Les sursauts gamma proviennent d’événements d’une extrême violence, l’explosion d’étoiles massives ou la fusion d’étoiles à neutrons. Leurs conséquences pour les planètes éventuellement habitées de systèmes stellaires qui leurs sont voisins, peuvent être cataclysmiques. De tels événements ne sont pas rares dans notre univers surtout si l’on écarte le champ du temps et de l’espace où ils ont le moins de probabilités de se produire. C’est l’une des raisons qui peut expliquer pourquoi la vie évoluée est si rare sinon unique et donc pourquoi nous n’avons toujours pas reçu de preuve d’existence de civilisation extraterrestre (paradoxe de Fermi).
Certaines étoiles massives, les étoiles de Wolf Rayet, à partir de 15 à 20 masses solaires et jusqu’à 100 ou exceptionnellement encore plus, sont comme beaucoup de phénomènes, la meilleure et la pire des choses pour la vie. La meilleure car c’est en leur cœur que se complexifie la matière par fission nucléaire, le plus vite et le plus loin, sous forme d’atomes de plus en plus lourds, conduisant l’Univers à une « métallicité », comme on dit, de plus en plus élevée. La pire car leur implosion en fin de combustion de l’hydrogène dont elles sont essentiellement constituées, est extrêmement violente puisqu’à partir d’une quinzaine de masses solaires la plus grande partie de leur matière peut s’effondrer en étoile à neutrons et à partir d’une vingtaine de masses solaires (selon le degré de métallicité) en trou noir. Le reste, en périphérie, est expulsé dans l’espace à des vitesses relativistes de plus en plus rapides (jusqu’à 99,995% de la vitesse de la lumière) par couches successives, dans une explosion de type « supernova ». dans le cadre de cette explosion, lorsqu’une salve de matière rencontre la précédente, il en résulte une onde de choc qui génère des rayons gammas. Ces rayons sont ceux qui ont la plus petite longueur d’onde du spectre électromagnétique. Ils sont donc les plus pénétrants de ce spectre et ils sont aussi extrêmement énergétiques puisque leurs photons peuvent aller jusqu’à plusieurs centaines de GeV. Le phénomène du « sursaut » (« GRB » pour « Gamma Ray Burst ») peut durer plusieurs minutes. En fait il est d’autant plus énergétique qu’il est plus court (l’évolution en étoile à neutrons génère, elle, un sursaut « long », jusqu’à une vingtaine de minutes). A noter que la fusion de deux étoiles à neutrons binaires, qui évolue forcément en trou noir, peut aussi générer un GRB.
La très grande vitesse et la très grande énergie de ces photons gamma, en font des rayonnements « de destruction massive ». Ils vont en effet briser les molécules et ioniser les atomes et ceci d’autant plus qu’ils sont émis de moins loin et dans la « bonne » direction. Sur une distance de 200 années-lumière (AL), tout sera désintégré et sur plusieurs milliers d’AL il y aura ionisation totale des atmosphères pénétrées. En particulier, la couche d’ozone de la Terre n’y résisterait pas et laisserait la « porte ouverte » jusqu’au sol, aux rayonnements les plus agressifs du Soleil (UVc), tuant toute vie exposée. Heureusement l’essentiel des projections et de l’énergie se concentre dans des « faisceaux » ou jets émanant des deux pôles du fait de la rotation de l’astre en implosion. Le plus grand danger est donc de se trouver dans l’axe de ces monstres ou de se trouver trop près de l’étoile. En effet l’explosion ne produit pas que des rayons gamma (les plus dangereux) mais aussi toutes sortes d’autres rayonnements « cosmiques » (du visuel aux rayons X) et de projections de matière (électrons et protons ou même atomes neutres, UHECR) qui peuvent provenir de l’ensemble de sa masse aussi bien que du jet lui-même en accompagnement des rayons gamma, sans oublier les ondes gravitationnelles et les neutrinos. A noter que le jet, extrêmement dense à sa source, se diffuse au fur et à mesure qu’il s’en éloigne tout en gardant sa cohésion sur plusieurs milliers d’années-lumière. Ceci pour dire que pour un sursaut gamma provenant de quelques 500 AL, ce serait probablement l’entièreté du système solaire qui serait pris dans le diamètre du jet et « brûlé ». Tout de même, un sursaut gamma provoquerait des dégât importants (appauvrissement de la couche d’ozone, pluies acides, refroidissement climatique) dans l’atmosphère d’une planète habitable, jusqu’à 6000 à 7000 AL.
Pour qu’une vie complexe comme la nôtre puisse se développer sur une planète, il faut donc que pendant une période longue (il a fallu quatre milliards d’années pour que des métazoaires/animaux apparaissent sur Terre) dans un environnement relativement proche, il ne survienne pas de tels événements qui puissent nous saisir dans leur rayonnement de mort. On dit que l’extinction de la fin de l’Ordovicien, il y a 445 millions d’années, au cours de laquelle 27% des taxons et plus de 85% des espèces vivantes disparurent, serait due à un tel phénomène.
Or, dans le temps et l’espace un tel danger est inégalement présent. Les supernovæ sont plus fréquentes dans les petites galaxies que les grosses (comme la Voie Lactée) et plus fréquentes (du fait de la densité d’étoiles) dans le cœur des grosses galaxies spirales que dans leur disque. Par ailleurs, dans la périphérie des grosses galaxies, leurs conséquences se manifestent plus fréquemment dans celles qui ont de nombreuses petites galaxies satellites, du fait du plus grand nombre de supernovæ dans ces dernières. Il est enfin à noter sur ce point, que les grosses galaxies spirales de type Voie Lactée entourées de très peu de satellites proches, sont relativement rares (les nuages de Magellan sont trop éloignés pour que nous en subissions les éventuels sursauts gamma).
De ce point de vue, le système solaire est bien placé puisque, logé dans une galaxie sans satellites proches, il est situé à quelques 26.000 années-lumière du centre galactique et autant de la périphérie du disque. Nous sommes donc dans une région relativement calme mais pas non plus dans un désert total ce qui a permis au Soleil de bénéficier d’une métallicité certaine, suffisante pour permettre à la vie de se développer.
Ceci dit nous ne sommes pas pour autant à l’abri de toute catastrophe. Là où nous sommes situés, la probabilité d’une supernova avec jet de radiations gamma dans notre environnement et dans notre direction, détruisant la totalité de notre zone d’ozone protectrice, est estimée à 50% par période de 500 millions d’années. Comme nous avons eu l’extinction ordovicienne il y a 445 millions d’années, nous allons donc être bientôt à nouveau « éligibles ». Il faut toutefois introduire un bémol et un dièse. Le bémol c’est que 55 millions d’années est quand même une durée longue par rapport à l’histoire de la vie animale sur Terre puisque cela nous fait remonter presque à la destruction des dinosaures. Le dièse c’est que les 500 millions sont une durée statistique et qu’il n’y a nulle impossibilité à ce que deux événements successifs soient davantage rapprochés l’un de l’autre.
Alors sommes-nous actuellement en danger ? Il semble que non, pas tout de suite, car aucune étoile massive située à moins de 200 AL n’est susceptible de « tourner » prochainement en supernova. Nous ne savons pas si Eta Carinae, à plus de 8000 AL, n’est pas devenue supernova il y a 7900 années et si Bételgeuse, à 640 AL, n’a pas évolué de même il y a quelques centaines d’années, ce qui serait sans doute non mortel mais « ennuyeux ». Par contre, ce danger et sa probabilité d’occurrence sont une des raisons pour limiter encore plus la probabilité d’une vie développée ailleurs que sur Terre si on la cumule aux autres facteurs contraignants : métallicité minimum, ce qui exclut pratiquement un Univers sensiblement plus jeune que le nôtre ; étoiles de vie suffisamment longue mais d’une masse suffisante pour que sa zone habitable soit suffisamment éloignée de ses tempêtes radiatives et que sa rotation ne soit pas bloquée par force de marée ; étoile solitaire plutôt qu’en couple pour permettre le développement d’un système planétaire complet ; présence d’une géante gazeuse évoluant dans sa zone d’accrétion et n’ayant pas décroché vers son étoile pour devenir un jupiter chaud en détruisant tout sur son passage, et ne pouvant servir d’écran protecteur aux pluies de comètes ; sans compter une évolution biologique difficilement reproductible compte tenu des différents accidents qui l’auront marquée et qui sont impossibles à reproduire dans le même calendrier ; sans compter l’histoire des progrès scientifiques depuis que l’homme est conscient et dont la reproduction n’est sans doute pas non plus automatique. N’oublions pas que l’entropie ne peut aller qu’en s’accroissant.
Ceci dit les extinctions massives par sursauts gamma peuvent aussi avoir leur utilité dans l’apparition d’une vie intelligente. Ce qui ne nous tue pas, nous renforce. Une catastrophe cosmique peut aussi opérer une sélection. Si elle ne détruit pas tout comme ce fut le cas de l’extinction ordovicienne, du moins elle « élague » l’arbre de vie et, plus ou moins aveuglément, elle choisit ceux qui vont survivre et avoir une descendance (cf. aussi l’extinction résultant de la chute du météore de Chicxulub qui permit aux mammifères de disposer d’une fenêtre d’évolution qui leur serait restée fermée tant que les dinosaures dominaient la planète).
Les Sursauts gamma sont une raison supplémentaire pour dire que la vie complexe est fragile et rare et que nous avons, nous, êtres humains, une chance extraordinaire de pouvoir en jouir. Ne gâchons ni celle des autres ni la nôtre et, pour ceux qui ont la foi, rendons grâce à Dieu !
Illustration de titre : vue d’artiste d’un sursaut gamma, crédit NASA/Swift/Mary Pat Hrybryk-Keith and John Jones
références:
https://arxiv.org/pdf/1508.01034.pdf
https://journals.aps.org/prl/abstract/10.1103/PhysRevLett.116.081301
https://journals.aps.org/prl/abstract/10.1103/PhysRevLett.113.231102
file:///D:/Blog/gamma%20sursauts/5b30b76e8fe56f05de7fb837.pdf
https://www.isdc.unige.ch/~paltani/Courses/GP_highenergy.pdf
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