Noël, c’est bien connu c’est le jour de la Naissance, “Dies Natalis“. Mais allons plus loin.
Dans la religion chrétienne, c’est plus précisément l’incarnation de Dieu dans notre Humanité en la personne de Jésus de Nazareth. Ceci met l’accent sur le lien entre Dieu et l’Homme, qu’il a choisi de venir sauver, mais par la même occasion, sur la primauté de l’Homme par rapport à tous les autres êtres-vivants, primauté évidente par ses capacités mentales bien que certains d’entre nous (les antispécistes) en semblent aujourd’hui embarrassés. Cette primauté ne dépend pas nécessairement de la religion car il faudrait pour cela que l’Homme ait été voulu par Dieu (question de foi, on y croit ou on n’y croit pas) mais au moins elle est reconnue par elle.
Cette naissance intervient au solstice, au creux de l’hiver, dans le froid et la nuit. On n’est certain ni de l’année ni du jour. L’année n’a aucune importance puisque ce qui compte c’est le cycle et, en tant que cycle, il se renouvelle tous les ans, à l’infini. Mais le choix du jour de l’année fait par l’Eglise (Concile de Nicée en 325 après JC) est évidemment un symbole riche de sens, qu’on peut qualifier de cosmique compte tenu de ses liens avec le cycle saisonnier donc la position de la Terre par rapport au Soleil.
A l’époque du Concile, l’usage du calendrier Julien est généralisé dans le monde de culture romaine. Il a été imposé par Jules César en 45 avant JC. Dans ce calendrier l’année commence le premier Janvier, jour où l’on fête le dieu biface Janus (nom à l’origine de notre mot « Janvier ») qui regarde en même temps vers le passé et vers l’avenir et qui ouvre et ferme les périodes. Le premier Janvier était donc le Jour du Passage du temps, qui s’accumule en s’écoulant.
Il est intéressant de noter que la date choisie pour Noël est légèrement différente de celle du début de l’année civile et a donc une signification différente, celle du temps immobile ou éternel (enfermé à l’intérieur du cycle). En fait, la date du solstice, fête du Soleil divinisé, « Dies Natalis Solis Invicti », avait été fixée au 25 décembre dans le calendrier Julien et l’Eglise voulait clairement s’approprier ce culte comme on fait avec un palimpseste, en remplaçant le nom du Soleil par celui du Christ, lui-même le vrai Soleil. A cette occasion, Noël est affiché clairement comme une date religieuse, distincte du 1er janvier, fête laïque, pour les Juifs date de la Circoncision qui fait entrer le jeune enfant mâle dans la communauté des hommes et au cours de laquelle il reçoit son nom. C’est un des multiples signes qui, dans la sphère chrétienne, montrent que la religion et la vie civique évoluent dans des « mondes » distincts. Au cours de l’histoire, cette séparation fut plus ou moins respectée mais le calendrier « à double entrée » traversa les siècles et le Pape Grégoire XIII, fondateur de sa variante grégorienne, toujours actuelle, l’officialisa en 1582. Je vois ici une différence fondamentale avec la religion islamique, moins subtile, qui prend comme début d’année, un événement historique, terrestre, « dans le siècle », sans aucune connotation cosmique, la fuite de Mahomet de La Mecque pour Médine.
Quoi qu’il en soit de cette histoire, Noël est bien l’irruption de la Vie au cœur des Ténèbres au moment où ceux-ci semblent les plus puissants mais avec la nuance qu’ils sont quand même éclairés par la faible lueur de l’Etoile dite du Berger, porteuse de chaleur à venir et d’espérance. Il prend un sens différent de Pâques qui est davantage porteur de la notion de vie-en-mouvement, de persistance, de triomphe sur la Mort. Le Christ meurt mais ressuscite immédiatement, au Printemps, car il est lui-même la Vie-immortelle. A Pâques on n’est plus au stade de la naissance mais de la continuation de la Vie, en dépit de la Mort. Comme pour la religion juive, creuset du Christianisme, Pâques est la sortie de l’Egypte, après l’oppression la réponse donnée par la volonté de liberté, la volonté de vivre, la reprise de la Vie.
Mais Noël n’existerait évidemment pas sans l’Annonciation. Elle est fêtée le 25 Mars (bien sûr 9 mois auparavant !) et dans le calendrier elle est presque simultanée à la Passion et à la mort. C’est l’espérance de la Vie qui se manifestera à Noël. Comme Pâques, elle est une intrusion du surnaturel dans le naturel, l’action divine d’insuffler la vie, dans les deux cas une manifestation de la Vie mais, à ce stade, le début d’une gestation, une promesse. Noël est la clef, la concrétisation de cette promesse ; Pâques, la conclusion du processus laissant entrevoir à l’homme lui-même une victoire sur sa propre mort. Sans Annonciation, pas de Noël, Pas de Pâques. C’est lorsqu’il est dans la pleine vigueur du Printemps que le Soleil donne la vie qui se manifestera à Noël pour ranimer la Nature, ce qui sera évident au Printemps. A l’équinoxe de Printemps, la boucle est donc bouclée. Année après année, le cycle recommence et le parcours de notre vaisseau Terre sur son orbite est accompli.
Ces liens entre la religion chrétienne et la Terre ou plus précisément le cycle de la Nature terrestre dans son hémisphère Nord, ont été créés, voulus par l’Homme, au cours d’une lente maturation de sa réflexion dans le contexte intellectuel juif et gréco-latin, pour intégrer sa religion dans son environnement naturel ou plus précisément pour intégrer cet environnement dans sa représentation religieuse.
Il en résulte que fêter Noël le 25 décembre ailleurs que dans l’hémisphère Nord terrestre, n’a pas de sens puisque ce n’est que dans cet hémisphère que l’événement est en relation avec le cycle de la Nature. A Buenos-Aires ou à Sydney, Noël devrait être célébré le 25 juin. Dans la zone intertropicale, au moment le plus dur de l’année, celui où une injection d’espoir est nécessaire (A Singapour, le début des grands feux saisonniers dans l’Indonésie voisine). De même fêter Noël sur Mars ne devrait se faire qu’à l’entrée de l’hiver, dans l’une et l’autre hémisphère, avec donc un Noël tous les 668 sols (687 jours). Cela n’empêcherait pas, bien sûr, que les Martiens, qui pendant très longtemps resteront en relation avec la Terre, suivent toujours l’année terrienne, civile pour leurs contacts avec elle.
Cette réflexion me conduit insensiblement à souhaiter que Noël ne soit plus le grand capharnaüm commercial qu’il est devenu. Chrétiens pratiquants ou non, les êtres humains, plutôt qu’à ne penser qu’à se rendre malades à force de nourriture ingurgitée ou de cadeaux inutiles échangés avant d’être rangés dans un placard ou jetés, devraient profiter de ce moment pour réfléchir au Temps qui passe, à leur vie qui passe, à leur place dans le Cosmos, à leurs relations avec les autres êtres vivants et à la Terre qui les nourrit, à ceux qui les ont précédés, à la tradition judéo-chrétienne qui les a portés, à ceux qui vont les suivre et auxquels ils doivent transmettre, à tout cet Univers qui est infiniment plus grand qu’eux mais dont ils sont les perles très précieuses. Noël devrait être le moment de s’élever au-dessus de soi, de se regarder soi-même et de regarder les autres, nos frères humains, de plus loin dans l’espace et dans le temps, de jouir un moment plus long que d’habitude de nos capacités de spiritualité et, pour ceux qui le veulent, en même temps d’emplir cette spiritualité, de religion.
On peut rêver mais l’histoire a abondamment montré qu’elle évoluait comme une sinusoïde et qu’aux phases de matérialisme succédaient des phases où l’esprit reprenait des couleurs et des forces. Espérons qu’on approche l’un de ces seuils de changement, le passage non plus simplement d’une année à l’autre mais d’une phase à l’autre de cette courbe infinie, phase pendant laquelle l’homme deviendrait plus humain, plus respectueux de l’autre tout en étant respectueux du patrimoine que lui ont légué ses ancêtres, sans se laisser divertir par toutes les futilités, les envies ou les jalousies que lui présente le Séducteur-des-apparences, une phase où Noël reprendrait tout son sens.
Dans cet article, je ne veux pas ravir Noël aux Chrétiens, ni faire profession d’une autre foi. Je veux simplement insister sur la dimension cosmique de ce Jour et rendre hommage à la plus belle religion que l’homme ait conçue en souhaitant que les valeurs qu’elle a portées et qui imprègnent notre civilisation occidentale continuent à rayonner sur le Monde et persistent à jamais.
Joyeux Noël !
Illustration de titre : l’Annonciation faite à Marie. Fra Angelico, Couvent de Saint Marc, Florence
NB: Dans le ciel, notre vaisseau Terre a passé le solstice d’hiver le 21 décembre et nous approchons du périhélie que nous atteindrons le 4 janvier. L’inclinaison de la Terre était de 23°26′ au solstice et la distance au Soleil sera de 0,943 UA au périhélie. Nous atteindrons ce dernier à la vitesse maximale de 30,2 km/s (soit 108.720 km/h!) pour repartir vers notre aphélie, à 1,02 UA soit quelques 300 millions de km d’ici (en ligne droite!), que nous atteindrons le 5 juillet à la vitesse minimale de 29,2 km/s (soit 105.120 km/h), après avoir parcouru 470 millions de km sur notre orbite autour du Soleil.
lien: Noël et notre place dans le Cosmos (article de ce blog publié le 21/12/2019).
PS: Le James Webb Space Telescope (JWST) a bien été lancé, ce matin, 25 décembre, par une fusée Ariane V de l’ESA, à partir de Kourou (Guyane française). Pour le moment tout se passe bien. La manoeuvre très délicate du déploiement a commencé mais elle ne sera terminée que dans 18 jours.
A 16h00 la sonde portant l’observatoire a parcouru 4% de son voyage qui doit la conduire à 1,5 millions de km de la Terre où elle sera mise en orbite autour du point de Lagrange “L2” du système Terre-Soleil.
Sur la mission, lire mes articles des 11 et 18 décembre sur ce blog.
Ci-dessous, diagramme de la mise en place de l’observatoire (crédit ESA).
Where is the JWST (NASA website):
https://www.jwst.nasa.gov/content/webbLaunch/whereIsWebb.html