Cette semaine je publie un article de Robert Zubrin qui critique un texte absolument effarant qui montre à quel point le politiquement-correct est en train de pervertir l’intelligentsia américaine. Un des objets de l’attaque de ces gens qui ne voient le monde qu’à travers le prisme déformant de l’« EDI » « équité, diversité, inclusion » (« Equity, Diversity, Inclusion ») est l’exploration spatiale avec intervention de l’homme, considérée comme une entreprise néocoloniale. Vous avez bien lu, « néocoloniale » !
Les auteurs de ce brulot que Robert Zubrin tente d’éteindre dans son article, ne sont pas n’importe qui. Ce sont des gens qui pour une bonne partie, portent une étiquette de scientifique et sont reconnus comme des interlocuteurs valables par la NASA et l’Académie des Sciences des Etats-Unis. Ce sont des gens que ces organismes doivent traiter avec égards car ils défendent des principes qui sont devenus presque sacrés en Amérique et qu’il n’est pas du tout question de blasphémer. Personne n’en a le droit, même des institutions aussi prestigieuses que les deux susmentionnées. Les redoutables EDIWG (Equity, Diversity, and Inclusion Working Group) ou assimilés, qui pullulent, notamment dans les universités, sont l’équivalents des délateurs de l’époque McCarthy de triste mémoire ou des cellules du parti communiste (dans les pays communistes bien sûr, non aux Etats-Unis !), ceux qui ont seuls le droit de « penser » (selon une ligne bien définie) et de s’exprimer et contre lesquels nuls ne peut s’élever au risque de se faire mettre au ban de la société.
Ce serait risible si ce vent de folie n’était porté par une partie non négligeable de l’électorat du nouveau président des Etats-Unis, Joseph Biden. Pourra-t-il agir de manière sensée dans le domaine du spatial (en particulier mais pas seulement) sans se retrouver englué par ces gens dans toutes sortes de « bonnes causes », est LA question et je dois dire que je doute un peu…beaucoup, qu’il le puisse.
Je me sens le devoir moral d’insister pour passer le message qu’il y a vraiment de quoi s’inquiéter (mais je n’ai pas de solution à proposer sauf à continuer à écrire et à défendre mes idées) plutôt que de se réjouir béatement d’être passé d’un président à l’ego certes un peu boursouflé mais dont toute la politique (notamment spatiale) n’est pas à jeter aux orties, à un président « normal » mais peut-être prisonnier de gens nuisibles au progrès (notamment dans le domaine spatial). Après avoir évité Charybde peut-être allons nous devoir vivre avec Scylla! Je pensais que nous avions une fenêtre technologique pour nous « lancer à la conquête des étoiles » mais j’espérais que cette fenêtre ne se refermerait pas trop vite. Je crains maintenant que dès cette présidence, l’Espace ne soit plus considéré que pour son utilité étroite et directe pour la Terre et que les projets hors de notre horizon et par essence « polluants » (quel que soit le degré de pollution réelle impliquée) ne soient bannis. Les vols habités dans l’Espace risquent donc fort de prendre fin assez rapidement (d’autant que l’ISS arrive à son terme, en principe en 2024). La recherche scientifique devrait subsister quelques temps mais tôt ou tard il y a un risque non négligeable qu’un « homme de cœur » politiquement « bien placé » proclame que l’argent public pourrait être mieux dépensé ou que décidément on doit absolument respecter les croyances des derniers Hawaïens qui considèrent qu’installer un télescope sur le Mauna Kea est une offense à leurs dieux (qu’en pense la vice-présidente Kamala Harris ?). Et les Savonaroles modernes qui sont en train de « prendre le dessus » aux Etats-Unis intimideront tellement une majorité plus ou moins silencieuse de leurs concitoyens qui n’oseront pas enfreindre les interdits moraux, que ce « saint homme » sera écouté et obéi.
Si le secteur public fait défaut, restera Elon Musk, toujours déterminé à aller sur Mars avec son SpaceX. Mais que pourra Elon Musk s’il n’a plus les marchés publics américains ? Espérons encore qu’il parvienne à mettre au point son Starship avant le blocus. Cela lui permettrait toujours de le lancer d’un astroport non-américain avec l’autonomie financière qu’il pourrait obtenir grâce à ses autres activités terrestres et « propres » (Tesla ?). Mais rien n’est moins certain. NB: Pour ceux qui penseraient à Jeff Bezos et à son Blue Origin, je répondrais que dans la Nouvelle-Amérique son sort n’est pas plus assuré car les anticapitalistes du camp Démocrate veulent aussi démanteler les GAFAM.
Si Elon Musk et Jeff Bezos étaient obligés de déclarer forfait, nous entrerions alors vraiment dans un nouveau Moyen-Age où les critères de reconnaissance sociale et politique donc économique, seraient redevenus des critères religieux et non plus rationnels et scientifiques et où les foules de plus en plus appauvries seraient obligées de retourner travailler la terre…avec des méthodes « bio », bien entendu. En clair ce serait le retour à la misère et à l’obscurantisme généralisés, un peu comme décrit dans le magnifique film Interstellar de Christopher Nolan (2014). Certains bien sûr s’en réjouiraient, y compris en Europe gagnée par la contagion. Moi pas.
J’espère me tromper!
Je vous laisse lire l’article de Robert Zubrin. En dessous, vous avez un lien vers le “manifeste” de l’EDIWG de la NASA.
Illustration de titre :
McCarthy témoignant sur l’organisation du parti communiste aux Etats-Unis, crédit Bettmann/Getty images
Article de Robert Zubrin
Publié le 14 Novembre 2020 dans la National Review
Traduction de Pierre Brisson
Robert Zubrin a fondé la Mars Society aux Etats-Unis en 1998. Il est ingénieur en astronautique, président de Pioneer astronautics et auteur de The Case for Mars (1995).
Les auteurs d’un papier soumis à un comité de la NASA mettent en garde contre l’exploration spatiale par vols habités et contre le principe de mettre des « pratiques coloniales violentes » en orbite.
EN octobre 2020, le comité « Planetary Science and Astrobiology Decadal Survey 2023-2032 » (Enquête décennale sur les sciences planétaires et l’astrobiologie) *, organe de l’Académie des Sciences des Etats-Unis a reçu un « manifeste » du « Groupe de travail sur l’équité, la diversité et l’inclusion » (EDIWG) de la NASA. Écrit par Frank Tavares, spécialiste des communications publiques du NASA Ames Research Center – avec un groupe de onze co-auteurs comprenant des personnes connus, issues des domaines de l’anthropologie, de l’éthique, de la philosophie, de la théorie décoloniale et des études féministes – et soutenus par une liste de 109 signataires. Le manifeste dont le titre est, « L’exploration éthique et le rôle de la protection planétaire pour nous débarrasser des pratiques coloniales » présente peu de qualité technique. Il est néanmoins d’un grand intérêt clinique, car il démontre avec brio comment les idéologies responsables de la destruction de l’enseignement universitaire des « arts-libéraux » aux Etats-Unis, peuvent être mises à contribution pour interrompre également l’exploration spatiale.
* NdT : Produit à la demande de la NSF (Fondation Nationale pour la Science) et de la NASA, le Planetary Science Decadal Survey est utilisé pour définir les investissements dans le domaine de la recherche astronomique et sélectionner les missions spatiales interplanétaires.
Avec une clarté louable quant à leur parti pris et leur intention, les auteurs de l’EDIWG disent que l’exploration par vols habités doit être arrêtée car elle représente une continuation de la tradition occidentale de développement des ressources par la libre entreprise. « Toute l’humanité est partie prenante dans la façon dont nous, la communauté des sciences planétaires et de l’astrobiologie, nous engageons auprès d’autres mondes », disent-ils. « Les pratiques et structures coloniales violentes – génocide, appropriation des terres, extraction de ressources, dévastation environnementale, etc. – ont gouverné jusqu’ici l’exploration sur Terre et, si elles ne sont pas activement démantelées, elles définiront les méthodologies et les mentalités que nous porterons demain dans l’exploration spatiale. Il est essentiel que l’éthique et les pratiques anticoloniales fassent partie intégrale et centrale de la protection planétaire. Nous devons travailler activement pour empêcher l’extraction capitaliste sur d’autres mondes, respecter et préserver leurs systèmes environnementaux, et reconnaître la souveraineté et l’interconnectivité de toute vie. »
Les auteurs de l’EDIWG sont tout aussi clairs sur les moyens par lesquels l’exploration par les vols habités et le développement peuvent être stoppés : la bureaucratie de « protection planétaire ».
« Notre principale recommandation est…d’élaborer des politiques de protection planétaire…pour entreprendre une réévaluation solide de l’éthique des futures missions sur la Lune, Mars et d’autres corps planétaires, avec et sans équipage, dans l’intention de développer des pratiques anticoloniales. [Caractères gras dans l’original]
La « protection planétaire » a été initialement proposée pour deux objectifs. L’un était de s’assurer que les expériences de détection de la vie envoyées dans d’autres mondes ne renvoient pas de faux positifs résultant du transport de microbes terrestres dans le vaisseau spatial. L’autre était d’éviter la possibilité que de dangereux microbes d’autres mondes soient transportés sur la Terre. Ces deux contingences sont appelées respectivement « back contamination » et « forward contamination ».
Le risque de back-contamination – par des organismes pathogènes renvoyés sur Terre par les missions martiennes en particulier – est le problème de protection planétaire qui génère le plus de couverture dans les média grand public. Il n’a cependant aucune base scientifique rationnelle. Il ne peut y avoir d’agents pathogènes sur Mars car il n’y a pas de plantes ou d’animaux à infecter. En ce qui concerne les micro-organismes vivants libres qui pourraient vraisemblablement exister sur Mars, nous savons qu’ils ne peuvent constituer une menace pour la biosphère terrestre, car il y a eu un transport naturel de milliards de tonnes de matières martiennes vers la Terre au cours des 4 derniers milliards d’années. En fait, on estime que chaque année, environ 500 kg de roches éjectées de Mars via des impacts météoriques atterrissent sur notre planète. Un examen attentif de ces roches a montré qu’une grande partie d’entre elles n’ont jamais été portées à une température supérieure à 40°C pendant tout leur périple, éjection de Mars, vol dans l’espace, rentrée et d’atterrissage sur Terre. Ils n’ont donc jamais été stérilisés, et si des microbes y avaient existé lorsqu’ils ont quitté la planète rouge, ils auraient facilement pu survivre au voyage. S’il y a ou s’il y a eu des microbes à la surface de Mars, ils sont arrivés ici en grand nombre, depuis longtemps et continuent à le faire encore aujourd’hui. Ainsi, les adaptations très coûteuses de la mission de retour d’échantillons martiens exigées par le Bureau de protection planétaire de la NASA pour empêcher la libération de microbes martiens à la surface terrestre sont aussi absurdes que d’ordonner à une patrouille frontalière de fouiller toutes les voitures traversant la frontière nord des Etats-Unis pour s’assurer que personne ne fait l’importation d’oies blanches du Canada.
La question de la forward-contamination est une préoccupation plus sérieuse pour la communauté scientifique planétaire. Il est vrai qu’une bonne expérience de détection de la vie nécessite un équipement stérile. Mais cela peut être obtenu par une bonne discipline expérimentale plutôt qu’en tentant de stériliser ou de mettre en quarantaine une planète entière. En effet, la mise en quarantaine de Mars n’est pas davantage possible que la mise en quarantaine de la Terre car tout comme les matériaux martiens arrivent sur Terre, les roches terrestres parviennent jusqu’à Mars depuis l’aube du système solaire.
Afin de permettre à quelque mission scientifique que ce soit en surface de Mars de se dérouler, le Bureau de la protection planétaire de la NASA (« PPO ») a assoupli ses exigences de stérilisation pour celles qui ne comprennent pas d’expérience de détection de la vie. Mais pour celles qui ont précisément cet objet, les exigences plus strictes du PPO, plutôt que d’aider à la recherche de la vie, tout simplement les empêchent. De ce fait aucune expérience de détection de la vie n’a été envoyée sur Mars depuis 1976. La situation est devenue si mauvaise qu’un groupe d’éminents astrobiologistes souhaitant envoyer une telle expérience, a dû la proposer comme un test de certification de stérilité, pour identifier un lieu sans vie afin qu’il puisse être utilisé comme un lieu sans science par les astronautes !
L’idée qu’après un demi-siècle sans qu’une mission de détection de la vie ait été envoyée sur Mars, la NASA doive dépenser des milliards de dollars de l’argent des contribuables et après une décennie d’efforts d’une équipe talentueuse de scientifiques et d’ingénieurs pour en créer une, seulement pour l’envoyer dans un endroit où elle est la moins susceptible de la trouver, est manifestement absurde. C’est pourtant à cela que le programme de protection planétaire nous a réduits.
La jeune Mars était une planète chaude et humide, un peu comme la Terre primitive l’a été. Cela aurait pu faire émerger la vie, mais est-ce arrivé ? Si c’est le cas, cette vie est-elle toujours là et utilise-t-elle le même système d’information ADN / ARN qui gouverne la conception, la reproduction et les capacités d’évolution de toute vie terrestre ? Ou utilise-t-elle un système entièrement différent ? Ce sont des questions d’un intérêt scientifique et philosophique extraordinaire portant sur la prévalence potentielle et la diversité de la vie dans l’Univers.
En conséquence, nous devrions certainement envoyer des expériences de détection de la vie sur Mars, ciblées, bien sûr, dans des endroits où elles seraient le plus susceptibles de trouver la vie, et non le moins susceptibles de le faire. Et si elles détectent de la vie, c’est précisément là que nous devrions envoyer des astronautes, pour faire, sur place, le genre de recherche complexe nécessaire pour caractériser correctement la vie martienne comme seuls des scientifiques humains agissant sur le terrain peuvent le faire.
L’objection des spécialistes de la protection planétaire selon laquelle si des astronautes se rendaient sur Mars, il n’y aurait aucun moyen de savoir si des microbes qu’ils pourraient trouver seraient indigènes ou transportés depuis la Terre, est sans fondement. Les explorateurs humains sur Mars pourraient savoir que quelque vie que ce soit qu’ils trouveraient, était là avant eux par le même moyen que les explorateurs humains sur Terre savent qu’il y avait de la vie ici avant nous : les fossiles. Toute vie native de Mars trouvée dans le présent doit également y avoir été dans le passé, et si elle l’a été, elle aura laissé des fossiles ou d’autres résidus biomarqueurs. Pour pouvoir nier que de tels fossiles prouvent l’existence d’une vie antérieure à l’homme, les protectionnistes planétaires devraient argumenter, comme le font les créationnistes, que Mars a été créé avec des fossiles intégrés dans sa géologie afin de tester notre foi. Plutôt que de s’exposer à la moquerie en défendant une telle théorie, ils ont simplement choisi d’agir de manière totalement arbitraire.
Les règles de protection planétaire existantes empêchent principalement les hommes d’atterrir sur Mars, parce qu’il n’y a aucun moyen de garantir qu’un vaisseau spatial avec équipage ne s’écraserait pas, disséminant des microbes qu’il transporte dans tout l’environnement. C’est un réel problème pour les ambitions d’exploration humaine de la NASA. En effet le programme Apollo d’atterrissage sur la lune de la NASA aurait été tout à fait impossible en appliquant les directives de protection planétaire actuelles. C’est pour cette raison que Jim Bridenstine, l’Administrateur de la NASA, a créé une commission dirigée par le Dr Alan Stern, le scientifique responsable de Pluton dans le cadre de la mission New Horizon. Cette commission a produit un ensemble de recommandations pour libéraliser les règles de protection planétaire afin de rendre à nouveau possibles les missions lunaires habitées. Les auteurs de l’EDIWG sont clairement hostiles à cette évolution et craignent qu’elle ne soit étendue pour permettre également des missions habitées sur Mars. Cependant, comme la protection planétaire ne peut pas vraiment être défendue sur des bases scientifiques, ils insistent pour que d’autres critères soient adoptés. Plus précisément, ils recommandent une combinaison de mysticisme panthéiste passéiste et de pensée socialiste postmoderne.
En tant que méthodologie pour comprendre le monde naturel, le mysticisme a été remplacé depuis un certain temps par le rationalisme occidental. Les auteurs de l’EDIWG consacrent donc une bonne partie de leur article à diffamer la civilisation occidentale, en se basant sur l’autorité du « Projet 1619 »* et de recherches post-rationnelles similaires. « L’expansion coloniale et la traite transatlantique des esclaves ont été à la base de notre monde actuel », disent-ils, ignorant le fait que ce sont en fait les révolutions scientifiques et industrielles qui ont été fondatrices de notre monde actuel en libérant l’humanité des diverses formes d’esclavage qui caractérisait toutes les sociétés précédentes. « Ce que nous appelons la mondialisation », poursuivent-ils, « est le point culminant d’un processus qui a commencé avec la constitution de l’Amérique et le capitalisme eurocentré colonial / moderne en tant que nouvelle puissance mondiale. Le résultat est un monde où les systèmes politiques et économiques, à savoir le capitalisme, donnent la priorité au profit sur le bien-être humain, produisant une crise environnementale et de vastes inégalités aggravées par le changement climatique », etc., etc.
*NdT: Commémoration de l’arrivée des premiers esclaves noirs en Amérique du Nord, occasion saisie par le New-York Times en 2019 pour réévaluer l’histoire des Etats-Unis.
La civilisation occidentale n’est certainement pas innocente de tout crime, en particulier contre les populations indigènes des régions coloniales. Mais la racine de ces crimes fut l’incapacité de l’Occident dans certains cas à respecter ses propres principes révolutionnaires établissant des droits inaliénables pour toute l’humanité. En revanche, tout en adoptant une posture anti-impérialiste, les auteurs de l’EDIWG dégradent profondément les peuples autochtones en les décrivant comme faisant partie d’un écosystème, faisant des délits contre eux-mêmes non pas des violations des droits de l’homme mais une forme de dommage environnemental. Sur cette base, ils avancent la thèse selon laquelle nuire aux microbes serait aussi immoral que tout ce qui a été fait aux Amérindiens ou aux Africains. « Il doit y avoir une discussion plus approfondie sur la considération morale dont la vie microbienne sur d’autres mondes devrait bénéficier, au-delà de sa signification scientifique », disent-ils. « Savoir si l’être vivant est doué ou non d’intelligence ne doit pas être utilisé comme guide dans cette discussion. Non seulement les déterminants biologiques de l’intelligence ont une histoire raciste mais ils n’ont pas de mérite scientifique. Il est clair que la microbiologie est fondatrice de la Terre telle que nous la connaissons, et les microbes méritent une considération morale. »
Ayant adopté un système éthique qui empêcherait l’utilisation d’antibiotiques, mettant ainsi en péril la civilisation moderne sur Terre, les auteurs proposent de l’avorter complètement sur Mars :
« Une présence humaine sur Mars apporterait des bio-contaminants et contaminerait irréversiblement la planète, à la fois avec des organismes entiers et avec leurs constituants chimiques. Cela est extrêmement préoccupant pour la capacité de mener une astrobiologie saine pour identifier la vie ancienne ou présente, mais cela introduit également une préoccupation morale plus large…Par conséquent, il est de la plus haute importance de tenir compte de l’éthique de toute mission avec équipage sur Mars avant une telle expédition, y compris de procéder à une évaluation des structures soutenant le projet et de leur intention, pour s’assurer que la conception de la mission puisse être si nécessaire impactée par ces considérations. » [Caractères gras dans l’original.]
Mais que se passerait-il s’il s’avérait qu’il n’y ait aucune présence de vie sur Mars ? Pourrions-nous alors passer outre ces précautions ? Désolé, on ne peut pas jouer ! « Même s’il n’y a pas de vie microbienne sur Mars ou même plus loin, nous devons considérer les impacts de nos actions sur une échelle de temps géologique », disent-ils. « Une présence humaine sur un monde astrobiologiquement significatif pourrait perturber les processus évolutifs déjà en place. Quelle obligation morale avons-nous envers la vie future potentielle que notre présence sur Mars pourrait impacter, ou envers les formes de vie hybrides que notre présence pourrait potentiellement créer ? Ces questions doivent être traitées par une politique de protection planétaire. »
Mais il faut encore aller plus loin ! La politique de protection planétaire, disent les auteurs, ne doit pas se limiter à la prise en compte de la vie réelle ou potentielle. « L’esthétique doit également être envisagée. Si l’extraction minière sur la Lune doit être une entreprise de grande envergure, comme prévu, les changements seront visibles depuis la Terre », affirment-ils, « modifiant fondamentalement l’une des rares expériences partagées par tous les êtres humains, la contemplation de la Lune. De plus, la Lune et d’autres corps planétaires sont sacrés pour certaines cultures. Serait-il possible que ces croyances soient respectées si nous nous engagions dans l’utilisation des ressources présentes sur ces mondes ? »
En posant cette question, les auteurs de l’EDIWG adoptent les arguments d’autres éthiciens putatifs contemporains qui affirment que les corps extraterrestres tels que la Lune ont le « droit » de rester inchangés. Mais clairement la Lune est un rocher mort. Elle ne peut rien faire, ni vouloir faire quoi que ce soit. Ainsi, de telles discussions ne visent pas vraiment à établir des droits pour la Lune, mais à les refuser aux êtres humains.
De plus, si le représentant autoproclamé de n’importe quelle tribu quelque part dans le monde peut arrêter le développement spatial en affirmant qu’il viole ses anciens enseignements sacrés, il est peu probable qu’un tel développement puisse se produire. Les auteurs de l’EDWIG sont d’ailleurs tout à fait d’accord avec cela. Comme ils le disent, « [cela] vaut la peine de se demander si notre mode actuel de capitalisme extractif est quelque chose que nous devrions emporter avec nous lorsque nous interagissons avec d’autres mondes. » En outre, aider à répondre aux besoins de l’humanité par le développement entrepreneurial des ressources spatiales serait une mauvaise chose, car « permettre à ceux qui sont riches de s’engager à titre privé dans une entreprise d’exploration spatiale pourrait exacerber dans un avenir immédiat les inégalités de richesse déjà extrêmes. »
La question fondamentale en jeu, nous disent clairement les auteurs, n’est pas simplement de supprimer l’entreprise humaine dans l’espace, mais aussi sur Terre. « En fin de compte, nous devons construire un meilleur avenir, un avenir qui soit moral et vivable, car c’est ainsi que nous pourrons survivre sur notre propre planète…Mettre à bas les structures qui gouvernent notre monde actuel et en construire de nouvelles ne sera pas facile. Nous appelons le comité décennal à s’engager dans ce combat. »
Dans sa pièce « Les Oiseaux », le satiriste grec de l’Antiquité, Aristophane, décrit un complot aviaire visant à conquérir l’Univers en construisant un mur au travers du ciel. Ceci, espéraient les oiseaux, isolerait les dieux de leur nourriture essentielle, la fumée sacrificielle, les forçant ainsi à se rendre.
Les oiseaux voulaient empêcher les dieux d’entrer, les auteurs de l’EDIWG veulent enfermer l’humanité. Mais comme le montre l’échec du complot des oiseaux, ce travail ne peut pas être fait avec des briques…La protection planétaire est donc la réponse.
Liens :
Article de Robert Zubrin publié dans la National Review du 14 Novembre :
https://www.nationalreview.com/2020/11/wokeists-assault-space-exploration/
Manifeste (« white paper ») de l’« Assessment Group (AG) committee », « Equity, Diversity, and Inclusion Working Group (EDIWG) » de la NASA remis au « Planetary Science and Astrobiology Decadal Survey » de l’Académie des Sciences pour la période 2023 à 2032 :
https://arxiv.org/ftp/arxiv/papers/2010/2010.08344.pdf
Planetary Science and Astrobiology Decadal Survey 2023-2032:
Lire dans Le Temps :
https://www.letemps.ch/sciences/programme-spatial-tres-terre-terre-joe-biden
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