L’impact d’un « gros » astéroïde à la surface de la Terre est une probabilité faible mais non nulle. S’il survenait sur une zone habitée, les conséquences seraient catastrophiques et elles le seraient presque autant, par ses conséquences indirectes, dans une zone inhabitée.
C’est malgré tout quelque chose qui, avec certitude, doit arriver « un jour » si nous ne faisons pas le nécessaire pour l’éviter (et peut-être ne le pourrons-nous pas). La mission « DART » (« Double Asteroid Redirection Test » ou simplement « dard » ou « fléchette » en Français) de la NASA qui vient de quitter la Terre ce Mercredi 24 Novembre, est un test de ce que l’on pourrait faire. La théorie selon laquelle la trajectoire du bolide peut être modifiée par un impact (« kinetic impact deflection ») va être vérifiée, quantifiée, et on pourra ajuster les divers paramètres sur lesquels on pourra jouer.
La cible de DART est l’astéroïde Dydimos, composé de deux corps (Dydimos veut dire jumeau), le principal, Dydimos proprement dit, d’un diamètre de 780 mètres, et le secondaire, « Dimorphos », qui en est son satellite, ou sa lune, d’un diamètre de 160 mètres et qui orbite à 1,18 km du corps principal à la vitesse de 17 cm/s. Les astronomes estiment à environ 25.000 le nombre d’astéroïdes NEA d’une taille supérieure à 140 mètres (on n’en a sans doute identifié que 40%). Pour mémoire, celui de Chelyabinsk n’avait que 18 mètres.
Le test consiste à projeter sur la lune, frontalement, la masse (550 Kg) de la sonde DART animée d’une vitesse de 6,6 km/s (23.760 km/h, tout de même !). La collision doit ralentir la vitesse sur orbite de Dimorphos (5 millions de tonnes) de moins de 1% mais cela changera la durée de son parcourt de l’orbite autour du corps principal de plusieurs minutes (la distance de l’orbite de Dimorphos à celle de Dydimos sera réduite). Cette durée (« période orbitale ») est actuellement de 11h55 et 20 secondes.
L’intérêt du choix de Dimorphos pour le test est évidemment que Dimorphos étant captif de Dydimos, la trajectoire de l’ensemble ne sera pas modifiée (ce qui veut dire qu’on ne risque pas de le « recevoir sur la tête », du moins tout de suite).
L’approche de Dydimos sera vue par l’œil du télescope à angle étroit, DRACO (« Didymos Reconnaissance and Asteroid Camera for Optical navigation ») embarqué à bord de DART, en liaison avec la Terre où les observatoires pourront aussi « observer » car Dimorphos est en position telle qu’elle éclipsera partiellement Didymos (on verra donc son ombre se déplacer le long de sa surface). Lors et après l’impact (qui détruira DRACO), le relai de DRACO sera pris par LICIACube (Light Italian CubeSat for Imaging of Asteroids), un CubeSat de 6 unités de l’Agence Spatiale Italienne, qui fait partie du voyage (et de la “collaboration”). LICIA sera désolidarisé de DART 10 jours avant l’impact. Il pourra donc être le témoin « sur place » (précision 2 mètres par pixel) et retransmettra à la Terre les données et les images précises des conséquences de l’impact. Il y aura une suite car une autre sonde, Héra, sera lancée par l’ESA en 2024 pour, examiner en 2026 le cratère d’impact et faire des analyses très précises (2cm/pixel). La coopération se fera dans le cadre de ce qu’on appelle la « collaboration AIDA » (« Asteroid Impact and Deflection Assessment »).
Le test (l’impact) aura lieu entre le 26 septembre et le 1er Octobre 2022, lorsque Dydimos sera à 11 millions de km de la Terre.
Dydimos est un des astéroïdes géocroiseurs (aussi appelés « NEA », « Near Earth Asteroids ») de la catégorie Apollon (demi-grand axe > 1 UA et périhélie < 1,017 UA), récemment découvert (1996) et potentiellement dangereux du fait de sa proximité à la Terre (périhélie de 1,014 UA, aphélie de 2,275 UA, soit de la Terre à la Ceinture d’Astéroïdes) même si la « rencontre » n’est pas prévue dans les cent prochaines années. Il n’est pas, du fait de cette proximité, difficile d’accès. Sa dernière approche a eu lieu en 2003 et la prochaine aura lieu en Octobre 2022 (le choix de fin septembre 2022 pour l’impact est donc parfait pour en observer les conséquences). La suivante n’aura lieu qu’en 2062 et donc le prochain test se fera sur un autre astéroïde !
L’inconnue majeure est la réaction de la masse heurtée (bien qu’on ait évidemment fait des hypothèses). L’astéroïde, comme beaucoup de NEA (mais il y a des variétés importantes résultat de l’évolution complexe du système solaire) a une densité très faible, 1,7 +/- 0,4 kg /m3, car il résulte d’une lente agglomération de matière sans action gravitationnelle forte. DART ne va avoir d’action sur lui qu’en raison de sa vitesse et de sa densité. Mais on ne sait pas de combien il va s’enfoncer dans le sol et s’il ne génèrera que de la poussière ou des fragments plus gros.
DART est la première mission de défense planétaire (« Planetary Defense Mission ») de la NASA. La première mission visant à protéger la Terre des astéroïdes. Elle résulte d’une collaboration avec l’Agence Spatiale Italienne et John Hopkins APL (Applied Physics Laboratory). Il y a d’autres méthodes de « déflection » imaginée mais celle-ci est la plus « mature ». NB : on peut imaginer, par exemple, revêtir l’astéroïde (généralement extrêmement sombre) d’un film réfléchissant sur une moitié de sa surface qui permettrait à la lumière solaire de le dévier. Faire éclater l’astéroïde (avec une bombe atomique comme dans certaines œuvres de science-fiction) ne serait pas forcément une bonne idée car de gros débris pourrait rester sur la trajectoire d’origine.
La sonde a été lancée par une fusée Falcon 9 de SpaceX (qui confirme une fois de plus ses capacités et sa fiabilité). Le satellite sera alimenté en énergie par deux « ailes » de panneaux solaires. La première particularité est que ces panneaux sont enroulés sur eux-mêmes pour former deux rouleaux (« ROSA », pour « Roll-Out Solar Arrays »), de part et d’autre de la sonde et qu’ils vont se dérouler après la mise en orbite. Mais, d’autres technologies avancées vont également être testées :
SMART Nav (« Small-body Maneuvering Autonomous Real Time Navigation ») développée par APL permet un guidage optique autonome (qui, entre autres, permettra à DART de faire la différence entre Dydimos et Dimorphos !).
« TSA » (« Transformational Solar Array »). Egalement développée par APL. Des panneaux solaires « boostés », vont compléter un ensemble de panneaux classiques. Les nouveaux panneaux seront munis de concentrateurs de lumière et à surface égale aux panneaux standards, doivent procurer 3 fois plus de puissance.
“NEXT-C” (“NASA’s Evolutionary Xenon Thruster–Commercial”) est un système de propulsion ionique utilisant l’énergie solaire, développé par le Glenn Research Center de la NASA et Aerojet Rocketdyne. Comme dans le cas de TSA, NEXT-C ne sera pas le système de propulsion principal (hydrazine) mais un prototype auxiliaire.
Illustration de titre :
Vue d’artiste de DART à l’approche de Dimorphos. Crédit NASA/Johns Hopkins, APL/Steve Gribben.
Illustration ci-dessous : échelle de comparaison des Didymes avec des « objets » connus. Crédit NASA/John Hopkins APL
Illustration ci-dessous : Le projet DART en image. Crédit NASA/John Hopkins APL:
lien: https://www.nasa.gov/planetarydefense/dart
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