Les météores, porteurs de menaces ou de rêves et in fine…de données scientifiques

De tout temps les météores ont beaucoup impressionné les hommes. Ils les ont vus, soit s’il s’agissait de « bolides », comme des manifestations de la colère des dieux, soit s’il s’agissait de comètes, comme des messagers porteurs de bonnes ou de mauvaises nouvelles. Ils étaient et sont toujours des passeurs, une sorte de vecteur de communication du « lointain » jusqu’à nous mais évidemment, à notre regard rationnel, ils portent de nos jours un autre message, celui de la géographie et même de l’histoire de notre système solaire.

Un astéroïde ou éventuellement une comète devient un météore s’il pénètre dans l’atmosphère terrestre. On dit aussi que ce sont de « petites-planètes » puisqu’ils orbitent autour du Soleil et non d’une autre planète. Mais ce qui les distingue des « vraies » planètes et des planètes-naines (du type de Pluton ou de Cérès) ou encore des plus grosses lunes (Ganymède ou Titan) c’est leur taille. Les astéroïdes ou comètes sont tout simplement plus petits (en volume et en masse). Je préfère donc les appeler des « petits corps » pour mieux les caractériser. La différence fondamentale avec les planètes et les plus grosses lunes est que leur masse, trop petite, ne leur a pas permis d’acquérir du fait de leur gravité, de leur pression et de leur échauffement internes (qui en résultent), une forme approximativement sphérique (on parle d’« équilibre hydrostatique »). Si on va plus loin, tout se complique mais on sait (aujourd’hui) très bien ordonner ou classifier leur complexité.

Il faut d’abord distinguer les astéroïdes et les comètes. Les secondes sont beaucoup plus riches en gaz (à l’origine gelés) et en eau, on dit en « éléments volatiles ». Elles génèrent de ce fait une chevelure et une « queue » opposée au Soleil quand ils entrent dans la région du système solaire où l’irradiance est suffisamment élevée pour que ces éléments, à l’origine solides, passent en phase gazeuse. La chevelure et la queue étant une diffusion dans l’espace d’une partie de la masse de la comète, elle va s’épuiser par perte de matière et désagrégation au cours de ses passages successifs à proximité du Soleil (pour être plus précis, dans une région plus proche du Soleil que celle de leur origine où l’irradiance solaire est telle que les éléments volatiles puissent se sublimer). Les autres caractéristiques de la comète sont la longueur de leur période par rapport à celle des astéroïdes, leur vitesse et la diversité de l’inclinaison de leur trajectoire sur le plan de l’écliptique. Ce sont ces caractéristiques qui ont fait penser à l’existence d’une source lointaine (Ceinture de Kuiper et Nuages de Oort). La première, la longueur de la période (le temps mis pour passer et revenir) est évidemment le signe de la distance du lieu d’origine ; la vitesse permet de savoir si l’astre a pu l’acquérir du fait de la distance et si in fine il va être renvoyé par le Soleil vers son aphélie après avoir passé son périhélie (certains astéroïdes récemment observés ont été considérés de ce fait comme provenant d’un autre système stellaire); l’inclinaison sur l’écliptique va nous dire s’il vient d’une zone suffisamment lointaine pour que l’attraction du Soleil soit suffisamment faible et la vitesse suffisamment faible pour qu’elles ne contraignent pas les astres de cette région à se concentrer dans un disque mais à subsister comme une sphère (ou une « coque »).

Les astéroïdes, astres « secs » , proviennent d’une région beaucoup plus proche du Soleil, en principe la nôtre, c’est-à-dire celle qui s’étend de Mercure (en fait plutôt de Vénus) jusqu’à la Ceinture d’astéroïdes entre Mars et Jupiter. C’est une zone de laquelle l’irradiance du jeune Soleil, au rayonnement très actif, a rejeté la « plus grande partie » des éléments volatiles. A l’origine cette zone s’étendait jusqu’à la « ligne de glace » (d’eau évidemment ; il y a d’autres distances en fonction des différents matières susceptibles de s’évaporer ou de se sublimer) qui se situait au milieu de la Ceinture d’astéroïdes (à environ 3 UA, correspondant à une température de 130 K) mais les « chamboulements » occasionnés par les changements d’orbite de Jupiter et de Saturne, ont perturbé fortement la Ceinture d’Astéroïdes au point de mélanger les astres riches en eau avec les astres secs, même si les premiers sont plus nombreux au-delà de la ligne de glace.

Sur ces bases, on va avoir une véritable géographie de la répartition de ces petits corps, avec des régions maintenant clairement identifiées. Outre la Ceinture d’Astéroïdes et les Nuages de Oort déjà mentionnés et situés, on a ainsi diverses populations occupant divers territoires qui peuvent éventuellement (et c’est le problème) interagir les uns avec les autres. Je citerai d’abord (en commençant par les plus proches) les « géocroiseurs » (qui évoluent à un moment ou un autre de leur trajectoire à proximité de la Terre avec une période relativement courte). Nous avons ensuite les astéroïdes « Troyens ». A l’origine (les premiers observés) ce furent ceux de Jupiter, sur l’orbite de cette planète, à ses points de Lagrange L4 (troyens proprement dits) et L5 (grecs), soit à 60° en avance et en retard de la planète. Par extension ce furent les astéroïdes qui se trouvent dans des positions similaires sur l’orbite des autres planètes. La Terre et Mars comme les autres géantes gazeuses ont, elles aussi des Troyens (mais ni Vénus ni Mercure). Plus loin, les « Centaures » gravitent entre les planètes géantes gazeuses. Maintenant, en dehors de toute ces populations, il reste les blocs de matière qui résultent d’impacts d’autres astéroïdes sur le sol de Mars (« SNC* ») ou des planètes naines de la Ceinture de Kuiper (il faut une surface solide pour les créer et ils ne peuvent provenir des planètes gazeuses, ni des planètes situées en-dessous de la Terre vers le Soleil, quoiqu’on ait maintenant un doute pour Vénus**). Ces astéroïdes d’origine planétaire qui mettent un « certain temps » à parvenir jusqu’à nous n’ont évidemment pas la même composition que les autres puisqu’ils proviennent d’astres qui ont eu une histoire géologique particulière liée à leur masse et à leur position dans le système solaire.

*Shergottites, Nakhlites, Chassignites, selon le lieu où elles ont été trouvées (1865/1911/1815).

**Lunar exploration as a probe of ancient Venus” par Samuel Cabot & Gregory Laughlin in “The Planetary Science Journal”, draft 07/10/2020. 

On dit que le premier astéroïde de la Ceinture d’astéroïdes a été observé en 1801 par Giuseppe Piazzi, directeur de l’observatoire de Palerme. En fait, ce qu’il avait vu était la planète naine Cérès, un astre considéré aujourd’hui comme en dehors de cette catégorie (il est approximativement sphérique compte tenu de sa masse). C’est dans la dizaine d’années suivantes qu’on découvrira les premiers véritables astéroïdes. Le premier des Troyens fut découvert en 1906, le premier des Centaures, en 1977, le premier des objets de la Ceinture de Kuiper (objets transneptuniens ou « TNO ») en 1992 seulement (« 1992QB1 » ou « Albion »), indépendamment des planètes naines de cette zone comme Pluton ou Sedna. Aucun objet des nuages de Oort n’a encore été observé in situ. Il est vrai que c’est très difficile puisqu’ils n’émettent aucune lumière propre et réfléchissent très peu la lumière solaire du fait de leur distance et de leur taille. Mais bien sûr on a déjà vu dans notre environnement des comètes qui doivent en provenir.

Les astéroïdes géocroiseurs comme les comètes sont des objets très particuliers et très intéressants puisqu’ils sont accessibles à notre observation, non seulement par des moyens astronomiques, donc astrophysiques mais aussi par des moyens astronautiques. Ils sont aussi intéressants par les craintes qu’ils suscitent d’une collision avec la Terre (justifiée évidemment sur le long terme). Les Japonais comme les Européens sont les plus en pointe dans les technologies permettant l’observation in situ. Pour mémoire rappelons les missions Rosetta et Hayabusa 1 et 2.

Mais pourquoi aller voir de près ces astéroïdes et en recueillir des échantillons ? Parce qu’ils sont les témoins de l’histoire de notre système solaire et en portent les traces dans les roches qui les constituent. De ce point de vue les petits astres sont plus intéressants que les plus gros (planètes-naines) puisqu’ils ont été les moins transformés par l’évolution résultant de leur masse (force de gravité, pression, chaleur). C’est par eux que l’on pourra le mieux savoir quel était l’état du nuage protoplanétaire dans les premières étapes de sa contraction. Des nuances importantes seront apportées par la distance au Soleil de leur zone de formation. Il est évident que les moins transformés seront trouvés le plus loin du Soleil (comme Arrokhot, le TNO observé par la Sonde New Horizon au-delà de Pluton) et que ceux qui comporteraient le moins de matières volatiles, seront ceux situés en dessous de la Ligne de glace. Dans notre environnement on trouve des météorites différenciées qui proviennent d’un corps-parent plus massif et aussi des météorites indifférenciées qui sont justement le reste des éléments de la nébuleuse protoplanétaire. Ces dernières sont ce qu’on appelle des « chondrites » et il y a, bien sûr, différents types de chondrites (« ordinaires », « carbonées », « à enstatite »).

Donc si les chondrites nous parlent d’un monde très ancien, les achondrites nous parlent d’un monde plus récent et de nos voisins planétaires. Les chondrites contiennent des « chondres », petites billes surtout formées de silicates (la matière dominante de nos planètes telluriques et première phase de la condensation du nuage protoplanétaire). Avec les microscopes dont nous disposons aujourd’hui, on peut voir des détails extrêmement fins qui nous disent « presque tout ». C’est tout l’intérêt des missions de retour d’échantillons qui permettent d’utiliser les laboratoires terrestres quand même beaucoup plus performants que les spectrographes embarqués à bord des sondes. C’est ainsi qu’au cours du siècle passé les météorites sont devenus non plus des objets mystérieux mais des livres de notre histoire.

Illustration de titre : passage de la comète Siding Spring dans le ciel de Mars le 19 octobre 2014, vue d’artiste, crédit NASA.

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Index L’appel de Mars 21 01 22

 

 

Les mondes lointains de la Ceinture de Kuiper et des Nuages de Oort nous donnent une idée des dimensions de l’Univers

Bien au-delà de la Ceinture-d’astéroïdes qui délimite le système solaire interne et encore au-delà de l’orbite de Neptune où s’arrête le « royaume » de nos huit planètes, s’étendent les régions très lointaines de la Ceinture de Kuiper et des Nuages de Oort. C’est dans ces confins que je voudrais vous conduire aujourd’hui.

La Ceinture de Kuiper, imaginée en 1940 par Kenneth Edgeworth et théorisée en 1951 par Gerard Kuiper, est le tore d’astres assez hétérogènes mais d’une manière générale glacés qui existaient dans la nébuleuse primitive lorsque le processus d’accrétion planétaire s’est amorcé autour du jeune Soleil mais qui ont été « chamboulés » très vite par la progression de Neptune, suivie par Uranus, vers l’extérieur du système sous la pression gravitationnelle de Jupiter et de Saturne. Elle se trouve entre Neptune (à 30 unités astronomique, « UA »*) et le Nuage de Oort (« intérieur », de 2000 à 5000 UA ; « extérieur », de 10.000 UA à « plus de » 100.000 UA). A noter que Proxima-Centauri, notre plus proche voisine, se trouve à 4,244 années-lumière, soit 270.000 UA. Dans le cadre du « Grand-Tack » (« Grand-rebroussement »**), l’astrophysicien Alessandro Morbidelli et ses collègues ont montré que Neptune qui se trouvait lors de sa formation entre Saturne et Uranus, aurait été éjectée au-delà de cette dernière par la pression gravitationnelle de Saturne. La perturbation résultant de cette intrusion dans ce qui allait devenir la Ceinture de Kuiper fut aussi grave pour cette dernière que celle qui intervint dans la Ceinture d’Astéroïdes un peu plus tôt quand Jupiter y fit irruption peu après qu’elle eut commencé à se former. Les astéroïdes qui s’y trouvaient dans un processus d’accrétion très lent (froid, faible vitesse de rotation autour du Soleil et faibles masses) se trouvèrent dans leur majorité, soit expulsés vers l’extérieur (Nuage intérieur de Oort) soit propulsés vers le centre du système, en passant par les orbites des planètes inférieures, soit tout simplement absorbés par la planète géante.

*une UA est égale à la distance moyenne Terre/Soleil soit 150 millions de km.

**terme qui doit parler aux Neuchâtelois qui prennent le train entre Neuchâtel et La Chaux-de-fonds !

Les astres de la Ceinture de Kuiper, nommés communément « KBO » (pour « Kuiper Belt Object ») sont donc soit de petits astéroïdes dont l’évolution n’a pu être trop poussée, soit des planétoïdes plus importants qui se trouvaient en formation dans la partie la plus interne de la Ceinture. Cette Ceinture comprend des millions de KBO dont des centaines de milliers d’objets de 100 km ou plus et quelques-uns comme Pluton qui sont beaucoup plus gros (1000 km et plus) mais, en tout, ils ne doivent pas représenter plus de 10% de la masse terrestre (contre 7 à 10 masses terrestres avant l’intrusion de Neptune). Ils sont composés de roches silicatées, avec du méthane, de l’ammoniac, et surtout de beaucoup de glace d’eau. Le tout est relativement instable car les collisions ne sont pas exceptionnelles. On les connait par les comètes qui s’en détachent ou se décrochent de leur orbite de ce fait et, depuis peu, par l’observation sur place, grâce à la sonde New-Horizons de la NASA qui a pu prendre in situ des photos remarquablement précises de Pluton, de Charron puis d’Arrokoth (initialement Ultima Thulé), KBO classique sans doute représentatif. A noter que les comètes sont identifiées par leur périodicité qui compte tenu de leur vitesse observée, donne forcément la distance de leur aphélie (la périodicité des comètes provenant de la Ceinture de Kuiper est autour d’une vingtaine d’année).

Dans la situation actuelle, on distingue la Ceinture « classique » soit celle que l’on s’attendait à trouver à cette distance quand on l’a théorisée et qui s’étend entre 40 et 50 UA du Soleil, la Ceinture des astres « épars » qui s’étend jusqu’à quelques 1000 UA (en débordant un peu sur la classique) et enfin les objets « détachés » qui se sont formés en-dehors de l’influence de Neptune car ils évoluent beaucoup plus loin que les autres, ne s’approchant des 40 UA à leur périhélie, que peu de temps dans le parcours de leur orbite. A l’intérieur de la Ceinture-classique il faut encore distinguer les astres « froids » qui ont une orbite circulaire dans le plan de l’écliptique solaire, des astres « chauds » qui ont été perturbés par Neptune et qui ont une orbite plus ou moins excentrique et en dehors de l’écliptique, et parmi les astres froids on peut encore faire des distinctions en fonction de l’influence que Neptune a sur eux (c’est-à-dire de la résonnance de déplacement sur orbite qui existe entre eux et Neptune). Parmi les astres épars, on doit mentionner Eris, le plus gros d’entre eux (2326 km de diamètre contre 2370 pour Pluton mais ce dernier est un peu moins massif). Pluton qui est en résonnance 2:3 avec Neptune n’est pas un astre épars mais, de par sa situation, un astre classique « chaud ». Sedna est l’un des astres détachés avec un périhélie de 76 UA et un aphélie de 1200 UA. Parmi les astres épars on en a détecté plusieurs d’une taille importante, ce qui nous conduit à classer comme « planètes naines » tout comme Pluton, outre Eris, Haumea, Makémaké, Gonggong, Quaoar (quel choix de noms absurde !) et bien sûr Charon le compagnon de Pluton, qui ont des diamètres allant de 1000 à 1500 km. Sedna et Orcus sont un peu plus petits (diamètre légèrement inférieur à 1000 km). Une caractéristique intrigante de ces astres épars (et même de Pluton) est l’excentricité de leur orbite. Leurs périhélies sont très éloignés du Soleil et, comme leurs aphélies, déportés très nettement d’un même côté du système solaire. Cela a conduit à penser que, « de l’autre côté », un objet très massif les équilibre, la fameuse « Planète-9 » dont on cherche la preuve par l’observation depuis 2016 où on l’a théorisée (Constantin Batyguine et Michael Brown du CalTech). La masse de cet astre doit être importante (actuellement estimée à 3 ou 4 masses terrestres) et il doit être très éloigné pour justifier l’équilibre. Mais la Planète-9 n’est pas facile à détecter parce que, relativement aux autres, son périhélie devrait être extrêmement éloigné du Soleil, qu’elle se déplace de ce fait extrêmement lentement et que, comme tous les objets transneptuniens, elle doit avoir une luminosité, par réflexion, très faible. Depuis juillet 2019, « on » (Jacub Scholtz de l’Université de Durham et James Unwin de l’Université d’Illinois) envisage qu’elle puisse être un mini trou-noir, ce qui la rendrait encore plus difficile à « voir » (pour une telle masse, son diamètre serait celui d’une balle de tennis et elle ne serait visible que lors de l’absorption de matière !).

L’intérêt de ces astres KBO c’est qu’ils se sont formés très loin du Soleil donc qu’ils ont été peu modifiés par les radiations (en particulier la chaleur) qui en émanent. Dans cet esprit ce sont surtout les plus petits qui sont évidemment les moins modifiés, qui peuvent donner le meilleur témoignage du matériel de la nébuleuse protoplanétaire, à partir duquel se sont constitués les astres les plus massifs, les planètes et le Soleil.

Encore plus loin que la Ceinture de Kuiper, les Nuages de Oort, ne sont pour l’instant qu’une hypothèse (car on n’a rien pu observer en direct de cette région) toutefois solide car confortée par quelques expériences de comètes. Le premier à avoir envisagé ces « nuages » est l’astronome estonien Ernst Öpik, en 1932, puis l’idée a été reprise par le Hollandais, Jan Oort en 1950. Ils seraient aussi composés d’astres glacés mais ces astres auraient été très peu influencés par ce qui se passe « en-dessous » d’eux ; l’un, le nuage « extérieur » encore moins que l’autre, le nuage « intérieur » qui a dû recevoir quelques « projections » à l’époque de l’intrusion de Neptune dans la Ceinture de Kuiper. Ils font indubitablement parti du système solaire mais ne lui appartiennent que par l’effet d’une force de gravitation très éloignée donc très faible. Cette force est tellement faible que de nombreux éléments de ces nuages n’ont pu être entrainés par leur vitesse à descendre dans le disque de l’écliptique. Ils restent en quelques sortes « en suspension » (mais de ce fait à la merci d’une déstabilisation quelconque, même faible, y compris du passage d’une étoile voisine*). Physiquement ils sont composés de « tout ce qui reste » de matière ou d’éléments volatiles au-delà de la Ceinture de Kuiper et qui n’a pas été emporté/arraché par la force de gravité des étoiles voisines (mais dans cette zone le système solaire peut aussi saisir quelques opportunités pour s’enrichir du « matériel » enveloppant les autres étoiles !). De temps en temps une comète à longue période arrive jusque dans notre voisinage et nous en déduisons, en fonction aussi de sa vitesse, qu’elle vient de cette région très lointaine. On en déduit aussi que certains d’entre eux doivent être assez massifs (sans atteindre la taille de planétoïdes).

*Il y a 7,3 millions d’années l’étoile Algol est passée à 9,8 al du Soleil, Gliese 710, naine-orangée voisine, pourrait pénétrer le Nuage jusqu’à 13000 à 19000 UA du Soleil, dans 1,3 million d’années (d’après projections Gaia faites en 2016). Nos voisins n’ont pas toujours été les mêmes !

Aucun des astres qui composent les nuages de Oort n’a pu être observé in situ (trop faible luminosité) et nul instrument créé par la main de l’homme n’est jamais parvenu jusqu’à ce « nuage ». « Voyager 1 », la sonde de la NASA qui a quitté la Terre en 1977 et la machine créée par l’homme qui s’est éloignée le plus de nous, vogue actuellement à 22 milliards de km, c’est-à-dire à seulement 151 UA de la Terre, toujours dans la Ceinture de Kuiper, un peu au-delà de l’héliopause (vers 120 UA dans cette direction) mais toujours bien loin du Nuage de Oort intérieur. A la vitesse de 17 km/s (60.000 km/h), elle ne l’atteindra que dans 300 ans et elle atteindra le nuage extérieur dans 3000 ans ! A noter que le milieu défini par le vent solaire, l’héliosphère qui se termine par l’héliopause, s’arrête bien avant la limite jusqu’où s’exerce la force de gravité de notre étoile.

Le système solaire est donc une énorme sphère définie par un disque à son équateur dont le diamètre est d’environ 2 années-lumière alors que nous ne sommes même pas à une demi-heure lumière de Mars quand elle est au plus loin. La Ceinture d’astéroïdes est à une heure-lumière (entre 2,2 et 3,2 UA), Neptune est à 04:30 heures-lumière mais le Nuage de Kuiper s’étend de 04h30 à 6 jours-lumière et le nuage de Oort, de 6 jours-lumière à deux années-lumière (plus ou moins). Tous ces astres semblent très éloignés de nous et cependant à l’échelle de notre galaxie dont le diamètre est de 100.000 années-lumière, nous voyageons de concert, tout près les uns des autres. Notre bulle commune tourne autour du centre de la Voie Lactée, à 26.000 années-lumière, tout comme la Terre tourne autour du Soleil à seulement 8 minutes et quelques secondes-lumière, et tandis que notre système a fêté son 4567 millionième anniversaire à l’échelle de notre année terrestre actuelle, nous sommes peut-être au début de notre 20ème année galactique (en réalité probablement moins, compte tenu de la variation de la distance au centre galactique) qui devrait durer quelques 240 millions d’années terrestres, entrainés à la vitesse de 220 km/s (800.000 km/h) par le Soleil. Ces chiffres donnent le tournis et la mesure de notre insignifiance ! Et pourtant nous devons à notre corps extraordinaire et à notre esprit partie sublime de ce corps, nous devons à tous nos prédécesseurs dans la chaine de la vie, nous devons à tous les penseurs, à tous les chercheurs qui nous ont précédés, nous devons à tous ceux qui ont travaillé pour produire les ressources nécessaires pour qu’ils aient pu penser et chercher et que nous puissions continuer, le merveilleux niveau de connaissances et de compréhension que nous avons acquis de ce monde. En sommes-nous bien conscients et apprécions-nous à sa juste valeur cette chance et le fruit de cette évolution et de ce travail tout au long des siècles et des millénaires qui nous ont précédés ? Sommes-nous désireux, serons-nous capables de continuer, c’est-à-dire de transmettre nos connaissances et nos capacités pour qu’une conscience issue de nous soit toujours présente dans cet Univers lorsque nous aurons accompli notre vingtième année galactique, peut-être celle de l’accès à notre maturité ? Je l’espère de tout cœur, c’est-à-dire que plus précisément j’espère que nous saurons dominer la crise d’adolescence tardive qui nous éprouve en ce 21ème siècle de notre ère chrétienne, pour donner toutes les fleurs que nous avons le potentiel de faire éclore, y compris celles que l’on peut imaginer au-delà de notre chétive espèce humaine.

Illustration de titre : la coque des nuages de Oort enveloppe le système solaire.

Illustration ci-dessous : la comète Siding Spring passe à proximité de Mars. Photos du télescope spatial Hubble. La comète se trouve à 140.000 km de Mars le 19 octobre 2014. Avec une période de 740.000 ans, elle provient du Nuage de Oort. Crédit NASA, ESA, J.-Y. Li (PSI), C.M. Lisse (JHU/APL) et Hubble Heritage (STScl/AURA).

Lectures:

The structure of the clouds of comets surrounding the solar system, and an hypothesis concerning its origin, by J.H. Oort, in Bulletin of the Astronomical Institutes of the Netherlands, Jan 13th 1950:

http://adsabs.harvard.edu/full/1950BAN….11…91O

What if Planet 9 is a Primordial Black-hole?

https://arxiv.org/abs/1909.11090

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Ajustement concernant le livre de Mme Ekström

A mes lecteurs,

Je viens de recevoir, ce midi, le livre de Mme Ekström et M. Nombela. Je l’ai parcouru et je constate qu’effectivement ma réaction à l’annonce de la publication de leur livre a été un peu trop brutale. Je prie les auteurs et mes lecteurs de m’en excuser. Je reviendrai sur le sujet à l’occasion d’un autre article que j’y consacrerai. Pour le moment disons que je considère que les auteurs, s’ils ont fait leur travail honnêtement, sont quand même trop pessimistes.

Je vois comme eux des difficultés dans le premier et sans doute le second voyages, principalement du fait de l’absence de comité d’accueil sur Mars. Mais je reste confiant sur (1) l’acceptabilité des conditions du voyage ; (2) la faiblesse du risque de manquer l’objectif et l’atterrissage sur Mars ; (3) la possibilité de survie en surface de Mars ; (4) la possibilité de « faire avec » la poussière martienne.

Je crois à la très forte interdépendance de l’homme et du milieu dans lequel il est apparu (j’ai écrit plusieurs articles dans ce blog sur le sujet de la coévolution, non reproductible, avec l’environnement terrestre) mais je pense que le développement de nos technologies peut lui permettre aujourd’hui de s’en distancer pour pouvoir vivre dans un autre environnement planétaire, celui de Mars, parce que les différences avec le nôtre ne sont pas insurmontables (et sous réserve bien entendu d’un approvisionnement en produits essentiels tous les 26 mois tant que l’on ne sera pas capable de les produire sur Mars).

Je ne crois pas que l’apport de microbes terrestres sur Mars empêcherait l’identification de possibles microbes martiens (au moins une partie de leur génome garderait la trace de leur origine différente).

Comme je l’ai toujours dit, je pense que l’installation de l’homme sur Mars sera difficile mais qu’on peut la tenter. Je ne crois pas à la faisabilité de la terraformation et j’ai beaucoup de mal à envisager une colonie importante sur Mars. Je pense que de toute façon elle grandira très progressivement (comme image : l’Antarctique puis l’Islande). J’ai accepté de participer au concours de la Mars Society pour imaginer une ville de 1000 habitants mais refusé de participer à celui portant sur un établissement d’un million d’habitants.

Je pense que l’exploration par vols habités, qui à mon avis se fera, conduira inévitablement à l’installation d’un petit établissement qui ensuite devrait pouvoir grandir. Je prends l’ouvrage de Mme Ekström et M. Nombela comme une stimulation pour prouver que leur pessimisme est injustifié.

Jupiter, reine des planètes, astre qui aurait pu nous empêcher de naître mais qui en fait nous protège

S’intéresser à Jupiter c’est non seulement s’intéresser à la reine des planètes de notre système, c’est aussi s’intéresser à la structure des autres systèmes, tant les géantes gazeuses sont importantes pour et dans la vie des autres planètes quel que soit le système considéré.

Nous connaissons de mieux en mieux « notre » Jupiter, depuis les sondes qui ont été envoyées dans son environnement et surtout celles des missions Galileo (1995 à 2003) et Juno de la NASA qui l’explore depuis juin 2016 (27èmeorbite en cours sur 31 prévues, chacune passant, à son périastre, à 5000 km seulement de la « surface » ) et doit continuer jusqu’en juillet 2021. Même si on l’avait observée auparavant, ce qui était relativement facile vue sa taille (premier objet pointé par Galilée avec sa lunette en 1610), on a appris énormément sur elle ces dernières années…et évidemment elle n’est pas tout à fait celle que l’on croyait.

Pour nous situer, parlons de distance, de matière et de masse. Jupiter évolue entre 740 et 817 millions de km du Soleil et donc entre 590 et 967 millions de la Terre, soit au maximum à 44 minutes-lumière. Elle est « à côté de nous » en termes cosmiques mais l’orbiteur Juno a mis quand même 5 ans pour parvenir sur place, emporté par une fusée très puissante (Atlas V-551). C’est une planète gazeuse. Qu’elle soit gazeuse on s’en est aperçu très vite car non seulement on ne voit d’elle que son atmosphère avec très visiblement des nuages qui évoluent, mais surtout son rapport masse / volume est tel que les éléments très légers ne peuvent être que dominants (diamètre 143.000 km, densité 1,326 g/cm3 à comparer aux 5,51 g/cm3 de celle de la Terre). Ce qui est intéressant, c’est qu’elle est largement composée d’hydrogène et d’hélium comme le reste de l’Univers mais avec nettement plus d’éléments lourds (au-dessus de l’hélium) que le Soleil. Il faut bien distinguer l’atmosphère que l’on peut observer visuellement et l’intérieur de la planète. Plus on s’enfonce dans la planète, plus le pourcentage des éléments autres que l’hydrogène s’élève. La haute atmosphère est composée à 90% / 10% d’hydrogène et d’hélium. Dans le spectre de surface on observe un peu (jusqu’à 1%) d’éléments autres et en profondeur on doit avoir une répartition 71 ; 24 ; 5. Les « autres » éléments sont très variés : eau, méthane, hydrogène sulfuré, néon, oxygène, phosphine, carbone, éthane, soufre, cristaux d’ammoniac, composés silicatés, en fait les éléments lourds ou leur dérivés qui étaient présents dans la nébuleuse primitive car Jupiter n’a pas la masse nécessaire pour faire démarrer puis entretenir un processus de fusion nucléaire et en créer de nouveaux (ce qui n’exclut cependant pas les réactions physico-chimiques permises par le milieu). Elle a une masse de 318 fois la Terre (Saturne de 95 fois et le Soleil de 333.000 fois !). Une naine brune, la moins massive et la plus faible des étoiles, doit atteindre un minimum légèrement supérieur à 4.000 masses terrestres (et se situer entre 13 et 75 masses joviennes) pour pouvoir « s’allumer » (très faiblement !) c’est-à-dire pour que le premier stade de la nucléosynthèse, fusion d’hydrogène en deutérium, puisse débuter en son sein du fait de la pression (et donc de la température) générée par la force de gravité. On voit donc bien que Jupiter n’est pas une étoile. Cependant Jupiter n’est pas non plus une planète comme les autres.

La masse et la pression qu’elle génère du fait de la force gravitationnelle, font passer sa matière par des états très différents sur une pente de température extrêmement longue. On part de l’hydrogène gazeux, en « surface », choisie arbitrairement comme l’altitude où la pression est de 1 bar (mais l’attraction gravitationnelle 2,5 fois celle de la Terre au niveau de la mer), pour aller à l’hydrogène moléculaire-liquide vers 1.000 km de profondeur, pour aboutir à l’hydrogène métallique-liquide (aspect du mercure sur la Terre) vers 15.000 km de profondeur. La température s’échauffe beaucoup, de 200 K à 900 K, dans la thermosphère, entre 320 km et 1000 km d’altitude (radiations) mais elle est relativement froide dans la stratosphère et en surface, 103 K (-160°C), jusqu’à la tropopause à -50 km. Ensuite elle remonte très vite (400 K à la profondeur de -132 km atteints par la sonde Galileo en 2003). Au passage en phase métallique, elle atteint 10.000 K. Au centre de la planète la pression doit être de 70 Mbar et la température de plus de 35.000 K.

Jupiter émet plus de radiations qu’elle n’en reçoit du Soleil. Cela est dû à son refroidissement constant, résultant de sa situation dans un environnement plus froid qu’elle. La perte de chaleur entraine une baisse de pression donc une contraction donc à la fois un rayonnement vers l’extérieur et un réchauffement du cœur (réaction de Kelvin-Helmholtz). Mais ce qui est le plus remarquable c’est la magnétosphère. Comme la Terre, la planète génère un champ magnétique par effet dynamo. Le résultat est très spectaculaire avec une magnétosphère gigantesque due à un champ magnétique extrêmement puissant, deux fois plus que prévu (voir illustration de titre). Dans la direction du Soleil, l’onde de choc est située à une centaine de diamètre de la planète, à l’opposé la « magnétoqueue » va jusqu’au-delà de l’orbite de Saturne. La cause du champ magnétique est très certainement due à l’hydrogène métallique ou plutôt au frottement de la surface de ce volume avec l’énorme enveloppe supérieure d’hydrogène liquide, frottement favorisé par la vitesse de rotation très élevée (09h55 en surface, soit une vitesse considérable de 42.000 km/h à l’équateur, contre 1.600 km/h pour la Terre). La magnétosphère qui en résulte a une incidence sur les satellites qui baignent dans ce champ qui est parcouru de radiations intenses ; l’apoastre d’Europa ne se trouve qu’à 677.000 km de Jupiter (rayon 74.000 km). C’est incontestablement une difficulté pour les explorer !

Jupiter est typique des planètes qui se sont formées au-delà de la ligne de glace de leur étoile. C’est-à-dire qu’étant au-delà d’une certaine distance, l’irradiance du jeune Soleil n’a pu chasser les éléments les plus légers qui se trouvaient dans sa zone d’accrétion et que Jupiter, comme les autres géantes gazeuses situées encore plus loin qu’elle du Soleil, a concentré par force de gravité la matière qui se trouvait après cette ligne de glace et qui orbitait à une certaine vitesse facilitant les tourbillons (fonction aussi de la distance à l’étoile selon la troisième loi de Kepler). Etant donné que les éléments volatils se trouvant dans la proximité du Soleil et rejetés par le vent solaire avaient dû s’accumuler davantage dans la zone circulaire la moins éloignée de cette ligne, comme une sorte de bourrelet ou de tore, c’est là que devait se trouver la zone la plus dense de la nébuleuse planétaire perturbée par le jeune Soleil et donc là ou devait se former la plus grosse planète. Et c’est bien là que s’est formée Jupiter.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le même phénomène s’est produit dans les autres systèmes planétaires. Mais la similitude s’arrête là car ensuite interviennent les particularités propres à chaque système. Dans la généralité des cas, les « jupiters » (planètes semblables formées dans les mêmes conditions) sont descendues en spiralant vers leur étoile tant qu’elles ont trouvé de la matière a accréter (chaque absorption freinant la planète et déplaçant son centre de gravité dans la direction de sa trajectoire) pour devenir des « jupiters-chauds », énormes boules de gaz (nonobstant ce qui peut constituer leur noyau) orbitant plus ou moins à la distance de Mercure de leur étoile après avoir absorbé toute matière sur leur passage, y compris les solides qui dans notre système constituent les planètes telluriques. Dans une région beaucoup plus chaude que notre Jupiter, ces planètes sont pour la même masse beaucoup moins denses donc beaucoup plus volumineuses. Chez nous, le processus a commencé comme ailleurs. Et c’est ainsi que Jupiter a absorbé une bonne partie de la matière se trouvant en dessous d’elle dans ce qui allait devenir la Ceinture d’Astéroïdes, et dispersé le reste, créant un joyeux mélange entre les astéroïdes riches en glace d’eau et les astéroïdes secs (selon qu’ils se trouvaient au-delà ou en-deçà de la ligne de glace). Elle a même continué à descendre et à absorber de la matière dans la zone qui serait ultérieurement agrégée pour constituer la planète Mars (qui ne fait que 1/10ème de la masse terrestre alors qu’elle aurait dû être beaucoup plus grosse). Mais la particularité de notre système, exposée brillamment par Alessandro Morbidelli de l’Observatoire de Nice-Côte-d’Azur en 2005, c’est que Jupiter n’a pas continué longtemps sa course dévastatrice car elle a été « rattrapée par les cheveux » par sa compagne Saturne qui la suivait dans son sillage, répondant à la même logique gravitationnelle. C’est en effet alors que Jupiter grignotait la matière orbitant le Soleil dans la zone de la future Mars, que Saturne entra dans une certaine configuration orbitale avec elle, une « résonnance » particulière de 2 : 3 (2 parcours d’orbite de Saturne pour 2 de Jupiter), qui permit au couple de former un ensemble gravitationnel évoluant ensemble dans le système et pratiquement de les faire revenir « en arrière » (le « Grand-Tack » ou le « Grand-rebroussement » comme l’appelle Alessandro Morbidelli). Le phénomène se déroule ensuite en repoussant Uranus et Neptune vers l’extérieur du système donc à l’intérieur de la région des corps glacés de la Ceinture de Kuiper, ce qui déclenche une averse d’astéroïdes sur les planètes internes, le Grand-bombardement-tardif vers -4 milliards d’années qui nous apporte une partie de notre eau. Jupiter est ainsi retournée vers l’extérieur du système, plus loin que son site de formation et enrichie de beaucoup de matière collectée pendant le voyage. Une autre conséquence de cette jeunesse tumultueuse, remarquée à l’occasion des observations de Juno (en longeant le flanc de Jupiter, la sonde peut en percevoir les différences de gravité), c’est que son noyau que l’on pensait compact (et de l’ordre de 12 à 45 fois la masse terrestre) est en fait diffus dans la région centrale (une région beaucoup plus étendue que ce que l’on pensait être le noyau, estimée s’étendre presque jusqu’à la moitié du rayon de la planète). On ne comprend pas très bien pourquoi mais on pense que c’est le résultat de l’impact tardif d’un gros planétoïde – de l’ordre de 10 fois la masse terrestre – qui n’aurait pas été résorbé du fait de la trop forte densité de la zone centrale (figeant la destruction du noyau dans cet état « épars »).

Quoi qu’il en soit, Jupiter non seulement avait épargné la Terre, Vénus, Mercure et, un peu, Mars, mais revenue à sa place, elle joua un rôle protecteur important pour tout ce qui se trouvait en-dessous d’elle vers le Soleil. En effet les astéroïdes décrochant, pour une raison ou une autre, de la Ceinture de Kuiper ou même des nuages de Oort, avaient plus d’opportunité d’être capturés gravitationnellement par Jupiter, après avoir passé les filets de Neptune, Uranus et Saturne (les planètes massives sont des puits de gravité d’autant plus attractifs que les corps qui l’approchent sont petits). Ainsi après l’épisode dramatique du LHB, l’évolution des planètes telluriques fut moins perturbée qu’elle aurait pu l’être, ce qui créa de meilleures conditions pour l’épanouissement de la vie sur Terre.

Illustration de titre : magnétosphère jovienne, vue d’artiste : crédit NASA/JPL

Liens :

https://www.nasa.gov/feature/jpl/nasas-juno-spacecraft-updates-quarter-century-jupiter-mystery

https://en.wikipedia.org/wiki/Jupiter

https://www.missionjuno.swri.edu/science-findings/

https://www.missionjuno.swri.edu/origin?show=hs_origin_story_whats-in-jupiter-core

Nature, volume 572, pages 355–357(2019) The formation of Jupiter’s diluted core by a giant impact Published: 14 August 2019 par Shang-Fei Liu, et al.

https://www.zmescience.com/other/feature-post/what-is-jupiter-made-of-0534543/

https://eos.org/articles/massive-collision-cracked-young-jupiters-core

Illustration ci-dessous, Les températures sur Jupiter, https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Structure_of_Jovian_atmosphere.png

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Index L’appel de Mars 20 12 29

Madame Ekström, votre réquisitoire contre l’installation de l’homme sur Mars, est mal fondé

Sylvia Ekström, astrophysicienne de l’Université de Genève vient de publier aux Editions Favre, avec son mari, Javier Nombela, graphiste, un livre dont le titre est « Nous ne vivrons pas sur Mars ni ailleurs ». C’est un véritable réquisitoire et il me semble tout à fait mal fondé et mal argumenté. L’autrice part d’un a priori négatif sur l’installation de l’homme sur Mars, d’une méconnaissance du travail qui est fait pour apporter des solutions aux problèmes réels qui se posent, et aussi d’une incompréhension des motivations qui animent les partisans du projet. Me sentant personnellement agressé, je réponds.

La microgravité est présentée comme un obstacle rédhibitoire au voyage. J’ai déjà exposé dans ce blog que nous avons tout à fait conscience du problème. Pour y répondre il faut bien distinguer les tout premiers voyages où il n’y aura personne à l’accueil sur Mars et les voyages ultérieurs. Pour les premiers, les astronautes devront faire un effort particulier pour se maintenir « en forme » et on peut envisager la création à bord des vaisseaux, d’une gravité artificielle par force centrifuge. Le concept théorisé par Robert Zubrin, est de relier le nez d’un couple de vaisseaux-spatiaux par des filins (supposons le Starship d’Elon Musk) et de mettre le couple en rotation. En dehors de la gravité terrestre et de l’atmosphère, le mouvement se conserve une fois l’impulsion donnée sans qu’il soit nécessaire de fournir continument de l’énergie. Il suffirait d’un jeu de filins de quelques 170 mètres de longueur pour recréer dans les compartiments habitables des vaisseaux une gravité tout à fait suffisante, (de type martien pour 2 rotations du couple par minute). Pour les voyages suivants, étant donné qu’il y aura des personnes à l’arrivée, les passagers pourront supporter une période de quelques jours de « réacclimatation » à la gravité (dans l’hypothèse où la génération de gravité par force centrifuge s’avérerait trop compliqué à mettre en place). Sur Mars on n’aura certes qu’une gravité de 0,38g et il faudra l’expérimenter pour savoir si elle est supportable sur le long terme (c’est-à-dire suffisante pour le bon fonctionnement des organes à l’intérieur du corps) mais on peut déjà dire qu’avec 0,38g la verticalité (sens du haut et du bas, écoulement) qui manque en microgravité, serait restituée. On peut ajouter qu’on aura pour sortir sur la planète un équipement d’une masse de quelques dizaines de kg qu’il vaudra mieux pouvoir porter ; à l’intérieur des habitats, on pourra circuler avec des semelles lourdes (« de plomb ») et éventuellement avec une veste-antiradiations (type astrorad).

L’atmosphère ténue est le second facteur présenté comme rédhibitoire. C’est effectivement un problème puisque cela impose le port d’un scaphandre mais 610 pascals (en moyenne) ce n’est pas rien. C’est beaucoup plus que sur la Lune sans atmosphère aucune. Cela permet quand même de consumer les plus petites et les plus nombreuses des micrométéorites. Cela permet aussi d’avoir une ressource abondante d’éléments chimiques utiles pour la vie (carbone et oxygène puisque l’atmosphère est composée à 95% de gaz carbonique). Cela permet encore de faire voler certains engins ultra-légers. L’expérience de l’hélicoptère va être tentée par la prochaine mission de la NASA (Perseverance) mais on peut aussi envisager des ballons dirigeables pour transporter de petites masses, comme des instruments d’observation.

Les radiations sont le troisième obstacle mentionné par Madame Ekström. Leur niveau constitue effectivement un problème mais sur la moitié de la planète (aux altitudes les plus basses telles que dans les Basse terres du Nord, le Bassin d’Hellas, le fond des grands cratères) ce niveau des radiations est atténué par la pression légèrement plus élevée de l’atmosphère (1100 pascals au fond du bassin d’Héllas). Partout, il l’est par le sol de la planète qui fait écran à une bonne partie de ce qu’on pourrait recevoir dans l’espace profond à la même distance du Soleil. Le résultat c’est que sur Mars, dans le fond du Cratère Gale (où elles ont été mesurées par l’instrument RAD du rover Curiosity), on ne reçoit que la moitié de ce qu’on reçoit dans l’espace profond et la même dose que l’on reçoit dans la Station Spatiale Internationale (ISS). Par ailleurs, une fois sur Mars, on n’aura pas besoin de passer des heures à l’extérieur des habitats ou des véhicules protégés. La plupart des hommes d’aujourd’hui passe-t-il plus de deux heures chaque jour « à l’extérieur » ?  Ce qui est important c’est que les hommes sur Mars pourront commander, en direct, partout en surface de la planète, des robots qui agiront pour eux. Le gros problème pour les scientifiques aujourd’hui c’est qu’il y a un décalage de temps entre les ordres que l’on donne aux robots et la prise de connaissance que l’on a de leur action. Les deux planètes sont séparées de 55 millions à 400 millions de km et cela représente un décalage incompressible de 3 à 22 minutes pour que la lumière transporte les messages, dans chaque sens. Les robots ne peuvent donc pas être commandés en direct depuis la Terre, ils doivent être programmés. Rien que pour cette raison le séjour de l’homme sur Mars serait justifié (et celui sur la Lune ne l’est pas sauf pour de brèves incursions).

L’isolement et le confinement sont le quatrième obstacle mentionné par Madame Ekström. Cela n’est pas sérieux ! Les premiers explorateurs seront effectivement isolés mais ce seront des explorateurs, c’est-à-dire des gens tout à fait particuliers par rapport à la population générale. A-t-on évoqué ce problème vis-à-vis d’Ernest Shackleton avant qu’il parte explorer l’Antarctique ? Pour la suite il y aura probablement de moins en moins d’appréhension pour les partants, l’inconnu devenant de plus en plus connu et le nombre de personnes présentes sur Mars augmentant. Les gens qui séjournent aujourd’hui dans la Station Concordia au cœur de l’Antarctique ne sont pas particulièrement malheureux. Quant au confinement, le questionnement de Madame Ekström serait presque risible. Certes pendant le voyage de 6 mois je veux bien que les conditions soient un peu difficiles de ce point de vue mais d’autres astronautes ont déjà traversé des périodes aussi longues dans la Station Spatiale Internationale sans que cela leur soit inusportable. Par contre, une fois sur Mars, étant donné l’immensité de la planète, précisément vide d’habitants, comment parler de « confinement » alors qu’ils auront la possibilité de sortir de l’habitat ? Madame Ekström se sent-elle confinée quand elle se trouve dans son appartement en Suisse plutôt que dans la rue ? Pour renforcer le côté « noir » de son tableau, Madame Ekström évoque en plus le fait que les habitats n’auraient pas de fenêtre. Quelle drôle d’idée ! Même dans la Station Spatiale Internationale il y a une pièce avec hublot (la « coupole »). Pourquoi n’y en aurait-il pas sur Mars, en plusieurs exemplaires, alors qu’on pourra y produire du verre (de l’épaisseur qu’on voudra) à partir de la silice locale (abondante) et qu’on pourra en agrémenter soit les habitats creusés dans les pentes, soit ceux qu’on aura construits avec le fer (donc l’acier) qu’on pourra exploiter sur place. Supposer que l’on va vivre dans des bidons pressurisés sans fenêtre est une insulte aux personnes qualifiées qui ont déjà fait un travail important sur les habitats martiens (la NASA mais aussi, entre autres, « The Mars Homestead project » dirigé par Bruce McKenzie, ingénieur diplômé du MIT qui travaille sur le sujet depuis le milieu des années 1990, bien sûr la Mars Society américaine et moi-même avec l’aide d’un ingénieur polytechnicien français, Richard Heidmann).

La mauvaise qualité organoleptique de la nourriture à laquelle on serait obligé de recourir est le cinquième obstacle mentionné par Madame Ekström. Elle n’aime apparemment pas le « lyophilisé ». Est-ce si grave ? la nourriture lyophilisée ou congelée (que l’on pourra aussi stocker pendant la durée de 30 mois de la mission) est excellente (aussi bien au goût que, me semble-t-il, pour la santé). Moi-même je m’en nourri volontiers, sur Terre, même lorsque j’ai le choix alternatif d’une nourriture « fraiche ». Les produits que l’on trouve chez les commerçants équipés et fournis démontrent bien que la population les consomme, sans aucune retenue. C’est pratique, c’est très sain, c’est très bon. Par ailleurs dès les premières expéditions on tentera de cultiver des produits frais sous serre (et on en disposera en petites quantités) car il est évidemment inutile d’emporter sa nourriture avec soi depuis la Terre (ce qui représente de la masse et du volume) si on peut la produire sur place. Le rythme circadien de Mars (jours de 24h39) et l’irradiance solaire à cette distance du Soleil le permettra même s’il faudra sans doute fournir un surplus ou un « back-up » d’énergie (très certainement nucléaire) pour la saison froide australe (où l’irradiance est la plus faible) et pour pallier l’insuffisance d’énergie « naturelle » pendant les tempêtes de poussière. Quant à l’eau, Madame Ekström ne le sait peut-être pas (?) mais il y a de l’eau sur Mars, beaucoup en certains endroits (même si évidemment il y en a moins que sur Terre), celle des banquises aux latitudes moyennes et même basses, formées lors des périodes de glaciation récentes (changement périodique d’inclinaison de l’axe de rotation de la planète sur le plan de l’écliptique). Donc avec de l’eau, du Soleil, des graines, des fertilisants (qu’il faudra bien sûr importer à moins de les fabriquer sur place…ce qui viendra car il y a les éléments chimiques nécessaires notamment de l’azote), on pourra très bien cultiver des produits frais sur Mars dans des bacs et par hydroponie (pour ne pas gâcher l’eau, les produits fertilisants et éviter la poussière de sels de perchlorates couvrant le sol).

Le risque de manquer d’ergols pour revenir sur Terre est le sixième obstacle rédhibitoire mentionné par Madame Ekström. Elle n’a sans doute jamais entendu parler de la proposition de Robert Zubrin, fondateur de la Mars Society aux Etats-Unis (et chimiste de formation) même si elle est très connue là-bas, y compris à la NASA qui l’envisage très sérieusement. Il s’agit tout simplement d’exploiter le gaz carbonique de l’atmosphère pour produire du méthane et de l’oxygène par réaction de Sabatier moyennant l’apport d’une partie d’hydrogène pour 18 de CO2 (que l’on peut obtenir facilement par électrolyse de la glace d’eau martienne). La réaction de Sabatier est connue depuis la fin du 19ème siècle et l’utiliser ne présente aucune difficulté particulière moyennant un apport d’énergie que l’on peut obtenir d’un petit réacteur nucléaire (même d’un RTG, générateur thermoélectrique à radioisotope, instrument à faible puissance mais qui est très robuste). Le méthane brule très bien dans l’oxygène et les deux forment un couple carburant / comburant tout à fait exploitable par nos fusées. Pour la première mission habitée, l’idée de Robert Zubrin, reprise d’ailleurs par la NASA, est de produire ces ergols par une mission robotique lors de la fenêtre de lancement précédente et de ne faire partir cette première mission habitée qu’après avoir constaté que les ergols ont été effectivement correctement produit et stockés. Pour « la suite » ce sera plus facile.

Le risque de ne pas pouvoir supporter la poussière est le septième obstacle rédhibitoire mentionné par Madame Ekström. Ce problème n’est pas non plus insurmontable. On ne sortira évidemment pas, sauf urgence, pendant les tempêtes de poussière. Et si les tempêtes globales (a priori les plus longues) ne sont pas exceptionnelles (toutes les 3 années martiennes, soit tous les 8 à 9 ans), elles ne sont pas non plus permanentes et en dehors de ces périodes il y a très peu de poussière en suspension dans l’air (l’atmosphère est trop ténue). Il faudra simplement prévoir un dépoussiérage des équipements utilisés en extérieur et un nettoyage efficace des scaphandres dans les sas d’entrée des habitats. Ce n’est pas une impossibilité technologique.

Madame Ekström ajoute à son argumentation qu’Elon Musk veut promouvoir l’installation de l’homme sur Mars, simplement à des fins d’enrichissement personnel (il « vend du rêve pour vendre quelque chose derrière » dit-elle !). C’est absolument méconnaître Elon Musk et je le connais suffisamment (indirectement via mes amis américains car il a été un des membres fondateurs de la Mars Society) pour pouvoir affirmer que c’est totalement faux. Elon Musk est habité par la volonté d’installer une branche de l’humanité sur Mars. C’est cela qui le motive, l’argent qu’il gagne dans ses différentes entreprises est totalement au service de cette ambition. On peut lui reprocher certaines choses, comme le lancement des constellations « Starlink » dans l’espace terrestre proche (qui pour moi induit une pollution inacceptable de ce milieu), mais pas la passion de l’argent pour l’argent. Il n’est pas nécessaire de joindre l’insulte à l’incompréhension.

Pour terminer, Madame Ekström constate que l’homme est le produit de son environnement terrestre et qu’il n’est pas envisageable qu’il vive ailleurs que sur Terre. Si elle avait vécu il y a quelques 50.000 ans (pour donner une date, mais on a trouvé des traces de nos ancêtres datant de 45.000 ans en Bulgarie !) dans une tribu d’homo-sapiens en Afrique et que l’écriture ait été inventée, aurait-elle déclaré que l’homme ne pourrait jamais vivre en dehors de sa savane natale ? C’était vrai à une certaine époque et puis l’évolution technologique a fait que cette limitation a évolué. Aujourd’hui nous pouvons vivre partout sur Terre, même en Antarctique, et notre technologie nous permet d’envisager de vivre sur Mars. Pourquoi ne pas essayer ?

En conclusion j’ai lu que Madame Ekström est une spécialiste des étoiles-primordiales ce qui est un sujet passionnant qui m’intéresse également beaucoup et que son mari, Monsieur Nombela, est un « graphiste spécialisé dans la représentation visuelle du temps ». Ce n’est pas pour autant qu’ils sont des spécialistes de Mars et encore moins de l’ingénieurie qui permettrait de s’y installer. Maitrîser la problématique de la compréhension du fonctionnement des étoiles n’implique pas la maitrise de la problématique de l’installation de l’homme sur Mars. Il me semble que Madame Ekström a plutôt moins de légitimité que moi pour en parler de de façon pertinente. Je travaille sur le sujet depuis 1995 et Madame Ekström depuis beaucoup moins longtemps (elle n’a obtenu son doctorat sur les étoiles-primordiales qu’en 2004 et s’est spécialisée ensuite sur les étoiles-massives ; je pense qu’elle ne s’est pas précipitée alors pour étudier la faisabilité de l’installation de l’homme sur Mars!). J’accepte volontiers que l’on ne partage pas affectivement (c’est-à-dire en dehors de toute considération rationnelle ou scientifique) notre projet et que l’on exprime des critiques si elles sont constructives. Ce que je reproche à ces personnes c’est une opposition a priori et, à mon avis, de mauvaise foi. La caution de Michel Mayor spécialiste des exoplanètes ne change rien au tableau.

Illustration de titre: l’homme sur Mars, vue d’artiste, crédit NASA/CalTech. L’homme en scaphandre contemple le paysage de son nouveau monde. Il est arrivé sur ce promontoire avec un rover pressurisé. Le cercle qui encadre la vue est un des hublots du véhicule au travers duquel ses compagnons ont pris la photo. Au fond, loin devant, des lumières brillent, celles de la base, leur foyer. Je suis certain qu’il ne se sent ni seul, ni confiné.

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Index L’appel de Mars 20 12 29

Le bestiaire galactique ne semble pas si compliqué…mais seulement vu de loin !

Une galaxie est une concentration d’étoiles réunies par la force de gravité. Il y en a de plusieurs sortes, certaines « vives » (qui donnent de nouvelles étoiles) et certaines « passives » (qui n’en donnent pas ou très peu). Toutes évoluent depuis l’origine des temps, en interne et des fois mais de moins en moins, par des rencontres ou plutôt des collisions car l’Espace est grand mais les galaxies aussi et la force de gravité omniprésente. En fin de compte, comme tout objet créé, elles mourront.

Les trois grandes catégories de galaxies sont les elliptiques, les spirales, les irrégulières. Comme on le constate les distinctions sont purement descriptives. Edwin Hubble qui a compris en 1920 que ce qu’on appelait « les nébuleuses » étaient d’autres Voies-lactées en dehors de la nôtre, avait établi en 1926 une « séquence » qu’il pensait correspondre à leur évolution (voir illustration de titre). Il partait de l’elliptique la plus sphérique en allant vers la plus ovale pour passer ensuite aux deux branches des spirales (« barrées » ou non), d’autant plus évoluées que leurs bras étaient plus ouverts. Nous n’en sommes plus là car il semble aujourd’hui que les elliptiques n’ont probablement pas précédé les spirales mais qu’au contraire elles résulteraient de leur fusion (beaucoup moins nombreuses aujourd’hui qu’au début de l’histoire des galaxies, du fait de l’expansion de l’Univers) !

Tout d’abord il faut dire qu’on comprend mieux qu’à l’époque de Hubble la logique qui préside à la formation des galaxies. Au départ (Big-bang+380.000 ans), les anisotropies (irrégularités) de la Surface-de-dernière-diffusion (lors de la libération de la lumière) induisent des fluctuations de densités dans les gaz primordiaux (presque uniquement hydrogène et un petit peu d’hélium) qui se concentrent progressivement en nuages distincts au fur et à mesure que l’expansion les séparent et que la température baisse. La force de gravité agit sur les masses, la densité des nuages plus froids augmente et des protogalaxies se forment. A l’intérieur de ces protogalaxies, les irrégularités de la distribution du gaz, toujours causées par la gravité, provoquent des concentrations plus fortes (et donc de plus en plus de chaleur plus on va vers le centre) qui donnent naissance aux étoiles tout en laissant entre elles d’abondants nuages de gaz. On atteint ainsi le stade des premières galaxies, qui se différencient des nuages précisément parce qu’elles contiennent des étoiles. Ces premières galaxies sont dites « sombres » non parce qu’elles ne sont pas lumineuses (bien qu’au début, elles doivent contenir peu d’étoiles) mais tout simplement parce qu’elles sont dissimulées par le brouillard prévalant pendant la période (d’où l’expression « d’Ages-sombres »).

Au sein des galaxies les étoiles sont entrainées par la force de gravité dans une rotation autour de leur centre qui a priori contient toujours un trou-noir (de masse proportionnelle à la galaxie) comme un système planétaire est centré autour d’une étoile, en raison de la densité plus forte au centre. Une première distinction entre les galaxies elliptiques et les spirales est que dans ces dernières le mouvement des étoiles ne s’effectue pas principalement dans le plan d’un disque mais dans de multiples plans autour du centre ponctuel. Une galaxie elliptique n’est pas « plate » comme une galaxie spirale mais tridimensionnelle (en “oubliant”, pour simplifier, le bulbe).

A l’intérieur d’une galaxie, les étoiles se forment, de masses différentes selon la disponibilité et la densité du gaz. « Il y a de tout », des grosses et des petites, depuis les naines brunes (0,08 masses solaires) jusqu’aux géantes (8 à 100 masses solaires…et plus) en passant par les naines jaunes (0,6 masses solaires et jusqu’à 8 masses solaires) et par les naines rouges (entre 0,08 et 0,6 masses solaires). Lorsqu’elles sont « massives » elles explosent très vite (après deux ou trois millions d’années seulement) répandant leur matière à des vitesses relativistes (pourcentage relativement élevé de la vitesse de la lumière, disons à partir de 10%), comprimant ainsi les nuages de gaz subsistant dans leur environnement et provoquant de nouvelles concentrations de matière donc d’étoiles. Notre Soleil est né comme cela après la mort par supernova d’une étoile géante qui a très probablement donné aussi naissance à une ou des étoiles sœurs dont on a perdu la trace car chacune était animée d’une vitesse différente sur une trajectoire différente, ou bien parce que l’une d’entre elle(s) était une étoile géante et qu’elle est morte depuis très longtemps.

Les galaxies elliptiques, sphériques ou oblongues, sont de tailles très variables (de 3.000 à 700.000 années-lumière de diamètre) en fait certaines sont beaucoup plus grandes que les plus grandes des galaxies spirales (de 50.000 à 200.000 années-lumière). Mais la caractéristique principale est qu’elles sont pauvres en gaz. Elles sont donc très peu propices à la naissance de nouvelles étoiles. Cela sous-entend aussi qu’elles contiennent peu d’étoiles massives puisque ce sont celles qui rassemblent puis qui diffusent le plus de matière dans leur environnement, et qu’elles ont une vie courte. Elles contiennent donc également beaucoup de vieilles étoiles (lumière tendant vers le rouge).

Les galaxies spirales sont des galaxies « vivantes », à l’intérieur desquelles les brassages sont nombreux, la raison principale étant l’abondance des nuages d’hydrogène. Ces nuages sont des pépinières d’étoiles qui s’expriment par de nouvelles naissances lors de chaque contraction occasionnée par un événement tel qu’une supernova, particulièrement fréquentes dans les régions denses près du centre ou dans les bras spiraux. Ces étoiles jeunes et plutôt massives brillent plutôt en bleu. Cette jeunesse implique que la métallicité (richesse en éléments plus lourds que l’hydrogène ou l’hélium) est beaucoup plus élevée dans les spirales que dans les elliptiques.

Mais les galaxies ne contiennent pas que de la matière baryonique et du vide. Une des raisons qui ont mis les astrophysiciens sur la piste de la matière noire est que la vitesse de rotation des étoiles distantes du centre galactique des étoiles spirales (comme par exemple le Soleil qui se trouve à 26.000 années-lumière du centre de la Voie-Lactée qui a un rayon de quelques 50.000 années-lumière) est telle qu’elle serait au sein d’une masse beaucoup plus étendue. La masse s’étendant bien au-delà des limites visibles du disque, serait la fameuse « matière noire » (qui pourrait aussi être présente à l’intérieur du disque) NB: on ne parle pas ici d’antimatière qui doit être très rare dans l’Univers puisque détruite en quasi totalité “dans l’oeuf” mais de matière noire.

Si l’on peut dire que les galaxies sont vivantes c’est que leurs étoiles le sont, c’est-à-dire que non seulement elles naissent mais qu’aussi elles meurent. J’ai déjà parlé des étoiles massives qui enrichissent leur environnement mais il y a aussi les naines-jaunes comme notre Soleil, dont la maturation est très longue et aussi les naines-rouges ou les naines-brunes, toutes deux très nombreuses et dont la maturation est encore plus longue. Les naines-jaunes vont nourrir l’espace comme leurs sœurs géantes avec les éléments « métalliques » qu’elles auront produits et donner in-fine des naines-blanches (constituées de « matière électronique dégénérée »). Les naines rouges et les naines brunes vont évoluer, c’est-à-dire se refroidir, très lentement, pour donner toutes, un jour, comme les naines-blanches, des naines-noires. Les naines-rouges et les naines-brunes sont donc en partie l’expression de la vie des galaxies mais elles y contribuent très peu. Petit à petit (mais dans très longtemps) ces étoiles mortes seront absorbées par le trou-noir central de leur galaxie, et les astres errants hors galaxies (il y en a, évidemment difficile à observer !) seront dispersés dans le vide. Un jour, tous les feux seront éteints dans un Univers désert (l’expansion accélérée va éloigner de plus en plus les galaxies puis les astres les uns des autres) et très froid.

Un autre facteur d’enrichissement et d’évolution est celui des collisions de galaxies. C’est le jeu des forces gravitationnelles combinées à celle de l’expansion qui les provoque. Les galaxies se fuient les unes les autres en raison de cette dernière, sauf celles qui sont en relation gravitationnelle du fait de leur proximité et de leurs masses. Ainsi la Voie Lactée et sa voisine la Galaxie d’Andromède se rapprochent à 130 km/s et « un jour » (dit-on dans 4 ou 5 milliards d’années) elles fusionneront (ce qui, en passant, donnera lieu à la création d’une « galaxie irrégulière » et peut-être ultérieurement d’une galaxie elliptique) mais toutes les deux, partie de l’amas de la Vierge, lui-même partie du vaste superamas « Laniakea », foncent ensemble dans la même direction, le cœur de ces deux super-structures.

A une même époque, la nôtre ou plutôt quelques centaines de millions d’années avant (puisqu’on ne peut observer notre Univers contemporain de fait de la courbure de notre regard résultant de la limitation de la vitesse de la lumière), l’espace apparaît homogène. En réalité s’il l’est bien à petite échelle, il ne l’est pas à grande échelle. A petite échelle en effet on trouve des galaxies de toutes sortes avec des étoiles de tout âge selon une répartition aléatoire mais in fine, homogène. A contrario, à grande échelle une galaxie elliptique avec son gaz rare et ses vieilles étoiles ne va pas du tout ressembler à une spirale voisine avec son gaz abondant et ses jeunes étoiles; de même pour telle étoile avec son étoile voisine.

Si l’on considère l’Univers non plus dans l’espace contemporain mais dans la profondeur du temps, on peut constater comme toujours, qu’il est marqué par l’évolution, et que l’homogénéité d’aujourd’hui n’est pas celle d’hier. Quelle que soit la période considérée, le terme de « fractal » pourrait sembler s’appliquer plutôt bien pour le décrire (selon Wikipedia « un objet géométrique infiniment morcelé dont les détails sont observables à une échelle arbitrairement choisie »). Mais ce n’est qu’une impression car si l’on considère la forme, la taille, la masse, l’ancienneté ou la jeunesse de chacune en la comparant aux autres, on peut constater que certes les galaxies de même type ou sous-type se ressemblent mais qu’elles ont toutes leur « personnalité ». En fait elles sont toutes différentes, comme les étoiles ou les êtres humains.

Dans le même esprit, je veux devancer un commentaire. Cette grande homogénéité à petite échelle et cette grande diversité à grande échelle pour une même période ne permet pas de préjuger de la fréquence du phénomène de la vie. Comme je l’ai déjà écrit plusieurs fois dans ce blog, je considère que ce dernier résulte d’un concours de circonstances tout à fait extraordinaires dont nous avons bénéficié, un épiphénomène (au regard de l’Univers) qui ne s’est peut-être pas produit ailleurs. J’aurais tendance à plutôt dire « sans doute pas » tout en espérant un jour être contredit par la réalité ! De nouveaux instruments, tels que le télescope de 30 mètres (TMT) qui devrait être construit au sommet du Mauna Kea (Hawai), nous permettront peut-être d’en savoir davantage. « Ce qui est bien » en astronomie/astrophysique c’est qu’on est toujours dans l’attente et l’espérance portées par des progrès technologiques absolument extraordinaires qui « vont arriver demain » !

https://www.space.com/thirty-meter-telescope-hawaii-volcano-maunakea-opposition.html

Illustration de titre :

La séquence de Hubble. Esthétiquement satisfaisante mais scientifiquement contestable car les galaxies elliptiques semblent aujourd’hui résulter de la fusion de galaxies spirales.

Meilleurs voeux pour 2021 !

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