt commun. Il faut sans aucun doute mieux gérer nos ressources rares pour ne pas épuiser notre planète, être plus respectueux de cette Vie sous toutes ses formes et peut-être unique, en tout cas extraordinaire, et à laquelle nous participons. Nous devons aussi être raisonnables et constater que nous sommes très nombreux et que nous « pesons » trop lourdement dans cette biosphère qui n’était pas faite que pour nous. Je suis né à une époque où il y avait 2,2 milliards d’êtres humains sur Terre et nous avons aujourd’hui dépassé les 8 milliards. On nous dit que vers 2050 nous aurons atteint le pic des 10 milliards et qu’ensuite nous devrons faire face à la décroissance. Certes mais le pic n’est pas encore passé et tous les désordres qui peuvent venir avec, non plus. En même temps nous avons détruit 70% des espèces animales « sauvages » en moins d’un siècle. Nous sommes sur le Titanic et nous ne savons pas si nous avons déjà heurté l’iceberg.

Il est donc vital, pour nous aujourd’hui, non seulement de prendre soin du vaisseau spatial Terre au bord duquel la Nature nous a placé, mais aussi de chercher un refuge « au cas où », comme Noé dans notre antiquité mythique. Et pour des raisons différentes, nous devons protéger ce que nous avons de plus précieux, notre mémoire et notre capacité à continuer à faire progresser la technologie et la science par le fonctionnement de notre raison sur la base de tout le savoir accumulé au cours des années, sans oublier nos richesses culturelles et notre capacité à créer toujours plus de beauté. C’est pour cela que certains d’entre nous, une toute petite poignée d’entre nous, une graine, une partie infime de notre humanité mais possédant la quintessence de ce savoir, de notre travail et de notre sensibilité, doit un jour aussi prochain que possible, partir ailleurs, partir pour Mars, pour y préserver le feu que Prométhée a arraché pour nous aux Dieux et aller savourer en paix une des pommes que nous avons cueillie au Jardin d’Eden. Ce ne sera pas facile mais il faut commencer, entreprendre cette aventure, maintenant pour nous donner demain une chance de survivre !

Illustration de titre :

Photo de la NASA prise par une caméra située au bout d’une aile de panneaux solaires fournissant son énergie au Module Européen de Service de la capsule Orion.

Liens :

https://blogs.nasa.gov/artemis/

https://royalsocietypublishing.org/doi/full/10.1098/rspa.2022.0497

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Index L’appel de Mars 22 11 30

Artemis, les missions habitées en perspective

Partie le 16 novembre de la Terre, la mission Artemis 1 a placé en orbite lunaire la capsule Orion de la NASA et le module de service ESM de l’ESA, qui lui permet de fonctionner. Les tests successifs sont positifs ; tout va bien à bord ! Ce succès donne de la substance à ce qui n’était jusqu’à présent qu’un rêve, le retour de l’homme sur la Lune.

Le vaisseau est allé explorer l’orbite qui sera utilisée lors des missions suivantes, à commencer par Artemis II et Artemis III. Il s’agit d’une « DRO » (Distant Retrograde Orbit) et c’est une « première » puisqu’on ne l’a jamais utilisée. Elle a l’avantage d’être très stable en raison de l’interaction qu’elle permet avec les points de Lagrange (Terre-Lune) L1 et L2, donc très peu consommatrice d’énergie. On l’appelle « rétrograde » parce que la rotation se fait dans le sens opposé à celui de la Lune autour de la Terre. Elle est circulaire et se situe à environ 64.000 km de la Lune (Terre-Lune = 385.000), entre les deux points de Lagrange, en dehors de l’influence directe de la Lune (d’où le terme « distant »). Dans le cas d’Artemis 1, Orion parcourra entre une et une DRO et demi. Pour se placer sur cette orbite, il a fallu effectuer un survol de la Lune à seulement 128 km d’altitude. Lors d’Artemis II, le même vaisseau, composé de la capsule Orion et de son ESM parcourra cette même orbite avec quatre astronautes. Lors d’Artemis III, le Starship « Human Landing System » (HLS) y sera assigné un bon moment (jusqu’à 90 jours) avant de recevoir ses quatre passagers venant de la Terre grâce à un dispositif semblable à celui d’Artemis 1, pour en descendre ensuite deux sur la Lune. Si un jour on construit la Lunar Gateway, ce sera aussi sur cette orbite qu’elle évoluera (et elle servira pour les missions Artemis successives) à moins que le Starship SLS ne puisse être finalisé. Dans ce cas on adopterait une orbite de halo (un peu moins stable que les DRO) qui permettrait un périapside proche (3000 km) pour un apoapside identique (64.000 km).

Le voyage en cours a pour avantage de permettre d’étudier sans risque humain le comportement de la capsule Orion et son ESM sur cette orbite un peu spéciale, de tester les manœuvres à effectuer  par le module de service (nombreuses corrections de trajectoire), de tester les systèmes de pressurisation, chauffage et refroidissement à l’intérieur de la capsule, de tester le système de télécommunication (l’orbite DRO permet de rester en contact constamment avec la Terre) et d’observer les conséquences des éventuels impacts de micrométéorites (ou, dans le voisinage de la Terre, de débris orbitaux).

Le voyage continuant paisiblement après un départ tumultueux, nous pouvons réfléchir aux perspectives qu’il ouvre.

Le retour sur la Lune

Puisque la NASA a réussi la première partie de la mission d’Artemis I, nous pouvons penser qu’elle aura une suite, c’est-à-dire une série de missions du même nom, comme on a eu les missions Apollo. Après une préparation très longue, nombreux (dont moi-même) étaient ceux qui doutaient de la capacité du SLS à prendre son envol. Avec le « Block 1 » (version actuelle du lanceur), on dispose maintenant de la possibilité technique de mener à bien Artemis II.

Pour ce qui est d’Artemis III, celle qui doit amener à nouveau des hommes sur la Lune, c’est un peu plus compliqué. Il faudra encore que le Starship HLS soit finalisé, c’est-à-dire que SpaceX puisse déjà faire voler son « Starship-standard » au moins une fois en orbite autour de la Terre. On en est toujours aux tests de mise à feu statique des moteurs Raptor (test réussi de 14 moteurs fonctionnant ensemble mi-novembre mais on n’en est pas encore aux 29 prévus pour le vol orbital). Une fois le Starship-standard testé, il faudra construire le Starship-station-service et plusieurs Starship-tankers et surtout réussir à transférer les ergols (LOx et Méthane liquide) de quatre voyages de tankers successifs dans le Starship-station-service puis de ce dernier dans le HLS. La réussite n’est pas certaine et c’est pour cela qu’on peut encore douter de la date prévue de 2025 pour Artemis III. En effet, malheureusement, le module de service ESM n’a pas la capacité comme l’avait le module des missions Apollo, de transporter depuis la Terre, avec la capsule, un module d’atterrissage sur la Lune incluant un module de retour en orbite pour ensuite repartir pour la Terre avec la capsule laissée en orbite. Si le HLS fonctionne, il sera positionné en orbite lunaire, attendra l’arrivée de la capsule Orion+ESM lancée par le SLS et portant les astronautes, descendra ces derniers sur le sol lunaire et les remontera jusqu’à la capsule Orion+ESM restée en attente sur l’orbite DRO, afin que l’ensemble Orion+ESM retourne vers la Terre (où seule atterrira la capsule, sans son ESM).

Il y a donc un « petit » bémol, la faisabilité du Starship, à ajouter à la faisabilité de la suite de la série des missions Artemis (après la deuxième). Mais le plus gros problème semble quand même avoir été la démonstration de faisabilité du SLS. En effet, au cas où le Starship ne pourrait pas fonctionner, on pourrait reconsidérer les propositions de Blue Origin ou d’Aerojet Rocketdine qui étaient des alternatives au HLS. Par contre si le Starship-standard fonctionne, on ne voit pas bien l’intérêt de persister à utiliser le SLS. Celui-ci ne peut pas permettre d’arriver sur la Lune et d’en repartir seul ; le Starship, lui, le pourrait. Par ailleurs un lancement de SLS coûte plus de 4 Milliards de dollars et n’est pas réutilisable (on ne sait pas encore pour le Starship mais les tout premiers ne devraient coûter qu’environ 1 milliard). On ne peut donc pas dire que ce soit satisfaisant ! Ce SLS ressemble beaucoup à une solution d’urgence pour passer le relai au Starship aussitôt que possible.

Si le Starship fonctionne on n’aura donc pas besoin de SLS, ni d’Orion avec son ESM, ni d’atterrisseur lunaire, ni de véhicule pour repartir de la Lune, ni de rien d’autre. Mais si SpaceX ne parvient pas à finaliser son Starship, il semble préférable (mais toujours non indispensable !) de disposer d’un Lunar Gateway, genre de Station Spatiale Internationale parcourant de façon stable et pérenne l’orbite DRO et pouvant être utilisée comme relais entre un MAV (Moon Ascent Vehicle) et un ERV (Earth Return Vehicle). C’est encore une complication car le Gateway est très loin d’être prêt mais dans l’attente du Starship, la doctrine n’est pas complètement arrêtée.

La course à la Lune

L’urgence qui justifie l’utilisation de cet SLS, très imparfait, c’est la concurrence chinoise. Les Chinois ont un « Chinese Lunar Exploration Program » (CLEP) et il avance sans doute plus vite que le craignaient les Américains. Les Chinois ont exécuté avec succès les phases 1 et 2 de ce programme (missions orbitales puis atterrissages avec sondes puis rover). Parallèlement leur phase 3 (retour d’échantillons) s’est aussi déroulée avec succès. La phase 4, est en cours de préparation. Cette phase qui comportera les missions Chang’e 6, 7 et 8 (Chang’e étant la Déesse de la Lune) vise l’exploration robotique du Pôle Sud de la Lune, tout comme l’Artemis III des Américains, et la première, Chang’e 6, doit se dérouler en 2024 (Les Américains doivent mener leur mission robotique préparatoire en 2023 et Artemis III, avec équipage, doit avoir lieu en 2025). Chang’e 6 raménera des échantillons de cette même zone. Elle sera effectuée par une fusée CZ-5 (Chang zheng, Longue marche) identique à celle qui a déposé le premier rover chinois dans les Basses Terres du Nord de Mars. Il y a donc peu de doute que cette mission aura lieu. Les vols habités qui suivront, dans le cadre de la phase suivante du CLEP, doivent être menés avec une nouvelle version de la CZ-5, la CZ-5G. Avec cette fusée, la Chine prévoit une première mission habitée sur le Pôle Sud de la Lune au début des années 30. Leurs capacités se rapprochent donc vite de celles des Américains et leur objectif est le même, le Pôle Sud.

Or le Pôle Sud offre des possibilités très intéressantes mais qui sont rassemblées dans « un mouchoir de poche ». Il s’agit de s’installer dans un site éclairé au moins 90% du temps par le Soleil (n’oublions pas que sur la Lune les nuits durent 14 de nos jours, qu’on ne peut utiliser les panneaux PV et qu’alors il y fait extrêmement froid !). Ce site doit a priori être situé au sommet d’un mur de cratère et aussi proche que possible d’un gisement de glace d’eau. On en a constaté la présence dans le fond de quelques cratères qui, dans cette région, ne sont jamais éclairés par la lumière du Soleil (PSR, Permanently shadowed Region) et ont ainsi pu conserver toute l’eau qu’ils ont reçue depuis la formation de la Lune, très probablement via des comètes de passage. Le plus connu de ces cratères est celui de « Shackleton ». Comme la sphère de la Lune est beaucoup plus petite que celle de la Terre, la surface de ses régions polaires sont également beaucoup plus restreintes. Et si l’on veut se trouver sur un terrain à peu près plat, en surface duquel on puisse se déplacer relativement facilement plutôt que sur une crête, il y a encore moins de surfaces possibles. Un site privilégié est le pont (« ridge ») qui joint les murs du cratère Shackleton à ceux du cratère voisin, « de Gerlache », un rectangle d’une dizaine de km2 seulement. Ce bout de Lune, très bien exposé est ensoleillé au maximum. Il est à proximité immédiate de plusieurs PSR et il est probable que son sous-sol immédiat contienne aussi de la glace (voir photo ci-dessous). Il risque donc d’être très disputé. Pour commencer c’est là que les Américains veulent envoyer en 2023, leur rover VIPER (pour « Volatiles Investigating Polar Exploration Rover ») qui doit mesurer précisément, en volume et qualité, les gisements d’eau accessibles…Ce que veulent faire aussi les Chinois avec un autre rover qui sera apporté par Chang’e 7 en 2024 !

Les Etats-Unis adhèrent bien sûr à la convention internationale qui interdit l’appropriation par un pays, d’un territoire dans l’espace (Outer Space Treaty, article 2). Mais en même temps ils se sont donnés le droit d’exploiter les ressources « locales » et ont fait savoir qu’ils pourraient protéger leur champ d’activité par une « no interference zone ». Les Chinois ne manqueraient pas de faire de même mais la situation serait catastrophique pour les Etats-Unis s’ils arrivaient second. Les Européens quant à eux savent qu’ils ne sont pas dans la course mais ils veulent y participer et proposent donc (idée lancée par Johann Wörner, directeur de l’ESA, en 2015) un « village lunaire » qui serait développé par l’ensemble des nations spatiales, en coopération, sans avoir aucunement les moyens de l’imposer. On est donc dans le flou complet et les Etats-Unis ne veulent manquer pour rien au monde d’être les premiers même robotiquement, dans leur petit coin de paradis, faute, autrement, de ne pas avoir le droit d’y accéder.

Alors, « On a marché sur la Lune (version 2) » est dans tous les esprits mais c’est surtout pour des raisons politiques. La Lune n’étant qu’à un peu plus d’une seconde lumière de la Terre, on peut y travailler, faire des recherches, par robots interposés. L’homme c’est un peu le folklore ou le rêve de Tintin. Ce n’est pas le cas de Mars ou, contrairement à la Lune, on doit subir un long « time-lag » (3 à 22 minutes dans un seul sens) pour mener toute action. Ce n’est pas du tout la même chose. Mais Mars, hélas, est encore loin, dans le temps, puisque la Lune doit servir de terrain d’essai avant le grand départ. Et j’ai peur, encore une fois, qu’on l’oublie en commençant à jouer sur la Lune !

Illustration de titre : Capture d’écran NASA lors du passage d’Orion à quelques 138 km de la surface de la Lune.

Illustration ci-dessous : architecture de la mission Artemis III sans Gateway. Crédit NASA. Pourquoi les passagers ne partiraient-ils pas de l’orbite terrestre avec le SLS une fois que le HLS aurait rempli son réservoir ? Il suffirait en fait que le Starship ne soit pas un HLS mais un starship équipé d’une protection thermique lui permettant de revenir se poser sur Terre.

https://blogs.nasa.gov/artemis/

https://en.wikipedia.org/wiki/Starship_HLS

https://en.wikipedia.org/wiki/Starship_HLS#/media/File:Artemis_III_CONOPS.svg

https://www.thespacereview.com/article/3418/1

https://www.nasa.gov/feature/orion-will-go-the-distance-in-retrograde-orbit-during-artemis-i

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Index L’appel de Mars 22 11 03

Artemis 1 a finalement pris son envol vers et autour de la Lune

Ce 16 Novembre à 07h47, heure d’Europe Centrale (UTC+1), le Space Launch System (SLS) de la NASA portant la mission Artemis I est partie pour la Lune. Après deux échecs, l’envol était moins que certain et les ingénieurs et dirigeants de la NASA peuvent maintenant « respirer ». De leurs côté tous les partisans de l’exploration spatiale par vols habités se réjouissent car quoi qu’on puisse penser de ce SLS par rapport au système SuperHeavy/Starship de SpaceX, un succès dans ce domaine de l’astronautique, si difficile à maitriser, est incontestablement une bonne nouvelle. Saluons donc la persévérance et la performance, et félicitons la NASA en espérant que de son côté SpaceX continuera à faire progresser son Starship. La concurrence a toujours été le moteur de l’amélioration d’une entreprise.

L’objectif de cette première mission Artemis est de tester le dispositif de base des futurs missions habitées autour de la Lune (Artemis II) et sur la Lune (Artemis III). Il s’agissait d’abord de démontrer que le SLS, en l’occurrence « SLS Block 1 » (il y aura un « Block 2 », plus puissant), conçu et réalisé par un consortium conduit par Boeing et en gestation depuis 2007 (sous le nom d’Ares), pouvait voler. C’est fait ! Il s’agissait ensuite de démontrer le fonctionnement du second étage du lanceur, constitué par ce qu’on appelle l’IPCS (Interim Cryogenic Propulsion Stage) et chargé d’injecter le vaisseau spatial proprement dit sur sa trajectoire translunaire. C’est fait. Il s’agit maintenant de démontrer la maniabilité du vaisseau (capsule Orion porté par son module de service) tout au long d’une trajectoire qui doit le conduire autour de la Lune. Soulignons que le module de service, cet instrument très complexe qui est en fait le troisième étage de la fusée, s’appelle l’European Module Service (EMS) car il a été fourni par l’ESA. Ce choix est une reconnaissance par la NASA des capacités de l’Agence spatiale européenne dans les véhicules spatiaux de service automatisés (démontrée lors des vols d’approvisionnement de l’ISS par les modules automatisés ATV). Il n’y a pas de raison de douter qu’il donne moins de satisfaction car le système est largement éprouvé.

Maintenant nous ne sommes qu’au début de la mission. Il faudra au moins 8 jours pour atteindre la Lune (380.000 km) ; il faudra au moins 6 jours pour parcourir une à deux orbites autour de la Lune (à 61.000 km d’altitude) ; et ensuite au moins 9 jours pour revenir sur Terre. La mission ne sera évidemment terminée qu’à ce moment là et on ne pourra en tirer les conclusions qu’après examen de tous les capteurs embarqués dans la capsule à la place des hommes. Il n’est évidemment pas question d’entreprendre Artemis II, avec un équipage à bord, si l’on a le moindre doute sur le fonctionnement de l’ensemble du système. Nous ne sommes plus à l’époque des premiers vols russes ou même des missions Apollo où les risques humains étaient pris plus légèrement. Ce qu’on peut espérer de plus que ces vérifications, outre bien sûr les données que recueilleront les nombreux cubesats embarqués (dont parle très bien Hugo Ruher dans Le Temps daté du 17 novembre), ce sont de belles vidéos de la Lune et surtout de la Terre derrière la Lune. On aura de très beaux levers et couchers de Terre car pour la première fois depuis Apollo, on sera dans la position très particulière de se retrouver derrière la Lune par rapport à la Terre.

Au-delà de cette première mission, le décollage d’une fusée n’est pas suffisant pour considérer que la suite se passera bien. On ne peut généraliser à partir d’un seul vol même s’il faut bien commencer par une première fois pour construire la confiance. Certains aspects du SLS me semblent préoccupants :

1) L’utilisation de l’hydrogène comme carburant. On a vu lors d’une précédente tentative de décollage avortée que le très grand froid auquel se présente l’hydrogène liquide ou gazeux très comprimé à la sortie du réservoir pose problème pour les matériaux à l’entrée des moteurs qu’il faut réfrigérer à température très basse pour que le choc thermique de l’arrivée de ce carburant soit supportable. On peut se demander pourquoi les concepteurs du SLS n’ont pas préféré utiliser le méthane (CH4) au lieu de l’hydrogène comme carburant, comme veut le faire SpaceX pour son Starship. L’Isp du méthane est moins bonne que celle de l’hydrogène (373 contre 435 secondes) mais le méthane a un point de liquéfaction beaucoup plus haut (-161°C contre -252,85°C) et se conserve donc beaucoup mieux d’autant que la molécule d’hydrogène étant la plus “petite” (masse moléculaire la plus faible) il est très difficile de l’empêcher de fuir.  Par ailleurs, le méthane liquide est beaucoup plus dense que l’hydrogène liquide 422,8 kg/m3 contre 71kg/1met cela implique des réservoirs beaucoup plus volumineux (et donc aussi une masse de métal plus importante pour les contenir). Peut-être la préférence a-t-elle une justification écologique, par le fait que le produit de la combustion du CH4 dans l’O2 est le CO2 ? Mais il faudrait savoir ce que l’on veut, lancer le système le plus efficace et gérable possible, ou faire plaisir à une partie de l’opinion qui de toute façon condamne ce qu’elle considère comme un gaspillage d’argent public.

2) La non réutilisabilité des éléments du système. Forcément cela va jouer si le Starship peut voler avec son SuperHeavy. Si ce dernier système, récupérable et réutilisable, peut fonctionner, le SLS sera immédiatement déclassé, non seulement pour des raisons écologiques mais surtout pour des raisons économiques. Personne aujourd’hui n’imaginerait que le Boeing ou l’Airbus à bord duquel il voyage pour traverser l’Atlantique, devrait être jeté après avoir servi une seule fois.

Ensuite il faut bien voir qu’on est toujours loin d’Artemis III, c’est-à-dire du retour de l’homme sur la Lune (en l’occurrence l’« homme » sera la femme) prévu pour 2026 car il faut finaliser le vaisseau HLS (Human Landing System), version lunaire du Starship « commun » (utilisable dans un environnement sans atmosphère à l’atterrissage) qui prendra le relai du SLS dans l’environnement lunaire. A ce propos le test réussi de la mise à feu simultanée de 14 moteurs Raptor de SuperHeavy cette semaine, est une information encourageante. Reste qu’il faudra faire fonctionner 29 moteurs à la fois et que le test d’essai de cette semaine n’a duré que 10 secondes. On ne pourra croire vraiment à la date de 2026 (mais 2027 serait très bien aussi !) que lorsque le Starship avec son SuperHeavy auront parcouru au moins une orbite terrestre et se seront reposés au sol en bonnes conditions.

Mais chaque chose en son temps et le moment présent est celui de simplement exprimer notre satisfaction pour cette réussite qui redonne espoir dans l’exploration spatiale.

Illustration de titre : la mission Artemis 1, crédit NASA.

Illustration ci-dessous : La capsule Orion et son module de service, volant vers la Lune, panneaux solaires déployés. Tout ce qui reste du SLS après que les deux premiers étages aient été largués. Capture d’écran NASA TV.

Liens :

https://en.wikipedia.org/wiki/Artemis_program

https://www.esa.int/Space_in_Member_States/France/Module_de_service_europeen_fabrique_en_France

https://www.esa.int/Science_Exploration/Human_and_Robotic_Exploration/Orion/The_making_of_the_European_Service_Modules

https://www.lefigaro.fr/sciences/la-nasa-tente-pour-la-3e-fois-de-faire-decoller-sa-mega-fusee-pour-la-lune-20221115

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Index L’appel de Mars 22 11 03

NEO Surveyor, instrument essentiel pour la Protection Planétaire, cadeau de nos amis Américains

En juin 2021 la NASA a confirmé la poursuite de l’étude et de la réalisation de la mission NEO Surveyor qui doit permettre, à partir d’un télescope spatial dédié, le recensement de tous les astéroïdes de plus de 140 mètres de diamètre susceptibles d’impacter la Terre. Ce sera, avec la mission DART, l’action de protection planétaire la plus effective jamais réalisée. La fusée portant le télescope doit quitter le sol terrestre en 2026.

NB : Le nom développé de la mission est « Near-Earth-Object Surveyor space telescope » et elle est maintenant dans sa phase « design préliminaire » après avoir fait l’objet d’une « mission review ».

Le rayon de l’investigation de ces NEO est un tore de 30 millions de km de petit rayon (rayon du disque dont la rotation engendre le tore) à partir de l’orbite de la Terre autour du Soleil (déterminant le grand rayon du tore soit 1 UA ou 150 M de km). Ceci correspond bien à ce qu’on peut appeler notre environnement au sens large, puisque les planètes qui nous sont voisines sont au plus près, à 41 M de km (Vénus) et à 54,6 M de km (Mars). A noter que dans le cas où l’on s’intéresserait à une recherche similaire dans l’environnement martien, l’aphélie de l’orbite martienne atteint 1,67 UA et la limite inférieure de la Ceinture d’Astéroïdes évolue à 1,7 UA, la région centrale de la Ceinture d’Astéroïdes se situant entre 2,06 et 3,27 UA. En km, 1,7 UA-1,666 UA = 5 millions de km seulement et 2,06 UA-1,666 UA = 59 M de km. La proximité de Mars de la Ceinture d’Astéroïdes impliquerait donc une recherche de NMO (Near Mars Objects) extrêmement sérieuse dans la perspective de missions habitées.

La taille de 140 mètres a été retenue comme taille minimum des astéroïdes qu’il fallait identifier car c’est la taille minimum de ceux qui, à coup sûr, pourraient arriver jusqu’au sol terrestre en y créant un cratère. Un tel astéroïde frappe la Terre tous les 20.000 ans, en moyenne*, en libérant 300 mégatonnes d’énergie (bombe d’Hiroshima 13 kilotonnes), en moyenne. Le repère suivant, 50 mètres minimum, est celui des astéroïdes qui pénètrent dans notre atmosphère tous les 2000 ans, en moyenne, en libérant 10 mégatonnes d’énergie, en moyenne. Le repère suivant est celui des astéroïdes de 25 mètres de diamètre, du type de celui qui a explosé au-dessus de la Toungouska le 13 juin 1908 provoquant un souffle au sol balayant 2000 km2 de forêt sous-jacente, quelques morts et de nombreux blessés (dans une zone très peu peuplée). Ces derniers astéroïdes font intrusion dans notre monde tous les 200 ans, en moyenne, libérant 1 mégatonne d’énergie, toujours en moyenne. Les premiers sont à détourner à tout prix et nous avons tout intérêt à détourner les deuxièmes et même encore les troisièmes. A noter que les astéroïdes NEO d’une taille supérieure à 1 km ont tous été identifiés en 2010 (il y en a, en principe, 857).

*La précision « en moyenne », répétée, est évidemment très importante.

L’objectif, fixé par la NASA en 2005, était d’identifier, avant 2020, 90% des astéroïdes de 140 mètres et 50% de ceux de 50 mètres. Un « Science Definition Team » de la même NASA publié en 2017 et évaluant les astéroïdes de 140 mètres à quelques 25.000, estimait que cela permettrait que 99% de ces astéroïdes puissent être détectés avant impact (remarquez la prudence du « 1% », évidemment compréhensible). En 2017 on n’en avait identifié que 7.800 (aujourd’hui 10.293), avec essentiellement (mais pas uniquement, voir WISE) des télescopes au sol, et on avait réalisé alors qu’on ne parviendrait pas à atteindre l’objectif simplement avec ces mêmes installations. Il fallait réagir et la réaction est en cours.

En juin 2018 un « National Near-Earth Object Preparedness Strategy and Action Plan » fut présenté par un « Interagency working group for detecting and mitigating the impact of earth-bound Near Earth Objects » presidé par le National Science & Technology Council. En décembre de la même année, le Congrès vota un « Authorization Act » pour financer le télescope spatial dédié demandé. L’action était lancée sur le plan politique.

En décembre 2020, le projet est bien entendu repris dans le document officiel du gouvernement « The National Space Policy of the United States of America » qui résume les grands principes de la politique spatiale des Etats-Unis puis en janvier 2021, dans un « Report on Near-Earth Impact Threat Emergency Protocol ».

Je cite ces différentes étapes et documents pour montrer le long processus qui mène et qui ensuite accompagne le début d’une réalisation et pour montrer que même ce qui semble facile, logique et nécessaire est entouré d’énormément de dépenses d’énergie sur le plan politique et administratif. A noter que le projet sera réalisé sous le contrôle du PDCO (Planetary Defense Coordination Office) directement par la NASA, en-dehors des divers programmes d’exploration spatiale (il était prévu au début de la réflexion sur le sujet que ce soit un projet « Discovery », sous le nom de NEOCam). Cela a permis de le sortir de la compétition avec d’autres projets scientifiques contre lesquels il ne parvenait pas à émerger et de supprimer les contraintes, notamment de coût, auxquelles ces projets doivent se soumettre…ce qui montre bien l’urgence de la réalisation pour les autorités américaines. En fin de compte il ne devrait pas coûter plus de 600 millions de dollars ce qui est un montant raisonnable (500 millions est le seuil actuel pour les missions de type Discovery, qui sont de « petites » missions, je rappelle que le JWST a dépassé les 10 milliards).

J’en arrive presque au projet précis qui est sorti de tout cela, la mission NEO Surveyor, mais auparavant il faut préciser deux choses :

(1) L’avantage d’un télescope spatial est de poursuivre l’observation jour et nuit et aussi de n’être pas troublé par les multiples interférences résultant de l’observation du ciel à partir du sol terrestre dans le domaine infrarouge proche qui est évidemment celui retenu pour les astres froids (en complément du visuel à partir de la Terre) comme le sont les astéroïdes.

(2) Le télescope à infrarouge WISE (Wide Field Infrared Survey Explorer) devenu NEOWISE, de la NASA, avait commencé la recherche des NEO dans le cadre de son projet généraliste d’utilisation de l’infrarouge pour identifier les astres froids (y compris pour repérer les naines brunes ou les exoplanètes). Mais NEOWISE était et reste moins puissant que NEO Surveyor et moins bien placé dans l’espace (orbite circulaire synchrone-Soleil à 525 km autour de la Terre). Par ailleurs, sa mission en infrarouge « vrai » a été très courte (une année entre 2009 et 2010) en raison de l’épuisement rapide de ses réserves limitées de liquide réfrigérant (H2). Il continue aujourd’hui, et jusqu’en 2023, ses observations généralistes en mode dégradé, sur des longueurs d’onde à la limite du visible (3,4 à 4,6 microns).

La mission NEO Surveyor disposera d’un télescope doté d’un miroir primaire de 50 cm de diamètre qui captera les ondes infrarouges entre 4 et 10 microns (IR moyen et début de l’IR profond). Le télescope sera positionné en orbite autour du point de Lagrange Terre/Soleil « L1 » (c’est-à-dire entre la Terre et le Soleil, à 1,5 millions de km de la Terre). Compte tenu de cette position et de l’importance de voir les astéroïdes dont la trajectoire pourrait provenir de derrière le Soleil, il « regardera » autour de notre astre du jour sous la protection d’un coronographe. L’ellipse large autour du point L1 lui permettra aussi d’observer en direction opposée, au-delà de la Terre. Et bien sûr c’est toute la sphère céleste, sur tout le parcours de la Terre autour du Soleil, qui sera « passée au peigne fin » puisqu’il nous accompagnera en position identique par rapport au Soleil pendant toute cette course. D’une masse de 1,3 tonnes il pourra facilement être embarqué à bord d’un Atlas V ou d’un Falcon 9.

Aux dernières nouvelles on annonce qu’il pourra distinguer les astéroïdes d’une taille descendant à 30 mètres (la taille de l’astéroïde de la Toungouska) et qu’il devrait atteindre son objectif d’identification des astéroïdes de plus de 140 mètres à 90% dans les 10 ans. Sa mission durera 12 ans.

La mission DART est bien sûr le complément à cette mission d’identification car si on détecte un danger, il faudra bien faire « quelque chose ». Par ailleurs, pour ne pas voir tout en noir, on peut imaginer que la mission permette d’identifier (par spectrographie) quelques astéroïdes riches en minerais rares exploitables et qui seraient accessibles depuis la Terre par une expédition de minage.

On peut imaginer à partir de là qu’on fera un jour de même pour la protection de Mars, même si comme on l’a vu la semaine dernière, le besoin de précision (taille des astéroïdes) pour les hommes sur cette planète sera beaucoup plus élevé en raison de la proximité de la Ceinture d’Astéroïdes et de la ténuité de l’atmosphère. Bien entendu la recherche menée pour la protection planétaire de la Terre pourra bénéficier à celle de Mars et réciproquement car, j’insiste, ces télescopes ne se contenteront pas de repérer les astéroïdes, ils en détermineront la trajectoire (compte tenu de leur proximité, le déplacement des NEO est nettement perceptible, à partir du moment où on les a repérés bien sûr).

Illustration de titre : vue d’artiste du télescope NEO Surveyor. Credits: NASA/JPL-Caltech.

Illustration ci-dessous : trajectoire de mise en orbite pour NEO Surveyor, puis orbites successives. La Terre est le point bleu à droite, L1 est le point émeraude à gauche. Le Soleil est dans l’alignement des deux points, vers la gauche. Vous remarquerez la très belle orbite de Lissajous (trajectoire orbitale quasi-périodique que tout objet céleste parcourt sans propulsion autour d’un point de Lagrange). Rappelons quand même que L1 est un point d’équilibre instable et qu’il convient de temps en temps de procéder à une correction. Capture d’écran, crédit : Wikipedia Commons (Horizon system, JPL, NASA).

Liens:

https://www.nasa.gov/feature/nasa-approves-asteroid-hunting-space-telescope-to-continue-development

https://spacenews.com/nasa-to-develop-mission-to-search-for-near-earth-asteroids/

https://www.nasa.gov/feature/new-report-assesses-status-of-detecting-near-earth-asteroids

https://www.nasa.gov/sites/default/files/atoms/files/pdco-neoreport030825.pdf

https://www.astronomy.com/bonus/asteroidday

https://www.nasa.gov/sites/default/files/atoms/files/ostp-neo-strategy-action-plan-jun18.pdf

https://en.wikipedia.org/wiki/Wide-field_Infrared_Survey_Explorer

https://neowise.ipac.caltech.edu/

https://www.clubic.com/mag/sciences/conquete-spatiale/actualite-374812-neo-surveyor-la-nasa-accelere-son-projet-pour-surveiller-les-asteroides.html

https://cneos.jpl.nasa.gov/

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Index L’appel de Mars 22 11 03

Les météorites sur Mars, un danger auquel il faudra penser

La veille de Noël 2021, à 22h38, un mouvement sismique important puisqu’il fut classé au-dessus de 4 sur l’échelle de Richter, fut enregistré par le sismomètre SEIS* déposé sur le sol de Mars par la sonde InSight* de la NASA. Le 18 septembre un autre impact à peine moins important avait été enregistré. Ces enregistrements purent être faits grâce à la capture des ondes sismiques P et S puis R** provenant de ces événements, qui sont exceptionnels puisqu’aucun mouvement sismique comparable (d’origine externe) n’avait été ressenti depuis l’atterrissage de la sonde fin Novembre 2018. Ces ondes de nature et de vitesse différentes permirent de les localiser assez précisément. Plusieurs mois plus tard, la caméra HiRISE embarquée à bord de l’orbiteur MRO, de la NASA, repéra, là où ils devaient être, deux magnifiques cratères encore « frais ». Une étude à leur sujet a été publiée dans la revue Science du 27 octobre 2022 (référence en fin d’article).

*SEIS est l’acronyme de Seismic Experiment for Interior Structure, InSight est celui de Interior Exploration using Seismic Investigations, Geodesy and Heat Transport.

**Les ondes P et S sont des ondes volumétriques. Les P (Primaires) sont longitudinales et les S (Secondaires), un peu plus lentes, sont transversales. Un second type, les ondes de surface (R et L), sont de deux types, « de Love » ou « de Rayleigh », les premières verticalement et horizontalement, les secondes en mouvement tournant en rouleaux. Les deux impacts mentionnés furent à l’origine d’ondes de ce second type enregistrées sur Mars pour la première fois.

Les cratères se trouvent assez loin d’InSight (la sonde se trouve au Nord de Curiosity, dans Elysium Planitia). Le premier (S1094b) à 3460 km (soit à 58,5° sur la sphère martienne), dans Amazonis Planitia (à l’Ouest NO du socle de Tharsis). C’est le plus important ; il a environ 150 mètres de diamètre. L’astéroïde qui l’a creusé devait avoir une masse de 250 à 650 tonnes pour une dizaine de mètres de diamètre. Le second (S1000a) est situé à 7455 km (à 126°) dans la région de Tempe Terra ; il a environ 130 mètres de diamètre (et le cratère principal est entouré de plusieurs cratères secondaires). Le plus lisible est S1094b parce qu’il est plus près de SEIS et sur un terrain plat relativement homogène alors que le second est séparé par près de la moitié de la sphère planétaire, ce qui a induit l’interférence de la masse du noyau de la planète sur les ondes émises. Il est aussi situé derrière un graben (fossé) qui a agi comme un écran entre le choc et le sismographe.

Ces impacts ont permis une meilleure vision de l’intérieur de la planète et amélioré ce qu’on savait déjà de l’épaisseur des différentes couches qui la structurent (croûte, manteau, noyau) et sur l’inhomogénéité de la croûte (la planète ressemble de ce fait plus à la Lune qu’à la Terre). Mais ce qui m’intéresse le plus ici c’est l’impact lui-même, d’une part par ce qu’il montre du sous-sol immédiat qu’il a découvert et d’autre part par le danger des météorites sur Mars dont il nous rappelle la réalité.

Concernant le premier point, ce qui a été le plus remarqué c’est que S1094b a révélé de la glace d’eau cachée sous le régolithe. Elle n’était pas totalement sublimée quelques mois après l’impact, ce qui implique qu’il y en avait bien davantage car la latitude est basse (température au dessus de 0°C possible dans la journée). C’est de fait la plus basse (35°N) à laquelle on a constaté visuellement de la glace dans le sous-sol immédiat (précédent 39°N). Comme rien ne laissait présager cette présence, cela renforce l’intérêt de mener la mission I-MIM équipée d’un radar puissant pour sonder les premiers mètres du sol, mission dont j’ai parlé la semaine dernière. Cela confirme aussi l’idée qu’on pourra facilement extraire de la glace d’eau un peu partout sur Mars (la profondeur du cratère est de 21 mètres en moyenne).

Mais ces impacts posent aussi le problème du danger des météorites qu’encourront les humains qu’on enverra un jour sur Mars. Certes les impacts de grosses météorites comme ces deux-ci sont probablement rares mais il risque d’y en avoir nettement plus, et de toute taille, que sur Terre. En voici les raisons :

1) Mars est tout près de la Ceinture d’Astéroïdes et peut-être, du fait de ce voisinage, ceux qui évoluent dans l’environnement martien (les NMO, Near Mars Objects) sont-ils moins rares que ceux qui évoluent dans notre environnement (les NEO, Near Earth Objects, “astéroïdes géocroiseurs” en Français).

2) La sphère de Hill de Mars (son ère d’attractivité gravitationnelle dominante) est très inférieure à celle de la Terre. Cela réduit donc le nombre et la taille des astéroïdes qu’elle peut attirer vers elle.

Toutes choses égales par ailleurs, on peut donc estimer qu’il y a au moins autant d’astéroïdes qui arrivent dans l’atmosphère de Mars que dans celle de la Terre. C’est à partir de là (prise en compte de l’action de l’atmosphère) que se manifeste la vraie différence entre Mars et la Terre.

Je passe, rapidement, sur une première différence qui est celle de la gravité du corps sur lequel tombe l’astéroïde. La même masse impactant la Terre, Mars, la Lune ou Arrokoth (petit astéroïde orbitant dans la Ceinture de Kuyper découvert par la sonde New Horizon), n’aura pas du tout le même effet. La force de l’impact résulte de la différence relative des vitesses de déplacement et de la force de gravité des astres en présence. Ceci dit la différence entre la Terre et Mars fait qu’une masse de 250 à 650 tonnes pèsera quand même 100 à 250 tonnes sur Mars.

Je passe aussi sur la composition minéralogique des astéroïdes NEO et sans doute NMO. Il est évident que tous ces petits corps sont d’une grande variété mais 75% (type C) sont des chondrites carbonées; 17% (type S) sont riches en silicates, fer, nickel et magnésium; les astéroïdes purement métalliques (type M) sont de quelques pourcents. Leur densité est également variable et fonction de cette composition. Quoi qu’il en soit les astéroïdes peu denses sont la grande majorité.

La différence de densité d’atmosphère joue un rôle beaucoup plus important. L’atmosphère terrestre forme un écran protecteur qui manque presque totalement pour Mars (pression au sol 6 mb en moyenne). Il faut en effet bien voir qu’en dessous d’une certaine masse le freinage par l’atmosphère est très sensible autour de la Terre, et la vitesse d’arrivée au sol est d’autant plus faible que la masse est faible. Ce freinage est synonyme de dissipation d’énergie. On estime qu’en dessous de 100 mètres de diamètre, un astéroïde rocheux libère la plus grande partie de son énergie dans l’atmosphère terrestre et qu’en dessous de 10 mètres la totalité de l’énergie y est dissipée. Et il y a non seulement dissipation d’énergie mais modification de la structure de la masse à l’occasion de cette dissipation. L’atmosphère terrestre brûle en totalité les micrométéorites mais elle disloque aussi les météorites plus grosses. A fin de comparaison il faut savoir que la météorite S1094b faisait une dizaine de mètres de diamètre et que la météorite de Tcheliabinsk devait avoir entre 12 et 17 mètres. Cette dernière s’est fragmentée entre 40 et 20 km d’altitude ce qui sous-entend que sur Terre S1094b ne serait certainement pas arrivé au sol.

On voit bien que sur Mars presque rien ne va freiner l’astéroïde avant l’impact au sol. Je dis « presque » parce que l’atmosphère martienne va quand même ralentir et même brûler les plus petites masses (ce que ne peut pas faire l’environnement lunaire puisque la Lune n’a pratiquement pas d’atmosphère mais la force de gravité lunaire est deux fois moins grande). Dans son étude en référence (un peu ancienne, 1969, mais sans doute toujours valable), Robert Dycus nous dit que l’atmosphère offre très peu de protection contre les météorites de masse supérieure à une tonne et qu’à partir de 10 grammes et en-dessous, elles sont totalement freinées (mais peuvent arriver au sol en chute libre). Ce qui laisse beaucoup de possibilités d’impacts très rudes.

Certes on pourra recenser les plus gros NMO comme on le fait pour les NEO terrestres estimés dangereux. Mais le critère des 140 mètres de diamètre minimum adopté pour la Terre* ne sera pas suffisant pour Mars pour limiter les catastrophes. Et plus on descendra en taille, plus les astéroïdes seront nombreux, plus ils seront difficiles à détecter de loin. On n’arrivera jamais à descendre suffisamment bas pour être « tranquille » car même une brèche de quelques cm dans un habitat pressurisés serait un événement grave nécessitant d’être traité en urgence. Il faudra donc vivre avec ce danger.

*c’est l’objectif du recensement demandé au télescope NEO Surveyor qui doit être lancé par la NASA au premier semestre 2026.

C’est un risque qu’il faudra prendre en compte quand l’homme créera une base habitable sur Mars. Sa concrétisation sera relativement rare mais sérieuse. Cela veut dire qu’il y aura des accidents certes peu fréquents mais beaucoup moins rares que sur Terre et plus dangereux puisque l’air extérieure sera très ténu et irrespirable. Que pourra-t-on faire pour se protéger ?

Pour ce qui est des habitats il faudra privilégier les habitats enterrés plutôt que les structures édifiées en surface (si elles le sont, la couverture de régolithe sera indispensable). Deux mètres de régolithe, recommandé pour les radiations, seront également efficaces contre les petits astéroïdes. Par ailleurs, il faudra segmenter les habitats par des portes coupe-feu ou coupe-dépressurisation pour qu’en cas d’impact sur un volume viabilisé aérien, tout l’air respirable de la base ne s’échappe dans l’atmosphère.

Pour les petits impacts, toute personne « à l’extérieur », en « EVA » comme on dit, (« Extra Vehicular Activity ») devra porter avec elle une boite avec des patchs permettant de stopper les accidents de dépressurisation (mais de toute façon il faudra se prémunir contre les conséquences d’accrocs divers). De même les passagers de véhicules pressurisés devront emporter dans leur trousse de secours des plaques de matériaux et un équipement pour les souder, permettant de colmater les trous dans la coque ou la carrosserie de leur véhicule (mais de toute façon la « trousse à outil » devra pouvoir remédier à toute perforation d’un habitat pressurisé).

Cela ne va quand même pas nous empêcher d’aller sur Mars. Il y aura probablement beaucoup moins d’impacts d’astéroïdes (quelques 200 par an estimés) que d’accidents de voiture sur Terre.

Illustration de titre : cratère d’impact de l’astéroïde S1094b. Photo HiRISE (orbiteur MRO) crédit NASA.

Illustration ci-dessous : une magnifique météorite métallique (fer/nickel) de 5 cm de diamètre rencontrée par Curiosity le 30 Oct. 2016. Crédit NASA/JPL-Caltech/MSSS.

Liens :

https://www.cieletespace.fr/actualites/la-sonde-insight-detecte-deux-gros-impacts-meteoritiques-sur-mars

https://www.science.org/doi/10.1126/science.add8574#:~:text=On%2024%20December%202021%2C%20the%20InSight%20Mars%20lander%20recorded%2C%20for,details%20of%20the%20martian%20crust.&text=A%20satellite%20image%20of%20the,by%20the%20Mars%20Reconnaissance%20Orbiter.

https://www.science.org/doi/10.1126/science.abq7704

https://mars.nasa.gov/insight/mission/overview/

https://iopscience.iop.org/article/10.1086/128793/pdf

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Index L’appel de Mars 22 11 03

I-MIM une mission pour rechercher la glace accessible sur Mars afin de préparer l’arrivée de l’homme

En Août 2022, un « final report » a été remis par un groupe international de chercheurs* pour le compte de plusieurs agences spatiales**, pour réaliser la cartographie et la caractérisation des gisements de glace d’eau facilement accessibles sur Mars (de 0 à 10 mètres en profondeur) ainsi que leur couverture (rochers ou régolithe). Le projet connu comme « International Mars Ice Mapper Measurement Project » (« I-MIM ») a fait l’objet d’une présentation en session plénière à la Convention 2022 de la Mars Society américaine (samedi 22 octobre), par l’un de ces chercheurs, le Dr. Stefano Nerozzi (Lunar and Planetary Laboratory, University of Arizona). Il est prévu pour ce travail de recherche, d’utiliser des moyens robotiques compatibles avec les technologies aujourd’hui disponibles, principalement un orbiteur avec radar. Une mission ayant cet objet pourrait partir pour Mars avant la fin de cette décennie. Elle ne semble pas si difficile à réaliser en termes de masse et de volume et même d’instruments. Elle aura clairement pour objectif de préparer un séjour de longue durée de l’homme sur Mars. Il faut donc souhaiter fortement que les Agences (dont bien sûr la NASA) lui allouent les crédits nécessaires.

*une soixantaine, dont le Professeur Nick Thomas de l’Université de Bern et Valentin Bickel de l’ETHZ, aucun représentant d’université française.  

**Canada, Italie, Japon, Pays-Bas, Etats-Unis

Il n’est pas question de vérifier encore une fois qu’il y a eu de l’eau liquide sur Mars et qu’il y a encore de la glace d’eau dans le sous-sol immédiat (en dehors des pôles, bien sûr). Ceci on le sait depuis longtemps. Il n’est pas question non plus de rechercher l’eau profondément enfouie dans la croûte de la planète. On sait qu’elle existe et le savoir présente un intérêt pour comprendre l’histoire géologique de Mars, qui est exploité par ailleurs. Cette fois-ci les chercheurs se sont orientés sur l’utilisation que les hommes pourront faire de cette eau pour en vivre. D’ailleurs, les régions qui doivent être explorées sont les latitudes basses et moyennes, c’est-à-dire celles où l’on envisage d’atterrir (il est exclu de monter trop haut en latitude pour que les conditions hivernales soient acceptables tant en besoin de chauffage que d’énergie solaire captable continument).

Pour affiner le concept de mission, définir les données à recueillir et les moyens de le faire, les Agences ont constitué une « équipe de définition des mesures », « MDT » (pour « Measurement Definition Team »). Cette MDT a remis son rapport (le « final-report » mentionné ci-dessus) en août 2022 précisant les buts et objectifs de la mission ainsi que sa charge utile principale, un radar polarimétrique à synthèse d’ouverture (SAR), hybride, observant verticalement (Nadir), avec polarisation circulaire à l’émission (angle 40 à 45°, zone couverte d’une trentaine de km de large) et bilatérale linéaire à la réception. La polarimétrie permet la spectrométrie donc l’analyse chimique de la surface réfléchie par les ondes. Ce radar scrutera le sol dans la bande « L » du spectre électromagnétique (930 gigahertz), cette longueur d’onde étant la plus sensible pour détecter et évaluer l’humidité concentrée dans le sol. Le radar (fourni par l’agence italienne – ASI, fonctionnant sur une structure – « bus » – de l’agence japonaise – JAXA) fonctionnera avec une antenne dotée d’un grand réflecteur déployable, (LDR, « Large Deployable Reflector ») d’un diamètre de 6 mètres (voir ci-dessous). Il aura ainsi une capacité de définition bien meilleure que les autres radars déjà envoyés autour de Mars.

Le MDT émet aussi ses recommandations sur les opérations à effectuer pour tirer profit de la découverte des gisements.

Il ne s’agira pas seulement de constater la présence de glace ou les propriétés du manteau rocheux la recouvrant mais aussi d’évaluer si la zone pourra supporter des opérations de surface (notamment l’extraction) ; à quelle profondeur se trouve le socle sous-jacent ; quelle sera la science que l’on pourra effectuer à l’aide de ces gisements. On attend ainsi du radar qu’il puisse donner une image en 3D des gisements et évaluer la pureté de l’eau et ses autres caractéristiques. Rappelons que la surface de Mars est couverte de sels de perchlorates et que l’eau à partir de laquelle la glace s’est formée était très salée (perchlorates et autres) suite à une très forte évaporation/sublimation sur une période très longue. Par ailleurs dans les premiers mètres, il a pu y avoir sublimation par tous les interstices le permettant et il peut donc y avoir beaucoup d’impuretés dans la glace la plus superficielle.

L’orbiteur porteur du radar pourrait arriver vers 2030 et faire ses observations à l’altitude de 255 Km (orbite circulaire) pendant une année martienne (690 jours). Il aura bien sûr une orbite polaire afin de couvrir progressivement toute la surface de la planète. NB : pour comparaison l’ISS évolue autour de la Terre entre 330 et 420 km.

Pendant les premiers 10 mois (période dite de « reconnaissance »), il fera une couverture exhaustive de la surface utile de la planète délimitée par une latitude Nord et une latitude Sud maximum, avec une définition de 30 mètres au sol. Ensuite il reviendra sur les zones les plus intéressantes pour effectuer une étude aussi précise que possible (« detailed characterization ») avec une résolution horizontale de 3 à 30 mètres et une résolution verticale de moins d’un mètre sur plus de 6 mètres de profondeur. C’est nettement supérieur à ce qu’on a pu faire auparavant (la résolution verticale de SHARAD – NASA, à bord de l’orbiteur MRO – est de 8 à 15 mètres, celle de MARSIS – ESA à bord de l’orbiteur Mars Express – de 150 mètres).

Il embarquera des équipements complémentaires, « en synergie », qui pourront profiter du transport et contribuer à l’amélioration de la capacité de la mission à remplir ses objectifs (toujours avec en vue le séjour/établissement de l’homme sur Mars) ou aller un peu plus loin.

Ainsi un sondeur VHF (à très haute fréquence) pourra combler le « gap » entre la zone de précision du radar SAR (celui qui sera embarqué) et la couche qui est actuellement observable par les radars SHARAD ou MARSIS. Le premier évolue entre 250 et 316 km et le second entre 800 à 1200 km de la surface (ce dernier est donc beaucoup moins précis, et SHARAD un peu moins). Pour SHARAD, la couche aveugle est d’une vingtaine de mètres (et il sonde le sol jusqu’à un km de profondeur). La couche aveugle de l’autre radar, MARSIS est un peu plus importante mais sa pénétration peut descendre jusqu’à – 5 km. Le VHF couvrira donc au-delà du SAR, toute la zone exploitable et la zone sous-jacente.

Un imageur à haute résolution (25 cm/pixel) embarqué à bord de la mission I-MIM pourrait par ailleurs permettre de visualiser les sites observés par le radar et aussi les sites visibles directement tels que les cratères récents contenant de la glace d’eau (comme les deux que le sismomètre SEIS de la sonde InSight vient de nous révéler) ou tel que les falaises de glace (« scarps » en Anglais ; on en a déjà identifiée certaines). Sa vision bilatérale (stéréo) pourrait aussi permettre d’affiner la carte topographique MOLA précédemment établie. A noter que la puissance de discernement de la caméra la plus performante actuelle, HiRISE de la NASA (à bord de l’orbiteur MRO), est de 30 cm/pixel et que nous aurons donc une définition un peu améliorée.

Bien entendu les équipements embarqués pourraient aussi collecter des données utiles à d’autres recherches : études géologiques en général (stratigraphie) ; meilleures compréhension des interactions entre atmosphère et surface ; système des vents et leurs effets sur la température ou sur la circulation d’éléments qu’ils peuvent porter (poussière, vapeur d’eau) ; étude de l’ampleur des aurores boréales (pour détecter les champs magnétiques résiduels) ; repérage des sites favorables à l’habitabilité ou à de possibles réactions prébiotiques (outre les gisements de glace, les vides sous la surface correspondant à des cavernes ou les points humides).

Ces études doivent déboucher sur des propositions de sites sur lesquels une implantation humaine pourra être envisagée (quantité de glace adéquate et accessibilité de cette glace notamment sous régolithe et non sous rochers massifs). On recherchera bien sûr un site le plus au Sud possible, dans la zone intertropicale.

L’un des effets annexes de la mission pourrait être l’installation en orbite d’un relai de communication à très forte capacité évoluant de concert avec l’orbiteur I-MIM en très haute altitude (voir illustration de titre). En effet les données recueillies par ce dernier pourraient être très importantes en volume et non transmissibles constamment en direct depuis l’orbiteur. Ce relai pourrait également servir à d’autres missions.

Ce qui manque maintenant c’est le financement et bien sûr, rien n’est gagné. Tout dépendra d’une décision politique, ce qui sera recommandé par la communauté scientifique américaine dans son ensemble et ce qui sera décidé par le Congrès des Etats-Unis. C’est cependant à ma connaissance le projet scientifique (et non seulement ingénieurial) auquel la NASA participe qui soit la plus forte contribution à la concrétisation au projet de l’homme sur Mars (même s’il est bien précisé que la motivation sera la recherche scientifique et non le développement d’une nouvelle branche de l’humanité en dehors de la Terre). Cela pourrait profiter à Mars par rapport à la Lune. En effet, pour l’avenir de l’habitabilité de la planète, l’abondance d’eau accessible est ce qui fera l’une des différences essentielles avec cette dernière (en plus d’une atmosphère non négligeable, de journées de 24h39, d’une gravité plus forte).

On peut remarquer enfin l’absence d’implication de l’ESA, toujours pudiquement en retrait quand il s’agit de missions habitées.

Illustration de titre : évolution dans l’espace proche de Mars, de l’orbiteur I-MIM avec son radar (l’ombrelle) envoyant les données reçues vers son relai de communication vers la Terre, situé sur une orbite plus élevée. vue d’artiste. Crédit NASA.

Lien :

https://science.nasa.gov/science-pink/s3fs-public/atoms/files/I-MIM_MDT_Final_Report_24_Aug_2022_exec_sum2.pdf

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Index L’appel de Mars 22 10 22

A la recherche de planètes de type terrestre autour d’étoiles ultra-froides

Un mouvement se manifeste actuellement chez les astronomes et astrophysiciens pour identifier grâce à de nouveaux outils, tels les télescopes SPECULOOS, un maximum de planètes de type terrestre orbitant dans la zone habitable des étoiles proches peu massives, naines-rouges ou naines-brunes. Cette recherche est ce qu’on peut faire de mieux aujourd’hui dans le cadre d’une démarche de longue durée qui vise à déterminer les conditions et contraintes de l’apparition de la Vie.

Rappelons que la zone habitable d’une étoile est le tore* au sein duquel les radiations reçues sont telles que la température qu’elle génère permet l’eau liquide en surface de la planète qui pourrait y évoluer. Pour être comparables à la Terre, les planètes recherchées sont rocheuses (pour que l’eau puisse « couler » sur un support et l’imprégner), ne doivent être ni trop petites (les planètes trop petites se refroidissent trop vite), ni trop massive (les « superterres » restent trop chaudes et leur croûte peut-être trop fine exposant fréquemment au magma tout ce qui se trouve à leur surface), et elles doivent évidemment être enveloppées d’une atmosphère.

*On pourrait penser à la sphère mais la force de gravité entraîne naturellement les planètes à tourner autour d’une étoile là où sa masse en rotation est la plus importante, c’est-à-dire son équateur. Plus la distance à l’étoile augmente plus cette contrainte s’affaiblit. C’est ainsi que les nuages de Oort finissent par former comme une coque autour du système planétaire.

Si l’on s’attache aux étoiles les moins massives c’est que la recherche de petites planètes autour d’elles est plus facile, c’est même les seules que l’on puisse identifier, sauf accident (ou plutôt, coup de chance). En effet tout d’abord la lumière d’une naine-rouge et a fortiori d’une naine-brune est moins éblouissante et donc l’atténuation du rayonnement par le passage d’une petite planète entre l’étoile et nous, autrement dit son « transit », aura un effet d’avantage perceptible visuellement. Ensuite, la zone habitable générée par une étoile peu massive est extrêmement proche de cette étoile (beaucoup plus proche que Mercure n’est du Soleil) et donc la période orbitale des planètes qui s’y trouvent est très courte et leurs transits très fréquents ce qui a pour conséquence qu’ils peuvent être contrôlés et confirmés moins difficilement. Rappelons que pour une étoile comme le Soleil, le transit d’une planète située dans la zone habitable (la Terre), n’intervient que tous les ans. Les autres méthodes de détection des planètes, « vitesse radiale », « astrométrie » ou « microlentille gravitationnelle » qui toutes constatent leur effet gravitationnel sur l’étoile, sont contraintes par la même difficulté. Je parle dans cet article de la méthode du transit puisque c’est celle qui est utilisée par les nouveaux instruments.

Ces instruments sont les SPECULOOS (Search for habitable Planets EClipsing ULtracOOl Stars) qui font suite aux TRAPPIST (TRAnsiting Planets and PlanetesImals Small Telescope) qui étaient ce qu’on appelle des « précurseurs » dans un environnement plus large où il existe d’autres télescopes dédiés mais avec des objectifs et des moyens un peu différents (TESS de la NASA – en cours de mission*, CHEOPS de L’Uni. Berne et de l’ESA – en cours de mission, Kepler de la NASA – mission achevée). NB : vous remarquerez que les deux (très mauvais) acronymes SPECULOOS et TRAPPIST indiquent l’origine belge du programme (Université de Liège, Michaël Gillon). La Coopération SPECULOOS est en effet dirigée par l’Université de Liège en partenariat avec l’Université de Cambridge. Les autres membres en sont l’Université de Birmingham, le MIT, l’Université de Bern, l’Institut d’Astrophysique des Iles Canaries et l’ESO (European Southern Observatory).

*avec un point d’interrogation car TESS est malheureusement en panne depuis le 12 Octobre. L’acronyme de TESS est Transiting Exoplanet Survey Satellite. 

TRAPPIST comprend deux télescopes, l’un dans l’hémisphère Sud, l’autre dans l’hémisphère Nord, chacun équipé d’un miroir primaire de 60 cm de diamètre. Il s’est illustré par la découverte en 2015 de « TRAPPIST-1 », un système de sept planètes autour d’une naine rouge de 0,08 masses solaires, dont 3 dans sa zone habitable et de masses comparables. Les télescopes SPECULOOS sont un peu plus puissants avec un diamètre de miroir primaire de 1 mètre. Il y en a quatre dans l’hémisphère Sud (Cerro Paranal, « SSO »), un dans l’hémisphère Nord (Tenerife, « SNO ») plus une collaboration avec un télescope au Mexique (SAINT-EX) et bien sûr avec les TRAPPIST, toujours en activité. Leur segment d’observation se situe dans l’infrarouge proche, c’est-à-dire qu’il prolonge vers le rouge (étoile M et en-dessous, L,T et même peut-être Y dont le rayonnement est le plus faible) le segment observé par le télescope spatial TESS qui observe les étoiles les plus brillantes de notre environnement (G et K dans la classification de Harvard O, B, A, F, G, K, M et brunes, le soleil étant classé G).

SPECULOOS se consacre, comme TRAPPIST, aux étoiles proches mais il pourra en voir 10 fois plus, c’est-à-dire voir des planètes dont la luminosité/rayonnement est nettement plus faible. Son objet est effectivement d’identifier le maximum de planètes de type terrestre en zone habitable de ces étoiles peu massives pour en tirer des informations que l’on pourra généraliser. Les « candidates » les plus intéressantes seront transmises au JWST dont la capacité de discernement est plus puissante et qui est équipé pour détecter et analyser le spectre des atmosphères. Il faut cependant que les étoiles ne soient pas trop éloignées (au plus quelques petites centaines d’années-lumière) et pas trop lumineuses mais cependant suffisamment pour être détectables par les télescopes.  L’avantage du rayonnement infrarouge (qui est aussi celui utilisé par le JWST) c’est que dans cette partie du spectre électromagnétique il y a moins de différence d’intensité entre le rayonnement de l’étoile et celui de la planète.

SPECULOOS Sud a vu sa première lumière en décembre 2018 et a commencé ses observations en janvier 2019. En septembre 2022, il a détecté une planète qui mérite une attention particulière, « LP 890-9 c ». Cette planète a fait l’objet d’une publication dans la revue Astronomy & Astrophysics le 7 septembre. L’auteur en est Laetitia Delrez, chargée de recherche au sein des unités de recherches Astrobiology et STAR (Faculté des Sciences) de l’Université de Liège. Elle est située dans la zone habitable de la naine-rouge LP 890-9 (du même type que TRAPPIST-1), à une centaine d’années-lumière de chez nous. Sa masse est 40% supérieure à celle de la Terre et elle orbite son étoile à une distance 10 fois inférieure à celle de Mercure. La raison de l’attention qu’on lui porte est qu’elle présente la particularité d’être proche de la limite intérieure de la zone habitable (HZ) et donc, si elle a une atmosphère qui contient de l’eau, que celle-ci pourrait être, du fait de la température élevée, largement sous forme de vapeur ce qui faciliterait la détection de cet élément. Une autre planète du système avait été précédemment vue par TESS mais encore plus proche de l’étoile donc en dehors de la zone habitable. SPECULOOS a pu faire mieux car le télescope a davantage de capacité dans l’infrarouge. A noter que l’effet de marée sur cette planète résultant de la force de gravité généré par l’étoile, doit être très fort et provoquer une activité volcanique intense qui, au-delà de l’eau, peut enrichir l’atmosphère de toutes sortes de gaz dont bien sûr du gaz carbonique et des composés soufrés.

Les astrophysiciens veulent tirer de ces observations des enseignements de nature biotique (pour ne pas dire biologique) ou comme on dit, « détecter des biosignatures » comme, par exemple, la présence d’oxygène moléculaire ou de méthane dans l’atmosphère (mais les autres gaz ne sont pas négligeables car ils peuvent constituer un cocktail favorable à la vie). C’est dans cet état d’esprit et avec ces données que travaillent en Suisse, à l’ETHZ, le « Centre pour l’origine et la prévalence de la vie » dirigé par le Prix Nobel Didier Queloz et à l’Université de Genève, le « Centre pour la vie dans l’Univers » dirigé par l’astrophysicienne Emeline Bolmont (voir « la Der » du Temps du 18/10/2022).

A noter que Didier Queloz a cédé sa place à Emeline Bolmont le 22 septembre à l’ETHZ et que le Centre de Berne est un peu plus récent que celui de Genève. Selon le Président de l’EPFZ, Joël Mesot, Didier Queloz travaille à « comprendre comment la vie s’est développée sur la Terre et s’il y a de la vie en dehors du système solaire ». Quant à Emeline Bolmont, d’après ses propres termes rapportés par Le Temps, elle doit « contribuer à percer les mystères de l’origine de la vie sur Terre et à répondre à la question : y a-t-il de la vie ailleurs ? » ce qui me semble être exactement la même chose. La concurrence c’est l’émulation et c’est certainement une bonne chose mais espérons qu’elle n’exclut pas la coopération. Ceci dit, le départ de Genève de Didier Queloz est certainement une perte pour l’Université de Genève et me semble mal expliqué.

Mais quoi attendre de cette quête ? On étudie les planètes de type terrestre orbitant les naines rouges ou brunes parce que ce sont les plus faciles à étudier mais peut-on vraiment espérer trouver de la vie sur ces planètes ? Je crains que non. L’« habitabilité » n’est fondée que sur une température qui permettrait à l’eau d’être liquide et c’est un leurre pour deux raisons.

La première c’est que la combustion interne (fusion hydrogène => deutérium) des naines-rouges est erratique. Leurs tâches solaires peuvent atténuer la lumière émise jusqu’à 40% pendant plusieurs mois et, à d’autres périodes, des éruptions gigantesques, proportionnellement à leur diamètre, peuvent doubler leur luminosité en quelques minutes et bien sûr atteindre les planètes très proches qui évoluent dans sa zone habitable.

La seconde c’est qu’en raison de la faiblesse relative du rayonnement d’une naine-rouge, la zone habitable est si proche de l’étoile que, par effet de marée, la planète qui peut s’y trouver sera bloquée dans sa rotation, présentant toujours la même face à l’étoile (comme la Lune avec la Terre). Les seuls mouvements à la surface de ces planètes pourraient être (1) un mouvement de convection dans l’atmosphère provoqué par l’existence d’un pôle froid (l’atmosphère au-dessus de la face froide) et d’un pôle chaud (l’atmosphère d’autant plus chaude qu’elle se trouve à la verticale du rayonnement de l’étoile), donc certainement du vent ; (2) les mouvements liés à la gravité (évaporation, pluie, écoulement de l’eau) ; (3) du volcanisme; (4) de temps en temps un cataclysme radiatif lié à une éruption de type « white-light-flare », riche en rayons X, de l’étoile . Tout récemment, il a été constaté sur un très petit échantillon, que ces éruptions proviendraient des hautes latitudes (à partir de 50°) de l’étoile et non de l’équateur, ce qui limiterait les risques pour les planètes orbitant dans ce plan. Cette particularité reste à confirmer.

Les conséquences me semblent tout à fait incompatibles avec une véritable habitabilité ou du moins avec une évolution au-delà de formes très primitives de vie. D’abord le flux radiatif occasionnellement extrêmement fort risque d’empêcher toute évolution suffisamment longue d’organismes en surface. Ensuite l’absence totale de fluctuation des marées de l’eau liquide, d’alternances périodiques de luminosité et même de déplacements d’ombre et de lumière sont des particularités très différentes de notre environnement terrestre dont il est difficile d’apprécier les conséquences mais qui me semblent peu favorable à la vie. La vie sur Terre a certes subi des violences extrêmes lors de certains événements mais ces événements ont été séparés par de très longues périodes de douceur, de délicatesse et d’évolution très lente et continue.

Maintenant il n’est pas du tout exclu que le milieu aqueux liquide sur surface rocheuse (donc minéralement et chimiquement riche) exposé à des rayonnements continus, puisse faire évoluer assez loin les molécules organiques. Il sera passionnant de savoir jusqu’où.

L’alternative serait de « tomber » sur une planète de type terrestre orbitant une étoile de type solaire. Cette découverte compte tenu des limites de nos instruments actuels, ne serait possible que par le JWST dans des systèmes planétaires situés dans notre proximité immédiate. On peut toujours espérer.

Illustration de titre :

Vue d’artiste montrant l’étoile rouge et ses deux planètes, ainsi que certains des télescopes utilisés pour la découverte. ©Université de Birmingham/Amanda J.Smith.

Illustration ci-dessous : les quatre télescopes de SSO. Ils sont situés à 2250 mètres d’altitude. Vous pouvez voir au sommet à gauche le VLT de l’ESO et à droite, beaucoup plus proches, les installations de l’ESO abritant les personnes travaillant sur les sites :

 

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Index L’appel de Mars 22 10 22

La prochaine convention de la Mars Society US, un réacteur pour accélérer l’accession de l’homme à la Planète Rouge

Du 20 au 23 Octobre à l’Arizona State University, ASU, (Tempe/Phoenix), la Mars Society américaine tiendra sa 25ème convention annuelle. Le thème en est « Searching for Life with Heavy Lift » (« A la recherche de la Vie avec lanceur lourd »). C’est un événement très riche puisqu’il y aura 29 conférences plénières réparties sur 4 matinées plus 140 présentations regroupées par cinq par demi-heure, dans trois sessions d’après-midi ; une table ronde « Search for Life on Mars » le soir. C’est aussi un réacteur pour accélérer l’accession de l’homme à la Planète Rouge.

Vous pouvez consulter le programme détaillé ici.

Le principe est de parler non seulement des projets sur les futures missions habitées sur Mars mais aussi d’exploration robotique, donc de science et de technologie dans tous les domaines.

A cette occasion, toutes les institutions et sociétés impliquées dans le projet de l’homme sur Mars et l’exploration présente et future de la planète vont pouvoir dialoguer. Il y aura la Mars Society bien sûr et son charismatique président Robert Zubrin, imprégné du sujet depuis le début des années 1990 quand il était l’une des locomotives du « Mars-Underground » universitaire. Mais aussi la NASA, l’ESA, Thalès Alenia Space, l’Université de Sciences et Technologies de Chine (émanation de l’Académie des Sciences et l’Université chinoise la plus impliquée dans les technologies astronautiques) et bien d’autres institutions ou universités seront brillamment représentées, sans oublier le NewSpace, très dynamique aux Etats-Unis (Voyager Space Holdings, Star Harbor Academy ou Blue Origin). Les « key speakers », seront les suivants :

  • Pamela Melroy, NASA Deputy Administrator & Former Astronaut
  • Peter Beck, Founder, CEO, & Chief Engineer, Rocket Lab
  • Dr. Ezinne Uzo-Okoro, White House Assistant Director for Space Policy
  • Dr. Marcia Rieke, Principal Investigator, James Webb Space Telescope, & Professor, Univ. of Arizona
  • Michael Edmonds, Senior Vice President, Blue Origin
  • Dr. Albert Haldemann, Mars Chief Engineer, ESA
  • Dr. Vandi Verma, NASA Chief Engineer, Robotics Operations, Perseverance Rover Mission
  • Dylan Taylor, CEO, Voyager Space Holdings
  • Dr. Jingnan Guo, Researcher, University of Science & Technology of China
  • Dr. James Green, Former NASA Chief Scientist
  • Maria Antonietta Perino, Director, Space Economy Exploration & Int’l Network, Thales Alenia Space
  • Dr. Kris Zacny, Vice President, Exploration Systems, Honeybee Robotics
  • Maraia Tanner, Founder, Star Harbor Academy (Colorado)
  • Dr. Joe Michalski, Planetary Scientist, University of Hong Kong

Vous pourrez les écouter et éventuellement les interroger depuis l’Europe mais il sera plus difficile d’assister “en virtuel” aux présentations de l’après-midi car les neuf heures de décalage horaire entre Phoenix et la Suisse ne vont pas aider mais beaucoup seront enregistrées et pourrons être vues ensuite sur You-tube. Dans ces sessions d’après-midi, les différents thèmes abordés seront les suivants : R&D technologique ; questions médicales ; l’établissement permanent ; simulations analogues ; questions politiques et légales ; futur de l’humanité. Le thème dominant sera la R & D technologique puisqu’il sera traité continument tous les jours. Il ne faut pas oublier que la Mars Society a été fondée par un ingénieur.

Ce sera aussi la finale de la « Telerobotic Mars Design Competition », un concours permettant de mettre en valeur les plus inventifs et les plus réalistes concepteurs d’une flotte de robots de tout type pouvant faire partie d’une mission de 10 tonnes en surface de Mars. Une telle flotte pourrait comporter tout un ensemble d’acteurs, non exhaustivement : des rovers à roues ou à chenilles, des hélicoptères, des avions, des ballons ou d’autres types de véhicules volants, des robots à pattes, pieds ou ailes, y compris des humanoïdes ou insectoïdes. La pluralité d’instruments fonctionnant ensemble est un concept nouveau (esquissé par Ingenuity avec Perseverance ou avec les rovers et leurs relais satellitaires) qui pourra être mis en pratique dès que de gros porteur tels que le Starship, pourront accéder à l’environnement martien et livrer au sol des charges beaucoup plus importantes qu’aujourd’hui (avec le Starship, cent tonnes au lieu d’une tonne). Nul doute que ce concours pourra donner des idées à nos étudiants de l’EPFL qui ont si brillamment réussi dans le cadre de Xplore à obtenir la deuxième place dans le concours européen des rovers cette année 2022 (je me chargerai d’attirer leur attention sur le sujet !).

L’autre événement notable de cette convention sera la table ronde sur la Vie (« Search for Life on Mars ») qui aura lieu le 20 octobre de 19h00 à 20h30 en Arizona donc (malheureusement) encore pendant la nuit en Europe. Outre Robert Zubrin, les participants sont tout à fait remarquables : Steven Benner, Jan Spacek, Jim Bell. Ce dernier, astronome et planétologue diplômé, professeur au département d’exploration spatiale de l’Arizona State University et participant à de multiples missions de la NASA, est le président de la Planetary Society, la plus ancienne (1980, avec Carl Sagan) et la plus importante institution non gouvernementale à but non lucratif dans le monde dédiée à la promotion de l’exploration spatiale. Elle compte plus de 60.000 membres et dispose de plusieurs milliards de ressources par an. Jan Spacek est un chercheur en biochimie de la société Firebird Biomolecular Sciences, spécialisée dans la conception de réactifs biologiques (dont on comprend l’importance pour l’identification de possibles formes de vie ou de près-vie sur Mars). Steven Benner a été professeur de chimie à Harvard et à l’ETHZ. C’est lui qui a mis en évidence il y a plusieurs années, que la formation des premières molécules prébiotiques avait nécessité l’alternance rapide de sécheresse et d’humidité. En effet, à certaines étapes initiales du processus menant vers la vie, il a fallu un milieu sec pour permettre l’action des borates sur les hydrates de carbone pour empêcher la décomposition des molécules organiques en goudron, et l’action des molybdates sur les glucides pour favoriser la création de ribose.

Enfin La Mars Society organise une table ronde sur son nouveau programme éducatif, « International Mission to Mars », une formation et un concours proposés aux lycéens du monde entier. L’initiative s’inspire de l’approche adoptée dans les cours de conception ingénieuriale en équipe des plus grandes universités du monde (sur un thème général et des sous-groupes spécialisés travaillant en compétition). Le programme commencera cette année par une formation de six semaines sur le thème du design d’une mission spatiale et se terminera par un concours. Cette innovation est évidemment rendue possible par le progrès des télécommunications (Zoom) auquel aujourd’hui tous les jeunes peuvent avoir accès dans le monde.

Bien sûr celui qui cherchera trouvera parmi les quelques 170 présentations, certaines qui ne lui plairont pas, peut-être parce que selon nos critères européens, elles auront dépassé les limites entre science ou prospective et science-fiction. Mais cette audace ou cette façon de parler du futur comme s’il était « à portée de la main », est propre à la démarche intellectuelle américaine. Ce qui compte avant tout, c’est la force de l’ensemble, la très grande qualité et le sérieux de beaucoup de travaux présentés. C’est cela et l’enthousiasme généré par la passion qui nous permettront d’aller sur Mars beaucoup plus tôt que certains grincheux persistent à refuser de le croire.

Il y aura des rencontres et des échanges. Les participants à la Convention vont conforter leurs connaissances et leurs idées, faire avancer leurs projets avec des corrections et des suggestions. Nul doute que cela influencera l’opinion publique et les agences. Je rappelle que c’est grâce à Robert Zubrin que la NASA a compris au début des années 90 que contrairement à ce qu’avait prévu Werner von Braun, il fallait produire son carburant de retour sur Mars et non l’apporter avec soi depuis la Terre.

Si vous le souhaitez, vous pouvez participer à distance, pourvu que vous ayez au préalable adhéré à la Mars Society US. Voir : https://www.marssociety.org/2022-convention-virtual-attendee-registration-instructions/?mc_cid=fc02f432e0&mc_eid=b569b718a5

Autres liens :

https://www.marssociety.org/news/2022/10/06/2-weeks-out-from-2022-intl-mars-society-convention-at-asu/

https://www.marssociety.org/news/2022/01/10/mars-society-announces-telerobotic-mars-expedition-design-competition/?mc_cid=cb27a6c040&mc_eid=559dc6527c

https://www.marssociety.org/news/2022/09/08/a-new-way-to-teach-science-zubrin-op-ed/?mc_cid=48bba49a76&mc_eid=6492e5eac7

Pour toutes informations plus précises sur la Convention:

https://www.marssociety.org/

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Index L’appel de Mars 22 10 22

Gateway Spaceport, un projet NewSpace américain qui ne manque pas d’ambition !

Gateway-Spaceport, projet « NewSpace » du Californien John Blincow, témoigne bien de l’audace mais aussi de l’esprit d’entreprise américain. Je pense que son lancement et sa progression permettent de comprendre pourquoi des sociétés comme SpaceX, pour parler de la plus célèbre d’entre elles, peuvent se développer et prospérer dans ce milieu si différent de celui de l’Europe et, de ce fait, si porteur.

Je rappelle que le NewSpace est tout le monde des entreprises privées qui apparaissent, disparaissent et parfois survivent autour des institutions dédiées à l’espace, un peu comme certaines particules quantiques dans le vide apparaissent selon les circonstances dans le monde réel. Le NewSpace existe en Europe aussi bien qu’aux Etats-Unis mais dans ce dernier pays il est porté par la culture de la science-fiction aussi bien que par le capitalisme et il a véritablement ses chances de sortir du virtuel, comme l’ont prouvé SpaceX d’Elon Musk ou Blue Origin de Jeff Bezos. La seule condition est en fait que la technologie sous-jacente « tienne la route », ou plutôt permette bien d’évoluer dans l’espace.

Gateway-Spaceport a été fondée en 2012 en Californie (Los Angeles) par un pilote de ligne expérimenté, John Blincow, séduit par 2001 Odyssée de l’Espace et par le projet du Starship. Sur cette seule base, et sans toutes les qualifications spécifiques requises, mais en s’entourant de personnes plus qualifiées que lui pour rendre ses divers concepts crédibles, il s’est lancé dans le projet de construire dans l’espace des stations en forme de tore en rotation du type de celle de « 2001 ». Les machines et les produits semi-finis nécessaires pour cette construction seraient montés en orbite par des starships version cargo.

Le coût serait réduit au minimum par la modularité des éléments, la rapidité de leur montage grâce à cette modularité et à une large robotisation, et par le coût modique de l’accession à l’orbite de leurs approvisionnements grâce au Starship car le but est non seulement de réaliser un rêve mais de rentabiliser un investissement puisque si John Blincow a le concept en tête, il ne dispose pas a priori lui-même de l’argent nécessaire pour sa réalisation.

Les éléments modulaires seraient simples et standardisés : des poutres et des longerons pour la charpente, des plaques parallélépipédiques en aluminium doublé de couches isolantes thermiques et anti-radiations pour former une coque isolant l’intérieur du tore de l’espace, et contenues par la charpente. Les robots seraient aussi bien ceux nécessaires pour construire la structure circulaire ou plus précisément annulaire (« STAR » – pour « Structure Truss Assembly Robot ») qui recevrait les éléments modulaires pour les assembler puis les souder entre eux, que les « sps » (« single person spacecraft ») vaisseau spatiaux individuels, communément appelés « pod » qui prendraient sur les étagères de ce que Blincow appelle un « material tree », les modules apportés par le starship, pour les livrer au STAR. La progression de la construction se ferait par tranches circulaires de la longueur d’une plaque de coque, l’une après l’autre, la finalisation d’une tranche permettant d’entreprendre l’autre, comme le tricotage d’une chaussette (voir illustration de titre). L’automatisation devrait permettre le montage d’un tore intérieur de 224 mètres de diamètre en quelques mois. Chaque station (« Voyager ») comprendrait deux tores reliés entre eux par deux axes perpendiculaires, le second, tore extérieur, ayant un diamètre de 400 mètres. Les premiers montages se feraient en orbite terrestre mais plus tard on pourrait installer des stations ailleurs, par exemple aux points de Lagrange.

Dès que possible, c’est-à-dire avant l’équipement de l’intérieur, le tore serait mis en rotation grâce à quatre jets de propulsion tangentielle, situés aux quatre extrémités des deux axes. Le but est d’obtenir une gravité de 0,16g (Lune, tore intérieur) à 0,38g (Mars, tore extérieur). La gravité progressivement plus élevée en s’éloignant du centre, permettrait des activités différenciées, y compris celles nécessitant la microgravité. L’accès à la station se ferait par le centre, dans un spaceport transversal pouvant accueillir un starship et bien sûr les masses les plus lourdes.

L’énergie utilisée pour la construction et le fonctionnement de l’ensemble serait principalement celle du Soleil (panneaux photovoltaïques).

La rentabilité serait assurée par le tourisme spatial (séjours à 5, 3 ou 2 millions de dollars au début, pour quelques jours sur place, à comparer aux 50 millions en moyenne d’un séjour dans l’ISS), l’astronomie (installation possible de tores aux points de Lagrange pour servir les observatoires qui y seraient placés) ou autres activités scientifiques. Le but serait de faire descendre le prix des séjours rapidement jusque vers 500.000 dollars par économie d’échelle (nombre de stations, de vols, de clients). Une station spatiale première génération pourrait loger 280 clients en même temps (sans compter le personnel de service). Le financement se ferait par appel au public, au début une fondation (John Blincow et ses amis) puis la vente d’actions de la Société Gateway Spaceport LLC (« GTC »), et des loteries dans le cadre desquels des prix pour séjour dans une station pourraient être gagnés.

La démarche et le « programme » sont les suivants :

(1) Création de la Gateway-Foundation en 2012.

(2) Démarrage d’une société de construction, Orbital-Assembly (2018), « OAC », dédiée à la production de masse des machines, principalement le robot constructeur STAR, et des éléments modulaires.

(3) Construction au sol d’un démonstrateur de la technologie, le « DSTAR » (« D » pour démonstrateur). Son engineering a été terminé l’été 2020, sa construction en mai 2021, sa capacité de fonctionnement a été démontrée en juillet 2021. Il est capable de construire 100 mètres de charpente en 100 minutes (diamètre 2 mètres).

(4) Création de la société Gatewayspaceport Limited Liablility Ccompany en 2020 et appel à l’investissement du public.

(5) L’étape suivante est la réalisation d’un démonstrateur dans l’espace, le PSTAR (« P » pour prototype).

(6) Vers 2025 (pour dire « bientôt »), construction par PSTAR d’un « Gravity Ring » qui sera une charpente en forme d’anneau de 60 mètres de diamètre (et toujours de 2 mètres pour l’intérieur du tore). La construction de cet anneau de gravité serait utilisée pour réduire les risques associés à la conception et à la fabrication de la première station grandeur nature (et habitable), « Voyager ». Le constructeur espère également démontrer aux investisseurs qu’il peut contrôler la dynamique opérationnelle de sa structure en rotation et la validité de son processus de construction (vitesse et précision). John Blincow voudrait placer ce Gravity Ring près de l’ISS de telle sorte que les astronautes qui y résideraient pourraient le visiter et peut-être y fixer un habitat pour observer les effets de la rotation sur l’homme.

(7) Après démonstration de la fiabilité du process, à la fin des années 20, on devrait pouvoir envisager la construction d’une charpente beaucoup plus grande qui constituerait l’armature de la station « Voyager », formée d’une suite de tronçons de 20 mètres de long sur 20 mètres de diamètre. La construction ne devrait coûter que le 1/3 de celle de l’ISS (baisse des coûts de lancement et modularité).

Mais comme vous le comprenez, les phases (3) et suivantes dépendent de la finalisation du Starship ! Ou, pour le dire de façon positive, comme john Blincow : « When Starship is ready, we will be ready ».

Et je pense qu’il n’est pas le seul à le penser et à s’y préparer. Une variante du tore de Gateway-Spaceport, imaginée par Timothy Alatorre, le patron d’Orbital-Assembly, architecte associé au début à John Blincow, est une charpente en forme de roue tenant une série de modules Bigelow dans lesquels la rotation créerait une gravité artificielle.

Les sociétés newspace font partie d’un écosystème. Elles dialoguent, elles avancent en concurrence parfois sauvage mais peuvent aussi collaborer pourvu que le partenaire puisse « apporter quelque chose » et que le financement soit accessible. Tout ce monde « orbite » (si l’on peut dire) autour de la NASA et celle-ci accepte volontiers les innovations proposées, en fonction bien sûr de ce qu’elle pourrait en tirer. Il n’y a pas d’hostilité réciproque. John Blincow reconnait le rôle central de la NASA et il est tout à fait conscient de la liberté qui lui est laissée par le système ainsi que du fait que faire naître des projets rentabilisables est bien du domaine du NewSpace et non de la NASA dont le domaine est prioritairement la Science et le transport.

Nous sommes aux Etats-Unis, pays où les passionnés de l’espace sont nombreux et où beaucoup d’entre eux « ont de l’argent » et sont prêts à le risquer pourvu qu’il y ait un espoir. Comme le disait Elon Musk, « I could either watch it happen or be a part of it » ou encore: « when there is a will, there is a way ».  Pour ce qui est de Gateway Spaceport, le développement à grande échelle dépendra in fine de la réussite de la première roue de l’espace et donc de la décision des consommateurs de l’utiliser aussi bien que des investisseurs de la financer.

En Europe le NewSpace est confronté à plus de difficultés car les investisseurs privés qui oseraient s’immobiliser dans de tels projets sont rares et ont des moyens limités. Les institutionnels, au premier rang desquels l’ESA, ne s’intéressent qu’aux projets qu’ils estiment « sérieux » (et les fonctionnaires sont généralement prudents). Dans son petit NewSpace, peu dynamique car peu puissant, l’Europe restera donc « à la traine » des Etats-Unis pendant encore longtemps. Mais les sociétés européennes qui veulent se développer, peuvent sans aucun complexe aller aux Etats-Unis. Elles y trouveront tous les financements et les coopérations qu’elles souhaitent, si elles peuvent démontrer leur intérêt technologique et financier !

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Illustration de titre : le robot STAR constructeur d’anneaux de la station spatiale Voyager, en opération. Le pod conduit par un astronaute, apporte pour déposer dans la boîte jaune n°20 qui vient de s’ouvrir, un lot de plaques de coque qu’il va pouvoir insérer une après l’autre sur les rails de la charpente, ces plaques seront ensuite soudées les unes aux autres. Crédit Gatewayspaceport LLC.

Illustration ci-dessous : Avant l’opération illustrée en titre, la charge (casée dans son « material-tree ») a été propulsée hors de la soute du starship. A droite le pod s’éloigne du tore en construction (invisible, derrière lui) pour aller chercher ses matériaux et revenir vers le tore pour alimenter l’assembleur robotique STAR. Une fois le material-tree vidé, ce porte-étagères repartira vers la Terre dans son starship-cargo. Crédit Gatewayspaceport LLC :

Illustration ci-dessous : l’un des pod à l’œuvre pour décharger du material-tree les éléments apportés sur place par starship et les transférer au STAR ; crédit Gatewayspaceport LLC :

Illustration ci-dessous : A l’intérieur du tore, les soudeurs robotiques unissent la dernière plaque de coque livrée, aux précédentes (derrière et à côté). Les plaques suivantes sont encore dans les boîtes où les pods viennent de les livrer, empilées. Vous voyez ces boites, jaunes, au-dessus de l’arc de la coque du tore en construction. Crédit Gatewayspaceport LLC :

Le processus montré ci-dessus en images concerne les plaques de la coque du tore mais un dispositif similaire est employé pour l’apport des poutres et poutrelles de la Terre et leur assemblage en charpente. Pour illustration, regardez ci-dessous la structure devant occuper l’intérieur du tore de base (“VERA”), en cours de construction. Un élément supplémentaire est apporté, à gauche, par deux pods, qui vont l’intégrer à l’ensemble. La cavité au centre sera le spaceport de la station :

Et pour finir, vue de la station spatiale Voyager terminée!

NB : Je remercie mon ami Patrick Sibon pour avoir attiré mon attention sur ce projet.

Liens :

https://www.youtube.com/watch?v=iVe1aFsvnEA

https://www.universetoday.com/149551/gateway-foundation-gives-a-detailed-update-on-its-voyager-station-concept/

https://www.space.com/gateway-foundation-von-braun-space-station.html

https://en.wikipedia.org/wiki/Gateway_Spaceport

https://gatewayspaceport.com/

https://www.linkedin.com/in/john-blincow-72027011/

https://orbitalassembly.com/

https://www.youtube.com/watch?v=s-XlWP4Q4Ds&t=1510s

Je vous recommande en particulier de visionner cette vidéo qui date du 31 juillet 2022 :

https://www.youtube.com/watch?v=Q6JcQ68F_dU

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Index L’appel de Mars 22 09 30

SUSIE le nouveau concept de vaisseau spatial de l’ESA, court après les innovations de SpaceX

A l’IAC 2022 le Congrès Astronautique International qui s’est tenu du 18 au 22 septembre, Porte de Versailles à Paris, l’ESA* a présenté son concept de SUSIE (Smart Upper Stage for Innovative Exploration) qui doit permettre de partir du sol de la Terre et d’y revenir après avoir mené une mission habitée dans l’espace. C’est une révolution pour l’ESA mais simplement une tentative de rattrapage, par rapport aux véritables innovations engagées il y a plusieurs années par SpaceX avec son Falcon 9 et son Starship.

*Quand je parle de l’ESA, je parle aussi, pour simplifier, d’ArianeGroup et de sa filiale Arianespace qui est le principal constructeur des lanceurs et véhicules de l’ESA. A l’IAC 2022, SUSIE a été présentée par son concepteur Marco Prampolini, ingénieur (« System Architect for Advanced Concept ») d’ArianeGroup.

SUSIE serait le dernier étage emporté par l’Ariane 64, une version améliorée (à 4 « boosters ») du lanceur Ariane 6 qui doit faire son premier vol en 2023 (après plus de deux ans de retard !)*. Il aurait 12 mètres de long, 5 mètres de diamètre, un volume utile de 43 m3 et pourrait placer en orbite basse terrestre (« LEO ») une charge utile de 11,5 tonnes. Il prendrait la place de la coiffe d’Ariane 6 avec le même diamètre. C’est en quelque sorte un petit Starship qui, lui, a un volume utile de 1100 m3, une hauteur de 50 mètres (dont 30 de « second étage » intégré) et un diamètre de 9 mètres. SUSIE serait lancé par l’équivalent d’un petit Falcon puisque la charge utile d’un Falcon 9 en LEO est de 22,8 tonnes contre 20,6 pour l’Ariane 64. Mais le vecteur actuellement le plus puissant de SpaceX, le Falcon Heavy, peut mettre 63,8 tonnes en LEO et il est bien réel comparé à l’Ariane 6.

Ce retard est d’autant plus « ennuyeux » que du fait du conflit qui oppose l’Europe à la Russie, l’ESA ne dispose plus des lancements de Soyouz depuis Kourou et qu’elle a des contrats à assumer qui supposent une capacité plus importante que celle dont elle dispose avec les Ariane 5 (ou évidemment les petits lanceurs Vega).

Avant de continuer la lecture de cet article, il est essentiel de bien noter que SUSIE n’intègre pas le second étage du lanceur comme le fait le Starship. Il a cependant besoin d’un second étage pour atteindre son objectif, second étage qui aujourd’hui ne va pas l’accompagner plus loin que l’injection vers une cible en orbite terrestre ou dans l’espace profond. Ses moteurs et réservoirs embarqués seront ceux d’un troisième étage et ne lui permettront que des contrôles d’attitude et un freinage dans l’atmosphère, complétant celui du corps portant, pour revenir se poser sur Terre (à la verticale). Il serait donc incapable de revenir seul après s’être posé sur la Lune ou sur Mars.

Certes la comparaison SUSIE/Starship n’est pas tout à fait exacte puisque le lanceur du Starship, le SuperHeavy n’est pas encore opérationnel. Cependant le Starship SN15 a volé et le SuperHeavy qui reprend les principes du Falcon 9, est à un stade assez avancé de sa mise au point puisque ses premières mises à feu statiques ont réussi (on attend toutefois l’ignition de ses 29 ou 31 moteurs ensemble, ce qui n’est pas évident) et qu’on parle déjà (sans doute avec un peu d’optimisme) d’une mise sur orbite en octobre de cette année. Par ailleurs, le Falcon 9 fonctionne parfaitement puisque 180 vols ont été effectués depuis 2012 (31 en 2021 et 43 en 2022) et que 2 seulement ont échoué, ce qui a fait s’écrouler la part de marché de l’Ariane 5 puisque le vol sans récupération et sans réutilisation de ces lanceurs européens est devenu totalement non compétitif. Il y a eu 113 vols d’Ariane 5 depuis 1996 (dont 5 échecs) dont seulement 3 en 2021 et 2 en 2022 !

En fait SUSIE serait un progrès par rapport à la capsule Dragon de SpaceX qui ne revient au sol que sous parachute et qui n’a pas un volume utile (pressurisé) aussi important (9,3 m3 pour le Crew Dragon). Mais le Crew Dragon existe et il ne manque que le SuperHeavy pour que la concurrence du Starship écrase SUSIE, surtout bien sûr pour les vols habités dans l’espace profond que d’ailleurs SUSIE ne vise pas car son but est de mener des missions dans l’espace proche, c’est-à-dire LEO et sans doute l’orbite géostationnaire. SUSIE est plutôt un successeur de l’Hermès, la navette européenne qui a failli voler à la fin des années 1980. Pour plus tard, on peut envisager de lui ajouter un complément, type ESM (European Service Module) que l’Europe a conçu et réalisé pour la capsule Orion du programme Artemis de la NASA et qui lui permettrait aussi d’aller jusqu’à la Lune, sans oublier bien sûr un deuxième étage propulsif l’accompagnant jusqu’au bout dans ce type de mission (ou un « Space Train » qui resterait en orbite et qui serait susceptible d’être réalimenté en ergols en orbite de parking comme cela a été évoqué lors de la présentation à l’IAC).

Parallèlement les Européens travaillent avec Prometheus à un moteur réutilisable que l’on espère pour 2025 (il doit être près de 10 fois moins cher que les moteurs actuels…ce qui en dit long sur la compétitivité de ces moteurs actuels !) qui pourrait propulser le premier et le second étages, et à un lanceur réutilisable, le « IXV » (programme Themis), pour un horizon encore vague. IXV est l’acronyme pour « Intermediate eXperimental Vehicle » et ce ne sera qu’un « démonstrateur ».

On ne peut pas reprocher à l’ESA de vouloir sortir de l’ornière où elle s’est progressivement volontairement enfoncée et on ne peut que féliciter son nouveau directeur général, l’Autrichien Joseph Aschbacher, d’avoir orienté son institution vers une évolution drastique ou, comme on dit, dans « un projet de rupture » : davantage de volume utile et surtout la récupération suivie de la réutilisation des éléments. Il faut aussi rendre hommage à Daniel Neuenschwander, directeur du transport spatial à l’ESA et ancien chef du Swiss Space Office, qui défend ce projet depuis le sommet spatial de Toulouse en février 2022, projet qui était à l’étude depuis environ un an par ArianeGroup. Mais on doit aussi dire que l’ESA est contrainte de le faire car les véhicules spatiaux d’Arianespace ne sont absolument pas compétitifs et ne bénéficient que de commandes forcées par des considérations politiques, la situation étant aggravée par le fait que le faible nombre de lancements ne permet aucune économie d’échelle.

On a bien l’impression que l’ESA court désespérément après un rétablissement de sa situation mais on n’a aucune assurance qu’elle réussira. Ce n’est pas qu’une question d’argent (budget 2022 de 7,15 Milliards d’euros contre 24,4 pour celui de la NASA pour la même année). C’est aussi une question de capacité ingénieuriale. On ne répare pas en une année ni même en une décennie les conséquences de l’obstination à considérer pendant 15 ans le réutilisable comme une ineptie de cow-boy inculte (soit, plus clairement désigné, Elon Musk). SpaceX ne va pas attendre qu’on la rattrape. Ceci étant sans mentionner la Chine, la Russie et bientôt l’Inde, pays qui, à des degrés divers, ne sont pas aussi avancées que SpaceX mais qui n’en sont pas moins extrêmement déterminés à être concurrents bien réels des leaders, puisque n’étant pas du tout soumis aux mêmes contraintes de coût que les « Occidentaux ».

Ceci dit il faut encore que les états membres acceptent le projet SUSIE (qui se chiffre sans doute à peut-être quatre milliards d’euros). On verra ce qui se passera à la conférence interministérielle de l’ESA en Novembre puis au prochain sommet spatial en février 2023, à Toulouse. La simplicité et la souplesse du système de décision n’est pas ce qui caractérise l’ESA, d’où une grande partie de ses problèmes.

Illustration de titre :

SUSIE juste après avoir été larguée par le second étage de son lanceur. Vue d’artiste. Crédit ESA.

Liens :

https://forum.nasaspaceflight.com/index.php?topic=57201.0

https://www.lecho.be/entreprises/defense-aeronautique/arianegroup-devoile-un-projet-de-vehicule-spatial-reutilisable/10414570.html?openGallery=0-0

https://www.youtube.com/watch?v=__NGg_nNoMo

https://www.usinenouvelle.com/article/le-premier-vol-d-ariane-reporte-en-2023-suite-aux-difficultes-lors-des-ultimes-tests-de-mise-au-point.N2016132

https://fr.wikipedia.org/wiki/Falcon_9

https://time.news/ariane-6-the-susie-project-a-turning-point-for-europe-in-space/

https://www.youtube.com/watch?v=B1viQWRn2dg

https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/acces-espace-ariane-6-grand-entretien-daniel-neuenschwander-directeur-transport-spatial-esa-100756/

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