Les impacts d’astéroïdes présentent un risque sérieux. La sonde DART partie ce jeudi doit tester leur prévention

L’impact d’un « gros » astéroïde à la surface de la Terre est une probabilité faible mais non nulle. S’il survenait sur une zone habitée, les conséquences seraient catastrophiques et elles le seraient presque autant, par ses conséquences indirectes, dans une zone inhabitée.

C’est malgré tout quelque chose qui, avec certitude, doit arriver « un jour » si nous ne faisons pas le nécessaire pour l’éviter (et peut-être ne le pourrons-nous pas). La mission « DART » (« Double Asteroid Redirection Test » ou simplement « dard » ou « fléchette » en Français) de la NASA qui vient de quitter la Terre ce Mercredi 24 Novembre, est un test de ce que l’on pourrait faire. La théorie selon laquelle la trajectoire du bolide peut être modifiée par un impact (« kinetic impact deflection ») va être vérifiée, quantifiée, et on pourra ajuster les divers paramètres sur lesquels on pourra jouer.

La cible de DART est l’astéroïde Dydimos, composé de deux corps (Dydimos veut dire jumeau), le principal, Dydimos proprement dit, d’un diamètre de 780 mètres, et le secondaire, « Dimorphos », qui en est son satellite, ou sa lune, d’un diamètre de 160 mètres et qui orbite à 1,18 km du corps principal à la vitesse de 17 cm/s. Les astronomes estiment à environ 25.000 le nombre d’astéroïdes NEA d’une taille supérieure à 140 mètres (on n’en a sans doute identifié que 40%). Pour mémoire, celui de Chelyabinsk n’avait que 18 mètres.

Le test consiste à projeter sur la lune, frontalement, la masse (550 Kg) de la sonde DART animée d’une vitesse de 6,6 km/s (23.760 km/h, tout de même !). La collision doit ralentir la vitesse sur orbite de Dimorphos (5 millions de tonnes) de moins de 1% mais cela changera la durée de son parcourt de l’orbite autour du corps principal de plusieurs minutes (la distance de l’orbite de Dimorphos à celle de Dydimos sera réduite). Cette durée (« période orbitale ») est actuellement de 11h55 et 20 secondes.

L’intérêt du choix de Dimorphos pour le test est évidemment que Dimorphos étant captif de Dydimos, la trajectoire de l’ensemble ne sera pas modifiée (ce qui veut dire qu’on ne risque pas de le « recevoir sur la tête », du moins tout de suite).

L’approche de Dydimos sera vue par l’œil du télescope à angle étroit, DRACO (« Didymos Reconnaissance and Asteroid Camera for Optical navigation ») embarqué à bord de DART, en liaison avec la Terre où les observatoires pourront aussi « observer » car Dimorphos est en position telle qu’elle éclipsera partiellement Didymos (on verra donc son ombre se déplacer le long de sa surface). Lors et après l’impact (qui détruira DRACO), le relai de DRACO sera pris par LICIACube (Light Italian CubeSat for Imaging of Asteroids), un CubeSat de 6 unités de l’Agence Spatiale Italienne, qui fait partie du voyage (et de la “collaboration”). LICIA sera désolidarisé de DART 10 jours avant l’impact. Il pourra donc être le témoin « sur place » (précision 2 mètres par pixel) et retransmettra à la Terre les données et les images précises des conséquences de l’impact. Il y aura une suite car une autre sonde, Héra, sera lancée par l’ESA en 2024 pour, examiner en 2026 le cratère d’impact et faire des analyses très précises (2cm/pixel). La coopération se fera dans le cadre de ce qu’on appelle la « collaboration AIDA » (« Asteroid Impact and Deflection Assessment »).

Le test (l’impact) aura lieu entre le 26 septembre et le 1er Octobre 2022, lorsque Dydimos sera à 11 millions de km de la Terre.

Dydimos est un des astéroïdes géocroiseurs (aussi appelés « NEA », « Near Earth Asteroids ») de la catégorie Apollon (demi-grand axe > 1 UA et périhélie < 1,017 UA), récemment découvert (1996) et potentiellement dangereux du fait de sa proximité à la Terre (périhélie de 1,014 UA, aphélie de 2,275 UA, soit de la Terre à la Ceinture d’Astéroïdes) même si la « rencontre » n’est pas prévue dans les cent prochaines années. Il n’est pas, du fait de cette proximité, difficile d’accès. Sa dernière approche a eu lieu en 2003 et la prochaine aura lieu en Octobre 2022 (le choix de fin septembre 2022 pour l’impact est donc parfait pour en observer les conséquences). La suivante n’aura lieu qu’en 2062 et donc le prochain test se fera sur un autre astéroïde !

L’inconnue majeure est la réaction de la masse heurtée (bien qu’on ait évidemment fait des hypothèses). L’astéroïde, comme beaucoup de NEA (mais il y a des variétés importantes résultat de l’évolution complexe du système solaire) a une densité très faible, 1,7 +/- 0,4 kg /m3, car il résulte d’une lente agglomération de matière sans action gravitationnelle forte. DART ne va avoir d’action sur lui qu’en raison de sa vitesse et de sa densité. Mais on ne sait pas de combien il va s’enfoncer dans le sol et s’il ne génèrera que de la poussière ou des fragments plus gros.

DART est la première mission de défense planétaire (« Planetary Defense Mission ») de la NASA. La première mission visant à protéger la Terre des astéroïdes. Elle résulte d’une collaboration avec l’Agence Spatiale Italienne et John Hopkins APL (Applied Physics Laboratory). Il y a d’autres méthodes de « déflection » imaginée mais celle-ci est la plus « mature ». NB : on peut imaginer, par exemple, revêtir l’astéroïde (généralement extrêmement sombre) d’un film réfléchissant sur une moitié de sa surface qui permettrait à la lumière solaire de le dévier. Faire éclater l’astéroïde (avec une bombe atomique comme dans certaines œuvres de science-fiction) ne serait pas forcément une bonne idée car de gros débris pourrait rester sur la trajectoire d’origine.

La sonde a été lancée par une fusée Falcon 9 de SpaceX (qui confirme une fois de plus ses capacités et sa fiabilité). Le satellite sera alimenté en énergie par deux « ailes » de panneaux solaires. La première particularité est que ces panneaux sont enroulés sur eux-mêmes pour former deux rouleaux (« ROSA », pour « Roll-Out Solar Arrays »), de part et d’autre de la sonde et qu’ils vont se dérouler après la mise en orbite. Mais, d’autres technologies avancées vont également être testées :

SMART Nav (« Small-body Maneuvering Autonomous Real Time Navigation ») développée par APL permet un guidage optique autonome (qui, entre autres, permettra à DART de faire la différence entre Dydimos et Dimorphos !).

« TSA » (« Transformational Solar Array »). Egalement développée par APL. Des panneaux solaires « boostés », vont compléter un ensemble de panneaux classiques. Les nouveaux panneaux seront munis de concentrateurs de lumière et à surface égale aux panneaux standards, doivent procurer 3 fois plus de puissance.

“NEXT-C” (“NASA’s Evolutionary Xenon Thruster–Commercial”) est un système de propulsion ionique utilisant l’énergie solaire, développé par le Glenn Research Center de la NASA et Aerojet Rocketdyne. Comme dans le cas de TSA, NEXT-C ne sera pas le système de propulsion principal (hydrazine) mais un prototype auxiliaire.

Illustration de titre :

Vue d’artiste de DART à l’approche de Dimorphos. Crédit NASA/Johns Hopkins, APL/Steve Gribben.

Illustration ci-dessous : échelle de comparaison des Didymes avec des « objets » connus. Crédit NASA/John Hopkins APL

Illustration ci-dessous : Le projet DART en image. Crédit NASA/John Hopkins APL:

lien: https://www.nasa.gov/planetarydefense/dart

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Index L’appel de Mars 21 11 14

Les autoroutes de l’espace comme des courants dans l’Océan

Dans le passé on ne voyait la navigation dans l’espace qu’au travers d’une représentation reposant sur les relations gravitationnelles entre deux corps (par exemple le vaisseau spatial et la Terre puis le vaisseau spatial et le Soleil, enfin le vaisseau spatial et Mars). Aujourd’hui on a compris que le corps qui voyage, peut bénéficier du fait de sa masse relativement négligeable par rapport aux autres masses les plus présentes (outre le Soleil, les planètes et leurs satellites), d’un réseau de courants gravitationnels invisibles mais puissants qui lient leurs points de Lagrange. On a nommé ce réseau, l’ITN (Interplanetary Transport Network) ou l’IPS (InterPlanetary Superhighway). Je remercie le Professeur Daniel Pfenninger d’avoir attiré mon attention dessus dans l’un de ses récents commentaires.

Pour mémoire, il existe deux types de points de Lagrange, ces points (ou régions) de l’espace où les attractions gravitationnelles de deux masses (par exemple Soleil et Terre mais aussi Terre et Lune) s’équilibrent : les points de Lagrange proprement dits et les points de Euler. Les premiers (L4 et L5) sont des points stables, c’est à dire que si l’on s’en écarte, on tend à y revenir. Les seconds (L1, L2 et L3) sont des points instables, c’est-à-dire que si l’on s’en écarte on tend à s’en écarter davantage. Leurs facultés d’attraction et de rejet dans l’espace environnant et distant, présentent un intérêt tout à fait particulier dont nous allons parler dans cet article. Mais d’abord, situons-les.

Les points L4 et L5 sont au sommet de triangles équilatéraux dont un côté est l’axe qui joint les deux masses principales. Pour la Terre ils sont donc sur son orbite autour du Soleil à la même distance (mais en avance ou en retard) que celle qui existe entre ce dernier et la Terre. Les points L1, L2 et L3 sont sur l’axe qui joint les deux masses principales soit L3 exactement de l’autre côté du Soleil (« en conjonction »), L1 entre la Terre et le Soleil mais beaucoup plus près de la Terre que du Soleil (1,5 millions de km / 150 millions de km) compte tenu de la masse beaucoup plus importante du Soleil, et L2 à la même distance de l’autre côté de la Terre par rapport au Soleil (« en opposition »). Il ne faut pas oublier que l’ensemble est en mouvement, en orbite autour de la masse la plus importante du système solaire, le Soleil, ce qui est en soi un facteur déstabilisant générateur d’une force de Coriolis. A noter que dans le système Terre-Lune (et d’une façon générale dans les systèmes impliquant un satellite naturel de forte masse avec sa planète), le Soleil introduit une perturbation supplémentaire du fait de l’attractivité de sa masse.

Depuis « toujours » c’est-à-dire Newton (qui, suivant Kepler, résolut par la gravité le « problème des deux corps »), les scientifiques ont eu conscience des potentialités de l’instabilité générée par deux corps en relation gravitationnelle, pour un 3ème corps de masse « négligeable » (« problème à trois corps restreint »). Mais les mathématiques et la physique n’ont pas permis de les décrire avant Henri Poincaré en 1890 (fondement de la théorie du chaos). Les travaux de ce dernier furent poursuivis par Charles Conley (Uni. du Wisconsin) et son étudiant Robert Mc Gehee (Uni. du Minnesota) dans une publication datée de 1960. A ce stade on put constater qu’une infinité de chemin menaient ou emportaient de ces points d’Euler les masses négligeables, et qu’il était très facile sur le plan énergétique pour cette masse de passer d’un point d’Euler à l’autre, c’est-à-dire d’entrer sur une voie plutôt qu’une autre, puisque les orbites étant instables une quantité extrêmement faible d’énergie pouvait le permettre.

La découverte récente (1994-1997) de Martin Lo et de Shan Ross (tous deux au JPL), c’est qu’une fois tracées, ces orbites forment des tubes à partir de l’orbite entourant le point d’Euler considéré, que ces tubes se prolongent d’un point d’Euler d’un astre au point d’Euler d’un autre astre, et que du fait du mouvement des planètes les unes par rapport aux autres (orbites différentes, vitesses sur orbite différentes), les tubes sont mouvants comme des serpents, ce qui donnent entre les points d’Euler des parcours changeants et parfois des intersections. A noter qu’à l’intérieur de ces tubes la vitesse est d’autant plus faible que l’on est proche du point d’Euler et que l’accélération subie en s’en éloignant est totalement gratuite en termes énergétiques (on est emporté par le courant). A noter encore que dans ces tubes la masse de la sonde ou de l’objet artificiel créé par l’homme ne compte pas. Un cylindre de O’Neill y serait emporté avec la même facilité qu’un micro-satellite.

La conséquence pratique c’est qu’en se rendant sur un point d’Euler, par exemple celui du système Terre-Lune L2, on accède à un gigantesque réseau d’autoroutes gravitationnelles parcourant l’ensemble du système solaire. Démonstration a été faite de l’existence de telles autoroutes entre la Ceinture de Kuiper et la Ceinture d’astéroïdes et entre Jupiter et Saturne, en plus de celles qui existent dans notre environnent proche (système solaire interne), jusqu’à Vénus. Elles ont déjà été utilisées pour quelques missions robotiques (Genesis Discovery Mission entre 2001 et 2004 ou sauvetage de la mission japonaise Hiten en Octobre 91) et on a constaté qu’elles sont aussi utilisées , évidemment passivement, par des comètes (Oterma dans l’environnement de Jupiter).

Bien entendu, sur ces autoroutes, le chemin le plus court est plus long que la ligne droite et les vitesses sont faibles. Ainsi il faudrait quelques 13 années pour aller de l’orbite de Jupiter à celle de Saturne (à comparer aux 9,9 années qu’il faudrait si on utilisait une orbite de Hohmann d’énergie minimum dans un espace à deux corps (tangentielle au départ de Jupiter et à l’arrivée à proximité de Saturne).

La seule difficulté est la navigation. Il faut savoir passer d’une orbite à l’autre et le faire au moment précis où la voie est ouverte. Dans l’ancien temps on aurait dit « sentir le vent » ou comme les premiers navigateurs qui parcoururent l’Atlantique, voir où le courant conduit à partir d’indices flottants. Aujourd’hui les indices sont devenus des calculs complexes (orbites de Lissajous !) mais c’est toujours la Nature qui commande. Emprunter un tube au bon moment ne coûte aucune énergie mais en rejoindre un qu’on a laissé passer peut coûter très cher !

On peut imaginer voguer sur ce réseau partout où le jeu de masses dominantes peut permettre à un caillou de suivre une ligne de crête et de passer d’un versant à l’autre. Cela promet de beaux et longs voyages. Un jour des îles de l’espace partiront de l’environnement terrestre à la dérive (calculée) et suivront ces routes invisibles jusque là où leurs miroirs ne pourront plus recueillir suffisamment de lumière pour alimenter leurs machines, et reviendront se baigner dans la chaleur de l’environnement terrestre. La première étape serait une gigantesque station spatiale à l’entrée de l’« autoroute », au point L1 du système Terre-Lune, tout proche de la Terre, comme en ont rêvé Martin Lo et Shan Ross. On pourrait l’appeler le “Gateway”, beaucoup plus justement que la station orbitale lunaire du projet Artemis.

Mais y a-t-il une continuation de ces autoroutes au-delà de Neptune ? Pourrait-on en les empruntant s’engager jusqu’à la Ceinture de Kuiper puis entrer ensuite dans le domaine des Nuages de Oort ? Pour que les courants existent toujours aussi loin il faut que des forces gravitationnelles puissent les créer or au bout d’une certaine distance l’influence gravitationnelle du Soleil est très faible. Par ailleurs les planètes naines comme Pluton, Haumea, Makemake, sont de masse relativement faible (les plus grosses de l’ordre de celle de Pluton) et elles sont très éloignées les unes des autres. Les courants qui les joignent doivent donc avoir très peu de consistance ou de force. Au-delà de la Ceinture de Kuiper la situation est encore pire car sans doute il n’existe aucun gros corps dans les Nuages de Oort ; les contraintes gravitationnelles du Soleil y sont trop faibles pour en avoir provoqué la formation.

Alors sans doute ces courants gravitationnels se raréfient-ils et se diluent-ils au fur et à mesure qu’on s’éloigne du Soleil et des grosses planètes. Mais ils existent toujours puisqu’ils sont inhérents à la force de gravité animant tout couple de masses. Deux hypothèses se présentent : 1) un vaisseau emporté jusqu’à cet horizon peut continuer sur sa lancée si sa vitesse acquise est supérieure aux forces de rappel du Soleil ; 2) le vaisseau continue à pouvoir utiliser des courants gravitationnels affaiblis et in fine pénètre dans la sphère d’influence gravitationnelle du système voisin (Alpha Centauri) puis progresse par le même phénomène jusqu’à la zone habitable de cet autre monde. A noter cependant qu’il devrait y avoir entre les systèmes stellaires et également entre les galaxies des réseaux gravitationnels équivalents à celui qui existe à l’intérieur d’un système stellaire. Il faudra un jour les exploiter.

On peut rêver mais pour le moment ces voyages très lointains ne sont pas réalistes car au-delà de la Ceinture de Kuiper ils représenteraient vite des milliers d’années de voyage* et supposeraient aussi une masse énorme d’énergie embarquée car déjà au niveau de l’orbite de Pluton, l’irradiance solaire tombe extrêmement bas (elle n’est que de 0,87 W/m2 en moyenne pour cette dernière, contre 1360 W/m2 pour la Terre et de 492 à 715 W/m2 pour Mars). Le vaisseau aurait le temps de subir toutes les dégradations suffisantes pour entraîner dans la mort les derniers hommes qui auraient pu y survivre.

*Il faudrait 420 ans à la vitesse de 1% celle de la lumière (30.000 km/s) pour atteindre Proxima Centauri…en ligne droite, et la vitesse la plus rapide jamais atteinte par un objet construit par l’homme (la Parker Solar Probe) n’est que 192 km/s, au maximum. 

Pour nos habitats futurs, restons dans une chaleur acceptable sinon confortable. Contentons-nous d’exploiter l’ITN jusqu’à Saturne. Pour le transport d’objets massifs dont on n’aura pas un usage immédiat et pourvu que la destination ne soit pas trop lointaine (Mars, par exemple) on pourra voir l’ITN comme un réseau fluvial susceptible d’emporter des péniches. Et n’oublions pas que ces courants n’existent pas seulement pour nous transporter, transporter nos sondes ou plus tard nos matières premières, ils peuvent aussi nous apporter au fil des siècles toutes sortes d’éléments venus de loin, notamment des astéroïdes et des comètes.

Illustration de titre : Cette représentation stylisée de l’ITN montre ses cheminements sinueux au travers du système solaire. Le ruban vert représente un chemin parmi les nombreux qui sont mathématiquement possibles le long de la surface du tube sombre. Les endroits où le ruban change brusquement de direction représentent les changements de trajectoire aux points de Lagrange, tandis que les endroits resserrés représentent les emplacements où les objets restent en orbite temporaire autour d’un point avant de continuer. La vue d’artiste est prise depuis la région du Soleil. Vous voyez Vénus puis la Terre et Mars sur une ligne oblique partant de gauche à droite. Ensuite repartant de gauche à droite, Jupiter, Saturne et Uranus puis, tout au fond, Neptune. Crédit NASA.

Références :

http://www.gg.caltech.edu/~mwl/publications/papers/IPSAndOrigins.pdf

http://www.gg.caltech.edu/~mwl/publications/papers/lowEnergyInvariant.pdf

http://www.dept.aoe.vt.edu/~sdross/papers/NPO-20377.pdf

https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seau_de_transport_interplan%C3%A9taire

http://www.jpl.nasa.gov/releases/2002/release_2002_147.html

https://www.nasa.gov/mission_pages/genesis/media/jpl-release-071702.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/Orbite_de_Lissajous

https://fr.wikipedia.org/wiki/Orbite_de_halo

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Index L’appel de Mars 21 11 14

Mars, quoi qu’il en soit

Les cylindres de O’Neill seraient une solution pour vivre dans l’espace mais c’est une solution plus difficile à mettre en œuvre que d’aller se poser sur le sol de Mars. Pour commencer notre expansion dans l’espace, il faut donc à tout prix aller sur Mars. La suite ira de soi.

La solution « îles de l’espace » est difficile à mettre en œuvre pour toute sorte de raisons. Nous avons vu les semaines précédentes que l’essentiel de la matière ne peut venir que des astéroïdes ou de la Lune. La possibilité de transformer la matière dans l’espace est théoriquement possible grâce à l’énergie solaire mais on n’a jamais encore pratiqué ce type d’industrie. Les dimensions des îles sont gigantesques et les réaliser exige donc la robotisation très poussée d’un grand nombre de machines utilisant beaucoup d’énergie. Même avec beaucoup de moyens, le temps nécessaire à la construction s’étalera sur de nombreuses années. Les sommes dépensées seront énormes et le retour sur investissement, lointain sauf si on peut les employer à construire des SSPS*pour la Terre, mais la faisabilité de ces centrales attend encore d’être testée.

*Space Solar Power Station imaginées par Gerard O’Neill. Il s’agit de collecter l’énergie solaire par des miroirs évoluant dans l’espace sur orbite géostationnaire et de la retransmettre sur la Terre par micro-ondes sur des capteurs qui ensuite desserviront le réseau de distribution d’électricité.

A noter qu’une île de l’espace ne sera vraiment utilisable que lorsqu’elle sera terminée.

Aller sur Mars est beaucoup moins difficile. Il « suffit » de finaliser un lanceur super lourd réutilisable, comme peut l’être le Starship. La rentabilisation viendra des missions scientifiques payantes, du tourisme et des utilisations du même lanceur pour des vols planétaires autour de la Terre ou à destination de la Lune.

A noter donc que, contrairement à une île de l’espace, une installation légère sur Mars peut être rentabilisée sans attendre la création d’une ville. Comparer les deux c’est observer d’un côté une suite de mutations avec rejet brutal de la coquille et de l’autre un corps qui grandit en acquérant petit à petit de nouvelles facultés.

L’installation sur Mars pourra en effet être progressive avec un développement technologique parallèle à la progression du nombre des voyages et à l’accumulation des séjours. D’abord l’homme pourra vivre pendant la durée de 18 mois des premières missions à l’intérieur du Starship qui l’aura amené. Sur la durée, il devra (et pourra) se protéger des météorites et des radiations mieux que ne peut le faire la coque d’une fusée. On évalue l’épaisseur nécessaire pour se protéger aussi bien que sur Terre des radiations solaires (SeP* sous forme de SPE* ou même de CME*) à 40 cm de glace d’eau. Cela sera possible sans grande difficulté en surface de Mars dont le sol est relativement riche en eau.  Ce sera plus difficile de se protéger des rayonnements galactiques (GCR), plus pénétrants et plus énergétiques. Mais pour les missions de deux ou trois cycles synodiques et a fortiori pour vivre une durée indéfinie sur Mars, le mieux serait d’habiter des cavernes puisqu’il faut une épaisseur de deux mètres de régolithe pour bénéficier d’une protection adéquate contre ce second type de radiations.

*SeP = Solar energetic Particle (protons), SPE = Solar Particle Event, CME = Coronal Mass Ejection

Ces cavernes pourront être soit naturelles, soit creusées par l’homme. En premier lieu on utilisera les tubes de lave ou les cheminements créées par l’eau dans le sous-sol proche de la planète. Ces cavités sont nombreuses (région d’Arsia Mons ou d’Ebrus valles, par exemple). Elles seront d’autant plus facilement exploitables qu’elles auront des ouvertures accessibles et horizontales. On a vu de nombreux gouffres de dimensions adéquates (80 à 200 Mètres de diamètre) à partir des satellites-orbiteurs mais ces gouffres supposent qu’on les équipe d’un système d’ascenseurs pour y pénétrer et en ressortir (problème de consommation d’énergie et de sécurité). D’autres cavernes doivent avoir un accès à l’horizontale. On n’en a pas encore identifié (sauf un gouffre à moitié comblé de régolithe ce qui a créé une pente, raide, qui permettrait d’accéder au fond et sans doute à une extension souterraine) mais cela est certainement dû à l’impossibilité de détecter de tels accès par satellite puisqu’ils ont une vue verticale avec un angle d’observation très peu ouvert.

Une alternative serait de forer le mur d’un cratère ou plus généralement d’une falaise (par exemple au fond de Valles Marineris) avec un tunnelier après s’être assuré contre le risque d’éboulement au-dessus de l’entrée. Une autre serait de creuser un fossé circulaire de quelques 5 mètres de profondeur et d’une trentaine de mètres de diamètre, dans un sol à peu près plat et, à partir de ce fossé, d’évider l’intérieur par des forages transversaux en laissant un « plafond » d’au moins deux mètres d’épaisseur (solidement étayé !). Un cylindre d’un diamètre ainsi déterminé pourrait donner l’habitabilité d’un petit immeuble. Le fossé circulaire pourrait être protégé par une toiture en verre (obtenu à partir de la silice martienne) et pressurisé, ce qui donnerait une surface cultivable de plus de 500 m2, suffisante pour nourrir une dizaine de personnes (des miroirs sur le pourtour du fossé, en haut et au fond, permettraient d’augmenter le rayonnement lumineux au fond et peut-être de cultiver un autre niveau, en étagère).

Ces habitats semi-enterrés sont un exemple de ce qu’on pourrait faire. J’en ai fait réaliser une illustration par le dessinateur Manchu (Philippe Bouchet) au début des années 2000. La seule difficulté, me semble-t-il, serait la consistance du sol martien. Jusqu’à présent on n’a fait qu’effleurer la surface (forage d’InSight) et l’expérience s’est avérée déconcertante. Il faudrait donc tenter l’expérience avec une excavatrice robotisée (ce qui pourrait aussi servir à accéder au sous-sol profond pour en étudier la biochimie). A noter que les premiers mètres du sol martien étant très froid, on aurait intérêt à creuser en dessous du niveau de l’habitat un sous-sol pour créer une isolation…et à y entreposer les machines (conditionnement de l’air, informatique, etc…) pour maximiser la possibilité de capter leur chaleur pour les hommes. Comme partout sur Mars, l’énergie serait nucléaire et solaire (la surface du cercle étant couverte de panneaux photovoltaïques). Pour le moment l’énergie géothermique n’est qu’un espoir mais il existe certainement des points-chauds. Le problème étant la profondeur nécessaire du forage car le gradient de températures est très raide !

A partir de la première base martienne on pourrait extraire par minage robotique de Phobos commandé en direct, (presque) toutes les matières premières nécessaires pour créer une première île de l’espace, sans doute une Île de type « 1 », sphère de Bernal de 500 m de diamètre, soit 785.000 m2 de surface interne, et l’envoyer ensuite dans la Ceinture d’astéroïdes toute proche pour y construire d’autres îles, encore plus grandes. Une telle sphère conçue en 1929 par le physicien britannique John Desmond Bernal et revisitée en 1970 par Gerard O’Neill, pourrait générer une gravité de type terrestre sur sa bande équatoriale moyennant une rotation de 1,9 tours par minute. Plus elles seront grandes plus la force de Coriolis y passera inaperçue au sol et moins l’homme aura l’impression d’y être enfermé.

Aller sur Mars et s’y installer lèvera le tabou selon lequel il n’y a de vie humaine possible que sur Terre. Les êtres humains s’étant affranchis de ce paradigme, tout deviendra possible. Ils pourront concevoir de construire et de conserver l’environnement qui leur est nécessaire, rien que cet environnement, sans aucun élément extérieur inutile, pour vivre n’importe où. Ils deviendront un peu comme un bernard-l’hermite lorsqu’il s’empare d’un coquillage pour protéger sa vie des menaces extérieures auxquelles son faible corps ne pourrait résister. Mais à la différence du bernard-l’hermite l’« hommo-spatialis » saura concevoir et organiser aussi son environnement extérieur pour y puiser juste ce dont il aura besoin. Poussé par la nécessité il aura renoncé à l’inutile et utilisera la matière dont il aura besoin avec le souci constant de la réutiliser pour ne pas avoir à se procurer à nouveau des roches vierges contenant les éléments indispensables à sa survie et sa prospérité.

Illustration de titre : Une sphère de Bernal telle qu’étudiée par Gerard O’Neill. Les tores sont les zones agricoles. La lumière pénètre indirectement à l’intérieur par des chevrons dont les faces sont revêtues de miroirs, ce qui permet une bonne isolation contre les radiations. Vue d’artiste, Rick Guidice / Ames Research Center.

Illustration ci-dessous :

« Back to the Rabbit Hole », crédit Manchu (Philippe Bouchet). La base martienne évoquée dans le texte ci-dessus. Les panneaux solaires occupent le toit de l’habitat. Le sas se trouve à droite, de là on descend en pente douce dans la tranchée périphérique. Plusieurs grandes baies vitrées donnent sur cette tranchée qui est pressurisée et cultivée. Sur la droite on voit des hangars, des stocks, des antennes. Entre l’antenne de communication vers la Terre, un évent permet d’évacuer le gaz carbonique. Derrière la base, devant la colline, un site de forage permet d’accéder à un aquifère. Derrière la colline un réacteur à fission nucléaire procure à la base l’essentiel de son énergie.

Référence : https://wbase.net/CylindreONeill.html

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Index L’appel de Mars 21 10 31

Vivre, recycler, transformer, découvrir

Depuis que la vie est présente sur Terre, la planète évolue en interaction avec elle. La vie est une des forces de la Terre et elle la transforme continuellement. En même temps la Terre recycle les éléments constitutifs des êtres vivants ; elle les récupère tous et les remet, plus ou moins transformés, à disposition de la vie.

Il ne faut pas s’illusionner, il y a co-évolution, transformation permanente, depuis toujours. La Terre sans la vie ne serait pas la même planète, physiquement, même au niveau de sa minéralogie (pensez au calcaire ou au charbon). La Terre de demain ne pourra être celle d’hier. La seule chose dont la vie ait besoin de la part de son environnement changeant, c’est de pouvoir continuer son processus (pour ne pas dire sa programmation) en gagnant des territoires et en se reproduisant dans une succession de générations. Pour ce faire elle s’adapte, continument, par évolution darwinienne de ses codes génétiques. Cette pulsion irrépressible est celle de l’homéostasie qu’Antonio Damasio développe de façon claire et convaincante dans son excellent livre L’ordre étrange des choses. C’est vrai pour les bactéries, c’est vrai pour les hommes. La seule différence est que les bactéries utilisent leur faculté de mutations et d’échanges de gênes et que l’homme utilise ses aptitudes technologiques.

Nous sommes arrivés, pour l’homme, au point où le processus commencé sur Terre peut continuer ailleurs du fait de l’évolution de ses technologies. La prochaine étape sera sur Mars et sera ensuite dans des îles-de-l’espace, partout dans le système solaire, avec les astéroïdes où « nous » (c’est-à-dire « Elle », la Vie que nous portons) trouverons notre matière, grâce au Soleil qui nous fournira toute l’énergie dont nous aurons besoin.

Ainsi dans notre environnement proche les terres vierges seront réduites à des ilots: des parcs, des réserves, des conservatoires, des jardins de méditation, pour étudier et profiter esthétiquement de la « Nature ». La Lune ou Mars dont la poussière et le régolithe sont aujourd’hui intacts, porteront des traces de pieds bottés et de roues. Des carrières ou des sites de forage marqueront leur sol, des routes, des antennes ou des poteaux de communication, des habitats, des usines, des astroports seront les cicatrices de ces nouveaux mondes occupés par l’homme.

Faut-il le regretter ? Autant regretter le temps qui passe, sur lequel nous n’avons aucune prise. Mais nous n’avons pas besoin de saccager. Il faut être respectueux de l’environnement comme nous sommes respectueux des animaux dont nous nous nourrissons. On pourrait dire qu’il ne faut pas tuer la poule aux œufs d’or mais lui permettre au contraire de prospérer, dans notre intérêt qui est aussi le sien.

Ceci dit le monde civilisé peut être beau quelle que soit l’époque considérée. Découvrir un château en se promenant en forêt, enrichit à nos yeux la nature par son contraste avec elle et justifie d’avoir marché jusque-là. Atteindre le monastère de Sainte Catherine après avoir cheminé longuement dans l’aridité presque absolue du désert du Sinaï et découvrir la quintessence de ce que peut faire l’homme habité par la transcendance, est une des plus grandes joies de l’esprit.

Les constructions de l’homme moderne peuvent être belles, même si leur objet premier n’est pas l’expression artistique gratuite. Pensez à un pont très long au-dessus du vide comme le viaduc de Millau. Pensez à l’Autoroute des Titans qui près de Nantua est une succession d’ouvrages d’art, tunnels creusés, ponts suspendus. Pensez à ces antennes d’Alma qui tournées vers le ciel occupent le plateau glacé de Chajnantor.

Le monde que créeront les hommes de demain, « dans les étoiles », sera beau aussi. Pensez au magnifique tore géant de 2001 Odyssée de l’Espace. Imaginez l’astroport martien, « Robert Zubrin » sur lequel se dresseront dans trente ans une dizaine de Starships avec leur tour de services, en attente du retour cyclique sur Terre. Imaginez les pointillés de taches vertes sur fond ocre des multiples serres entourant les dômes des habitats martiens. Pensez à l’antenne géante utilisée pour les communications vers la Terre. Pensez au télescope de 100 mètres, bénéficiant de la faible gravité martienne, construit sur un haut sommet, au-dessus des nuages et de la poussière pour observer l’Univers sous un angle nouveau et complémentaire de celui de la Terre.

Ceci dit, l’Univers est vaste et il restera toujours des terres vierges au fur et à mesure que nous progresserons dans sa découverte, un peu comme la route sur laquelle nous avançons nous dévoile au fur et à mesure des paysages et des perspectives nouveaux.

Nos véhicules sur ces routes ce seront les cylindres des îles-de-l’Espace. A partir d’eux nous « grignoterons » les astéroïdes pour en tirer notre substantifique moëlle et nous pourrons aller contempler de plus près Europe et Encelade, Titan et Triton, puis d’autres lunes et planètes dont les noms n’existent pas encore.

Il restera toujours des terres vierges et tout comme l’horizon elles seront toujours devant nous, des mirages ou des appels pour que, un jour, peut-être, nous y mettions la main.

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Illustration de titre : le monastère de Sainte Catherine dans le désert du Sinaï est construit autour du tombeau de Sainte Catherine d’Alexandrie, là où le corps de la vierge, réputée pour sa science et sa force de conviction, fut déposée par les anges après son martyr. Ce sanctuaire, un temple pour nourrir l’esprit et un verger pour nourrir le corps, peut évoquer une base martienne. Rien d’inutile ; ce qui suffit.

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