Je vais consacrer mon article de cette semaine à l’événement que constitue, pour tous ceux de mes contemporains qui ont soif d’Espace, le lancement jusqu’à l’ISS sur leur propre lanceur, de la première capsule habitée conçue et réalisée par Elon Musk et sa société SpaceX.
Il faudra attendre pour célébrer l’événement que non seulement les deux passagers de la capsule joliment nommée « Crew-Dragon Demo-2 », soient arrivés dans l’ISS mais aussi qu’ils soient revenus sur Terre sains et saufs avec la même capsule.
Comme nous sommes Samedi matin, avant la seconde tentative de lancement (à 21h35 ce jour), la première ayant été annulée pour mauvais temps, le mercredi 27 mai, on ne peut encore qu’espérer que tout se passe bien.
Il faut bien voir que de toute façon les Russes continueront à avoir leur accès à l’ISS (International Space Station, lancée en 1998) avec leur lanceur et leur capsule Soyouz et que ce qui change pratiquement avec ce vol, c’est l’accès direct des Américains après 10 ans d’incapacité. Mais bien sûr les Russes conserveront leur propre accès direct avec ce même lanceur et cette même capsule (premier vol 1966 !). Depuis le 17 avril c’est l’« Expédition-63 » qui est en cours. Elle a commencé avec l’arrivée de la capsule Soyouz « MS-15 » et va durer jusqu’en Octobre. Elle est aujourd’hui composée de 3 personnes (un Américain et deux Russes). Vont donc s’y joindre les deux astronautes du Crew Dragon Demo-2 et, si ce vol se passe bien (avec retour !), les trois astronautes du vol américain « normal » qui, utilisant à nouveau le lanceur et la capsule de SpaceX, « USCV1 » (pour US Crew Vehicle 1), remplaceront leurs concitoyens le 20 août.
Dans les deux cas, le lanceur sera le très classique Falcon-9 (aucun échec depuis 2016, 85 succès sur 87 lancements depuis 10 ans). De ce point de vue, le lancement de Samedi ne sera pas une performance (même si elle a subi quelques adaptations pour prendre en charge des passagers) car la fusée a démontré ses capacités au départ et surtout la fameuse récupération pour réutilisation, après avoir effectué le lancement. La particularité c’est évidemment que ce vol sera habité et qu’on ne peut s’empêcher d’appréhender que « quelque chose » se passe mal.
Ce qui est important c’est qu’en cas de succès non seulement les Américains retrouveront leur autonomie pour les vols habités mais aussi et je dirais, surtout, qu’Elon Musk aura franchi une nouvelle étape vers la réalisation de son projet martien.
Ce n’est pas que l’on envisage d’aller dans l’environnement martien (sans imaginer « descendre sur la planète ») avec le Crew Dragon. Même s’il est plus spacieux que les capsules antérieures, il reste une capsule de 4 mètres de diamètre et il est beaucoup trop petit pour accueillir un minimum d’astronautes (au moins deux !) avec leur équipement de support vie pour un très long voyage. Mais, avec ce vol, Elon Musk aura fait une nouvelle démonstration spectaculaire de ses capacités ingénieuriales pour des conditions de prix imbattables et il ouvrira les vannes d’une nouvelle source de revenus pour son entreprise.
Avec un prix de 55 millions de dollars, on descend d’un cran le coût des lancements, précédemment d’environ 90 millions de dollars (par exemple 424 millions de dollars payés par les Américains à la Russie pour transporter 6 astronautes en 2016/17). La NASA y trouvera son compte et on peut le supposer, aussi Elon Musk. On n’a pas la décomposition de son coût mais on peut espérer qu’il sera compatible sur le long terme (c’est-à-dire le nombre de lancements contractés avec la NASA) avec une rentabilité pour lui. Le mérite de l’entreprise privée est d’être contrainte à la rentabilité. Pour réussir il faut remettre au client un produit au moins aussi bon et fiable que celui de ses concurrents, et moins cher. Pour le moment c’est ce qui est sur le papier et la démonstration est sur le point de se faire.
Une fois le lancement effectué et la filière Crew Dragon « en route », Elon Musk, moralement conforté par son succès, pourra se consacrer avec encore plus d’énergie à son lanceur Super-Heavy et son vaisseau Starship nécessaires à ses projets interplanétaires. Je lui souhaite là aussi des progrès spectaculaires. Je rappelle que l’objectif était de débarquer un premier équipage humain sur Mars en 2024…ce qui semble aujourd’hui un peu présomptueux. Je parierais pour 2026, ce qui serait déjà très bien !
NB : ce message sera modifié après le lancement de ce soir, en fonction des événements.
PS.1: Décollage parfait, à l’heure prévue. Arrivée à la Station dans 19h00 (16h30) demain Dimanche 31 mai.
PS. 2: “Soft Docking” effectué juste à l’heure (sorry pour l’heure d’été hier!). En attente du hard docking pour que les astronautes puissent passer dans l’ISS.
Illustration de titre: Après que le lanceur ait été détaché du second étage de la fusée avec la capsule Crew Dragon Demo-2, on le voit s’éloigner dans l’espace pour retourner se poser sur Terre où il sera remis en état pour être réutlisé. Crédit NASA (la photo est prise du module de service de la capsule).
Photo ci-dessous: Crew Dragon Demo-2 avec son module de service, dans son hangar d’assemblage Crédit SpaceX.
Approche du Crew Dragon Demo 2 de l’ISS. La photo est prise de l’ISS (crédit NASA).
Un des passagers de l’ISS devant la porte du sas par laquelle les passagers du Crew Dragon Demo-2 entreront dans la Station (crédit NASA).
Le lanceur de la capsule est revenu sur Terre; il s’est posé sur une barge dans l’océan, avec une précision remarquable. Il sera remis en état et relancé. Photo crédit SpaceX.
PS, pour clore l’aventure: retour impeccable de la capsule sur Terre le 2 août!