Le BioPod d’Interstellar Lab peut nourrir plus d’êtres humains avec un impact moindre sur l’environnement

Je passe aujourd’hui la parole à Barbara Belvisi fondatrice et CEO d’Interstellar lab, une entreprise américano-française qui veut préparer l’implantation de l’homme sur Mars dans le domaine du support vie, par la recherche et l’expérimentation sur Terre. Une première réalisation, le BioPod, créé par toute une équipe de spécialistes, doit permettre à l’homme de se nourrir avec un maximum d’efficacité et un maximum d’économie. Cela peut aussi servir sur Terre. Cela veut dire encore que la solution à nos problèmes environnementaux n’est pas la décroissance mais une croissance intelligente, respectueuse et consciente de son impact sur l’environnement. 

BioPod fermé. Crédit Interstellar Lab. Admirez la pureté et l’élégance du volume et des lignes (conçu avec Dassault Systèmes).

Traduction du texte publié le 14 mai 2021 par Interstellar-lab sur son site Internet sous le titre « Interstellar Lab’s BioPod reduces climate impacts of farming & preserves biodiversity in critical ecosystems » (des précisions obtenues par l’interview de Barbara Belvisi suivent cette traduction):

Un quart des émissions de gaz à effet de serre provient de l’utilisation de méthodes agricoles traditionnelles inefficaces. Le changement climatique lui-même conduit à une détérioration du rendement des cultures et même à une diminution de leurs qualités nutritionnelles, obligeant les agriculteurs à se tourner vers une utilisation accrue des engrais, ce qui est une cause de pollution, et pour compenser, à accentuer la déforestation.

Ce cercle vicieux non seulement augmente le taux de réchauffement climatique mais il entraîne aussi la destruction d’habitat d’innombrables espèces animales et de plantes menacées d’extinction, y compris de plantes aromatiques comme la vanille et autres utilisées dans les parfums et les cosmétiques. Il est angoissant de constater que dans la liste-rouge de l’UICN* la destruction de l’environnement est considérée comme la principale menace pour 85% des espèces menacées. Le monde a besoin de toute urgence d’une solution qui puisse casser ce cycle et résoudre le plus grand nombre possible de ces problèmes.

* L’Union internationale pour la conservation de la nature

Le BioPod est la solution d’agriculture durable proposée par Interstellar-Lab

Interstellar Lab veut accélérer la transition vers des solutions de régénération environnementale sur Terre en créant des systèmes intégrés hautement efficaces, de production alimentaire et de recyclage de l’eau et des déchets.

C’est avec cet objectif en vue que nous avons conçu le BioPod, un système de serre à la pointe de la technologie, utilisant l’aéroponie. Le BioPod est composé d’un dôme porté par la pression atmosphérique interne, avec des systèmes automatisés de traitement de l’atmosphère, de l’eau, de l’éclairage et du dosage des nutriments. Sa fonction est de faire pousser des plantes en utilisant le moins possible d’eau, de nutriments et d’espace. Le climat intérieur du BioPod est entièrement contrôlé et protégé des contaminants extérieurs tels que les insectes nuisibles ou la pollution, ce qui permet de produire des aliments de la plus haute qualité dans n’importe quel environnement.

L’agriculture conventionnelle a des effets secondaires importants sur l’environnement : l’utilisation élevée et inefficace de l’eau, la consommation de grandes quantités d’engrais, la dégradation des sols et le besoin de vastes étendues de terres sur lesquelles faire pousser les cultures.

Le BioPod réduit efficacement la consommation d’eau, de plus de 98%

Les deux tiers de l’eau douce mondiale actuellement disponible sont utilisés dans l’agriculture et les estimations pour 2050 prévoient une augmentation de 15% de sa consommation. Le mois dernier, nous avons lancé un outil de précision pour la planification de l’agriculture que nous appelons Crop Selector1. Pour l’analyse qui suit, nous l’avons utilisé pour recommander un plan d’agriculture qui réponde aux besoins nutritionnels d’une personne pour une année. En nous référant aux données d’un article de recherche fondateur, sur l’impact climatique de l’agriculture2, nous avons constaté que l’agriculture conventionnelle avait besoin de 337.000 litres d’eau pour obtenir les produits recommandés.

Grâce à notre système en boucle fermée équipé d’une tour d’aéroponie, un BioPod produit les mêmes cultures dans les mêmes quantités pour une fraction seulement de cette quantité d’eau : 5.040 litres. Pour atteindre ce résultat, nous nous assurons que chaque goutte d’eau est utilisée par nos plantes et que rien n’est gaspillé. Nous recyclons même l’humidité de l’air et la renvoyons aux racines de ces plantes. En outre, BioPod contient des unités de désinfection par UV, un système d’ajustement de pH et des réservoirs de nutriments pour assurer la qualité de l’eau.

De plus, le BioPod peut réduire l’impact des cultures en croissance sur la rareté de l’eau. Dans les régions sèches où l’eau est limitée, comme les déserts, notre serre à haut rendement peut avoir un effet multiplicateur positif qui profite aux aquifères et aux écosystèmes locaux.

Le BioPod traite les impacts environnementaux des méthodes agricoles traditionnelles

Bien que le BioPod n’occupe qu’un espace de 54 mètres carrés, il peut produire en un an autant de produits qu’une ferme conventionnelle de près de 260 hectares. Une étude de la NASA3 sur les systèmes aéroponiques les a comparés à la culture hydroponique et aux alternatives agricoles traditionnelles. Elle a conclu qu’un système d’aéroponie standard réduit le coût de la main-d’œuvre, l’utilisation d’engrais de 60%, l’utilisation de pesticides et d’herbicides de 100%, consomme 98% moins d’eau et maximise jusqu’à 75% le rendement des plantes.

En combinant des technologies d’agriculture sous serre éprouvées telles que les systèmes de dosage de nutriments et l’éclairage LED avec des innovations en aéroponie de gestion intelligente des cultures, des systèmes de contrôle climatique et des matériaux isolants infusés d’aérogel, le BioPod est en mesure d’atteindre une efficacité et un rendement de récoltes sans précédent.

On peut installer 99 BioPods sur un terrain de football et cultiver l’équivalent de 260 hectares de terres agricoles. C’est près de 5 Manhattans!

Normalement, la terre est soustraite de l’écosystème naturel et transformée afin de produire de la nourriture pour les hommes. Ce procédé génère l’équivalent de 250 kg de CO2 par an et par personne, pour un régime végétalien. En revanche, en n’occupant que 54 m2, un BioPod redonne de la terre à l’écosystème naturel et produit la même nourriture tout en réduisant jusqu’à 98,4% les émissions de CO2. Ce faisant, un seul BioPod peut réduire considérablement la pression d’expansion exercée sur les habitats naturels entourant les fermes, en diminuant la quantité de terres et d’engrais nécessaires pour faire pousser les cultures. Ce changement n’a pas d’externalité négative. BioPod travaille pour aider à préserver la biodiversité sur Terre.

Le BioPod est un outil efficace pour cultiver et protéger les espèces végétales menacées

Selon une étude récente de Nielsen Massey, environ 80% de la vanille mondiale est produite à Madagascar, un endroit aux conditions climatiques parfaites pour la culture de la fleur du vanillier. Cependant, les plantes sont constamment exposées aux catastrophes naturelles ou causées par l’homme. En 2017, près d’un tiers de la récolte de l’île a été endommagée par la tempête tropicale Enawo. Le changement climatique, les troubles sociaux politiques internes et une agriculture inefficace mettent en jeu l’avenir de la culture de la vanille.

De nombreuses régions du monde se réchauffent et les scientifiques pensent que la sélection transgénique pourrait conduire à des améliorations de la résistance à la chaleur pour certaines cultures, mais d’autres, comme celle des pommes de terre, risquent de connaître une baisse de la production en raison de la hausse des températures. Le déploiement de BioPods dans de telles régions pourrait être un moyen de garantir qu’une partie des cultures soit à l’abri d’un changement climatique.

BioPod peut également être utilisé pour préserver les plantes en dehors de leurs habitats naturels. En conséquence, nous travaillons activement avec les banques de gènes et les jardins botaniques pour protéger la biodiversité agricole et les espèces sauvages apparentées aux espèces cultivées.

Notre mission

Chez Interstellar Lab, nous relevons les défis immédiats qui se posent ici sur Terre : le changement climatique, la protection de la biodiversité, l’agriculture durable et la gestion responsable des ressources.

Le développement du BioPod n’est que la première étape d’une mission plus large que nous voulons assumer pour aider les hommes à vivre en harmonie avec tout environnement dans lequel ils choisiront de vivre, à la fois ici sur Terre et dans d’autres mondes de notre voisinage solaire.

Titre original de Barbara Belvisi : « Interstellar Lab’s BioPod reduces climate impacts of farming & preserves biodiversity in critical ecosystems » (Le BioPod d’Interstellar Lab peut réduire les impacts climatiques de l’agriculture et préserver la biodiversité dans les écosystèmes critiques).

J’ajoute ci-après quelques précisions après des échanges que j’ai eu avec Barbara Belvisi :

1) Pierre Brisson (PB) : Comment tient la structure du Supernova BioPod (gonflage de l’enveloppe ou pressurisation du volume intérieur) ?

Barbara Belvisi (BB) : C’est une structure gonflable qui s’autoporte grâce à une surpression à l’intérieur du dôme.  La membrane est elle-aussi gonflée d’air ce qui crée des coussins d’air qui renforcent l’isolation thermique

2) PB : Le toit est-il mobile pour recouvrir une partie variable de la surface intérieure ?

BB : Sur cette première version du BioPod, la membrane n’est pas mobile une fois installée. Mais lors de sa fabrication nous pouvons ajuster la partie translucide et la partie transparente en fonction des objectifs de captation de lumière du soleil.

3) PB : Les plantes poussent-elles dans des bacs ?

BB : Les plantes poussent soit dans des systèmes d’aéroponie à haute pression soit dans des bacs composés de substrats non-organiques avec un système d’irrigation goutte-à-goutte et de brumisation ultrafine.

4) PB : La composition atmosphérique en gaz carbonique est-elle contrôlée et éventuellement un peu forcée et jusqu’à quel niveau ? Cela dépend-il des cultures ?

BB : l’atmosphère à l’intérieur du BioPod est totalement contrôlée : les niveaux de CO2 sont boostés jusqu’à 2000 ppm en fonction des besoins des plantes et de leur cycle de croissance. Tout est entièrement automatisée : dès que nos algorithmes de prédiction nous indiquent qu’il faut monter les niveaux de CO2, le CO2 « scrubber » s’active et vient aspirer le CO2 de l’atmosphère ambiant à l’extérieur du BioPod, pour l’envoyer à l’intérieur. Pour l’oxygène, nous avons un générateur qui vient le capturer à l’intérieur pour le renvoyer vers l’extérieur. Nous n’utilisons aucun réservoir, toutes les ressources d’air sont in-situ.

5) PB : Un éclairage variable selon les longueurs d’onde est-il prévu (plus de rouge ou plus de bleu)?

BB : oui, nous utilisons un système de LED avec variateur d’ondes qui évoluent en fonction des besoins des plantes dans la journée. Nous recréons les conditions lumineuses d’une journée idéale pour la plante, en fonction de ses besoins : typiquement avec des lumières plus bleues le matin et le soir.

6) PB : Utilisez-vous des mélanges de cultures (la présence de certaines espèces étant favorisée par la croissance d’autres espèces) ?

BB : oui, il est possible d’avoir des BioPod mono-cultures et multi-cultures. Dans les BioPods multi-cultures, les plantes sont sélectionnées par nos algorithmes qui analysent les conditions climatiques (température, humidité, lumière) et organisent le calendrier et la mise en place des plantes en fonction de leurs affinités.

7) PB : Le volume est-il utilisé autant que la surface (étagement des bacs de culture) ?

BB : tout à fait, nous pouvons multiplier la surface de culture jusqu’à 6 fois grâce a un étagement ou à des systèmes de croissance verticaux.

8) La cueillette est-elle robotisée ?

BB : non pas encore. Les technologies ne sont pas encore prêtes pour des systèmes en multi-cultures. De plus, pour les missions spatiales, cette activité est fortement conseillée pour permettre aux hommes de passer du temps proche de la nature.

9) PB : Pourquoi ne pas avoir prévu de bacs pour la culture des spirulines ?

BB : pour l’instant nous nous concentrons sur la culture des légumes, fruits, fleurs et plantes médicinales. La spiruline viendra dans un second temps.

10) PB : Le BioPod semble totalement clos, y compris au sol. Cela est-il fait pour éviter les fuites de substances des cultures vers la profondeur du sol ? Pour mieux contrôler l’intérieur ?

BB : le BioPod est totalement clos et scellé : pas d’échange gazeux ou d’eau avec l’extérieur. L’objectif est d’être en environnement totalement fermé pour mieux contrôler l’atmosphère, obtenir de meilleure performance et limiter les contaminations par les pathogènes. L’entrée du BioPod se fait par « airlock » avec sas de décontamination.

11) PB : Enfin quand on fait le calcul des surfaces cultivées selon les familles de culture (champignons, herbes, serres tropicales, aéroponie), on n’obtient pas la surface interne du BioPod. Il manque 1000m2. Pourquoi ?

BB : Nos algorithmes calculent le nombre de plants dont nous avons besoin pour couvrir des besoins nutritionnels spécifiques. Puis, en fonction de l’espace dont la plante a besoin et des prévisions de sa croissance, nous rapportons cela à l’espace de croissance disponible dans les systèmes d’aéroponie ou les bacs de serres a substrat. Il en découle ensuite le nombre de BioPod nécessaire pour atteindre les objectifs nutritionnels journaliers.

12) : Quand et où allez vous présenter un BioPod aux Terriens que nous sommes?

BB : La réalisation du Désert des Mojaves (Californie) a été décalée pour la fin de l’année 2021 ou le début de 2022 mais nous construirons un prototype à côté de Paris cet automne. Il sera réalisé en partenariat avec Soliquid, un spécialiste de l’impression 3D dont le cofondateur Jim Rhoné est devenu CPO (Chief Product Officer) d’Interstellar Lab. A noter que le design du BioPod a été obtenu en utilisant les moyens technologiques de Dassault Systems 3DExperience.

BioPod vu de côté. Crédit Interstellar Lab. Vous remarquerez que le module est totalement clos. La couverture par le toit est ajustable pour laisser rentrer “juste ce qu’il faut” de lumière “naturelle”.

Liens :

1) https://www.interstellarlab.com/

2) https://crop-selector.interstellarlab.earth/

3) https://science.sciencemag.org/content/360/6392/987

4) https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/17429145.2018.1472308

5) https://www.maddyness.com/2021/06/17/interstellar-lab-soliquid-biopod-agriculture/

6) https://www.frenchweb.fr/interstellar-lab-et-soliquid-unissent-leurs-forces-pour-construire-des-habitats-futuristes-sur-terre-et-dans-lespace/424448

7) mon premier article sur Interstellar Lab : https://blogs.letemps.ch/pierre-brisson/2019/12/07/pour-rendre-possible-la-vie-sur-mars-interstellar-lab-va-nous-apprendre-a-mieux-vivre-sur-terre/

BioPod vu de dessus. Crédit Interstellar Lab. Bien entendu le toit est ajustable au cultivar et aux besoins variables de lumière solaire.

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Index L’appel de Mars 21 06 25

Le climat de la planète Mars est soumis comme le nôtre à des cycles astronomiques longs mais les siens sont exubérants

Le scientifique serbe Milutin Milankovitch a mis en évidence dans la première moitié du XXème siècle (publications majeures en 1930* et 1941*) les corrélations entre les cycles climatiques longs de la Terre et les cycles astronomiques eux-mêmes longs qui affectent la planète du fait des caractéristiques de sa masse en rotation, de sa relation de gravité avec le Soleil, notre étoile et, dans une moindre mesure, de sa relation de gravité avec les planètes voisines. On a pu extrapoler que ces cycles existent aussi pour les autres planètes, soumises évidemment à la force de gravité de leur étoile et éventuellement d’autres astres, où ils induisent des évolutions planétologiques et climatiques comparables à celles qui nous concernent sur Terre. C’est le cas pour Mars. C’est pour cela que si Milankovitch a été considéré d’abord comme un des plus éminents spécialistes des « sciences de la Terre », il est également un des pères de la planétologie.

Il a identifié trois paramètres dont l’évolution détermine “ses” cycles :

Le premier est celui de l’inclinaison de l’axe de rotation de la planète par rapport au plan de l’écliptique, son « obliquité ». Il détermine l’intensité des variations saisonnières. Il ne s’agit pas ici du changement d’axe (« dérive vraie des pôles » ou « true polar wander ») qui consiste à un réalignement du plus grand axe d’inertie de la planète avec son axe de rotation du fait du changement de répartition des masses au sein du volume planétaire (par exemple sur Mars, à la suite de la formation du socle de Tharsis). Le changement d’obliquité est une simple inclinaison n’entrainant pas de changement dans la localisation géographique des pôles.

Le deuxième est celui de l’excentricité de l’orbite c’est-à-dire l’élongation de son ellipse, donc la variation de la distance du périhélie au Soleil par rapport à celle de l’aphélie au Soleil. Il a un effet sur la durée relative des saisons et sur les températures. A noter que la distance parcourue sur l’ellipse par la planète, reste inchangée et que c’est seulement le grand axe de l’ellipse qui est modifié. La variation de ce paramètre ne peut être dû qu’aux variations de l’influence gravitaire des planètes voisines.

Le troisième est celui de la précession climatique, c’est-à-dire de l’avance continue du point vernal (ou autre repère) sur l’orbite, du fait que la planète n’est pas homogène en quantité de matière selon la hauteur de son axe de rotation où s’exerce orthogonalement la force de gravité (le noyau est évidemment beaucoup plus dense que le manteau et la masse a tendance à tendre vers l’équateur du fait de la rotation). La force de gravité solaire, augmentée de celle de la Lune, ne s’appliquant pas à la même quantité de matière (plus à l’équateur, sur le « bourrelet équatorial », et beaucoup moins au pôles), un effet de couple est généré qui tend à entrainer l’excès de masse présent à l’équateur vers le plan de l’écliptique. Cet effet ne conduit toutefois pas à une inclinaison « définitive » puisque la masse est en rotation (de l’Ouest vers l’Est), mais à la définition par l’axe des pôles, avec le temps, d’un cône dans l’espace, par rapport à l’axe perpendiculaire au plan de l’écliptique. Le déplacement de l’axe des pôles vers l’Ouest (contraire à celui de la rotation « normale » des planètes), a pour effet d’avancer chaque année un peu (quelques 50 secondes pour la Terre) la succession des saisons.

L‘excentricité de l’orbite terrestre varie de 0,005 (donc quasi circulaire) à 0,058, sur 413.000 ans (actuellement 0,017) ; une autre influence qui s’exerce selon une périodicité de 9 millions d’années, décelée récemment, pourrait être due à l’influence gravitationnelle de Mars. Les planètes ont donc bien une influence les unes sur les autres, pourvu qu’elles ne soient pas trop éloignées (mais, attention, cette constatation des scientifiques, qui ressort de la seule gravité, est loin des divagations des astrologues).

L’obliquité de la Terre varie de 22,1° à 24,5° sur 41.000 ans (actuellement 23,44°).

La précession des équinoxes dessine son cône sur une période de 25.760 ans et le point vernal va se retrouver au même endroit en termes de longitude solaire à l’issue de cette période, après être passé par tous les signes du zodiaque. C’est ce que les anciens (Hipparque de 147 à 127 avant JC) appelaient « La Grande année » ou « année platonique » (parce que Platon – 428 à 348 – a, le premier, spéculé sur sa durée) et si on a envisagé sa possibilité depuis très longtemps, c’est parce que c’était sans doute le seul cycle à pouvoir être déduit de l’observation de la voûte étoilée à l’oeil nu.

Le déroulement des cycles a une influence sur le climat et leurs interactions sur des échelles de temps différentes complexifient cette évolution.

En fait pour la Terre, les conséquences sont marquées mais elles ne sont pas catastrophiques (ou moins que pour d’autres) puisque notre planète est située (actuellement) dans le milieu de la zone d’habitabilité de notre système solaire (plage de températures où l’eau peut être liquide). Lorsque l’obliquité augmente au maximum (vers 24,5°), les différences saisonnières sont plus fortes (nous nous en éloignons mais en sommes encore proches). Lorsque l’excentricité augmente, l’irradiance varie davantage sur l’année et les saisons deviennent de plus en plus inégales en durée et selon l’hémisphère. Là aussi, pas de problème pour la Terre actuellement. Mais à son minimum (0,005), dans 27.000 ans, nous connaîtrons probablement une nouvelle glaciation (moindre insolation des pôles) avant de repartir vers une période plus chaude. Par ailleurs, si, du fait de la précession climatique, le passage au périhélie se fait aux solstices, les saisons seront accentuées, les étés seront plus chauds dans l’hémisphère Nord et les hivers plus froids dans l’hémisphère Sud.

C’est la combinaison de tous ces facteurs qui déterminent le climat selon des variations presque infinies à l’intérieur de tendances lourdes puisque les durées de cycles sont différentes. Bien entendu ces variations ne prennent pas en compte l’évolution de la composition de l’atmosphère ou l’évolution de la nucléosynthèse du Soleil, autres facteurs qui résultent de l’activité de la biosphère ou de celle de la planète (volcanisme, dérive des continents) ou encore du Soleil lui-même (nucléosynthèse à partir d’une ressource épuisable, l’hydrogène) mais qui, elles, ne sont pas cycliques. Comme on le sait bien maintenant, l’Univers est en évolution et notre petit coin de paradis, de l’état duquel nous sommes en partie responsable, n’est pas dans une bulle protégée vis à vis du temps qui passe !

Mars est comme la Terre, soumise à ces cycles, sur le long-terme (même s’il faut distinguer le long-terme et le très-long-terme, au-delà de plusieurs dizaines de millions d’années). La différence est que pour elle, tout est « exagéré ». Cela tient bien sûr à sa situation plus éloignée du Soleil mais également à la proximité, plus grande, de Jupiter. Cette dernière ne l’a pas seulement privée de « matière première » dans sa période d’accrétion, elle continue aujourd’hui à la bousculer gentiment et continument. Cela tient encore à l’absence d’astre stabilisateur de son obliquité, comme pour nous la Lune. Phobos et Deimos ne sont que des rochers (ou plus précisèment des astéroïdes captifs) dont la masse est absolument insuffisante pour contrebalancer les déstabilisations d’obliquité (la masse du plus gros, Phobos, deux fois celle de Deimos, n’est que de 1/50 millionième de celle de la Lune). Comme Mars se trouve à la limite de la zone habitable de notre système et que sa masse ne lui permet pas de garder une atmosphère substantielle sur le long terme, les variations cycliques ont pour elle des conséquences beaucoup plus graves lorsqu’elles la font sortir à un moment ou l’autre de cette zone.

La variation de son obliquité va en effet de 14,9° à 35,5° sur 124.000 ans (actuellement 25,19°) mais sur une période très-longue (au-delà de quelques 40 millions d’années), les fluctuations ont été beaucoup plus amples (jusqu’à 60°) et certains les ont même qualifiées de chaotiques. Son excentricité moyenne se situe à 0,066 mais le domaine de fluctuations est très important, de presque circulaire, 0,002, à 0,103 sur 100.000 ans (actuellement 0,0933 soit 207 millions de km pour le périhélie, à 249 millions de km pour l’aphélie). Sa précession climatique s’allonge, elle, sur une périodicité de 170.000 ans.

Lorsque l’obliquité s’accroit vers 35°, le gaz carbonique gelé aux pôles dans des calottes (actuellement surtout au Sud, plus froid en raison de l’excentricité), fond, l’atmosphère s’épaissit et des dépôts de glace d’eau se forment aux latitudes moyennes. C’est à cela que nous devons les inlandsis présents encore aujourd’hui un peu partout à la surface de Mars. L’excentricité lorsqu’elle est réduite empêche les étés boréals chauds et renforce la sécheresse. Tout cela concourt à une histoire climatique complexe avec un éventail très ouvert de conditions successives. Au-delà de la sécheresse générale et des périodes de densification de l’atmosphère causées par les épisodes volcaniques, cela explique la réapparition d’étendues d’eau liquide en surface au cours d’une histoire encore récente (quelques millions d’années), et de glace d’eau persistant aujourd’hui sous une protection légère de régolithe. La calotte polaire Nord actuelle ne daterait que de quelques 5 millions d’années.

Les Terriens ont de la chance (mais c’est peut-être pour cela qu’il y a des Terriens) car notre grande stabilité d’obliquité est très ancienne et elle va durer (et Mars ne perturbe que très peu notre excentricité). Certes la Lune s’éloigne (actuellement 3,82 cm par an) car elle est avec nous en orbite super-synchrone. Mais elle ne va pas disparaître de notre regard (même si dans 600 millions d’années ses éclipses ne pourront plus cacher le Soleil). Notre système deviendra stable lorsque par effet de marée réciproque, nos jours et ceux de la Lune seront devenus de même durée, 40 de nos jours actuels (durée qui sera aussi celle du mois lunaire). Nous serons alors en orbite « synchrone », comme, par exemple, Charon et Pluton dont la relation est asymptotiquement devenue stable, une « planète-double ». Ceci dit, en fin de compte, dans quelques 5 milliards d’années, nous serons rattrapés par l’évolution catastrophique du Soleil en fin de vie, lorsqu’il aura épuisé l’hydrogène de son cœur et qu’il sera obligé d’aller le chercher toujours plus haut dans ses couches supérieures. A ce moment, rouge et boursouflé mais toujours très chaud, il viendra nous absorber dans sa chaleur et tout ce qui n’aura pas été brûlé lors des milliards d’années précédents, sera définitivement détruit (ou presque car on a observé récemment les traces chimiques de croûtes de planètes telluriques, à la surface de naines blanches, vestiges d’étoiles de type solaire).

Pour terminer sur une comparaison que je trouve parlante, pour moi l’histoire géologique de la Terre pourrait se raconter sur une musique de Mozart, d’une très grande richesse (“beaucoup de notes”) mais merveilleusement équilibrée, celle de Mars, sur une musique de Vivaldi, baroque et exubérante.

Illustration de titre : les cycles de Milankovitch sur Mars au cours des derniers 10 millions d’années. La ligne noire est celle des variations de l’obliquité, la ligne rouge celle des variations de l’excentricité: « Elles mettent en évidence les périodes possibles d’habitabilité pendant lesquelles l’été boréal (Ls 90 – 180) coïncidait avec le périhélie, l’obliquité était au-dessus de 35° et l’excentricité au-dessus de 0,08, ou au-dessus de 0,1. Les nombres au-dessus des flèches indiquent la durée de la période si les conditions se sont reproduites continument pendant plus de 1000 ans (échelle minimum de Laskar, graphe établi en 2004) ».

NB : J’ai écrit cet article en partant d’une suggestion de Christophe de Reyff, Dr ès sciences, retraité de l’OFEN (Office Fédéral de l’Energie) où il a été l’un des responsables de la recherche, pendant plus de 20 ans. Mes fidèles lecteurs le connaissent bien pour ses contributions nombreuses et pertinentes à ce blog, dont je le remercie.

Liens :

https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/milankovitch-2005.xml

https://www.climate-policy-watcher.org/surface-temperature/milankovic-cycles-on-mars.html

https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/conference-levrard.xml

https://space.stackexchange.com/questions/48918/do-we-know-the-likely-conditions-on-mars-when-its-orbital-eccentricity-was-very

https://science.sciencemag.org/content/352/6289/1075

https://www-k12.atmos.washington.edu/k12/resources/mars_data-information/temperature_overview.html

https://www.climate-policy-watcher.org/surface-temperature/milankovic-cycles-on-mars.html

https://www2.physics.ox.ac.uk/sites/default/files/2011-06-15/milankovic_on_mars2013_pdf_93344.pdf

https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_astronomique_des_pal%C3%A9oclimats

https://fr.wikipedia.org/wiki/Param%C3%A8tres_de_Milankovi%C4%87

Références * :

(1) Milutin Milanković, Mathematische Klimalehre und Astronomische Theorie der Klimaschwankungen, Handbuch der Klimalogie Band 1, Teil A Borntrager Berlin, 1930

(2) Milutin Milanković, Kanon der Erdbestrahlungen und seine Anwendung auf das Eiszeitenproblem, Belgrade, 1941.

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Index L’appel de Mars 21 06 18

Un mauvais coup a été porté à la probabilité d’une Planète-9 mais ce n’est pas grave !

La Planète-9 est cette planète hypothétique située aux confins du système solaire dont certains astronomes ont déduit l’existence par les orbites d’autres corps lointains. Sa probabilité est remise aujourd’hui en cause. Quoi qu’il en soit, elle reste passionnante car la réponse à sa recherche sera très utile à notre compréhension du système solaire.

Une étude de K.J. Napier et al. (Dept. de Physique de l’Université du Michigan, Ann Arbor) avec de très nombreux co-auteurs et en cours de publication (version préparatoire datée de Février 2021), contredit l’étude de Konstantin Batygin et Mike Brown (CalTech) de 2016. Selon celle-ci la concentration des périhélies des « ETNO », objets transneptuniens extrêmes (planètes naines situées au-delà de 30 UA, Unités Astronomiques*) d’un seul côté du Soleil, serait équilibrée par l’existence « de l’autre côté », d’une « Planète-9 » d’une masse égale à 5 à 10 fois la Terre ou, alternativement, d’un petit trou noir (« primordial ») capturé par le Soleil.

*une UA est égale à la distance Terre-Soleil, soit 150 millions de km, Neptune, la planète la plus lointaine, dans notre Système, se trouve à 30 UA du Soleil.

Cette étude m’intéresse à plusieurs titres. Elle concerne la probabilité de trouver dans notre système solaire une nouvelle planète de taille au moins égale à celle de la Terre, ce qui serait tout à fait exceptionnel mais porteur de sens, même si on ne la trouve pas parce qu’elle n’existe pas. Elle concerne la probabilité d’une autre planète à la surface solide en surface de laquelle un atterrisseur et peut-être un homme pourrait se poser (lorsqu’on aura développé des moteurs nucléaires pouvant procurer une poussée continue pendant le temps nécessaire). Enfin elle illustre bien la démarche scientifique ainsi que la manière dont progresse la science.

Nous connaissons bien notre système jusqu’à Neptune et au-delà jusqu’au couple Pluton-Charon (qui évolue entre 29 et 49 UA), premiers des TNO (Trans Neptunian Objects). C’est à partir de l’orbite de Pluton que l’on pénètre dans la ceinture de Kuiper, monde nouveau des KBO (Kuiper Belt Objects) dont le premier fut identifié en 1992. Après plusieurs autres observations, on commence « à y voir plus clair », c’est-à-dire qu’on peut dresser aujourd’hui une cartographie de la Ceinture de Kuiper en y distinguant plusieurs régions, « Ceinture-classique » avec « astres-chauds » et « astres-froids » ; « Ceinture des astres épars » ; « Objets-détachés » ou ETNO, ces derniers étant présumés s’être formés en dehors de l’influence de Neptune parce qu’ils ne s’approchent pas à plus de 10 UA de l’orbite de cette dernière et donc à plus de 40 UA du Soleil (les plus connus sont Sedna et les Sednoïdes). C’est dans ces confins que je voudrais que vous veniez aujourd’hui avec moi.

Batygin et Brown ont remarqué et fait réaliser à tous dans leur étude de 2016 que les gros KBO (des « planètes naines » comme Pluton ou Sedna) recensés à l’époque avaient tous leur périhélie d’un seul côté du Soleil. Ils en ont déduit qu’une masse les équilibraient « de l’autre côté ». Et compte tenu de la configuration des orbites de ces gros KBO, cette masse devait évoluer entre 200 et 1200 UA, c’est-à-dire en position moyenne à l’intérieur de la Ceinture de Kuiper (le Nuage de Oort intérieur commence vers 2000 UA) et elle devait être suffisamment importante pour avoir cet effet gravitationnel sur les autres. L’évaluation de ce « suffisamment » a beaucoup varié (en fonction de l’évolution de l’estimation de la masse de l’autre côté), d’un peu moins d’une masse terrestre à une dizaine de masses terrestres. En fonction de ces évaluations et compte tenu de leur situation dans un milieu très froid, on pouvait imaginer une surface solide si l’astre n’était pas trop gros (type Pluton) mais il n’en aurait pas été de même pour une « superterre » dont la masse aurait dépassé quelques 5 masses terrestres. A partir de ce seuil en effet la chaleur interne conservée de l’accrétion, accrue par la pression et accumulée par la désintégration radioactive des éléments les plus instables (comme le thorium 232), maintiendrait une certaine chaleur en surface et donc sans doute une atmosphère.

La Planète-9, si elle existait, ne serait pas facile à observer même si on savait à peu près où devait se trouver son orbite, puisque par définition une planète n’émet pas de lumière mais en réfléchit et à ces distances du Soleil elle en réfléchit très peu. Elle pourrait certes émettre quelques rayonnements infrarouges, surtout si elle est massive, mais, étant si lointaine elle ne peut se déplacer que très lentement, peut-être une orbite parcourue (« révolution » ou « année ») entre 10.000 et 20.000 ans, et elle ne se distinguerait que très difficilement des astres plus lointains et apparemment fixes. Une alternative, évidente aujourd’hui (après Michel Mayor), serait de la rechercher par la méthode des transits en vérifiant qu’elle n’a aucune incidence sur la vitesse radiale de l’étoile de référence, comme on recherche les planètes orphelines en-dehors de notre système solaire. Mais cela reviendrait presque à chercher une aiguille dans une botte de foin, la différence étant toutefois qu’il y a sans doute beaucoup plus de planètes orphelines dans l’espace que d’aiguilles dans la botte de foin. Après plusieurs années de recherche infructueuse, certains se demandent même si l’explication de cette difficulté ne serait pas que la Planète-9 était plutôt un trou noir primordial, évidemment minuscule. En effet, la densité d’un tel trou noir aurait fait que sa taille n’aurait pas été supérieure à celle d’un petit astéroïde et qu’on aurait pu la déceler que par l’action qu’elle aurait pu avoir sur son voisinage, pourvu qu’elle en ait un assez proche et massif pour que les conséquences de cette action aient pu être perçues.

On en était à ce stade mais on ne s’y est finalement pas arrêté car d’autres planètes naines ont été découvertes dans la région (il n’y en avait que 6 lors de l’étude de 2016 et il y en a 14 aujourd’hui) et parce que, surtout, les auteurs de l’étude cités en début d’article ont fait remarquer qu’il y avait un biais dans l’identification des KBO et que leur unilatéralisme n’était probablement qu’apparent.

Alors il n’existe peut-être pas plus de Planète-9 que de planète Vulcain (supposée à une certaine époque évoluer à l’intérieur de l’orbite de Mercure). Mais ce n’est pas certain non plus. Cette étude n’est en effet pas la preuve de la non existence d’une planète-9. Elle repose encore sur trop peu d’observations et elle utilise un simulateur pour généraliser les résultats, dont on peut discuter les paramètres même s’ils recoupent bien les observations réelles, effectuées.

Les conséquences sont simplement que s’il existe une planète 9, elle sera plus difficile à trouver qu’on le pensait puisqu’on ne peut plus se référer à la force de gravité conjuguée des ETNO identifiés par Batygin et Brown. On verra avec la suite des découvertes de KBO comment affiner la recherche qui conduira peut-être à confirmer que cette planète n’existe pas mais qu’il y a sans doute d’autres planètes-naines du type Eris ou Pluton. Nous en saurons certainement plus avec la réalisation de deux projets :  le « Deep Ecliptic Exploration Project » (DEEP) annoncé en 2019, qui utilise la « Dark Energy Camera » (DECam) du télescope Blanco de 4 m de l’Observatoire Inter Americain au Cerro Tololo (Chili) et, à partir de 2021, le nouveau télescope LSST de l’Observatoire Vera Rubin (Cerro Pachon, Chili).

Cette évolution est un exemple intéressant du cheminement de la Science. On peut déduire de bonne foi une théorie erronée d’une observation et corriger cette erreur par d’autres observations. Il faut alors accepter de s’être trompé ou de ne pas avoir « tout vu » et en tirer à nouveau des conséquences. Cela est plus intéressant que de persister dans l’erreur.

Si en fin de compte il n’y a pas de Planète-9 cela peut résulter de plusieurs causes. Peut-être au-delà d’une certaine distance du Soleil (ou, bien sûr, d’une étoile), les vitesses sont-elles trop faibles et les occasions de « rencontres » trop limitées pour que de grosses concentrations de matière puissent s’effectuer. Peut-être la plupart des planètes-naines de la famille ETNO n’existent que parce que le bord interne de la Ceinture de Kuiper a été « chamboulé » par le retour de Jupiter et de Saturne au-delà de leur zone d’accrétion originelle à la fin du Grand-Tack (rebroussement) qui a projeté Neptune au-delà d’Uranus dans cette zone, facilitant ainsi les concentrations de matière.

Ou bien, a contrario mais dans la même ligne de raisonnement, si on trouve un jour une Planète-9, elle pourrait être une planète non pas formée in situ mais provenant de la zone la plus active de formation du système solaire, juste après Saturne. Dans le scénario du « Grand-Tack » (grand rebroussement, théorie d’Alessandro Morbidelli) en effet, non seulement Neptune aurait été rejeté par Saturne au-delà d’Uranus et cette dernière aurait acquis du fait de la perturbation une rotation anormale (inclinée à 98% sur son plan de révolution) mais la planète qui se serait trouvée entre Saturne et Uranus, une 5ème géante gazeuse, aurait été éjectée plus violemment que Neptune, « quelque part ailleurs ». Ce « quelque part » serait soit en dehors du système solaire, soit encore à l’intérieur, donc soit dans la Ceinture de Kuiper soit dans les Nuages de Oort…Mais ceci n’est qu’une spéculation. Et il serait sans doute logique qu’une grosse planète, genre super-terre ou géante gazeuse, ne puisse avoir été formée dans la Ceinture de Kuiper ou dans le Nuage de Oort puisque logiquement ces régions lointaines disposent de beaucoup moins de matière que vers le centre (ou, autrement dit, que la densité de matière dans le disque protoplanétaire est moins élevée à la périphérie qu’au centre).

La conclusion est qu’il faut continuer à observer, à chercher, à raisonner et on trouvera encore des choses merveilleuses « près de chez nous » (dans la Ceinture de Kuiper, nous sommes quand même encore dans notre système solaire). J’imagine dans un lointain futur, un vaisseau spatial mu par un moteur nucléaire arrivant en vue de la 5ème géante tapie dans l’ombre des confins de notre Système après un très long voyage et envoyant des sondes à sa surface ou plutôt dans les nuages de sa haute atmosphère afin de l’analyser, et, enfin, de découvrir son origine.

Références :

1) No Evidence for Orbital Clustering in the Extreme Trans-Neptunian Objects (2102.05601.pdf) astro.ph arXiv.org (Cornell University).

2) https://phys.org/news/2021-02-evidence-planet-diminishing-clustering.html

3) https://en.wikipedia.org/wiki/Planet_Nine

Illustration de titre: la Planète 9. Credit: Pixabay/CC0 Public Domain

La gravité artificielle pour les longs voyages spatiaux n’est pas une lubie inutile et irréaliste

Après les radiations, le problème le plus redoutable qui se pose à ceux qui veulent aller physiquement sur Mars est celui de l’apesanteur pendant le voyage, surtout pour les deux ou trois premières fois puisqu’il ne pourra pas y avoir de « comité d’accueil » à l’arrivée. Ce n’est cependant pas une raison suffisante pour se décourager puisque nous pouvons imaginer des solutions réalistes.

Notez bien que je ne vais pas développer le problème de la pesanteur réduite sur Mars (gravité 0,38 g) puisque je considère que la masse de la combinaison spatiale et de ses annexes (quelques 100 kg) sera heureusement supportable de ce fait (un corps humain de 70 kg avec son équipement de 100 kg ne pèsera que 65 kg). Je ne veux pas non plus développer l’interrogation qu’on peut avoir sur les conséquences de la force, non adaptée aux conditions de pesanteur locale, avec laquelle le cœur projettera le sang vers le cerveau. Mais j’ai bien conscience que cette force sera quelque peu excessive par rapport aux besoins. On ne pourra en estimer les conséquences que sur le long terme (sans doute à l’issue de la première mission, impliquant un séjour sur Mars de 18 mois).

Ce qui m’intéresse ici c’est le voyage proprement dit et ses conséquences lors du retour à la gravité, sur Mars (plus que sur Terre) pendant les toute premières missions.

Les méfaits de l’apesanteur sont connus : fonte des masses musculaire et osseuse ; mauvaise adéquation de la force des flux sanguins aux besoins des différentes parties du corps (mentionnée ci-dessus et dommageable en particulier pour le nerf optique) ; perte du sens de l’équilibre ; risque et présence dans l’atmosphère non seulement d’objets de toutes tailles non attachés mais aussi de poussières et de petits débris (on évite plus facilement les gros!).

La solution évidente, pour les premières missions, sera la mise à disposition des astronautes, d’exosquelettes lorsqu’ils se poseront sur Mars. Cela pourrait compenser la faiblesse musculaire et osseuse ainsi que la perte du sens de l’équilibre pendant les quelques jours nécessaires à la reprise du contrôle de son corps. D’où la nécessité de travailler sur des exosquelettes légers, peu volumineux et dont il sera facile de s’équiper même à l’intérieur du vaisseau spatial juste après l’atterrissage et avant la descente sur le sol de la planète.

D’autres dispositions seront à prendre pendant le vol lui-même.

On pense d’abord à l’exercice physique. Il faudra veiller à entretenir continument sa force musculaire, bien qu’elle soit devenue inutile sur le moment. Des appareils de musculation existent dans la Station Spatiale Internationale pour faciliter cet exercice et le problème qu’il pose n’est pas tellement la place mais surtout le temps qu’il prend. On évalue à deux heures par jour, minimum, celui qui convient pour pouvoir récupérer le plein usage de son corps dans un délai raisonnable après le retour en gravité.

La seconde solution, plus difficile à mettre en œuvre, est celle de la gravité artificielle. Robert Zubrin l’a proposée dès le début des années 1990. Le principe est le même, le recours à la force centrifuge, mais le contexte technologique a changé et la réflexion a avancé. La solution préconisée à l’époque par Robert Zubrin, consistait à mettre en rotation le couple formé par le vaisseau-habitat avec le dernier étage du lanceur, reliés entre eux par un filin (la mise en rotation intervenant après l’injection interplanétaire). Demain, si tout va bien, nous aurons le Starship. Cela ouvre des perspectives.

La première de ces perspectives serait « simplement » la mise en rotation de deux starships. On peut d’abord envisager qu’ils soient réunis par le nez ou par la base. Par le nez serait particulièrement délicat car cette partie du vaisseau est très exposée au flux du plasma ultra-chaud lors de la rentrée dans l’atmosphère et doit être le plus possible exempte de prise à leur agression (pression et chaleur). On peut alternativement envisager qu’ils soient réunis par la base. Il est prévu actuellement qu’ils le soient pour la recharge en ergols en orbite de parking terrestre. On peut envisager que le « docking » se fasse en douceur en utilisant une rétropropulsion de faible puissance par des jets situés à l’extrémité des ailerons, en sauvegardant les retrorockets latérales permettant les corrections d’attitude. A partir de là (contact et accrochage) les deux vaisseaux pourraient s’éloigner quelque peu l’un de l’autre, chacun des trois ailerons dévidant un câble ou mieux étirant une tige relativement rigide stockée, enroulée, à l’intérieur. Etant donné que le plancher de la partie habitable de chaque vaisseau se trouverait à 30 mètres de sa base, on aurait au minimum un axe de 60 mètres de longueur. Une rotation « lente » de deux tours par minute, permettrait une gravité* relativement faible mais suffisante pour restituer au moins le sens de la verticalité sans créer de distorsion sensible entre la tête et les pieds et sans générer de force de Coriolis1 trop gênante.

*La formule est : F = (0,0011)W2R

où « F » est la force de gravité en « g » terrestres ; « W » est la vitesse de rotation en nombre de tours par minutes ; « R » est la longueur du bras de rotation (en mètres).

Avec les 60 mètres (bras de rotation de 30 mètres), on aurait une gravité de 0,13g. Ce n’est pas beaucoup (la gravité sur la Lune est de 0,16g et elle est sur Mars de 0,38g). Si on parvenait à distancier les deux Starships par des tiges de 15 mètres, on aurait une gravité de 0,2g, ce qui serait préférable.

Deux autres propositions2, que je trouve très intéressantes car elles vont plus loin (et semble a priori plus sures que la liaison par tiges rigides), ont été faites par le CG (« Computer Graphic ») designer de SpaceXvision, Roger Bootsma (Vienne, Autriche) et par Mike DeRosa (alias « Smallstars »). A noter que les deux ne sont pas ingénieurs mais les idées naissent souvent dans des esprits fertiles qui ne sont pas forcément ceux qui vont les développer et les préciser.

La proposition de Roger Bootsma, suppose de retravailler la coque du Starship. Comme vous le voyez sur les illustrations de titre et ci-dessous, l’habitat (le haut du Starship) se sépare en deux parties (“split”) qui, après l’injection interplanétaire, s’éloignent progressivement de l’axe central, aux bouts d’une structure métallique rigide qui se déploie de façon télescopique. L’ensemble est mis en rotation autour de l’axe, créant ainsi une gravité artificielle dans les deux parties séparées et la structure métallique qui les relie à l’axe peut servir de moyen de communication entre elles, y compris physique.

Proposition de Roger Bootsma. Les deux parties de l’habitat viennent de se séparer et la structure télescopique qui les tient à l’axe se déploie lentement.

La proposition de Mike DeRosa, « GLS » (« Gravity link Starship », 16/09/19), me semble moins difficile à réaliser que le « split de l’habitat » et donc sans doute encore plus réaliste, car rien ne s’opposera à ce qu’on puisse l’appliquer dès que le Starship volera. Elle repose sur un vol de concert de 3 vaisseaux dont deux seront habités et le troisième servira de hub aux deux autres. Le vaisseau-hub est chargé au départ de la Terre d’une double charpente métallique déployable chacune sur 100 mètres, à partir de l’axe du vaisseau. Ces deux bras sont l’équivalent de la structure du concept de Roger Bootsma. Aux extrémités de chacun des bras, une fourche d’un écartement de 9 mètres sert à enserrer un vaisseau par son diamètre. Juste après l’injection interplanétaire et après que les 3 starships se soient rapprochés, la charpente est déployée robotiquement de part et d’autre du Starship-hub. Chacun des deux vaisseaux-habitat vient se loger dans la fourche du bras de la charpente qui est d’abord ouverte puis refermée sur lui à hauteur de leur sas (rappelons que SpaceX prévoit ce genre de fourche pour saisir les lanceurs de Falcon 9 puis de Starship lors de leur retour sur Terre, juste avant qu’ils touchent le sol). Une fois les starships-habitats enserrés dans leur fourche, la formation des trois vaisseaux est mise en rotation. Pour ce faire, l’un des deux vaisseaux-habitats effectue d’abord une rotation à l’intérieur de sa fourche pour se positionner, toujours en parallèle, le nez pointé vers la direction opposée à son homologue. Une fois les deux starships ainsi positionnés, ils impulsent, par chacun de leur système de rétropropulsion, une faible rotation à l’ensemble. Une fois la rotation impulsée, chacun des deux vaisseaux-habitat tourne son nez naturellement, sous l’effet de la force centrifuge, vers le vaisseau-hub puisque le sas où est placé la fixation de la charpente déployée est situé au-dessus du centre de gravité des vaisseaux, et la rotation crée à l’intérieur des vaisseaux-habitat une gravité artificielle. Cette gravité est d’autant plus importante qu’on s’éloigne du centre de gravité commun (c’est-à-dire du vaisseau-hub). Une rotation de trois tours par minute sur un bras de rotation de 100 mètres permettrait d’atteindre 1g au niveau du sas. Cette vitesse de rotation est une limite supérieure, d’autant que, plus la vitesse de rotation est élevée plus on peut ressentir la force de Coriolis et plus le différentiel de gravité entre la tête et les pieds devient perceptible. On choisira sans doute pas plus de 2 tours/minute pour aller vers Mars (0,44g dans le sas, 0,53g dans le poste de pilotage) et, partant de 0,38g en revenant de Mars, on reviendra progressivement vers ces 2 tours/minute en les dépassant vers 3, sans les atteindre nécessairement, pour les deux derniers mois. A l’approche de Mars et, au retour, de la Terre, les vaisseaux se remettront en parallèle, les deux vaisseaux-habitats en sens contraire, et ils donneront une série de micro-impulsions pour annuler la rotation. Les deux vaisseaux habitats se remettront dans la même direction ; la charpente sera repliée et réinsérée à l’intérieur du sas du vaisseau-hub et chacun à l’intérieur des trois vaisseaux, se préparera à la rentrée dans l’atmosphère.

Proposition de Mike DaRosa. Après déploiement de la charpente télescopique, les deux vaisseaux-habitat orientés en sens contraire, impulsent une rotation à l’ensemble.

Voici donc une solution simple et élégante qui ne semble pas impossible à mettre en œuvre. Le vol de trois vaisseaux de concerts permet de donner une certaine sécurité à la mission (redondance). Pendant le voyage, les hommes de chacun des vaisseaux pourraient se retrouver dans le vaisseau-hub, dont le volume serait évidemment en apesanteur mais qui procurerait un peu plus d’espace « habitable » et un lieu pour manipuler et travailler des équipements massifs. En alternative, dans le cadre de ce concept, on peut envisager que seuls les deux vaisseaux-habitat descendent sur le sol de Mars tandis que le vaisseau-hub reste en orbite. On économiserait ainsi les ergols nécessaires pour descendre sur Mars et en remonter pour un des vaisseaux mais il faudrait (1) envisager l’entretien du vaisseau en orbite pendant les 18 mois du séjour sur Mars et (2) sans doute réapprovisionner ce vaisseau avec un supplément d’ergols pour le retour de la flottille sur Terre (le calcul reste à faire !).

Proposition de Mike DaRosa. Une fois la rotation impulsée, elle induit naturellement le positionnement des vaisseaux-habitat perpendiculairement au vaisseau-hub, permettant que la force de gravité s’exerce vers les planchers des vaisseaux-habitats.

J’ai donné ces deux exemples pour montrer que contrairement à ce que pensent les pessimistes, recréer une gravité artificielle n’est pas une fantaisie irréalisable qui ressort uniquement de la science-fiction. Par ailleurs, même si, après les premiers vols, lorsqu’il y aura une base permanente sur Mars, les passagers d’un long voyage pourront être accueillis et « soignés » pour récupérer leur sens de l’équilibre ainsi que leur masse musculaire et osseuse, il serait quand même préférable d’éviter d’être obligé à cette rééducation. La gravité artificielle reste donc plus que souhaitable aussi bien pour après-demain que pour demain. Vous verrez, on la mettra au point d’une manière ou d’une autre et lorsque l’homme parviendra sur Mars, en pleine forme, il pourra immédiatement agir.

*NB1 : La force de Coriolis a des effets d’autant plus marqués que la vitesse de rotation est élevée et que le bras de rotation est court. C’est pour cela qu’il vaut mieux ne pas dépasser deux tours par minute et essayer d’atteindre une longueur de bras de rotation de 100 mètres. Par ailleurs, le différentiel de gravité entre la tête et les pieds est d’autant plus faible que le bras de rotation est long (simple rapport entre 1,80 mètre et la longueur de ce bras).

**NB2 : Une autre proposition de restitution d’une certaine gravité a été faite par Pierre-André Haldi le 4 avril 2017 sur ce blog, « un nouveau concept de système de transport modulaire pour aller sur Mars » : https://blogs.letemps.ch/pierre-brisson/2017/04/04/un-nouveau-concept-modulaire-de-systeme-de-transport-spatial-a-destination-de-mars/

Les illustrations sont des captures d’écran avec autorisation de Roger Bootsma. Je ne suis pas parvenu à joindre Mike DeRosa (« Smallstars »). L’illustration de titre montre le starship envisagé par Roger Bootsma avec son dispositif rotatif déployé et en fonction.

Références / liens :

https://www.facebook.com/watch/?v=300527688332434

https://spacexvision.com/home/blog/

https://www.universetoday.com/143368/real-artificial-gravity-for-spacexs-starship/

https://www.facebook.com/SpaceXvision/

Force de Coriolis : https://fr.wikipedia.org/wiki/Force_de_Coriolis