Il a volé; d’autres voleront!

Ceci est un nouveau message à tous ceux qui disent « on n’a jamais fait, on ne fera jamais ». Ingenuity, le drone hélicoptère de la NASA a volé, ces 19 et 22 avril, dans une atmosphère de 6 millibars, une pression égale à 0,006 fois l’atmosphère terrestre, c’est-à-dire celle qui existe dans notre stratosphère à 35 km d’altitude.

Sur Terre, le record d’altitude des hélicoptères est de 12,5 km. Les avions de ligne, à réaction, volent entre 9 et 12 km. Solarstratos, l’avion solaire stratosphérique à hélice sur lequel travaillent Raphaël Domjan et Roland Loos à Payerne, pourrait atteindre 25 km, les avions de chasse les plus performants peuvent voler à 30 km.

Mais attention, ce qui est recherché sur Mars, ce n’est pas de dépasser un record, c’est de parvenir à voler à quelques mètres au-dessus du sol pour des raisons utiles. Les avantages sont évidents, je vous les donne. Premièrement, se déplacer à la surface de la planète avec des roues (moyen utilisé jusqu’à présent par les « rovers » d’exploration) est difficile. Ça l’est d’abord en raison de l’irrégularité du relief en de nombreux endroits, des pentes souvent trop fortes, des rochers et cailloux, des aspérités diverses dont beaucoup, peu émoussées par une érosion faible, présentent des angles tranchants. Ça l’est également en raison des dunes et des bancs de sable, ou de poussière, très peu denses (« mouvants » et de ce fait dangereux comme l’a démontré l’enlisement puis la mort du rover Spirit en mai 2009). Deuxièmement, un orbiteur (satellite) voit très bien ce qui est en dessous de lui plus ou moins à la verticale mais il voit très mal presque tout ce qui se trouve sur les parois verticales ou en fortes pentes (avec un petit bémol pour la caméra CaSSIS de l’orbiteur TGO de l’ESA (Uni Berne) qui prend des photos avec un angle de +10° à -10° par rapport à la verticale). Troisièmement les orbiteurs dont les caméras sont équipées des zooms les plus puissants, telle HiRISE (à bord de MRO) ont une capacité de résolution limitée à 30 cm par pixel (c’est beaucoup mais il est toujours intéressant de faire mieux, en particulier en géologie, en minéralogie et éventuellement en paléogéoexobiologie). Un hélicoptère peut être porteur d’un instrument donnant une définition beaucoup plus fine d’une stratification ou d’une roche observée, qu’une caméra embarquée sur orbiteur. Quatrièmement les rovers évoluant au sol ne voient que leur environnement immédiat et ce qui est « à leur hauteur » ou en-dessous. Ils ne voient pas au-dessus ou derrière les rochers, ou encore ils voient mais ne peuvent atteindre pour observer ou prélever, si le chemin d’accès est trop difficile (cas évoqués ci-dessus). Cinquièmement, lorsque l’homme sera sur Mars, l’hélicoptère sera un moyen de faire parvenir « quelque chose » (une bombonne d’oxygène, un médicament, un outil) à un groupe d’hommes isolé ou distant.

Pour ce genre de fonctions, un plus-lourd-que-l’air est « moins bien » qu’un ballon ou un dirigeable puisqu’il doit emporter de l’énergie avec lui pour se maintenir en l’air. Cependant la piste du dirigeable, si elle n’est pas abandonnée, est très difficile à emprunter. Elle l’est en raison de la faible différence entre la pression interne d’un gaz quel qu’il soit (le seul possible étant en réalité le plus léger, l’hydrogène…mais il fuit très facilement !) et la très faible pression extérieure, même si la masse volumique du CO2 (1,87 kg/m3) qui constitue 95% de l’air martien est nettement plus élevée que celle de notre « mélange » atmosphérique. Nous* l’étudions actuellement à l’EPFL (et une présentation de faisabilité sera faite au GLEX de Saint Pétersbourg à l’occasion du 60ème anniversaire du vol de Gagarine). A noter que dans le domaine des plus-lourds-que-l’air, l’alternative à l’hélicoptère serait a priori le drone à réaction ou l’avion à décollage vertical (il n’y a pas de « piste » sur Mars, et s’il y en avait, elle devrait être très longue puisque l’air est très peu porteur et qu’en conséquence la vitesse nécessaire au décollage est de 5,5 fois ce qu’elle est sur Terre pour la même masse). A noter encore que l’avion devrait pour se maintenir en l’air se déplacer à très haute vitesse ce qui limite la précision de l’observation. Mais l’imagination est libre. Robert Zubrin, notamment, a conçu un « gashopper » qui serait une bonne solution (compression de l’air martien en utilisant l’énergie solaire captée par panneaux sur le corps de l’engin, puis expulsion de ce gaz comprimé). Robert Michelson, Professeur au CalTech, a, de son côté, travaillé entre 2002 et 2006 sur un entomoptère (drone à ailes battantes), fabuleuse imitation d’un être vivant.

*Roméo Tonasso, étudiant en Master, l’équipe de jeunes professionnelles de WoMars dont Laurène Delsupexhe et Alice Barthes, Claude Nicollier et moi-même. Je vous parlerai de cette étude après la présentation au GLEX (Global Space Exploration Conference) organisée par l’IAF (International Astronautical Federation) et Roscosmos (l’agence spatiale Russe). La conférence se déroulera du 14 au 18 juin.

Pour l’instant on teste un hélicoptère. Quelles en sont les caractéristiques ? D’abord la masse soulevée est très faible (1,8 kg dont 0,27 de batteries). Cela veut dire qu’on peut emporter seulement une caméra ou un spectromètre (avec son système de stockage de données et de transmission en télécommunication). C’est beaucoup et peu à la fois. Pour cette petite masse, dont l’essentiel est contenu dans un parallélépipède de 13,6 sur 19,5 cm, le système de sustentation et d’ascension doit être extrêmement efficace. Outre son moteur électrique, le système est composé d’un rotor contrarotatif, deux hélices tournant en sens contraire (pour la stabilité de la direction avec un effet indirect de sur-densification de l’atmosphère), très longues (1,2 mètres), avec un nombre de rotation extrêmement élevé (2400 à 2900 tours par minutes, soit dix fois plus qu’un rotor utilisé sur Terre). En effet la faible densité doit être compensée par un paramètre de superficie couverte par le rotor et une vitesse, aussi élevés que possible (à noter que cette vitesse est supersonique en bout de pale ce qui impose un dessin de pale particulièrement délicat). Pour alimenter le moteur on utilise un panneau solaire au-dessus des hélices et on accumule l’énergie dans une batterie lithium-ion pour acquérir une puissance allant de 510 à 350 Watts mais qui ne peut donner que 36 Watts-heures compte tenu des limites de stockage des batteries. A noter que sur ces 36 Wh, une bonne partie (20 Wh !) doit être utilisée pour chauffer les résistances à la température minimum nécessaires au maintien en vie de l’appareil pendant la nuit où la température descend à -90°C.

Le résultat c’est que l’hélicoptère peut s’élever jusqu’à 5 mètres du sol (altitude atteinte lors du second vol, celui du 22 avril) mais ne peut parcourir que jusqu’à 300 mètres au cours d’un vol de 90 secondes et à la fréquence d’un seul vol par jour (en fin d’après-midi). La programmation doit être très précautionneuse car la faible atmosphère impliquant un « nombre de Reynolds » faible, les changements de direction ne peuvent pas être rapides sous peine de déstabiliser l’appareil et de le faire « décrocher ». De même la descente ne peut se faire avec la précision que donnerait une portance de type terrestre et le dernier mètre est davantage une chute, très brève, qu’un atterrissage en douceur (comme le montre la vidéo réalisée).

On voit donc bien les limitations d’un tel engin. Cependant une heureuse surprise a été le peu de poussière soulevée au décollage et bien sûr à l’atterrissage, plus rapide. Il est certain qu’un engin propulsé par éjection de gaz donnerait lieu à un contact avec le sol beaucoup moins « propre ». Ce qu’il faut espérer pour les prochaines démonstrations puis utilisations, c’est un rechargement de la batterie plus rapide et un stockage d’énergie plus important (pour pouvoir aller plus loin). Peut-être ne sera-ce pas possible avec un panneau solaire. Ce panneau est apparu essentiel pour préserver l’autonomie d’Ingenuity mais ne peut-on envisager un petit moteur nucléaire ou un rechargement en électricité sur le rover lui-même, l’hélicoptère puisant dans l’énergie accumulée de ce dernier (c’est ce qu’avait envisagé Robert Michelson pour son entomoptère (« entomopter ») comme vous verrez sur la vidéo ci-dessous). Il faudrait dans ce cas que le rover puisse déployer un plateau, libre de tout instrument et d’une surface suffisante, pour servir de plate-forme d’atterrissage, de rechargement en énergie et éventuellement de récepteur d’échantillons. Mais la NASA s’oriente peut-être vers « autre chose », comme un drone du genre Dragonfly (celui qui doit se poser sur Titan). C’est une autre histoire !

Illustration de titre : Ingenuity en vol, vue d’artiste, crédit NASA/JPL-Caltech.

lien vers la vidéo de l’entomoptère de Robert Michelson :

https://vimeo.com/72162496

PS1 : La NASA a annoncé ce 21 avril que l’instrument MOXIE embarqué sur Perseverance avait fonctionné. Il a extrait de l’oxygène de l’atmosphère de gaz carbonique de Mars (MOXIE est l’acronyme de « Mars Oxygen In-situ resources Experiment »; il a été conçu et réalisé par le MIT).

PS2: Première photo (crédit NASA) du 3ème vol (Dimanche 25 avril). Il s’agissait cette fois-ci, non plus seulement de décoller puis d’atterrir, mais aussi de parcourir une certaine distance en ligne droite au dessus du sol (50 mètres). Mission réussie! La vitesse était de 2 mètres par seconde.

 

Never say never. Debriefing de mon débat avec Sylvia Ekström sur Swissinfo

Lors de mon débat du jeudi 15 avril sur Swissinfo avec Sylvia Ekström, je me suis heurté au même mur que celui que j’avais rencontré lors de mes échanges précédents. Sylvia Ekström prétend qu’on ne peut pas prévoir de vivre sur Mars puisque nous sommes les fruits de la Terre et que cette planète n’est pas la Terre. Dont acte !

Je pense que si tous les scientifiques raisonnaient de cette manière, nous serions restés bloqués dans nos cavernes ancestrales.

Il y a des dangers incontestables à traverser l’Océan quand les moyens technologiques sont balbutiants. C’était vrai au milieu du 15ème siècle, ce l’est toujours aujourd’hui, parlant de l’Océan spatial, à cause principalement des radiations (le scorbut des temps anciens). Qui dit « danger » pense « risque ». Oui il y aura des accidents et des morts lors des premières traversées mais la mort fait partie de la vie puisqu’elle la conclut. Le plus grave serait qu’elle ne serve à rien mais si le risque est pris en connaissance de cause et accepté librement, alors il faut le prendre.

Si l’on refuse ce principe, on renonce à beaucoup de chose. On renonce à escalader les montagnes, à tenter Solar-impulse (Bertrand Piccard) ou Solarstratos (Roland Loos); on renonce aussi bien aux protocoles médicaux dans les hôpitaux proposés à titre expérimental aux grands malades. On renonce d’une manière générale à tenter ce qu’on n’a jamais encore tenté. Je le dis franchement, ce monde-là ne m’intéresse pas. Je veux un monde tourné vers « le nouveau », ce qu’on n’a jamais fait, ce qui peut réussir parce qu’on a de bonnes chances d’y parvenir ou ce pourquoi on a seulement quelques chances de réussir mais dont la réussite présenterait de tels avantages ou un tel intérêt, que moralement nous nous sentons obligés de le faire ou que nous avons vraiment envie de le faire.

Parmi les sujets abordés lors de notre débat, le plus important à mes yeux est celui des radiations. On doit reconnaître que le risque qu’elles représentent est sérieux. Sylvia Ekström s’arrête là ; pour elle les radiations sont un « show-stopper » De mon côté je m’intéresse aux solutions pour surmonter ou contourner leur risque. Dans cet esprit, il faut bien distinguer d’une part, les types de radiations et d’autre part, celles qui sont reçues pendant le séjour ou reçues pendant le voyage.

Voyons le premier point : les radiations sont principalement de cinq types : (1) les rayonnements électromagnétiques de longueurs d’onde moyenne et grande ; (2) les SeP (Solar energetic Particles) qui sont des noyaux d’hydrogène, donc des protons ; (3) les GCR (Galactic Cosmic Rays) d’hydrogène ou d’hélium ; (4) les rayonnements électromagnétiques de très courtes longueurs d’ondes (rayons X et gamma) ; (5) les GCR de haute métallicité dits « HZE » (de numéro atomique « Z » élevé). On peut se protéger des premiers facilement (coque du vaisseau, vitre d’un habitat, combinaison spatiale) ; des deuxièmes et troisièmes, un peu moins bien (eau, riche en protons) car les quantités de SeP varient fortement au cours du cycle solaire (onze ans), les SPE (Solar Particle Events- tempêtes solaires) pouvant intervenir (éventuellement sous forme de CME- Coronal Mass Ejections) lorsque le Soleil est autour de son pic d’activité. C’est « autre chose » pour les quatrièmes et cinquièmes ; on s’en protège très mal car, d’une part les ondes les plus courtes passent partout, avec une forte énergie, et d’autre part les HZE ont une importante force destructrice par leur simple masse et par leurs impacts, créent des rayons gammas. Mais, contrairement aux SeP, les radiations de HZE sont constants avec toutefois une fluctuation périodique, sinusoïdale, dépendant de la force de l’activité solaire (variation pouvant être d’un facteur 2).

Voyons le second point : Sur Mars l’instrument RAD (Radiation Assessment Detector) embarqué sur Curiosity a constaté que dans le cratère Gale les radiations n’étaient pas supérieures à ce qu’elles sont à l’altitude ou évolue l’ISS autour de la Terre, avec toutefois plus de HZE puisque ces dernières ne sont pas bloquées plus haut, dans des champs magnétiques planétaires comme ceux qui enveloppent la Terre (et qui causent les Ceintures de Van Allen). Mais on peut se protéger avec une épaisseur plus ou moins importante, selon les doses de radiations que l’on est prêt à prendre, de glace d’eau martienne (protons) et de régolithe martien. Pendant le voyage, le vaisseau spatial est beaucoup plus exposé puisqu’il ne bénéficie ni de la masse de la planète en-dessous de lui, ni de l’épaisseur (faible mais non négligeable) de l’atmosphère martienne (qui bloque quand même les particules jusqu’à 100 MeV au niveau d’altitude moyen – datum) et puisque la coque d’aluminium ou d’acier ne suffit pas à arrêter les radiations particulaires (surtout les HZE). Pendant son voyage Terre-Mars qui a duré sept mois, la sonde TGO de l’ESA a estimé une dose-équivalente de 0,66 Sieverts (pour l’aller et retour). C’est beaucoup puisque, pour ne pas accroître de plus de 3% son risque de mort par cancer au cours de sa vie, l’administration américaine a recommandé de rester en dessous des doses équivalentes-suivantes (en Sieverts) :

Age 25 35 45 55
Homme 0,7 1,0 1,5 2,9
Femme 0,4 0,6 0,9 1,6

Alors que faire ? Pour Madame Ekström, rien, puisqu’il ne faut pas « y aller » ou peut-être y mener quelques missions « plus tard » mais en tout cas ne pas s’y installer. Pour moi, comme pour les autres partisans des vols habités instruits de ces sujets, et espérant que l’homme puisse vivre un jour sur Mars, il faut accepter les risques, en les limitant autant que possible. Qu’est-ce à dire ? D’abord qu’il faut voyager plutôt lors du pic d’activité solaire. Il y aura moins de HZE. Ensuite, il faut voyager le plus vite possible. On pourrait descendre à 5 mois au lieu de 7 ou 8, en abandonnant la trajectoire de « libre-retour » ou à 6 mois si on veut conserver cette dernière. Ensuite il faut utiliser au maximum l’eau et les aliments (eau) embarqués pour faire écran aux SeP. On pourrait par exemple placer les réserves d’eau et de nourriture sur la surface intérieure des quartiers d’habitation (les espaces privatifs où l’on dort et se repose) et créer au centre du vaisseau un caisson particulièrement protégé où l’on pourrait passer les quelques heures d’une tempête solaire. Ensuite il faut limiter ses voyages martiens (aller et retour) à un ou deux, maximum, dans une vie. Enfin il faudrait rester le maximum protégé en surface de Mars. Est-ce un problème ? Je ne le pense pas. Qui envisagerait, connaissant le risque que présentent les radiations, de mener une carrière de pilote sur la ligne Terre/Mars/Terre ? Qui de nos jours passe plus de 2 heures par jour en dehors de chez lui, de son bureau ou de sa voiture ? Sur Mars, on aura d’autant plus de robots qu’on aura peu d’hommes pour travailler et ces hommes seront la plupart du temps, dans leurs abris, confortablement installés, occuper à faire fonctionner et à surveiller, en direct, leurs robots à l’extérieur. On pourra fort bien se limiter à des sorties de 4 heures par jour. J’insiste sur le « en-direct », qui justifie (en dehors bien sûr des raisons non scientifiques) que l’homme aille physiquement sur Mars alors que, a contrario, ce n’est vraiment pas nécessaire sur la Lune puisqu’on peut tout voir et commander en direct depuis la Terre par robots interposés.

Après les radiations, il y a d’autres « difficultés » que Sylvia Ekström considère aussi comme des show-stopper. La deuxième en importance, me semble-t-il est qu’il n’y a aucune industrie martienne pour permettre l’utilisation des matières premières martiennes. Cela semble une évidence et je l’avais déjà remarqué mais partant de ce constat, il faut encore une fois, voir comment résoudre ce problème. Cela ne me semble pas impossible (en fait, le contraire). Il faut simplement importer de la Terre tout ce qui permettra d’utiliser les matières premières martiennes (et le faire progressivement compte tenu des capacités d’emport et du nombre réduit d’opérateurs humains sur place). Il faudra bien sûr importer une source d’énergie nucléaire et l’on commence à connaître les projets (très avancés) de Kilopower et Megapower du DoE de l’Etat fédéral américain (au LANL). Il faudra ensuite importer une machine pour accumuler du minerai de fer et une autre pour accumuler un minerai riche en silice, les deux matières parmi les plus abondantes en surface de Mars. A partir de là, en espérant qu’on trouve les additifs pour le verre et le fer (le bore a déjà été identifié), je ne vois pas pourquoi, on ne pourrait pas fondre le fer et le travailler, et couler des plaques de verre. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas pomper l’air de l’atmosphère dans un réacteur de Sabatier et produire avec de l’eau martienne (donc de l’hydrogène) du méthane et de l’oxygène. Car on trouvera de l’eau sur Mars, une des premières recommandations à donner aux personnes qui choisiront le site d’atterrissage du premier Starship, étant de se poser près d’un dépôt accessible de glace d’eau (mais je crois que tous ceux qui veulent sérieusement aller sur Mars, dont bien sûr Elon Musk, y ont déjà pensé).

Ensuite si l’on dispose d’acier, de verre, d’eau, d’oxygène, d’azote (il y en a 2% dans l’atmosphère de Mars et on peut l’extraire), de gaz carbonique, et d’autres sels et minéraux présents dans le sol de Mars, on construira des abris pour les hommes, recouverts de glace d’eau ou de régolithe, des  serres pour leurs végétaux, des bacs remplis d’eau pour leurs spirulines, leurs tilapias et leurs crevettes et, n’en déplaise à Sylvia Ekström, ces abris seront de plus en plus confortables et la nourriture de plus en plus abondante et variée, le recyclage effectué selon les principes de la boucle MELiSSA et incorporant de plus en plus d’éléments martiens, permettant une production de plus en plus importante. Par ailleurs on pratiquera l’impression 3D dans toutes ses variantes, pour obtenir toutes sortes d’objets, d’instruments, de structures, en utilisant la richesse minéralogique de la poussière martienne.

Dans ces conditions, Oui ! On pourra aller sur Mars et y vivre, dès que le Starship ou un autre vaisseau d’une puissance comparable pourra voler. Et on ne me fera jamais croire que l’homme des années 2020 serait moins capable que l’homme des années 1960 de faire un vaisseau au moins aussi puissant que le Saturn V qui a permis à l’homme d’aller sur la Lune et qui avait une capacité de placement de 140 tonnes en orbite basse terrestre. Un tel vaisseau avec le remplissage de ses réservoirs en orbite, comme il est prévu pour le Starship, pourrait déposer 100 tonnes sur le sol de Mars au lieu des 25 tonnes qu’aurait permis la Saturn V. Robert Zubrin avait bâti son projet Mars-direct sur deux vols de Saturn V (l’un robotique préparatoire et l’autre habité) emportant chacun 25 tonnes. Je suis certain que l’homme ira sur Mars. Comme je l’ai dit lors du Débat, j’ai noté Mai 2031 pour le grand départ (après un vol robotique d’essai en janvier 2027 qui reviendra sur Terre en juillet 2029, un peu trop tard pour risquer la fenêtre de lancements de Mars 2029). Et en Novembre 2031, les premiers hommes, deux groupes de quatre personnes (deux couples d’homme et de femme de plus de 50 ans dont deux médecins), dans deux vaisseaux identiques (redondance !) descendront, pour la première fois sur le sol de Mars. Ils seront certes affaiblis par le voyage mais, portés par leurs exosquelettes encore pour quelques jours, ils seront heureux et fiers de leur performance. Inscrivez la date dans vos agendas !

Illustration de titre : vue d’artiste d’un Starship atterrissant sur Mars. (SpaceX Illustration).

Dernière minute: La NASA a choisi SpaceX pour aller sur la Lune. Cela va indirectement “booster” (comme on dit en bon Franglais) la réalisation du Starship, même si l’association de son HLS (Human Landing System) avec le SLS de Boeing/ULA semble pour le moins baroque. Lien:

https://www.nasa.gov/press-release/as-artemis-moves-forward-nasa-picks-spacex-to-land-next-americans-on-moon

 

Avis de tempête sur les blogs! Bis

Je me joins à Suzette Sandoz pour exprimer mon désarroi et celui de mes lecteurs.

Il y a, depuis quelques jours (sans doute le 7 avril), un problème technique d’accès à certains (au moins deux) blogs. Je ne doute pas que les techniciens du Temps, connaisseurs des systèmes de communication Internet, parviendront à le résoudre.
J’aimerais évidemment qu’ils y parviennent rapidement.

Ce matin, 15 avril, les communications sont rétablies! Merci aux techniciens du Temps.

J’ai eu l’impression pendant “quelques jours” de me retrouver sur Mars, pendant la période de conjonction, c’est à dire pendant les “quelques jours” ou Le Soleil se trouve entre Mars et la Terre et que par conséquent les communications entre les deux planètes sont impossibles.

Pour être plus précis, cette rupture se produira tous les 26 mois cela sera le cas “au début” seulement car une fois l’homme installé, on positionnera à bonne distance de la ligne joignant les trois astres (sans doute au point de Lagrange martien 4 ou 5) un satellite relais permettant quand même une communication. Pendant ces périodes la distance à franchir pour les ondes sera encore plus grande (environ 500 millions de km au lieu de 400 millions) et donc le décalage de temps encore plus long, de l’ordre de 27 minutes au lieu de 23. Mais l’investissement ne se justifiera qu’une fois qu’il sera nécessaire de maintenir un contact permanent entre les deux planètes.

Demain, l’homme vivra-t-il ou non sur Mars ? Le débat sur Swissinfo

Le 15 avril, de 16h30 à 17h30, Swissinfo nous a invités, Sylvia Ekström et moi-même, à débattre sur la possibilité pour l’homme de vivre sur Mars. Il y aura ensuite (17h30 à 18h00) un échange entre nous et les auditeurs / téléspectateurs. Mes lecteurs sont invités à participer, en se rendant sur le site de Swissinfo.ch (voir liens ci-dessous).

Ce sont vraiment deux philosophies de la vie qui vont s’affronter. D’un côté celle de Mme Ekström, exposée dans son livre « Nous ne vivrons pas sur Mars, ni ailleurs », bien ancrée dans le sol terrestre et dont la réalité est strictement limitée à ce qui existe ou qui a été prouvée comme possible. De l’autre côté la mienne, développée depuis cinq ans au fil des 300 articles de ce blog, qui s’autorise à regarder vers l’horizon, au-delà de ce que l’on peut toucher ou observer, en tentant d’anticiper les « TRL* » futurs pour toutes les technologies nécessaires. Pour moi, il n’est pas, au point où nous en sommes aujourd’hui, nécessaire d’attendre que toutes ces technologies aient atteint leur niveau « 9 » pour estimer que la probabilité que l’homme puisse vivre « sur Mars et ailleurs » est très élevée.

*TRL : Technology Readyness Level, échelle de mesure (de 1 à 9) employé pour évaluer le niveau de maturité d’une technologie.

Je crois à la Science et au Progrès et à la capacité infinie de l’homme à contrôler son environnement et à s’y adapter. La progression n’est pas linéaire. Il y a des essais et des échecs, des tentatives et des abandons mais il y a surtout des succès et des avancées éblouissantes. Maintenant je ne suis pas naïf et je sais que certains « moments » sont difficiles, notamment le nôtre qui se situe à la fin d’une période d’explosion démographique et de développement industriel rapide qui créent de fortes tensions sur l’environnement. Mais, contrairement à ce qu’affirment certains scientifiques qui « ont le nez sur le guidon » ou les écologistes-radicaux, de plus en plus bruyants de nos jours, je crois l’homme, être conscient et intelligent, capable d’évoluer, capable de savoir jusqu’où il peut aller, capable de sauvegarder ce qui lui permet de vivre car il est désireux, ardemment, comme toute espèce vivante, de perpétuer sa propre vie. En fait, pour moi, tout est question d’inertie et de temps. Lorsqu’un déséquilibre se crée, une synchronisation avec l’environnement devient indispensable et inévitable mais, en attendant que cette synchronisation s’effectue, le déséquilibre persiste. Dans ces conditions, la question qui se pose à nous est la suivante : les espèces vivantes, dont l’homme armé de sa capacité technologique, auront-elles le temps de s’adapter (pour l’homme, d’ajuster sa croissance démographique et ses capacités technologiques à son profit) ? J’ai confiance en nos capacités technologiques et en notre intelligence.

Comme je l’ai écrit, je pense que le rôle de la Science et de l’Ingénierie qui l’accompagne et qui la permet, n’est pas seulement d’utiliser l’existant, mais de construire à partir de lui ce qui n’existe pas encore. Il peut s’agir de continuité, faire mieux ce qu’on faisait avant, ou il peut s’agir de rupture, faire quelque chose de différent mais qui puise quand même ses éléments dans l’existant. La spectroscopie est une rupture mais elle a utilisé à partir de la seconde partie du 19ème siècle (Pietro Angelo Secchi) la découverte qu’avait fait Newton (dans la seconde partie du 17ème siècle) de la décomposition de la lumière par le prisme. La théorie des fusées de Constantin Tsiolkovski est aussi une rupture mais elle fait suite aux travaux du mathématicien Williams Moore, eux-mêmes fondés sur ceux, du grand Newton (encore lui !), dont la troisième loi exprime le principe d’action/réaction.

Je pense que dans le domaine de l’astronautique (et donc de la conquête de Mars) nous nous trouvons actuellement dans une situation comparable. D’un côté certains voient toujours cette science comme celle qui permet de se déplacer dans l’espace avec retour nécessaire sur Terre, d’autres comme un instrument qui permet d’aller ailleurs, non pas seulement pour y séjourner mais pour y demeurer. Grâce à l’évolution de notre technologie, la Terre n’a plus vocation à rester le « centre du monde » mais certains, demeurés dans l’ancienne logique déterminée par les anciennes contraintes, ne s’en sont pas encore aperçus ou plutôt pensent que ce changement copernicien est impossible puisqu’il n’en était pas question jusqu’à présent et qu’ils se trouvent bien dans le confort (relatif) de leur environnement actuel ou se tournent avec nostalgie vers le passé impossible à retrouver.

Alors bien sûr, tout n’est pas déjà complètement opérationnel. Le Starship d’Elon Musk ne fonctionne pas encore (mais tout a commencé en 2017 !). Mais une fois qu’il fonctionnera ou que le Nautilus des ingénieurs Mark Holderman et Edward Anderson (proposé en 2011, dans le cadre de la NASA) fonctionnera, l’homme ira sur Mars et une fois sur Mars, il y restera. Il y restera parce que ce sera plus facile et agréable pour y vivre de construire des abris confortables que de rester sous la coiffe d’une fusée et parce que de toute façon les séjours seront longs (18 mois, quoi qu’il arrive). Il y restera parce que les investissements nécessaires pour faire fonctionner le support vie, justifieront qu’une petite équipe le maintienne opérationnel d’un cycle de mission à l’autre. Il y restera parce qu’il y aura toujours plus à faire sur ce nouveau monde et que les hommes qui iront sur Mars auront de moins en moins envie de revenir sur Terre.

Et un jour il naîtra des enfants sur Mars. Alors l’homme aura prouvé qu’il aura réussi sa synchronisation avec ce Nouveau Monde que certains appellent, moins joliment et le plus souvent pour le dénigrer, notre « Planète-B ».

https://www.swissinfo.ch/fre/des-humains-sur-mars–parlons-en-avec-vous—et-avec-des-experts/46440388

N’oubliez pas de vous inscrire pour participer via ZOOM :

https://us02web.zoom.us/webinar/register/WN_IuEU2t7BS0a2i1AuHRlE5Q

Illustration de titre :

Hommes contemplant le Soleil se lever au-dessus de Valles Marineris. Illustration de l’artiste portugais Tiago da Silva. Crédit Tiago da Silva.

PS: en ce soixantième anniversaire du vol de Youri Gagarine (12 avril 1961), je voudrais souligner le contraste entre l’enthousiasme de l’époque pour les vols spatiaux et les dénigrements dont certains (qu’on entend hélas beaucoup!) les accablent aujourd’hui. Je regrette évidemment cette évolution et j’espère que la peur du risque et le refus des grands espaces qui à la fois habitent et inhibent une partie importante de nos contemporains, n’est que temporaire. Il en va de notre avenir. La peur et le repli sur soi sont les précurseurs du dépérissement et de la mort.

Pour (re)trouver dans ce blog un autre article sur un sujet qui vous intéresse, cliquez sur :

Index L’appel de Mars 21 04 08

Après demain l’homme vivra sur Mars…et il pourra y être heureux !

J’ai parlé du voyage, je vais aborder le séjour sur Mars. Nos contradicteurs (Sylvia Ekström et son mari Javier Nombela) pensent que le support vie sera trop difficile à assurer, que les radiations resteront un risque rédhibitoire, que le risque médical ne peut être accepté, que le confinement sera insupportable, que les sorties à l’extérieur des habitats seront trop compliquées et inconfortables et que le risque de ne pas pouvoir revenir sur Terre est trop important. Ce n’est évidemment pas ce que je pense.

La différence entre la Lune ou l’ISS c’est que sur Mars, outre que les minéraux y sont plus diversifiés que sur la Lune, on pourra disposer de toutes les ressources atmosphériques de la planète (beaucoup de CO2, un peu d’azote) et surtout on pourra disposer d’eau (il n’y en a pratiquement pas sur la Lune). On choisira d’ailleurs le site d’atterrissage en fonction de l’accessibilité de glace d’eau en quantité suffisante. On minera cette glace, on la transportera à l’état solide par rover à la base et on la fera se sublimer dans une serre, à l’intérieur de laquelle l’on fera remonter progressivement la température et la pression.

Pour ce qui est de la nourriture, lors des deux premières missions, on commencera, dans des bacs fabriqués par impression 3D avec des matières premières martiennes, la culture des plantes, des algues spirulines (pour leur rejet métabolique d’oxygène et leurs protéines assimilables par le corps) et l’élevage des poissons ou des crevettes. Les plantes supérieures seront cultivées par hydroponie pour ne pas gâcher les nutriments importés (mais qui seront ensuite de plus en plus produits sur place) et pour ne pas risquer la contamination par les perchlorates du sol martien (contrairement à ce qu’on voit dans le film « Seul sur Mars »). Par sécurité (pour les deux ou trois premières missions seulement), les aliments nécessaires à la survie seront toutefois importés en totalité pour les 30 mois d’absence, lyophilisés ou congelés, avec les compléments alimentaires nécessaires pour pallier les carences.

Pour ce qui est du recyclage de l’eau, des gaz atmosphériques respirables, des matières organiques, je fais confiance aux ingénieurs des équipes de MELiSSA (ESA/ESTEC) qui parviennent aujourd’hui à des résultats spectaculaires dans leurs réacteurs biologiques. Le recyclage ne sera pas total car la « boucle » ne sera pas fermée (le sera-t-elle jamais ?) mais l’avantage de se trouver sur une planète plutôt que dans un vaisseau spatial, c’est qu’on pourra se réapprovisionner en matières premières (le CO2 ou le N2 de l’atmosphère, l’eau, les sels, les métaux, le souffre, etc…). Avec l’énergie importée, on pourra transformer « beaucoup » et au moins « suffisamment ».

Il faudra se protéger des radiations mais elles seront (mesures RAD dans le cratère Gale) de moitié celles qui existent dans l’espace profond et on pourra mieux le faire puisqu’on sera dans un environnement planétaire. On ne sortira des abris qu’en cas de nécessité, pour en limiter les doses. Et dans le même esprit on utilisera autant que possible la glace d’eau (sac de glace, épais de 20 à 40 cm, servant de « pare-soleil » antiradiations devant les hublots/fenêtres des habitats) ou le régolithe (1 à 2 mètres) pour couvrir les toits, à moins que l’on trouve des cavernes aménageables. En attendant que les habitats construits en matériaux martiens soient disponibles, les astronautes resteront dans leur vaisseau spatial. Lorsqu’ils seront construits on disposera d’espaces privés aussi bien que d’espaces sociaux (dômes en verre et acier possibles jusqu’à 20 mètres de diamètre). Il n’y a aucune raison de ne pas utiliser les matières premières martiennes pour bâtir et il n’y a aucune raison de ne pas utiliser la silice martienne pour poser des hublots plus ou moins grands pour laisser passer la lumière (on se protégera des radiations avec de la glace d’eau ou des métaux lourds incorporés dans la pâte de verre).

Le risque médical est incontestable. Il y aura un ou plutôt, deux médecins parmi les astronautes (même s’ils ne sont que quatre) tant la survie de tous sera importante. Ces médecins pourront recourir à tout moment (malheureusement avec un décalage de temps) aux conseils de leurs confrères terrestres. Les médicaments importés de la Terre seront évidemment limités en quantité et en variété. Il faudra donc bien les choisir et espérer qu’ils couvriront les besoins. Il faudra certainement pratiquer quelques opérations chirurgicales et « faire avec les moyens du bord », en espérant que ces besoins ne soient pas trop graves (mais personne ne prétend que ces missions seront sans risque). A noter que sur place on pourra fabriquer toutes sortes d’instruments avec des imprimantes 3D utilisant les ressources minérales martiennes ou les éléments chimiques contenus dans l’eau ou les gaz atmosphériques.

Les sorties seront donc plus rares que sur Terre mais que l’on ne me dise pas que les résidents martiens souffriront d’enfermement sur une planète dont la surface accessible est égale à la totalité de celle de nos continents terrestres. De nos jours, qui sort de chez soi ou de son lieu de travail plus de quelques petites heures par jour, hormis bien sûr pour certains travaux « physiques » qui sur Mars pourront être largement robotisés ?

Quand on sortira, on portera des combinaisons à contre-pression mécanique (« bio-suit », en développement au MIT sous la direction de Dava Newman, la directrice du « Media Lab ») car il est vrai qu’il vaudra mieux éviter les scaphandres pressurisés à cause de leur rigidité. A noter qu’on devrait viabiliser les habitats avec une pression réduite pour éviter les trop grands écarts entre intérieur et extérieur (et donc les tensions sur les structures des habitats). Une pression de 50.000 pascals qui implique un pourcentage double d’oxygène pour les besoins humains (42%) devrait être acceptable.

La poussière, du moins celle constituée de grains à petite taille, est encore un problème. C’est non seulement parce que l’irradiance solaire est faible pendant l’hiver australe (le dégel semble être à l’origine des tempêtes planétaires périodiques, sérieuses tous les 3 ans martiens) mais aussi parce qu’il y a une atmosphère et pas d’eau liquide en surface. Cependant il ne faut pas exagérer. La poussière en suspension est quantitativement peu importante en « temps normal ». On le voit sur les photos prises par le rover Curiosity dans le cratère Gale qui permettent de voir nettement les murs du cratère dont il est distant de plusieurs dizaines de km. Donc il faudra effectivement repousser fréquemment la poussière par souffleur, de tous les équipements mobiles et des surfaces risquant de souffrir de l’abrasion. Mais ces poussières sont moins acérées que sur la Lune car il y a eu érosion sur Mars, ne serait-ce qu’éolienne. Si certaines poussières sont agressives c’est surtout du fait de leur taille et de ce qu’en raison de la sécheresse, elles ont tendances à coller. Un traitement anti-électrostatique des surfaces pourrait être utile.

Le retour sur Terre se fera avec des réservoirs remplis d’ergols (CH4 et O2) obtenus sur Mars à partir du CO2 de l’atmosphère et de l’eau locale, par réaction de Sabatier. Ce n’est pas une difficulté majeure comme l’écrit Madame Ekström. La réaction est connue, peu consommatrice d’énergie. Un seul problème à résoudre, c’est le dépoussiérage de l’air qu’il faudra concentrer par aspiration mais personne ne dit que ce sera rédhibitoire. Les réserves seront constituées au cours des 18 mois suivant l’arrivée du Starship sur Mars et donc avant l’envoi du premier vol habité qui ne partira, 26 mois après le lancement robotique précédent, qu’une fois constaté que les ergols nécessaires sont bien stockés.

L’énergie ne pourra être, raisonnablement, que d’origine nucléaire (Krusty ou Megapower quand le développement de ce dernier réacteur sera finalisé par le LANL). De tels réacteurs utilisant l’Uranium 235 ne sont pas dangereux tant que la réaction n’est pas déclenchée. Elle est ensuite pilotable/maitrisable par des réflecteurs en alumine ou en oxyde de béryllium et des barres d’arrêt en carbure de bore (puissant absorbeur de neutrons) mais d’abord par le simple fonctionnement des réacteurs. La demande d’énergie génère l’évacuation de la chaleur par des tuyaux caloporteurs remplis de sodium ou de potassium, vers des moteurs Stirling. Enfin, par sécurité, il est prévu un dispositif d’évacuation de chaleur résiduelle (par les mêmes tuyaux). Il ne faut pas que l’opinion publique soit paniquée à chaque fois que l’on parle de nucléaire. Il n’y a pas ici d’interdit religieux.

Enfin la motivation. Chez nos contradicteurs la question est « pourquoi se donner tout ce mal et prendre tous ces risques ? ». En réalité la question a le sens d’une affirmation : « ça ne vaut pas la peine de prendre tous ces risques ». Je pense tout le contraire. La recherche visant à trouver les solutions pour vivre sur Mars aura des retombées positives pour une vie sur Terre moins gaspilleuse et plus efficace sur le plan énergétique et technologique. Une présence humaine sur Mars rendrait la recherche scientifique beaucoup plus efficace (difficile à un robot de dire « donnez-moi un point d’appui et je soulèverai le monde »).

Surmonter des difficultés, résoudre des problèmes est en soi une récompense. Albert Camus envisageait Sisyphe heureux. Il y a toujours « de ça » dans l’accomplissement d’un travail. Mais la vie de Sisyphe « n’était quand même pas très drôle ». Je pense que sur Mars il y aura d’autres satisfactions que celle de rouler un rocher, tout comme sur Terre (et partout) l’ingéniosité et le travail peuvent en procurer : dominer la nature tout en s’y adaptant, obtenir une vie plus confortable, avoir accès à des activités plus diversifiées et plus enrichissantes intellectuellement, pour soi-même et pour les siens. Considérez un canapé, le plaisir n’est pas de s’y vautrer à longueur de journée en se lamentant sur les malheurs du monde mais de pouvoir s’y assoir pour « se détendre » pour discuter ou avec un bon livre, une fois qu’on s’est bien fatigué physiquement ou intellectuellement. Enfin oui, je l’assume, je pense que répondre à l’appel de Mars c’est aussi « émotionnellement » répondre aux pulsions d’aventure et de curiosité qui habitent tout homme. Il n’y a aucune raison que ceux qui pourront se l’offrir ou ceux à qui on paiera le voyage parce qu’on aura besoin d’eux sur place en raison de leurs compétences, ne répondent pas positivement à cet appel, animés par cette motivation.

Pour terminer, que ceux qui pensent que notre civilisation est immortelle prennent le temps de sortir de leurs préoccupations quotidiennes pour réfléchir un peu plus que d’habitude. Les causes qui pourraient y mettre fin sont nombreuses et faciles à trouver (surpopulation, maladies, guerres, idéologies destructrices). Si l’implantation sur Mars « prend », nous aurons bel et bien une planète-B c’est-à-dire une chance parallèle pour l’humanité et un conservatoire pour notre civilisation.

A la lecture de ce texte, certains diront que j’ai réponse à tout. Je voudrais surtout montrer qu’à un problème il faut chercher une solution plutôt que de déclarer forfait sans essayer. Je ne dirais pas simplement comme Elon Musk « when there is the will, there is a way » qui peut paraître trop présomptueux mais “when there is the will, there can be a way” ou encore (une sorte d’anti-proverbe qui confirme le proverbe) “when there is no will, there is no way” car il y a bien sûr un parti pris négatif dans le discours de Madame Ekström.

Illustration de titre : Un vaisseau spatial pénètre dans l’atmosphère de Mars au-dessus de Valles Marineris. Crédit William Black (2015). Imaginez-vous dans ce cadre, pour moi un moment de pure beauté et de rêve !

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