Voyager dans le Starship ne sera pas séjourner en enfer

Après le voyage en termes astronautiques, considérons maintenant les aspects santé et confort. Ce sont évidemment des facteurs importants à prendre en compte pour des êtres humains. On peut dire que les conditions seront loin d’être aussi épouvantables que l’écrit Madame Ekström dans son livre « Nous ne vivrons pas sur Mars, ni ailleurs ». NB: Je prends comme précédemment l’hypothèse que le vaisseau spatial sera le Starship d’Elon Musk.

L’apesanteur pose bien sûr problème, comme le mettent en avant mes contradicteurs mais il ne faut pas en déduire que ce problème est rédhibitoire. Il faut d’abord bien distinguer les deux premières missions pour lesquelles il n’y aura pas de « comité d’accueil » sur Mars et les suivantes où il pourra y en avoir. Si aucune mesure n’est prise pour contrer l’apesanteur pendant le trajet interplanétaire parce qu’aucune n’est possible, les premiers astronautes débarquant sur Mars devront rester quelques jours à bord avant de descendre au sol car après six mois ils seraient incapables de faire, immédiatement, quoi que ce soit en surface. Cela « tombe bien » car il y aura toutes sortes de vérifications à faire à bord avant de sortir. Pendant ces jours d’« incapacité » ils pourront se mouvoir avec un exosquelette. Pour ce qui est de l’intensité du « mal d’apesanteur », on peut penser qu’il sera atténué par le fait qu’une gravité de 0,38g est quand même nettement moins difficile à surmonter qu’une gravité de 1g. Bien sûr, recréer une gravité artificielle en vol serait l’idéal. Robert Zubrin, fondateur de la Mars Society, a proposé dès 1990 de mettre en rotation le couple formé par le vaisseau spatial et son lanceur reliés entre eux par un filin. On peut aujourd’hui imaginer la même formule pour deux Starship. Il faudrait évidemment tester la faisabilité de cette possibilité mais l’on sait déjà que pour remplir en orbite de parking les réservoirs de son vaisseau interplanétaire, Elon Musk projette de relier par leurs bases le vaisseau-habitat avec son vaisseau-tanker. Il faudrait donc répéter la manœuvre avec deux starships-habitats, après leur injection interplanétaire quasi simultanée depuis l’orbite de parking, puis dévider entre la base des vaisseaux un jeu de câbles (plutôt quatre qu’un seul !) et mettre le couple en rotation lente après quelques 400 mètres. La vitesse de rotation pourrait ensuite être accélérée et la tension des câbles maintenue en les rembobinant jusqu’à peut-être 200 mètres (il faut bien sûr qu’ils ne soient pas trop gros donc pas trop lourd ni trop volumineux). Si ces manœuvres, certes compliquées, ne sont pas possibles, il faudra faire au mieux pour se maintenir « en forme » à bord, c’est-à-dire faire de l’exercice tous les jours (du moins pour ceux qui devront agir immédiatement à l’arrivée). NB : il y a d’autres concepts pour créer une gravité artificielle. L’un d’entre eux a été exposé par Pierre-André Haldi dans ce blog.

Les termes de « confort et santé » recouvrent également ce qu’il convient de faire pour contrer toutes sortes de nuisances propres au milieu: le niveau élevé de bruit de la ventilation et de la climatisation, l’absence d’alternance naturelle des jours et des nuits, le confinement et la promiscuité, la quantité limitée d’eau disponible au regard des besoins pour assurer un bon niveau d’hygiène personnelle, les mauvaises odeurs. Ce serait selon mes contradicteurs, des inconvénients majeurs (pour ne pas dire insupportables) du voyage. Ils le seraient sans doute si on ne pouvait rien faire mais à partir du moment où l’on envisage des problèmes il faut rechercher des solutions pour les résoudre ou en atténuer les effets. Et pour les inconvénients cités, il y a des réponses.

Il faudra sans doute faire des efforts pour limiter les bruits à leur source mais on peut aussi utiliser la technique du « contrôle-actif » (« ANC ») en émettant des contre-bruits aux longueurs d’émission requises. Comme les bruits seront générés par des moteurs et que donc ils devraient être de longueurs d’onde stables, on peut envisager cette possibilité. Lutter contre l’absence d’alternance naturelle du jour et de la nuit peut être très facilement assuré par un réglage de la luminosité de l’espace intérieur (variateurs d’intensité programmés). On fait ça dans tous les avions de ligne long-courriers.

Il ne faut pas exagérer la promiscuité. D’abord Madame Ekström envisage que le voyage se fasse dans « un espace équivalent à un petit appartement ». C’est inexact, le Starship (que je prends toujours pour hypothèse) aura un volume habitable de 1100 m3, ce n’est pas celui d’un « petit appartement » (ou du DST de 100 m3, donné en exemple par Madame Ekström). Certes, ce volume sera occupé en partie par les équipements nécessaires à la survie des voyageurs mais comme la densité des équipements transportés sera certainement beaucoup plus élevées que celle des corps humains, il y aura de l’espace libre. Il restera surement beaucoup plus de place pour les passagers que dans les locaux qui ont servi pour les expériences en Russie de séjours longs en milieu clos (« Mars 500 »). Et qu’on ne me parle pas de désœuvrement ou d’ennui. Selon Madame Ekström, « il faudra prévoir une jolie quantité de mos croisés et de sudoku pour partir sur Mars ». Personnellement je n’ai jamais perdu de temps à ces « activités », c’est le niveau zéro de la culture  ! Il y aura autre chose à faire. Lors des premiers vols, les passagers seront extrêmement motivés par la perspective de leur activité sur Mars; ils auront une multitude de choses à faire pour préparer leur séjour et à mon avis « le temps passera vite ». De ce point de vue l’expérience Mars 500 ne pouvait absolument pas restituer les conditions psychologiques d’un vol vers Mars et elle était donc totalement inutile.

Pour ce qui est de la sexualité, je pense qu’on peut choisir quelques couples stables et testés et je ne pense pas, contrairement à Madame Ekström, que faire l’amour sur Mars, en gravité 0,38g pose des problèmes insurmontables. Pour « pratiquer » dans l’espace, je suis sûr qu’on trouvera des solutions (penser le contraire me semble sous-estimer grandement la créativité de l’homme en cas de vrai besoin) et on ne va quand même pas refuser le voyage Terre-Mars pour cette raison!

L’eau évidemment sera en quantité limitée. Il faudra absolument la recycler. Pourquoi pas ? Pour nettoyer les vêtements, un excellent agent seraient les radiations spatiales, notamment les UV. Je pense qu’on pourrait trouver un endroit mal protégé dans le vaisseau spatial, derrière un hublot par exemple, pour y exposer ses vêtements (et une fois les bactéries mortes, il n’y aura plus d’odeurs). De toute façon un soin de soi exigeant et une excellente ventilation seront importants. « Tout le monde » devra prendre sa part de « maintenance sanitaire » (ce qui se passe dans l’ISS, n’est-ce pas ?). Je ne pense pas que les passagers des premiers vols s’y refusent car l’intelligence et le savoir-vivre auront été des critères de sélection. Ils disposeront aussi des conseils d’un microbiologiste. « Plus tard », lorsque les voyages seront devenus routiniers, on peut envisager que certains passagers aux ressources les plus faibles se portent candidats pour assumer quelques taches domestiques en échange d’une réduction du prix de leur transport. Mais ce « comportement sanitaire » ne sera jamais un détail. Le risque de dérèglement microbiologique est très sérieux en milieu clos. On ne pourra jamais se permettre de le négliger en quittant la Terre pour 30 mois.

Les radiations sont un vrai problème, les SeP (Solar energetical Particles), c’est-à-dire les protons rayonnés par le Soleil, résultant, lorsque l’intensité est forte, en SPE (Solar Particle Event), allant parfois jusqu’aux CME (Coronal Mass Ejection) et, constamment, les quelques 2% de GCR (Galactic Cosmic Ray) composés d’éléments lourds (HZE, énergie d’une particule atomique plus massive que l’hélium), jusqu’au fer ou davantage. Contre les impacts de HZE (et les rayons gamma dérivés), on ne peut rien sauf en recevoir le moins possible, donc pratiquement ne pas rester dans l’espace trop longtemps (sur 6 mois, « ça ira »). Contre les SeP, les doses sur la même durée sont raisonnables, si on ne subit pas un SPE sans protection. Dans cette éventualité on aura intérêt à pouvoir se mettre à l’abri dans un caisson protégé d’eau ou d’aliments (protons !) pendant le temps de l’évènement. Dans ces conditions on peut envisager deux ou trois voyages aller-retour Terre/Mars/Terre sans conséquences graves (fixées internationalement à l’augmentation de plus de 3% du risque de développer un cancer, ce qui n’est pas rédhibitoire). Il faudra bien évidemment mesurer les doses reçues pour rester dans des limites acceptables (« ALARA »…même si dans ce sigle, le 3ème « A » est pour « Achievable » et non « Acceptable »). On pourrait cependant très bien faire le voyage aller et retour pour 0,3 sieverts, bien à l’intérieur des 1 à 4 sieverts conduisant à ce seuil de 3% de risques.

Illustration de titre : partie habitable du Starship. « unofficial interior concept ». TechE Blog, Deep Space Courrier. SpaceX n’a pas donné de plan précis de son aménagement. Il va varier suivant les différentes étapes de l’établissement de l’homme sur Mars.

Illustration ci-dessous : plan de l’intérieur d’un Starship (crédit Philip Lütken, architecte). A noter que ce plan a pour objet de loger 100 personnes, c’est une version futuriste du transport. Au début il n’y aura à bord qu’une douzaine de personnes et beaucoup d’équipements.

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Aller sur Mars ne sera pas une épreuve mais un plaisir ! Le nouvel administrateur de la NASA est un partisan des vols habités

Les adversaires de l’implantation de l’homme sur Mars, comme Madame Ekström dans son livre « Nous ne vivrons pas sur Mars, ni ailleurs », sont dans une situation facile. Ils déclarent impossible quelque chose qui n’existe pas encore et qui n’a pas été tentée. Je ne nie pas que le projet de vivre ailleurs que sur Terre soit difficile à mener à bien, puisque l’environnement terrestre est celui dont nous sommes le fruit et que nous devrons transporter avec nous ou recréer ailleurs ce qui dans cet environnement est vital pour nous. Mais je pense qu’on ne peut affirmer qu’il soit impossible de mener à bien ce projet car ce ne serait pas la première fois que l’homme aurait quitté son milieu pour s’adapter à un autre. La difficulté n’est pas une raison pour renoncer car nos avancées technologiques sont tout près de nous permettre de réussir.

Mes contradicteurs (Sylvia Ekström et son mari, Javier Nombela) invoquent d’abord le risque astronautique. Je réponds.

Mon premier point concernera les statistiques. Les voyages jusqu’à Mars ne sont certes pas des voyages de routine et « faciles » mais dire qu’un pourcentage très élevé sont des échecs n’est pas vrai. Tout dépend de la période à laquelle on se réfère et des équipes d’ingénieurs qui en sont chargés. On ne peut mettre dans la même statistique, comme le font mes contradicteurs, les premiers vols et les plus récents, ni les essais de ceux qui visiblement ne maîtrisent pas la technologie et les réussites de ceux qui la maîtrisent, c’est-à-dire les Etats-Unis, comme le prouve leur « track-record » : depuis 2001, onze succès, aucun échec. C’est sur cette base qu’il aurait fallu considérer l’avenir, du moins en ce qui concerne les missions robotiques impliquant les mêmes masses que les plus récentes (Perseverance) et qui seraient transportées par les mêmes vecteurs.

Par ailleurs la statistique n’a vraiment plus aucun sens si on considère la dépose sur Mars non plus de la charge utile d’une tonne (cas de Perseverance ou de Curiosity) mais d’une charge utile de 100 tonnes comme veut le faire Elon Musk avec son entreprise SpaceX, charge utile complétée par son vaisseau Starship, lui-même d’une masse (à sec) de 180 tonnes, puisqu’il veut le faire atterrir sur Mars pour ensuite pouvoir en repartir avec des passagers. Il est indispensable d’évoquer ce projet d’Elon Musk car je crois que si l’on va sur Mars en vol habité, on utilisera son Starship plutôt que n’importe quel autre vecteur (SLS, Chang-Zheng-9 ou Blue-Origin). Or, avec ce vaisseau, on aura une véritable rupture technologique puisque l’EDL ne sera plus une simple chute freinée par un bouclier largable puis par un parachute, mais un vol freiné par le corps même du vaisseau, donc une portance avec une certaine trainée, et un certain contrôle de la direction donné par des ailerons (99% de l’énergie sera absorbée par ce freinage aérodynamique). Enfin il y aura beaucoup plus de contrôle à l’atterrissage parce que le vaisseau disposera de davantage d’ergols en fin de descente et surtout d’une présence humaine à bord. Quand on prend en compte que la commande en direct depuis la Terre est impossible puisqu’il y a un décalage de temps de 3 à 22 minutes entre la Terre et Mars, cela est très important. Donc une nouvelle série statistique sera à ouvrir lors de la mise en service de ce Starship. Ce qu’on peut mentionner quand même comme acquis des Américains, c’est qu’avec la technologie des missions robotiques antérieures, ils ont appris à gérer les fluctuations de l’atmosphère martienne et ils devront toujours utiliser leur savoir-faire dans ce domaine.

Lors de l’atterrissage, mes contradicteurs évoquent un choc comparable à « un accident de voiture à vitesse modérée, supportable mais pas agréable à subir ». Il résulterait du freinage brutal par airbags et par parachute précédant, au dernier moment, une phase, violente, de rétropropulsion. C’est un « doux mélange » de techniques qui ne sont pas employées ensemble. Quand les astronautes descendent de l’ISS avec une capsule Soyouz, ils n’utilisent pas de rétropropulsion mais seulement des parachutes, d’où sans doute le choc mentionné. Par ailleurs lorsque le rover Perseverance comme le Rover Curiosity ont touché le sol, ils y étaient déposés en douceur par la grue volante embarquée rétropropulsée, sans choc (il n’y a qu’à voir le film de l’atterrissage de Perseverance et l’état du véhicule après pour constater qu’il n’y a pas eu « d’accident de voiture »). Lorsque les passagers d’un Starhip se poseront sur le sol de Mars, ils seront également rétropropulsés et ils le seront bien plus tôt que dans le cas d’un EDL  (Entry, Descent, Landing) actuel puisqu’il n’y aura pas de phase parachute. Même si tout au long de l’EDL la décélération sera très forte (de toute façon on partira de 27.000 km/h en haut de l’atmosphère) l’atterrissage se fera sans changement brusque de vitesse, donc « en douceur » (du fait des possibilités de propulsion et rétropropulsion, l’EDL pourrait durer un peu plus que les fameuses « 7 minutes de terreur »). De toute façon cet EDL sera un événement exceptionnel (deux pour un voyage et au plus deux ou trois voyages dans une vie).

En passant, je veux mentionner aussi le ridicule de choisir le terme « amarsissage » pour dire qu’on atterrit sur Mars. On ne va pas changer de mot à chaque fois qu’on change d’astre où l’on va se poser (qu’aurait-on dû dire en « langage correct » quand Philae s’est posé sur la comète Churyumov-Guerasimenko ?). Les Anglophones utilisent un seul terme, le verbe « to land » et ils ont bien raison. Mais le choix de ce terme restrictif d’« amarsissage », peut aussi avoir un sens plus profond, celui de ne pas vouloir aller se poser ailleurs ou du moins de limiter a priori les possibilités puisqu’on ne veut même pas les considérer.

Pour ce qui est du trajet interplanétaire, Madame Ekström considère que les corrections de trajectoires présentent une difficulté particulière. Ce n’est pas exact. Je ne veux pas dire qu’une correction de trajectoire ne soit pas un exercice délicat, et dangereux si elle échoue, mais je constate qu’aucune des missions robotiques qui ont visé Mars depuis des décennies et quelle que soit l’équipe de quelques pays que ce soit qui ait réussi son injection interplanétaire, n’est allé se perdre dans l’espace. Une sonde japonaise (Nozomi, en 2003) n’a pas pu se mettre en orbite de Mars mais c’est parce qu’elle avait perdu ses ergols, ce qui l’a empêchée d’exécuter la manœuvre commandée (mais elle est quand même parvenue dans l’environnement martien).

Pour ce qui est de la durée, je suis comme mes contradicteurs, dubitatif sur la possibilité de la réduire à un mois. A mon avis, tant qu’on utilisera la propulsion par ergols liquides, on ne descendra pas en-dessous de 5 mois. Je ne pense pas d’ailleurs qu’il soit souhaitable de descendre en dessous de 6 mois car, par mesure de sécurité, il faut sauvegarder autant que possible une « trajectoire de libre retour », c’est-à-dire une trajectoire qui permette de revenir sur Terre sans dépenses supplémentaires d’énergie, au cas où pour une raison ou une autre l’équipage ou le contrôle mission déciderait que le vaisseau ne doit pas descendre sur Mars. Le voyage de retour serait beaucoup plus long que le voyage aller (les planètes se déplacent et il ne suffit pas de revenir jusqu’à l’orbite terrestre, il faut aussi que la Terre se trouve à l’endroit de l’orbite où le vaisseau accède au moment où il y accède !) mais au moins il serait possible. L’optimum, de ce point de vue, serait un vol propulsé à 5,08 km/s au départ de la Terre qui induirait un voyage aller de 180 jours et un « libre retour » de deux ans. La durée est une contrainte et six mois est sans doute un maximum supportable et souhaitable pour diverses raisons mais il ne faut pas en exagérer le désagrément. Claude Nicollier m’a dit avoir énormément apprécié ses séjours dans l’espace.

Je parlerai dans le prochain article de la vie à bord.

NB : Je ne veux pas omettre de mentionner un autre biais négatif des auteurs que je trouve absolument ridicule, celui de l’écologie poussé à l’absurde. Ils évoquent la « pollution » causée par Elon Musk à l’espace profond par l’envoi de sa voiture Tesla lors du lancement de la première fusée Falcon-Heavy. Parler de pollution dans l’espace profond où se trouve toute la matière de la Terre, et le reste, n’a absolument aucun sens. Il n’y a pollution que s’il y a gêne créé à quelqu’un par corruption de son environnement. La Tesla et son « Starman » ne généreront pas plus de pollution que n’importe quel astéroïde et il y en a des milliards dans notre système solaire.

Illustration de titre : Nous sommes à environ 120 km au dessus de la surface de Mars. Le Starship amorce sa descente dans l’atmosphère. On voit déjà à la surface exposée, la formation d’un plasma qui va devenir ultra-chaud au fur et à mesure que l’atmosphère épaissira et avant que la vitesse se réduise du fait précisément de cette résistance de l’atmosphère. Une double coque en acier inoxydable et des tuiles ablatives, en matériau composite réfractaire, vont dissiper la chaleur la plus forte. Image, crédit SpaceX.

Illustration ci-dessous : l’architecture du vol aller et retour. C’est simple, efficace…et beau. Crédit SpaceX.

PS: Le Sénateur démocrate (centriste) de Floride, Bill Nelson, a été proposé hier par le Président Joe Biden comme nouvel Administrateur de la NASA. cette proposition doit être ratifiée par le Sénat. Bill Nelson, né en 1942, est diplômé des Universités de Yale et de Virginie-Charlottesville (comme moi, pour ce qui est de l’UVa, Virginie-Charlottesville, mais il était étudiant à la Law School et moi en Economie, ce qui aux Etats-Unis est totalement séparé !). Juriste, il a suivie une longue carrière politique. Mais il a été également astronaute à bord de la navette Columbia du 12 au 18 janvier 1986 (dix jours avant l’accident de Challenger). Il était membre du NSC, National Space Council (comité consultatif de la NASA) depuis Mai 2019. Ce comité se prononce sur les grandes questions programmatiques de la NASA.

Il est intéressant de noter qu’il avait été nommé à ce NSC par l’ancien Administrateur Jim Bridenstine qui d’après Wikipedia avait dit de lui :  « Nelson est un véritable champion des vols spatiaux habités et il ajoutera une valeur considérable lorsque nous irons sur la Lune et sur Mars ». Cela augure bien de la suite…n’en déplaise aux adversaires des vols habités qui pensaient que le Président Joe Biden allait les soutenir (et cela constitue une heureuse surprise pour ceux qui, comme moi, pensaient qu’il allait redonner priorité à l’« espace pour la Terre »)!

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Compétences en études martiennes

Dans le cadre de la controverse sur le livre de Sylvia Ekström, certains m’ont critiqué parce que j’étais a priori moins qualifié qu’elle pour parler de Mars puisqu’elle est astrophysicienne et que je suis économiste. Je reviens sur le sujet parce que je pense qu’il est important que mes lecteurs réalisent certaines vérités (certains l’ont déjà fait mais je m’adresse à tous).

Ce qui est aujourd’hui l’objet de réflexions et de discussions concernant Mars, ce n’est plus l’identification d’un objet dans le ciel par étude de la lumière qu’il réfléchit et que l’on reçoît dans nos télescopes, c’est l’astronautique pour y aller…et en revenir ; c’est les sciences de l’énergie pour savoir comment l’extraire d’une planète sans pétrole et sans eau liquide ou, si l’on doit l’importer de la Terre, ce qui fonctionnera le mieux dans l’environnement particulier de Mars ; c’est la géologie et l’exobiologie pour comprendre l’histoire de la planète et ce que contient son sol, le comparer à celui de notre Terre et mieux comprendre le phénomène de la vie (que l’on en trouve ou non des traces sur Mars) ; c’est la mesure de la force des radiations et la connaissance du corps humain ; c’est bien sûr la médecine pour prendre soin de la machine la plus précieuse que nous ayons, notre propre corps ; c’est l’ingénierie chimique pour savoir comment exploiter les ressources minérales locales ; c’est l’agriculture pour savoir comment faire pousser des plantes, sous serre, en surface d’une planète dont le sol est stérile mais qui reçoit une quantité non négligeable de lumière du Soleil et qui dispose d’eau, cet élément si précieux, en phase solide et donc liquéfiable ; c’est l’ingénierie de la construction pour savoir comment édifier des habitats qui devront être conditionnés pour être vivables ; c’est les télécommunications pour obtenir la meilleure liaison possible avec la Terre et pour atteindre n’importe quel point de la planète en dépit de la ténuité de l’atmosphère et de l’absence d’ozone (ce qui devrait imposer le choix de satellites géostationnaires plutôt que de flottes de satellites en orbite basse, le problème des distances étant atténué du fait de la plus petite masse de Mars) ; c’est l’impression 3D pour pallier l’impossibilité d’importer en masse des objets usuels et l’impossibilité de le faire en dehors des fenêtres éloignées de 26 mois ou les transports sont possibles ; c’est enfin l’économie pour savoir comment financer le démarrage d’une implantation et comment ensuite y favoriser des activités qui rendront la vie possible sur le long terme sans que les gens soient obligés de vivre avec l’assistance de la Terre pour l’« éternité » (ce qui serait impossible).

Donc aujourd’hui Mars, est un objet interdisciplinaire qui est devenu un sujet d’étude et de réflexion pour un économiste ou un agronome ou un ingénieur, en quelque sorte un « polytechnicien », mais qui n’est plus que très partiellement un sujet où un astrophysicien puisse apporter une contribution dominante pour ne pas dire exclusive. Le seul sujet qui reste de son domaine est celui des radiations, mais seulement sur le plan des sources, des doses et des probabilités de variations d’intensité, pas sur celui des dommages qu’elles peuvent causer, ni des protections nécessaires et suffisantes, ni sur celui des traitements réparateurs. Ceci n’exclut évidemment pas qu’une personne qui a démontré ses capacités d’intelligence, de réflexion et de travail, en passant avec succès des diplômes dans une discipline difficile, puisse s’intéresser utilement au sujet, comme très certainement madame Ekström. Mais il n’y a malheureusement pas (encore) de diplôme d’études martiennes pour reconnaître les compétences générales et suffisantes des uns et des autres, pour permettre de dire qui est habilité à en parler avec autorité et qui ne l’est pas.

Donc quand Mme Ekström choisit pour titre de son livre « Nous ne vivrons pas sur Mars ni, ailleurs », elle exprime une opinion, son opinion. J’ai exprimé l’opinion contraire tout au long de ce blog. Comme nous sommes à l’aube de l’ère spatiale et que nos technologies sont toujours dans une phase d’élaboration, et bien que cette phase soit aujourd’hui très avancée, la certitude n’est pas possible. Nos arguments, à elle et à moi-même, ne peuvent reposer que sur des faits et une logique pour les extrapoler. Elle a une approche a priori pessimiste. Je pense que mes anticipations sont meilleures que les siennes car plus équilibrées. L’avenir donnera raison à l’un ou à l’autre.

PS: Dans les prochaines semaines je prendrai un à un les arguments de Mme Ekström pour y répondre avec mes propres arguments. Le lecteur jugera.

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Demain, pour commencer votre retraite, vous irez faire du tourisme sur Mars !

Dans l’étude que nous avons menée Richard Heidmann* et moi-même sur l’économie martienne, le tourisme a été évoqué comme l’une des ressources sur lesquelles on pouvait compter pour rentabiliser un établissement martien. Les « marso-sceptiques », qui sont très nombreux, au moins dans le monde francophone (beaucoup moins aux Etats-Unis), se sont moqués de nous.

*Richard Heidmann, ingénieur en aéronautique et diplômé de l’Ecole Polytechnique de Paris a été le fondateur de l’Association Planète Mars (branche française de la Mars Society) après avoir été cadre supérieur chez Safran, le concepteur et producteur des moteurs de la fusée Ariane.

Je voudrais qu’ils regardent aujourd’hui attentivement ce magnifique paysage de Mars capturé par le rover Perseverance et qu’ils me disent honnêtement s’ils pensent qu’il ne tentera pas quelques Terriens de tout âge en suscitant chez eux un désir de voyage.

Je sais que ce voyage n’est pas encore possible mais imaginez quelque chose qui n’est pas impossible du tout. Imaginez qu’Elon Musk réussisse à faire voler son Starship et que d’autres sociétés autour de SpaceX et avec SpaceX puissent alors construire une base sur Mars permettant d’y faire vivre des hommes. Croyez-vous que les seules personnes intéressées à y aller, seront des chercheurs en géologie et en exobiologie ? Personnellement je ne le crois pas.

Je « sens » (sans avoir fait à ce stade d’étude de marché, qui n’aurait pas beaucoup de sens puisque le vecteur de transport n’existe pas encore) qu’il y aurait au contraire beaucoup de gens intéressés par un séjour alors qu’ils n’ont a priori aucune qualification particulière pour se décider à le faire. Certes ce séjour sera cher et long. Pour la durée, tout le monde sait qu’elle sera de trente mois (6+18+6). On ne peut pas faire autrement compte tenu de l’évolution des planètes sur leur orbite (elles ne vont pas à la même vitesse et parcourent des distances différentes), de la distance à la Terre et d’un mode de propulsion réaliste. Pour le prix, Elon Musk (puisque c’est lui le promoteur du seul vaisseau spatial possible, le Starship) nous parle d’un ticket de 200.000 dollars, pour le vol seul (aller et retour tout de même), auquel il faudra ajouter « quelques » frais pour le séjour. Le prix exact dépendra très largement de l’économie d’échelle à laquelle parviendra SpaceX (plus il y aura de vols de Starship, autour de la Terre, vers la Lune et vers Mars, le moins cher sera le coût unitaire vers Mars…et retour) et bien sûr de la demande (mais ce sera surtout le coût qui comptera). Disons pour être « raisonnable » ou « prudent », que l’on puisse offrir un forfait de 2 millions de dollars pour les trente mois (on pourrait faire un tarif « couple » à 3 millions, étant donné que les deux partenaires occuperaient la même cabine). C’est beaucoup d’argent mais je crois qu’on pourrait trouver dans l’ensemble de la population de notre planète et par période de 26 mois, une quarantaine de personnes qui seraient prêtes à se l’offrir.

Mais qui donc pourraient partir, tout quitter (physiquement) pour 30 mois ? Et bien je pense d’abord à certains cadres supérieurs (j’en ai connu !) qui viennent de prendre leur retraite et qui se trouvent coupés de leur multiples contacts habituels (les successeurs sont ingrats et « occupés »), qui ont retrouvé leur femme et leurs enfants après ne les avoir vus que quelques heures de temps en temps pendant quarante ans (et ils s’aperçoivent qu’ils ont « leur vie », séparée de la sienne). Laissez-les « mariner » six mois (maximum) et proposez-leur une aventure extraordinaire, le voyage et le séjour sur Mars. Cela vaut bien une croisière autour du monde, non ? Pourvu que le confort soit acceptable et la sécurité correcte, je suis certain que vous aurez plus de candidats que de places disponibles, même à ce prix (on peut toujours étaler un peu le paiement ou obtenir un crédit selon les revenus probables). Ce n’est qu’un exemple. A part les retraités, vous aurez aussi des peintres, des romanciers, pourquoi pas des musiciens, des artistes conceptuels, « et autres »…qui voudront chercher l’inspiration, tenter une expérience, « faire un break » après un divorce « ou autre »…dans un endroit étrange, stimulant et lointain.

Que feront-ils ? Les artistes, on l’imagine mais les autres ? Ils auront chacun un passé et le passé on le transporte avec soi, qu’il soit proche ou lointain (j’ai été banquier !). Alors, ce passé ils l’utiliseront sur Mars après s’être promenés ou même en se promenant. La société martienne sera jeune, elle sera aussi complexe qu’il est nécessaire pour qu’une société moderne puisse vivre et elle sera avide de compétence et de capacités car elle sera peu nombreuse (au moins pendant très longtemps). Beaucoup donc de ces visiteurs trouveront des conseils à donner, des tâches à accomplir (et s’ils rendent vraiment service, ils y gagneront peut-être une rémunération qui viendra réduire – un peu – le prix du séjour !). Par ailleurs le milieu martien sera un milieu extraordinaire sur le plan scientifique, puisque vous aurez, réunie sur les quelques km2 de la base, la quintessence de l’intelligence, technologique et scientifique, dont les membres, peut-être un peu esseulés, seront ravis de bavarder, d’échanger, de créer pour que leur environnement soit toujours « mieux » et toujours plus agréable à vivre. Dans ce contexte les non-scientifiques ou ingénieurs seront plus que bienvenus puisqu’ils apporteront la diversité, la couleur en quelque sorte, dans un monde à dominante ocre.

Ils reviendront sur Terre, ils se seront faits de nouveaux amis, ils auront retrouvé une nouvelle jeunesse et ils redoubleront d’activité. Le tourisme, c’est la clef d’une présence pérenne de l’homme sur Mars!

Illustration de titre: Vue du cratère Jezero vers le mur du cratère. Photo prise par le rover Perseverance, crédit NASA/JPL-Caltech/MSSS/ASU. Publication le 24 février 2021.

PS.1 : 19ème festival du Film et Forum International des Droits Humains

Avant de partir pour Mars (et pour pouvoir un jour y partir !) je vous recommande d’assister vendredi 12 mars à 20h00, à l’émission en ligne que propose la FIFDH* sur la pollution de l’espace proche. Un problème grave pour la solution duquel la Suisse est en pointe (startup ClearSpace et société ADRIOS, spin-off de l’EPFL). Le problème de la pollution de l’espace-proche du fait de la multiplicité du lancement des satellites dans une zone située entre 600 et quelques 1500 km d’altitude, est grave et urgent à considérer (lancement en cours de « constellations de satellites »). Il gêne l’observation astronomique et peut nuire au fonctionnement des satellites vraiment utiles à la vie sur Terre ou au lancement des sondes ou vaisseaux spatiaux en dehors de l’orbite terrestre. Il faut agir mais que peut le droit international pour contraindre ? Qui va contrôler l’application du Droit et comment ? Vastes sujets !

*Film et Forum International sur les Droits Humains.

Lien pour participer à l’émission :

https://fifdh.org/rencontres-debats/grands-rendez-vous/lespace-une-zone-de-non-droit

PS.2: Succès de l’essai SN 10 du Starship de SpaceX

Le 4 mars SpaceX nous a fait une magnifique démonstration de la maîtrise en vol de son Serial Number 10.

On a pu admirer la montée du prototype jusqu’à 10 km dans l’atmosphère, avec un contrôle parfait de la combustion des moteurs (trois puis deux puis un seul allumé). Ensuite le vaisseau s’est couché à l’horizontal, comme demandé, en restant complètement stable tout en redescendant vers le sol. Enfin il s’est redressé et il est allé se poser, en vol toujours contrôlé, jusqu’à sa plateforme de lancement. Un “sans faute”.

Il a certes explosé quelques minutes après l’atterrissage mais cet incident, retenu comme essentiel par la plupart des médias, est périphérique à la démonstration de maîtrise en vol et ne ternit absolument pas le succès. Bravo Elon; un pas de plus vers l’atterrissage du premier Starship sur Mars!

lien vers la vidéo: https://www.spacex.com/vehicles/starship/index.html

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