Les partisans de l’exploration de l’espace profond par vols habités (et de Mars en particulier) seront heureux du départ du Président Obama. Il a été en effet leur adversaire résolu. On a pu le constater une dernière fois à l’occasion de la présentation du budget 2017 pour la NASA (9 février 2016).
Le montant total de ce budget est de 19,025 milliards de dollars. Cela fait suite à une perspective de 19,285 pour 2016 et une réalisation de 18,01 en 2015 et de 17,67 en 2014 (milliards de dollars courants). Ce 21 avril, le Congrès (Senate Appropriation Committee) a relevé le montant à 19,306 milliards mais le processus législatif n’est pas arrivé à son terme et le Président peut toujours refuser d’approuver l’augmentation.
A première vue les chiffres ne semblent pas catastrophiques. Cependant, plusieurs éclairages montrent que cette « première vue » est trompeuse.
En dollars constants, les années Obama ont vu le budget décroître jusqu’à des niveaux jamais atteints depuis 1988. Et surtout, il est descendu à « presque rien » en pourcentage des dépenses fédérales (0,50%, comme en 1960, deux ans après la création de la NASA). Pendant le programme Apollo, qui a permis aux Américains d’aller sur la Lune, l’effort avait été relativement important puisqu’il était monté à 4,5% des dépenses fédérales en 1966 avant de redescendre à 1% en 1975 à la fin du programme. On était encore à ce niveau en 1992 mais, depuis, la baisse est constante et, de ce fait, la situation est aujourd’hui alarmante. Même constatation par rapport au PIB (« GDP »). On est passé de 0,8% en 1966 à 0,2% en 1975 et, après une quasi stabilisation jusqu’en 1992, on a entrepris une longue et lente descente, jusqu’à 0,1% aujourd’hui.
Dans le détail on voit encore que la présidence Obama a privilégié l’espace dans le sens « environnement-terrestre » par rapport à l’espace dans le sens « mondes-à-explorer ». Ce qui a intéressé le Président ce sont les « Sciences de la Terre ». Le directeur du « Bureau Sciences & Technologies » de la Maison Blanche, John Holdren, est d’ailleurs l’ancien patron du « Wood Hole Research Center », un écologiste de stricte obédience, partisan de la croissance zéro, qui n’avait (et n’a toujours) aucun intérêt pour l’« espace-mondes-à-explorer ». Quand Barack Obama a commencé sa présidence il a d’abord mis fin au programme Constellation par lequel son prédécesseur, Georges W. Bush, après l’épisode calamiteux de la Station Spatiale Internationale, avait voulu reprendre l’exploration habitée au-delà des Ceintures de van Allen, en commençant par la Lune et en projetant ensuite d’aller vers Mars. Il n’a pas pu arrêter totalement les « outils » en développement pour atteindre ce but, le lanceur lourd (« Ares V » devenu « SLS » car peut-être trop « martien ») et la capsule habitable Orion ; cela aurait posé des problèmes sociaux graves dans les Etats fédérés qui vivent du secteur spatial. Mais il en a freiné et continue à vouloir en freiner le financement (1,31 milliards demandés pour le SLS en 2017 contre 2 milliards en 2016 et 1,12 milliards demandés pour Orion en 2017 contre 1,27 milliards en 2016). En même temps il propose d’augmenter le budget pour les Sciences de la Terre de 116 millions, ce qui le ferait passer à 2 milliards en 2017.
En cette période pré-électoral aux Etats-Unis et en tant que citoyens du monde, il nous faut espérer que le prochain Président change à nouveau de politique spatiale et fixe à la NASA une vraie destination comme objectif des vols habités. Comme exposé dans de nombreux billets de ce blog, cette destination ne peut être que Mars ce qui implique qu’il faut maintenant abandonner l’orbite basse terrestre où la Station Spatiale Internationale (ISS) continue à tourner, sans intérêt pour (presque) personne. Pourtant en 2017 l’administration Obama veut dépenser encore autant d’argent pour cet objet du passé que pour SLS et Orion. On voit bien avec ces chiffres de budget que les Etats-Unis n’auraient aucun problème à doubler leurs dépenses pour la NASA. Le doublement ne serait d’ailleurs pas nécessaire. Un programme d’exploration de Mars par vols habités et d’implantation d’une base permanente sur ce Nouveau Monde, pourrait ne coûter “que” quelques 150 milliards étalés sur une dizaine de saisons de vols, soit 22 ans compte tenu d’une fenêtre de lancement vers Mars tous les 26 mois. Une telle somme sur cette durée, reviendrait à 6,8 milliards par an (en moyenne évidemment), soit, si on compte que pour l’année la pire de l’histoire (2017) la NASA affecte déjà 2,5 milliards à ce projet (en réalité SLS + Orion), une augmentation de pas même 4,5 milliards au total, soit 23,5%. Un tel pourcentage est important en absolu mais beaucoup moins si on considère le budget total de la NASA relativement aux dépenses totales de l’Etat fédéral américain. En supposant que la NASA continue à effectuer les mêmes dépenses que celles prévues aujourd’hui pour les autres missions et projets (notamment l’achèvement du télescope JWST, remplaçant de Hubble, et une mission vers les lunes de Jupiter), ce budget de l’exploration de Mars par vols habités pourrait atteindre 24 milliards (en dollars constants) soit 0,14 % du GDP (17000 milliards), seulement 0,6% des dépenses fédérales. Comparé à un peu moins de 0,5% aujourd’hui, personne ne peut dire que ce serait déraisonnable.
Par ailleurs, comme déjà dit dans d’autres billets de ce blog, l’Etat américain peut très bien organiser des partenariats public / privé avec des entrepreneurs américains (Elon Musk, Larry Page, etc…) qui seraient sûrement partants pour l’aventure, ce qui permettrait de réduire l’importance des dépenses publiques. Les partenariats avec d’autres pays seraient peut-être également possibles mais il ne faut pas trop y compter. L’Europe spatiale et l’ESA ne sont pas encore (ou “toujours pas”) intéressées par les missions habitées sur Mars (le nouveau directeur de l’ESA est un partisan du village lunaire) et leurs moyens financiers sont limités (dernier budget ESA 5,25 milliards d’euros en 2016 dont 325 millions seulement pour les vols habités). L’Inde et la Chine sont encore trop en retard et l’intérêt du Japon pour les vols habités reste strictement limité à la Station Spatiale.
Le départ de Barrack Obama permet donc d’espérer à nouveau. Le futur Président ne peut pas rester aussi sourd que le Président actuel à la demande de tant de ses compatriotes et d’autres Terriens pour une entreprise spatiale qui en vaille la peine.
Considérations économiques (1/5); suite la semaine prochaine!
Image à la Une: Budget de la NASA en pourcentage du budget fédéral. Source des données: historical budget tables of the Office of Management & Budget (“OMB”) of the White House. La tendance à la baisse montrée sur ce graphe jusqu’en 2014, a continué et devrait se confirmer en 2017. La courbe est la même si on compare le Budget de la NASA au PIB (“GDP”) des Etats-Unis (voir ci-dessous, meme source). Cela montre bien que, contrairement aux idées reçues, les dépenses des Etats-Unis pour leur politique spatiale sont très faibles par rapport à leurs capacités financières.