ESPRESSO nous fait espérer découvrir des planètes de type terrestre autour d’étoiles de type solaire

ESPRESSO1 est un « spectrographe-échelle » qui équipe depuis 2018 les quatre grands télescopes du VLT2 de l’ESO3 installé sur le Mont Paranal dans le désert d’Atacama au Chili. Sa technologie prodigieuse (largement suisse) doit enfin nous permettre de détecter des planètes de type terrestre autour d’étoiles de type solaire.

1Echelle Spectrograph for Rocky Exoplanet and Stable Spectroscopic Observations / 2Very Large Telescope / 3European Southern Observatory

Depuis qu’en 1995 Michel Mayor et Didier Quelloz ont découvert la première exoplanète, nous avons identifié quelques 4000 autres de ces astres mais aucun encore qui soit vraiment analogue à la Terre, c’est-à-dire rocheux, de masse terrestre et orbitant une étoile de type solaire dans sa zone habitable. En effet les exoplanètes découvertes soit orbitent des étoiles qui ne « conviennent » pas (naines rouges ou étoiles massives), soit ce sont des géantes gazeuses ou des super-terres (beaucoup plus massives que la Terre) et, très généralement, elles sont trop proches de leur étoile.

La difficulté de repérer une planète-de-type-terrestre-orbitant-une-étoile-de-type-solaire vient de ce que par rapport à leur étoile, ces planètes sont très petites (par rapport au Soleil, le diamètre de la Terre est 1/109 et sa masse 1/330.000) et aussi que la période de leur orbite est très longue (par définition pour la Terre, une année). Leur effet sur leur étoile est donc extrêmement faible et se répéte à des intervalles trop longs pour un suivi facile (confirmation de l’observation). Au point qu’on n’a pas pu jusqu’à présent appliquer avec succès l’une ou l’autre des méthodes développées pour déceler cet effet : « transit » (obscurcissement), « vitesse radiale » (déplacement de l’étoile) ou « lentille micro-gravitationnelle » (effet de loupe).

ESPRESSO améliore l’observation en offrant une sensibilité très grandement améliorée à nos télescopes.

Comme son acronyme l’indique, ESPRESSO est un « spectrographe-échelle pour l’observation de planètes rocheuses et pour des observations spectroscopiques stables ». Un « spectrographe échelle » utilise un premier réseau de diffraction complété par un « grisme ». Un grisme est un prisme dont une des faces est façonnée de façon à former un réseau de diffraction afin de ne laisser passer qu’une seule longueur d’onde du faisceau de lumière incident (l’axe de dispersion du second élément est placé à 90° du premier). La lumière, captée par un seul point d’entrée et non par une fente, permet d’atteindre des résolutions spectrales très élevées.

ESPRESSO bénéficie aussi d’améliorations dans la stabilité et la précision de la calibration maintenant possible grâce à la l’application de la technologie des « peignes de fréquence laser ».

Le spectrographe a pour objet d’appliquer la méthode dite des vitesses-radiales, c’est-à-dire la fluctuation dans l’espace d’une étoile sous l’effet gravitationnelle d’une de ses planètes. Considérant la masse de l’étoile et l’intensité de son déplacement dans la ligne d’observation de la Terre (décalage vers le rouge pour l’éloignement et vers le bleu pour le rapprochement), on en déduit non seulement le passage (donc la présence) mais aussi la masse de la planète.

ESPRESSO est le successeur d’une série de spectrographes-échelle, qui inclue CORAVEL (1977), Elodie (1994), Coralie (1998) et HARPS (2003). Michel Mayor et la Suisse sont à l’origine de leur développement et c’est avec Elodie que Michel Mayor a découvert « son » exoplanète « 51Pegb » (une très grosse planète orbitant une toute petite étoile). HARPS faisait partie de la « troisième génération » des spectrographes-échelle. ESPRESSO qui ouvre la quatrième, a collecté sa première lumière en janvier 2018 mais les réglages, très délicats, et un petit incident de fibre optique, ont retardé la mise en service réelle à juillet 2019. L’Université de Genève qui s’est faite une spécialité de ces instruments, a été à la tête du consortium qui a réalisé l’instrument (voir ci-dessous les membres du consortium).

ESPRESSO a une Résolution Spectrale*, « R », de 140 000 (mode HR, haute résolution) à 180 000 (mode UHR, ultra haute résolution) lorsqu’il est utilisé avec un seul télescope. NB : La « R » de HARPS, sur un télescope de diamètre «3,6 mètres, n’atteignait que 115.000.

* La « Résolution spectrale » R = λ/δλ, est la propriété la plus importante d’un spectrographe. L’incrément de longueur d’onde δλ est la séparation minimale pour que deux raies spectrales soient considérées comme juste résolues (définition Wikipedia).

ESPRESSO couvre la totalité du domaine visible du spectre (de 378 à 788 nanomètres).

Sa source de lumière est la meilleure actuellement possible dans le monde puisque l’instrument peut recombiner la lumière des quatre télescopes principaux du VLT qui ont chacun un diamètre de 8,2 mètres. Dans ce cas on a une surface de collecte égale à un télescope de 16 mètres et ESPRESSO est le premier spectrographe à travailler avec un télescope aussi grand. Dans le cas d’une collecte de la lumière des quatre télescopes, R descend à 70.000 mais il ne faut pas oublier que plus le diamètre d’un télescope est grand, plus il y a de lumière et moins il y a de diffraction. Donc il y a une compensation à cet affaiblissement.

ESPRESSO pourra permettre de découvrir des planètes de type terrestre orbitant des étoiles G2V (type solaire) dans leur zone habitable parce qu’il peut déceler des variations de vitesse radiale de l’étoile avec une précision inférieure à 10 cm/s (HARPS ne peut descendre en-dessous de 30 cm/s !) et que la Terre induit sur le Soleil une variation de vitesse radiale de 9 cm/s. NB : ces précisions de vitesses radiales correspondent à des vitesses de déplacement physique de l’étoile extraordinairement faibles : 1,08 km/h (VR = 30 m/s), 0,36 km/h (VR = 10 m/s) et 0,32 km/h (VR = 9 m/s).

On pourra ainsi analyser l’effet de planètes rocheuses de type terrestre sur des étoiles de magnitude apparente V = 9, des planètes de type Neptune sur des étoiles de magnitude apparente V = 12 (plus éloignées). Rappelons que les étoiles les plus faibles décelables par Hubble ont une magnitude visible V = 31. « HD143436 » une des jumelles de la Terre, à 141 AL, a un V = 8,03. « 18 Scorpii » a une V = 5,5. C’est une G2V d’une température de 5.433 K et d’une métallicité de 0,03% inférieure à celle du Soleil. Le seul « problème » de 18 Scorpii (si l’on peut dire) est qu’elle est beaucoup plus jeune que le Soleil, seulement 2,9 milliards d’années (contre 4,6 pour le Soleil). D’autres étoiles « intéressantes » sont accessibles :  Epsilon Eridani, V = 3.73 ; Epsilon Indi, V = 4,69.

Il semble malheureusement qu’aujourd’hui avec ESPRESSO on atteigne les limites de l’exploitation possible de ces spectrographes-échelle car on craint de ne peut plus pouvoir distinguer le mouvement propre de l’étoile de celle résultant de l’effet que la planète a sur elle. Ceci dit nous avons un beau champ d’exploration devant nous avec une réelle possibilité de très belles découvertes.

Illustration de titre : le dispositif de collecte de la lumière reçue par les quatre télescopes de 8,4 m du VLT de l’ESO (Paranal, désert d’Atacama), crédit ESO.

Le spectrographe échelle ESPRESSO au centre de collecte de la lumière, crédit ESO :

Illustration ci-dessous, à l’intérieur d’ESPRESSO, le cheminement de la lumière :

Lien entre les deux illustrations ci-dessus, crédit ESO/ESPRESSO consortium, Samule Santana Tschudi vous remarquerez la caméra pour la lumière bleue et celle pour la lumière rouge :

Réseau de diffraction « blazé » d’un grisme (les grismes sont usinés avec des réseaux blazés sur leur face). Illustration Wikipedia common (Patrick87) :

Note :

Le Consortium ESPRESSO : Observatoire Astronomique de l’Université de Genève (chef de projet); Centro de Astrofísica da Universidade do Porto (Portugal); Faculdade de Ciencias da Universidade de Lisboa (Portugal); INAF-Osservatorio Astronomico di Brera (Italie); INAF-Osservatorio Astronomico di Trieste (Italie); Instituto de Astrofísica de Canarias (Espagne); et Physikalisches Institut der Universität Bern (Suisse). ESO a participé au projet ESPRESSO comme partenaire associé.

Liens :

https://fr.wikipedia.org/wiki/ESPRESSO

https://en.wikipedia.org/wiki/ESPRESSO

https://www.eso.org/public/teles-instr/paranal-observatory/vlt/vlt-instr/espresso/

https://www.eso.org/sci/facilities/paranal/instruments/espresso.html

https://www.aanda.org/articles/aa/pdf/2021/01/aa38306-20.pdf

https://blogs.letemps.ch/pierre-brisson/2019/06/22/en-combinant-les-lumieres-des-telescopes-vlti-gravity-nous-promet-des-resultats-spectaculaires/

https://www.eso.org/sci/facilities/paranal/instruments/espresso/science.html

https://www.eso.org/sci/facilities/paranal/instruments/espresso/inst.html

https://www.unige.ch/campus/139/dossier4/

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LaserSeti, une nouvelle conception de la recherche des messages extraterrestres

Nous assistons à une évolution importante dans la démarche SETI*, la volonté de généraliser, simultanément à partir de toute la surface de la Terre, la recherche de signaux lasers qui pourraient provenir de civilisations extraterrestres. Cette démarche, aujourd’hui techniquement possible, est beaucoup plus adaptée aux caractéristiques des émissions qui sont les plus probables.

*SETI = Search for Extra-Terrestrial Intelligence

L’idée que d’éventuelles civilisations extraterrestres pourraient communiquer par laser, avec nous ou entre elles, n’est pas nouvelle. Elle fut exprimée dès 1961 par R.N. Schwartz et C.H. Townes*, un an après que le physicien Giuseppe Cocconi et l’astrophysicien Ph. Morrison eurent lancé l’approche micro-ondes pour SETI et un an seulement après que le physicien Theodore Maiman ait réalisé pour la première fois une émission de « lumière cohérente » en utilisant un cristal de rubis. En effet, vu les propriétés du laser, il est apparu, dès le début, logique qu’une civilisation extraterrestre s’en serve pour ses communications. L’on sait qu’un rayon laser peut transférer un demi-million de fois plus de bits par seconde qu’une émission micro-ondes et que la puissance de l’émission du laser est inversement proportionnelle à sa durée. Il serait aussi logique qu’une telle civilisation s’en serve pour la propulsion de ses vaisseaux spatiaux (nous l’envisageons nous-mêmes pour nos voiles photoniques) ou encore, comme nous le faisons, pour rechercher d’autres civilisations et éventuellement chercher à communiquer avec elles, c’est-à-dire avec nous.

Le principe est qu’un puissant laser focalisé par un télescope d’une dizaine de mètres de diamètre et situé à une centaine d’années-lumière de notre système, pourrait produire une lumière aussi visible que le Soleil à cette distance, en émettant des flashs d’un milliardième de seconde. Un autre intérêt du flash laser et, qu’étant monochromatique, il est immédiatement remarquable par rapport aux émissions lumineuses naturelles qui sont non « cohérentes », pourvu bien sûr que le capteur soit adapté.

Les extraterrestres n’ont peut-être pas eu le temps de recevoir nos signaux radios mais les plus évolués d’entre eux (toujours avec le bémol « s’ils existent ») savent forcément, par leur pratique de la spectroscopie, que nous avons de l’oxygène dans notre atmosphère. Depuis déjà longtemps, la Terre est peut-être dans leur « fichier des planètes possibles », c’est-à-dire celles où la biologie a dû se développer, et ils doivent nous observer et émettre des signaux vers nous. Nous devons, nous aussi, les rechercher et nous devons leur signifier en envoyant également un message, quel est le niveau de développement technologique que la vie sur notre planète a fini par atteindre.

Bien sûr, la communication par laser ne serait valable que pour notre environnement relativement proche. Mais au-delà de l’échange, la connaissance, c’est-à-dire savoir si oui ou non nous sommes seuls, est encore plus philosophiquement importante. On peut envisager déceler un message laser à une distance d’une centaine d’années-lumière. C’est un peu long pour une communication mais c’est très peu dans la perspective de notre évolution humaine. Alternativement au laser ou, bien entendu, toujours au message radio, reste la spectroscopie qui peut nous faire découvrir le mix gazeux atmosphérique d’une planète qui ne pourrait être que biologique. Le laser est donc une autre arme dans notre panoplie pour « savoir » et au besoin, pour « communiquer ».

Cette évidence n’a pas toujours été reconnues. Pour des raisons peu défendables aujourd’hui mais qui pouvaient l’être à l’époque où les lasers étaient considérés comme des moyens « futuristes », la NASA puis SETI privilégièrent la recherche de signaux micro-ondes (les photons « tièdes » plutôt que les photons « chauds ») au grand dam de certains astrophysiciens, dont le Dr Stuart Kingsley qui se battit toute sa vie pour changer les habitudes prises dans ce domaine.

A partir de 1973, les Russes firent deux essais, puis Stuart Kingsley un autre en 1990, dans le cadre de COSETI (Columbus Optical SETI d’après le nom du tout petit – 25 cm de diamètre – télescope utilisé) mais ce n’est qu’un 1998 que l’exclusivité micro-ondes fut véritablement levée.

A cette époque l’Université Harvard avec le Professeur Paul Horowitz, rejoignit la recherche SETI et entreprit d’utiliser le rayonnement optique avec un télescope de diamètre plus important (l’observatoire Smithonian de l’Université d’Harvard, avec un miroir primaire de 1,80 mètres). On procéda dès lors à d’assez nombreuses campagnes d’observation (13 au total) mais toujours sur des cibles ponctuelles de systèmes stellaires qu’on estimait avoir des chances d’abriter la vie.

Comme on ne trouvait rien, on passa en 2005, toujours avec Paul Horowitz, l’Université Harvard et la Planetary Society, à la recherche « All-sky », c’est-à-dire au balayage du ciel (boréal). En 2006, un télescope de 1,50 mètres de diamètre implanté à Oak Ridge dans le Massachussetts, OSETI (« Optical SETI), qui était dédié à cet objet, devint opérationnel (et remplaça le Smithonian). Il bénéficiait, bien entendu, du soutien financier de la Planetary Society et du SETI Institute.

Dès le début, le principe d’une communication par laser sur de très grandes distances étant, comme dit ci-dessus, que la puissance du signal est inversement proportionnelle à sa durée, il fallait être capables de déceler des émissions extrêmement brèves. Le nombre de photons susceptibles d’être reçus d’une étoile de type solaire distante de 100 AL sur une durée de 1 nanoseconde est de l’ordre d’un seul photon. Les instruments capables de cette lecture ultrarapide provenaient de la technologie des tubes photomultiplicateurs (« PM ») inventés en Russie dans les années 30. Ces tubes, placés au foyer de miroirs de télescopes de 1 mètre de diamètre sont capables de séquencer la lumière reçue dans la période d’une seule nanoseconde. Si le PM en reçoit 10 c’est qu’il se passe (ou plutôt, s’est passé 100 ans auparavant) quelque chose d’anormal. Le problème restant était que l’observation devait être focalisée sur une cible. Or on ne regarde pas forcément où il faut, au bon moment.

Il devint donc évident qu’il fallait être vigilant, en même temps, à partir d’une surface aussi grande que possible. C’est ainsi qu’apparut le besoin du programme « LaserSETI », porté par une nouvelle équipe d’OSETI, au sein du SETI Institute. L’éternelle Jill Tarter* y figure comme Senior Advisor.

*l’héroïne de l’excellent film/roman « Contact » de Carl Sagan !

Le programme consiste à installer un peu partout dans le monde des couples d’appareils équipés chacun de deux caméras identiques orientées à 90° l’une par rapport à l’autre le long de l’axe de visualisation (l’équivalent d’un très grand angle). L’idée est de couvrir par tranches longitudinales (d’un pôle à l’autre) la totalité de la sphère céleste. Le premier observatoire, « Robert Ferguson », a été installé à Sonoma en Californie, le second, en décembre 21, à Haleakala (Mauï, Hawaï). Il doit y en avoir d’autres, à Puerto Rico, aux Canaries, au Chili…une douzaine en tout, pour la modique somme de 5 millions de dollars ! L’intérêt d’un grand nombre de collecteurs est aussi de pouvoir confirmer un signal et d’éviter les faux (provenant par exemple d’un LIDAR embarqué sur satellite, même si le LIDAR émet en principe dans l’infrarouge).

Les observatoires utilisent un nouveau type de détecteur optique qui tirent parti de la nature monochromatique des lasers, et qui reposent sur des principes robustes et qui sont peu couteux. Alan Holmes, l’un des fondateurs du Santa Barbara Instrument Group (une société de caméras d’astrophotographie) l’a théorisé en s’inspirant des capteurs des caméras vidéo. Le concept a été adapté pour SETI par Eliott Guillum, directeur de son département OSETI. Il l’a matérialisé ensuite par la construction d’un prototype par un crowdfunding de 100.000 dollars, lancé en 2017 (sur Indiegogo). Son appareil n’est plus simplement un détecteur à un seul pixel et il peut surveiller une large partie du ciel dans une gamme de durées d’émissions très ouvertes (très rapides et moins rapides). Les observatoires fonctionnent en divisant les sources lumineuses en spectres très étendus dans le visible (on parle de « rainbow like ») et ils lisent leur caméra plus de mille fois par seconde.

Comme le disait l’astronome Seth Shostak en 2017 pour le lancement du crowdfunding, « lorsque le filet de capteurs sera installé, LaserSETI couvrira environ 200 000 fois plus de ciel que n’importe quel dispositif SETI optique antérieur. Il ne s’agit donc pas d’une amélioration par rapport aux expériences passées, mais d’un saut majeur ».

A la différence de la plupart des personnes investies dans SETI, je ne crois pas que l’espace fourmille de vie extraterrestre mais je pense que nous devons chercher. Sans preuve, une opinion reste une croyance même si elle est soutenue par une logique.

Illustration de titre : une “brassée” de signaux lasers à proximité de la Terre. Vue d’artiste, crédit LaserSETI

Image ci-dessous : vue de l’installation (sur la terrasse au premier plan) au sommet du Mont Haleakala (ile de Maui, Hawaï). Crédit image : Eliot Gillum:

NB: Indisponibilité personnelle.

Chers lecteurs, je me fais opérer demain lundi 21 mars de la cataracte et ne pourrai donc répondre à vos commentaires pendant un temps que j’espère aussi court que possible. Mes articles des 26 mars et du 02 avril sont de toute façon programmés et vous pouvez continuer à echanger entre vous. A bientôt!

Liens

https://www.seti.org/laserseti

https://www.seti.org/opticallaserseti

http://laserseti.net/

https://www.seti.org/why-we-need-new-type-seti-instrument

09/10/21 Blog: https://blogs.letemps.ch/pierre-brisson/2021/10/09/le-mouvement-seti-difficultes-beaute-et-esperance/

http://www.astrosurf.com/luxorion/seti-optical.htm

tableau des observations : http://www.setileague.org/general/optical.htm

https://www.indiegogo.com/projects/laser-seti-first-ever-all-sky-all-the-time-search#/

http://www.coseti.org/introcoseti.htm

http://www.coseti.org/townes_0.htm

“Interstellar and Interplanetary Communication by Optical Masers”in Nature, par R.N Schwartz and Ph. Townes, Volume 190, Issue 4772, pp. 205-208 (April 1961), DOI:10.1038/190205a0, lien: https://www.nature.com/articles/190205a0

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Automaticité du progrès ?

La possibilité théorique de l’existence de civilisations extraterrestres pose question sur le niveau de développement technologique possible de ces civilisations. Estimer qu’elles auraient pu atteindre notre propre niveau implique qu’au sein de ces civilisations d’autres « personnes » auraient fait les mêmes découvertes que nos plus grands génies sur Terre et qu’en quelque sorte, le progrès est inévitable. Est-ce acceptable intellectuellement ?

Passe encore que sur cette autre planète, des hommes (ou plutôt leurs équivalents) aient découvert par accident certains phénomènes comme le feu pour brûler ou chauffer, ou l’éclat d’une roche pour couper ou tuer. Mais peut-on aller beaucoup plus loin ?

Bien sûr, une évolution est possible pour toute collectivité d’individus intelligents. On peut imaginer parvenir « naturellement » à l’élevage, à l’agriculture, à la navigation sur un morceau de bois qui flotte, faire certaines déductions astronomiques d’après l’observation des étoiles. Tout cela résulte de l’observation de l’environnement avec une réflexion sous-tendue par une intelligence. Mais il me semble qu’au bout d’un moment on atteint des limites que l’on ne peut plus franchir automatiquement.

Ainsi, comme chacun sait, les Indiens d’Amérique n’ont jamais découvert la roue ou plutôt ils n’ont jamais déduit de la connaissance de la roue la possibilité qu’elle ait, appariée en deux ou quatre unités, d’équiper grâce à un essieu un châssis qui permettrait de transporter « quelque chose », en réduisant l’effort par l’exploitation de leur instabilité au sol résultant de leur très faible incidence.

Plus on s’éloigne des phénomènes les plus simples, plus on entre dans la complexité et dans l’abstraction, plus les calculs et les mathématiques qui les utilisent deviennent nécessaires, plus le degré d’improbabilité d’obtenir les mêmes résultats à partir d’une même base augmente.

Ainsi on peut observer le ciel, comme les Grecs anciens le firent et développer des outils relativement sophistiqués comme la Machine d’Anticythère et ses engrenages pour en déduire les mouvements apparents futurs des astres, sans pour autant avoir l’idée d’utiliser des verres d’une certaine courbure pour augmenter la puissance d’observation et mieux comprendre ainsi les mouvements apparents et la différence entre la Lune, les planètes et les étoiles. On peut aussi inventer l’hélice, comme l’a fait Archimède, sans pour autant en déduire qu’on pourrait l’utiliser pour propulser un navire. Le savant grecs (dont le nom est perdu) à l’origine de la Machine d’Anticythère était génial tout comme Archimède mais ce n’est qu’en 1600 après Jésus-Christ que Galilée eu l’idée d’utiliser l’invention toute récente de la lunette pour observer les étoiles et ce n’est qu’en 1486 que Léonard de Vinci comprit que l’hélice pouvait servir à la propulsion (dans ce cas pour un aéronef) et ce n’est qu’encore plus tard, en 1806, que Charles Dallery compris qu’on pouvait l’utiliser pour faire avancer les bateaux.

A noter que l’utilisation de lentilles dans la lunette astronomique ne devenait possible qu’après que l’optique (les opticiens) et le travail du verre (les maîtres verriers) aient fait suffisamment de progrès. A noter aussi que la propulsion au moyen de l’hélice ne pouvait être possible que s’il y avait un moteur fournissant l’énergie pour la faire tourner (Léonard ne pouvait imaginer que la force musculaire). Il fallait donc que Denis Papin intervint en concevant le piston à vapeur en 1690, pour que le rapprochement pu se faire.

Alors Denis Papin ou plus près de nous Michel Mayor pensant que l’effet Doppler (après que Doppler l’eut compris !) pouvait être utilisé pour détecter les exoplanètes, sont-ils « inévitables » ? Leur rôle n’est-il que d’être des révélateurs interchangeables ? Si ce n’avait pas été eux, peut-on dire que leurs inventions auraient été faites par d’autres ?

C’est une interrogation à laquelle il est très difficile de répondre. Disons que la progression en éventail des découvertes scientifiques et technologiques créée un champ de possibles. Ce champ peut être exploité par ceux qui connaissent parfaitement une science et qui sont ainsi capables de la porter un peu plus loin ou de l’utiliser pour développer une autre branche de la connaissance qui peut utiliser la leur ou plutôt la réflexion qu’eux-mêmes peuvent avoir exprimée grâce à leur acquis. Mais il me semble qu’il n’y a nul automatisme et qu’une découverte ou une progression de la science n’est possible que si un individu est suffisamment intelligent et persistant dans sa réflexion et l’application de sa réflexion, pour qu’une nouvelle découverte se manifeste, soit démontrée, et que l’évidence de sa validité soit reconnue par tous.

Je ne vois nul automatisme dans le progrès mais je vois bien la nécessité de ces individus, de ces savants prodigieux qui non seulement ont les connaissances à partir desquelles il faut partir (« on ne va pas réinventer la roue ») mais qui en plus ont les capacités intellectuelles pour pouvoir et oser sortir des sentiers battus, juste à côté ou un peu plus loin. Mais on ne trouve pas toujours. Rien n’est facile, rien n’est évident, sauf après-coup.

La conséquence c’est que si sur une planète quelconque à l’environnement favorable, la vie est apparue puis s’est développée et complexifiée jusqu’à parvenir à produire une espèce intelligente comme la nôtre (et comme peut-être certains descendants de dinosaures auraient pu devenir), il n’est pas du tout évident que cette espèce ait atteint le niveau que nous avons atteint. Elles n’ont peut-être généré ni Denis Papin, ni Georges Lemaître, ni Einstein, ni Michel Mayor, ni Elon Musk…

Le contraire peut être vrai, c’est-à-dire qu’elles ont pu avoir l’équivalent de nos plus grands savants et ingénieurs et plus encore, de telle sorte que notre civilisation paraîtrait bien primitive en comparaison de la leur. Mais ce que je veux dire c’est que la nécessité de l’intervention d’individus remarquables dans le processus de progrès induit que nous ne pouvons absolument pas préjuger du niveau technique des « autres » (petits hommes verts). Le progrès n’est pas seulement une question de temps ni d’environnement favorable, c’est une question d’hommes.

Nous n’aurons de preuve de la possibilité de civilisations extraterrestres évoluées que lorsque nous les obtiendrons. C’est pour cela que nous devons les chercher.

Illustration de titre : Diagramme expliquant la méthode dite de vélocité-radiale (autrement dit l’effet Doppler). Crédit : Las Cumbres Observatory (réseau mondial de télescopes robotiques, siège en Californie).

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Index L’appel de Mars 22 02 24

Mars comme Arche de Noé

La guerre en Ukraine remet sur le devant de la scène le danger d’une guerre nucléaire et, compte tenu des conséquences qui pourraient en résulter, de l’intérêt pour l’humanité de l’autonomie par rapport à la Terre d’une « Planète B ».

Je ne crois pas que Vladimir Poutine veuille entrer dans une guerre nucléaire avec l’OTAN. L’armée russe a attaqué volontairement un bâtiment administratif à proximité de la centrale de Zaporijia et non la centrale elle-même. Cette attaque fait donc, apparemment, partie de la guerre psychologique menée parallèlement à la guerre au sol.

Une erreur de frappe reste cependant malheureusement possible. Elle pourrait déclencher une contamination dans l’atmosphère et en surface du sol sur une très grande surface, sans doute bien au-delà des frontières de l’Ukraine. Au-delà de l’accident, toujours à redouter, il n’est pas à exclure qu’une première frappe déclenche à l’Ouest une riposte également nucléaire, vu l’état de grande faiblesse intellectuelle dans lequel se trouve l’actuel président des Etats-Unis (qui a amplement démontré son incapacité à gérer les crises internationales). Ce serait alors, littéralement, la fin du monde.

Nous n’avons pas actuellement de « Planète-B » et il faudra beaucoup de temps pour que nous en ayons une. Dans ce contexte, l’humanité peut sinon disparaître totalement, du moins connaître le sort des dinosaures après la chute de l’astéroïde de Chicxulub (je le prends toujours comme référence mais il y en a eu d’autres). J’y vois donc la nécessité de commencer, dès que possible, à entreposer sur Mars dans des datacenters ce que nous avons de plus cher dans notre patrimoine intellectuel et à installer quelques-uns d’entre nous sur cette planète au plus vite pour entretenir ce dépôt et le faire fructifier.

Je ne dis pas que Mars pourrait devenir une « nouvelle Terre » aussi belle et riche que la vraie mais je dis que c’est la seule solution pour pouvoir survivre aujourd’hui en dehors de la Terre.

Il n’est pas réaliste d’envisager comme certains le prétendent que l’on pourra terraformer Mars. Une certaine transformation/amélioration pour notre profit de l’environnement général de la planète peut être envisagée mais le retour sur investissement est impossible (beaucoup trop d’argent, et temps nécessaire au retour beaucoup trop long) donc l’investissement tout à fait improbable. Sur le plan technique, la difficulté vient de ce que planète ne dispose pas des ressources suffisantes. Il y a de l’eau mais beaucoup moins que sur Terre. Il y a très peu d’azote. Il n’y a pas de pétrole ni de gaz. Il fait très froid (entre 0°C et -80°C en moyenne à l’equateur) ce qui implique la consommation de beaucoup d’énergie. Il y a du Soleil mais beaucoup moins que sur Terre (irradiance 492 à 715 W/m2 contre 1320 W/m2 à la distance de la Terre du Soleil). L’atmosphère est très peu dense et irrespirable ce qui impose le port du scaphandre à l’air libre. Enfin le sol est exposé à des radiations spatiales dures qui ne permettent pas de rester trop longtemps hors des habitats.

Ceci dit, on pourra vivre sur Mars dans des bulles viabilisées et confortables puisque nous disposerons d’une protection anti-radiations (construites avec de la matière provenant du sol de la planète), d’un minimum de Soleil, d’eau (en raison des dépôts de glace un peu partout en surface), des mêmes éléments chimiques que sur Terre, de journées de presque 24h00 (24h39), d’une gravité acceptable (0,38g) puisqu’elle sera complétée par les équipements protecteurs que l’on devra porter), de la proximité relative de la Terre ce qui au début permettra l’importations de biens essentiels sans trop de difficultés.

Mais je ne dis pas que Mars pourra sauver tous les hommes. La population martienne croîtra très lentement car il faudra la transporter, la loger, la chauffer, la nourrir, lui fournir tous les biens essentiels. Et cela coûtera cher. Il faudra donc qu’elle soit productive pour justifier et rentabiliser la dépense. On pourra envisager quelques dizaines puis quelques centaines puis quelques milliers ou dizaines de milliers de personnes. Mais je pense qu’il faut voir le futur de Mars comme celui d’une nouvelle Islande et qu’on ne dépassera jamais quelques petites centaines de milliers d’habitants. Le projet d’Elon Musk du million d’habitants me semble tout à fait inatteignable. Mars est et restera une planète pauvre. Elle ne permettra jamais l’hébergement de millions de réfugiés terrestres pas plus qu’elle sera jamais un exutoire à la surpopulation de la Terre.

Je ne dis pas que les personnes qui vivront sur Mars pourront se passer de la Terre dès demain. Le processus d’installation sera long car difficile. C’est pour cela qu’il faut commencer maintenant. Il est évident que tout sera à créer puisqu’il n’y a aucune infrastructure, aucun capital productif sur Mars et cela prendra beaucoup de temps. Les départs sur Mars ne peuvent se faire que tous les 26 mois en raison de la circulation des planètes sur des orbites différentes à des vitesses différentes. Le vaisseau le plus grand envisageable, le Starship d’Elon Musk, ne pourra prendre au mieux (en théorie) qu’une centaine (à mon avis une vingtaine) de personnes à la fois ou une centaine de tonnes d’équipements et de marchandises. On ne peut pas non plus envisager qu’une centaine de vaisseaux partent chaque 26 mois, ce serait trop coûteux en énergie et trop polluant pour l’atmosphère terrestre ; et les infrastructures pour les recevoir ne seront pas forcément prêtes car il faudra du temps (des hommes et des machines) pour les construire (sur Mars on ne pourra jamais « coucher à la belle étoile »).

Donc, au mieux, il y aura un millier de personnes sur Mars dans 30 ans, dix mille dans cinquante ans et aucune installation ne sera viable et ne pourra être autonome avant la fin du XXIème siècle. Mais il y aura une incitation très forte pour l’autonomie dès le début de la colonisation. En effet, dès le début, il faudra pouvoir tenir 18 mois sur place, plus six mois pour revenir sur Terre, 32 mois sans aucun secours possible*. Et dès le début il faudra pouvoir faire face aux accidents qui pourraient survenir aux équipements vitaux. Il faudra pouvoir réparer, remplacer, faire face aux tempêtes de poussière qui obscurciront le Soleil, aux accidents ou aux maladies phytosanitaires qui feront échouer une culture ou périr un bac plein d’algues nutritives. Dès le début, l’autonomie sera une condition de survie et compte tenu du coût de la difficulté d’importer depuis la Terre (fenêtres de voyage, volumes, masses, coût), l’autonomie sera un avantage, un besoin et une urgence très forte.

*départ “n” au mois 0, départ “n+1” au mois 26, arrivé sur Mars au mois 26+6. Pour les voyageurs qui reviendront sur Terre, le séjour hors de la Terre sera un peu plus court (6+18+6). 

Mars peut donc être à terme, une bouée de secours pour l’humanité. Non pas une terre riche comme jadis l’Amérique mais une arche de Noé qui nous permettra de passer un mauvais cap pendant la durée nécessaire comme jadis, au VIème siècle, dans la période la plus sombre de notre histoire, des moines irlandais se réfugièrent avec leur savoir sur des rochers face au Grand Océan dans une des régions les plus inaccessibles aux barbares. Espérons que les passions humaines nous laissent le temps de construire le navire, pour un jour nous poser là-bas avant de pouvoir partir pour les étoiles.

Illustration de titre, crédit NASA: 

Nous sommes tous là. Toute notre histoire est là ; tout ce qui a jamais vécu a vécu là, à la surface de ce « petit point bleu pâle ». Avec une technique et des logiciels plus performants que les outils autrefois disponibles, Kevin Gill (expert en photographies spatiales du JPL), aidé par deux membres de l’équipe originale de Voyager 1, a retravaillé la fameuse photographie du « Pale Blue Dot » demandée par Carl Sagan à la NASA le 14 février 1990. Cela a donné cette nouvelle version de l’image, 30 ans après le cliché original. Au milieu de la bande longitudinale la plus claire, on y voit plus nettement que jadis ce fameux petit point immense. 

Illustration ci-dessous

Situation de la sonde Voyager 1 lorsqu’elle a pris la photo de la Terre le 14 février 1990, crédit Joe Haythornthwaite et Tom Ruen (CC BY-SA 4). La distance à la Terre était de 40,47 UA (6,4 milliards de km). Les barres verticales son espacées d’une année et indiquent les élévations de la trajectoire au-dessus de l’écliptique. NB: Pluton se trouve à 30 UA de la Terre et la distance de pluton au Soleil varie entre 29 et 49 UA.

Lectures : mes articles de blog du 08 ; 15 et 22 avril 2016 et 15/12/2018 :

Nous sommes uniques et vulnérables

La seconde Arche de Noé

Mars, notre nouvelle frontière

Les datacenters, une obligation, un avantage et une contrainte pour les futurs Martiens

Lien: https://en.wikipedia.org/wiki/Pale_Blue_Dot

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Index L’appel de Mars 22 02 24