Une bonne organisation financière, élément essentiel pour lancer une première colonie sur Mars

Le choc-déclencheur que serait la concrétisation du MCT* d’Elon Musk pourrait amener les personnes intéressées par l’aventure d’une colonie sur Mars à s’organiser autour des entités suivantes pour rassembler les sommes nécessaires à l’investissement :

*MCT, Mars Colonization Transport = Big Falcon Rocket (lanceur) + Starship (vaisseau spatial).

– un groupe d’agences spatiales qui, sur la base des disponibilités de leurs budgets pluriannuels, cofinanceraient le développement des vecteurs de transport et des équipements nécessaires à la Colonie, dans le cadre de la société d’exploitation de la Colonie (“la Compagnie”). Elles feraient partie des principaux actionnaires de cette Compagnie.

– une « Fondation de Mars » (la « Fondation ») créée avec les dons de grands entrepreneurs souhaitant que leur réussite permette la colonisation de Mars (Elon Musk, Jeff Bezos, Bigelow, Larry Page?); elle ferait partie des principaux actionnaires de la Compagnie aux côtés des Agences-spatiales;

– Une société d’exploitation (“la Compagnie”), qu’on pourrait appeler la « Compagnie des Nouvelles Indes» (pour faire un petit clin d’œil à l’Histoire !), créée pour exploiter, gérer, entretenir et développer la Colonie. Ses principaux actionnaires (les Agences-spatiales et la Fondation) prendront dès que possible l’initiative de lancer un appel public à l’épargne afin de lever davantage de capital (point d’entrée pour le public souhaitant participer à l’aventure martienne).

En cas de besoin et en fonction de ses perspectives de rentabilité, la Compagnie pourrait également lancer un ou plusieurs emprunts avec différents niveaux de séniorité pour les droits à remboursement, des durées différentes, des délais de grâce différents et donc des taux d’intérêt différents. Ces emprunts pourraient être lancés après que les dépenses initiales aient été faites sur fonds propres, à hauteur d’un pourcentage suffisant pour entraîner la confiance. Ils pourraient bénéficier de la garantie des Agences-spatiales et / ou de la Fondation.

– des fournisseurs industriels qui, motivés par l’intérêt de leur présence sur ce nouveau marché pour démontrer leur savoir-faire, accepteraient de participer au financement de leurs équipements dans le cadre de leurs contrats.

– le public, investisseurs privés du monde entier, en tant qu’actionnaires et prêteurs de la Compagnie.

-une banque, la « Banque de l’Espace », dédiée au financement du projet. Cette Banque pourrait aider à organiser/structurer les financements, ouvrir à la Compagnie un accès direct au marché financier et servir de « faiseur de marché » pour son action. Ses actionnaires seraient d’abord les mêmes que ceux de la Compagnie, des Agences-spatiales et de la Fondation, mais la Banque pourrait également lever des capitaux sur les marchés du monde entier pour elle-même ou pour le projet. Elle pourrait aussi structurer et lancer les emprunts nécessaires à des financements complémentaires (ou participer à des pools de financement organisés par d’autres institutions financières). Elle pourrait enfin préfinancer le coût des voyages et des séjours des candidats au séjour sur Mars ayant obtenu l’agrément de la Compagnie et/ou le soutien de la Fondation, en mobilisant une partie des revenus espérés du fait du séjour financé (ou de la suite de ce séjour).

– une Compagnie d’assurance, la « Compagnie d’assurance spatiale », compte tenu de la nature très particulière des risques encourus. Son expertise du contexte martien permettrait la mobilisation de certains crédits et cela donnerait aux développeurs du projet un accès direct à diverses capacités de réassurance dans le monde. Ses principaux actionnaires pourraient être la Fondation et les Agences spatiales.

Cette structure pourrait permettre de lever les fonds suffisants, comme exposé ci-après :

Dans la continuité de ce qu’on a connu pendant la période de construction de l’ISS (la Station Spatiale Internationale), on peut raisonnablement s’attendre pour la Colonie à des besoins initiaux de 5 à 8 milliards de dollars par an (plus au début, moins vers la fin), sur une période de 8 ans (donc environ 50 milliards de dollars) ce qui est un montant tout à fait réaliste tant au point de vue des capacités d’une telle structure financière, que des besoins pour construire une telle base. La structure pourrait articuler comme suit la contribution des éléments de cette somme :

Agences spatiales: Elles pourraient facilement apporter 5 ou 6 milliards de dollars par an tout en restant très actives dans les autres domaines. Rappelons que le budget de la NASA est actuellement de 20 milliards de dollars par an (dont 10% pour l’exploration planétaire) et que ces 20 milliards ne représentent que 0,5% des dépenses publiques fédérales des Etats-Unis.

Fondation de Mars: la fondation Bill et Melinda Gates, dotée de 27 milliards de dollars en capitaux propres, peut être considérée comme une référence en matière de fondation (la valeur nette personnelle de Bill Gates est d’environ 95 milliards de dollars). Les moyens personnels d’Elon Musk sont plus limités (actuellement « seulement » 22 milliards de dollars) mais s’il parvient à réaliser ses ambitions d’entrepreneur, son potentiel serait évidemment beaucoup plus important. On peut imaginer qu’un ou plusieurs autres méga-entrepreneurs se joignent à lui (Jeff Bezos à une fortune évaluée à 138 milliards). La Fondation de Mars richement dotée par ces grands capitalistes, pourrait mettre à disposition du projet un montant équivalent à celui des Agences. Elle utiliserait une partie de ses fonds sous forme de capital (à injecter dans la société d’exploitation de la Colonie) et à titre de garantie (en faveur des fournisseurs de la Compagnie). Tout ne serait pas dépensé au même moment et le solde, rendu productif en tant qu’actif financier (placé sous le contrôle de gestionnaires compétents), pourrait générer un rendement intéressant (5% ?) en attendant d’être utilisé.

La Compagnie et le public : Ici le montant des capitaux susceptibles d’être levés sur le marché (en plus des actions achetées par les Agences et la Fondation, et des actions acquises par les partenaires industriels) dépendra des premières performances : réalisation des premières infrastructures, progression des ventes de séjours, progression des premières exportations martiennes vers la Terre, progression de la Compagnie vers le seuil de rentabilité, progression ensuite des bénéfices) que les analystes financiers évalueront et mettront en valeur. Si nous parions (raisonnablement) sur l’intérêt du public, les premières réalisations concrètes et les perspectives de développement élevées (bien que risquées), il semble que sans attendre 20 ans après le début de l’installation de la première base, une introduction sur le marché (« IPO », « Initial Public Offering ») des actions de la Compagnie (pari sur la rentabilité prévue) pourrait être tentée quelques années seulement après le début du projet (par exemple dès le début de la construction de la base). On pourrait en espérer sans trop de difficultés 2 à 5 milliards. Nous pouvons également espérer que la Fondation abonde (1 pour 1) le montant des fonds recueillis auprès du public, ce qui serait un moyen de renforcer la confiance et ainsi de faciliter la collecte de fonds.

Partenaires industriels: cette contribution restera à un niveau limité. En effet, même en supposant un total de contrats de 25 milliards de dollars (hors MCT) et une réserve de propriété de 10% sur la totalité, elle n’atteindrait que 2,5 milliards de dollars sur la durée du programme mais ce serait donner un signe de confiance (la réserve de propriété pourrait être payée avec des options d’achat d’actions dans la société exploitante) profitable pour le succès du placement de capital auprès du public. A côté de la réserve de propriété, les partenaires industrielles pourraient aussi vendre leurs équipements (véhicules, imprimantes 3D) en leasing ou les louer.

Si on les additionne, les montants ci-dessus dépassent les besoins. Il vaut mieux évidemment « prévoir plus large » car tous les espoirs peuvent ne pas se réaliser ou se réaliser en même temps, les défaillances sont toujours possibles ou on peut préférer recourir le moment venu à un financement plutôt qu’à un autre. Lorsqu’une entreprise organise ses financements, elle procède toujours ainsi, avec une gamme de possibilités et des back-up. Cette sécurité vaut bien les frais d’organisations ou d’engagements qu’elle génère.

Nous attendons donc le « choc-déclencheur ». Après cela, c’est-à-dire si effectivement Elon Musk réussit son pari technologique de mise en service de MCT, « tout » deviendra possible, c’est-à-dire que nous aurons atteint un nouveau plateau de faisabilité sur la base duquel le projet sera vraiment crédible sur le plan technologique et organisable sur le plan financier. La première étape sera une série de missions habitées utilisant ce vecteur de transport. La suite, le début d’une implantation pérenne, dépendra du désir de suffisamment de personnes riches et d’institutions d’une part, et de l’attractivité de ce que les promoteurs de la Colonie seront capables de leur proposer, d’autre part.

Image à la Une: Mars, Base Alpha, conception Elon Musk (crédit Elon Musk/SpaceX). Des starships sur leur pas de tir, près au retour sur Terre après 18 mois de séjour sur Mars.

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Index L’appel de Mars 16 02 19

 

Nous pouvons répondre au défi posé par le financement du lancement d’une colonie sur Mars

En dépit de ce que beaucoup pensent, le financement d’une première implantation humaine sur Mars est possible. Voyons d’abord les besoins et le contexte.

Il faut envisager un investissement d’environ 50 milliards de dollars sur 20 ans, dont la majeure partie devra être dépensée au cours des 8 années précédant la phase d’installation proprement dite de la Colonie (donc 20 ans = 8 + 12); ces premières dépenses étant destinées à la finalisation et à la construction des transporteurs, à l’importation des premiers capteurs ou générateurs d’énergie, des équipements de chantiers, à la construction de l’astroport, à la construction des premières infrastructures (habitats et salles de travail ou de réunions viabilisées, serres, informatique et systèmes de communication), à l’importation des véhicules de transport planétaire et à la rémunération du personnel qualifié. Par ailleurs le coût d’un séjour avec transport aller et retour (30 mois) est estimé à environ 5* millions de dollars (après les premières missions d’installation). Le rapprochement des deux chiffres (50 milliards et 5 millions) montre clairement que l’amortissement des dépenses d’infrastructure (frais fixes) est exclu pendant une longue période de grâce que nous fixons par hypothèse à 20 ans. Cette durée est choisie parce qu’elle est compatible avec la durée de la vie humaine (il n’est guère possible de demander à qui que ce soit d’attendre plus de 30 ans (environ 8 + 20) un retour sur investissement) et parce qu’au bout de 6 séries de missions (chacune espacée de 26 mois en raison des contraintes de la mécanique céleste) dédiées à la construction d’une première base, on devrait disposer d’installations suffisantes pour commencer** une exploitation commerciale pouvant “traiter” une population d’un millier d’habitants (chiffre indicatif, vraisemblable compte tenu de nos moyens technologiques) dont un peu moins de la moitié, payants. Les revenus que dégagera la vente de résidence et de services à ces hôtes-payants de la Colonie ne pourra servir pendant cette période, qu’à payer les frais variables (le coût généré par leur présence et le fonctionnement de la base). Le problème se pose donc (1) de la possibilité d’absorption de l’amortissement des installations fixes après 30 ans (elle sera fonction en partie de l’importance des frais d’entretien), (2) de l’acceptabilité d’une longue période de grâce par les financiers, (3) des perspectives de capacités de paiement de dividendes par la suite (puisqu’il faut que les investisseurs aient, un jour, un retour sur leur investissement).

*Ceci est un ordre d’idée ; dans la réalité, avec les technologies d’aujourd’hui, la probabilité de ce montant est forte. S’il n’est que de 4 millions nous serions évidemment heureux. A noter que ce n’est « rien » à côté de ce que coûte aujourd’hui un séjour dans l’ISS (plus de 50 millions) mais il faut voir que pour une colonie l’on vise une population nettement plus importante et qui doit se renouveler tous les 26 mois.

**En fait l’exploitation commerciale devrait pouvoir commencer pendant la période initiale de construction de la base mais elle se fera à un rythme évidemment très faible au début du fait de capacités d’accueil très réduites. Par ailleurs, après le démarrage, en vitesse de croisière, la construction continuera et probablement à un rythme élevé (cela dépendra du succès du lancement) mais la capacité d’accueil sera simplement devenue suffisante et les conditions d’accueil bien meilleures qu’au début.    

Le montant de l’investissement s’obtient, comme indiqué, en prenant en compte le coût du vecteur de transport et le transport lui-même, le coût des biens et équipements importés et le coût du fonctionnement de la Colonie avec du personnel ultra-qualifié. On peut noter les éléments constitutifs suivants 1 :

(1) le coût de développement et de qualification du vaisseau* et de son équipement. En supposant un programme de 8 ans au prix de 5 milliards de dollars par an, on pourrait avoir besoin de 40 milliards de dollars mais, en fonction de l’avancement de la réalisation de ce programme avant la décision d’entreprendre le projet de Colonie, le montant devrait être moins important (20 milliards ?) ;

*Plusieurs possibilités : Mars Colonization Transport, « MCT » (soit Big Falcon Rocket et Starship) d’Elon Musk ou Blue Origin de Jeff Bezos et aussi, peut-être, SLS de la NASA. Le MCT est le plus probable.

(2) le coût de production de 16 MCT (ou équivalents) requis pour la période de démarrage (6 interplanétaires, 3 pétroliers pour le ravitaillement en carburant en orbite basse terrestre, 1 en réserve), soit environ 16 milliards de dollars (rappelons qu’un Airbus A380 avait un prix “de catalogue” de 435 millions); NB: nous n’aurions besoin que de 10 MCT si nous pouvions faire revenir les 6 MCT d’un cycle avant que les 6 du cycle suivant puissent partir mais il semble aujourd’hui très difficile (pour ne pas dire impossible) de faire des voyages Terre/Mars ou Mars/Terre en moins de 3 mois;

(3) le coût de la construction des premières structures habitables sur Mars et de l’exploitation des équipements importés, ainsi que le coût de la maintenance, du support vie et de la rémunération des équipes chargées de ces travaux initiaux1 (quelques 20 milliards ?)

(4) la masse totale des équipements et matériels connexes importés de Terre pour le démarrage du projet de Colonie, quelques centaines de tonnes, et le nombre de vols interplanétaires, un même nombre de « centaines ». Pour un coût estimé des charges utiles de 0,9 million USD par tonne et en supposant que 500 tonnes soient nécessaires, nous obtenons un montant de 0,45 milliard USD.

La faisabilité économique du projet à ce stade (construction d’une première base plus début d’exploitation) repose sur trois conditions : 1) que la volonté de développer un MCT (ou équivalent) conduise à des résultats tangibles, suffisamment fiables et séduisants (en particulier en ce qui concerne la réduction des coûts de transport et la sécurité) pour induire un véritable choc-déclencheur au sein de la communauté des personnes, gouvernements et sociétés intéressés par l’expansion de l’humanité dans l’espace ; (2) que le prix nécessaire pour couvrir les coûts variables (les 5 millions par personne mentionnés) soit acceptable pour que les « clients », « hôtes-payants » (les personnes candidates à passer 30 mois hors de la Terre, dont 18 mois sur Mars), se présentent en nombre suffisant à chaque fenêtre de tirs (tous les 26 mois) pour permettre une économie d’échelle maximale ; (3) que la marge soit suffisante pour permettre à la société d’exploitation de couvrir un peu plus que les frais variables de vols et de séjour en période de croisière (à la fin de la période initiale de construction) afin de pouvoir commencer à amortir les frais fixes et assurer la viabilité financière du projet. Si l’on estime la population cliente à environ 450 personnes sur 1000 pendant les périodes synodiques se situant entre 8 ans et 8 mois (4ème rotation) et 13 » ans (6ème rotation) après le début de la construction (mais cette population ne sera peut-être atteinte qu’avec la 9ème rotation ?), on obtient sur la base d’un prix moyen de 7 millions par personne (on peut imaginer toutes sortes de tarifs dont bien sûr des tarifs « couples »), une somme de revenus bruts (chiffre d’affaire) de 3,15 milliards par période synodique. Ceci n’est pas négligeable mais savoir si cela est suffisant dépendra du coût de maintenance de l’ensemble de la Colonie du fait de l’usure résultant de l’usage, et de l’exposition des structures à des conditions environnementales extrêmes. Si, à la fin de cette première période, disons à la fin de la 9ème rotation (20 ans après le début de la première et 28 ans après le début du programme), nous parvenons à dégager une marge nette, après amortissements et frais financiers, positive de quelques pour cents (par exemple 5% soit 157 millions) tous les espoirs sont permis. On surveillera beaucoup la pente de la dérivée seconde de cette marge nette!

J’aborderai les sources de financement la semaine prochaine mais je ferais remarquer dès à présent que la NASA dépense chaque année environ 20 milliards de dollars par an ce qui représente environ 0,5% des dépenses fédérales publiques et que le pourcentage est monté jusqu’à 4,41% en 1966 (programme Apollo).

Il faut bien voir que plus on développera la base au-delà des 1000 personnes (ce chiffre n’étant, encore une fois, qu’un passage), plus on maximisera les économies d’échelle et plus on pourra baisser les prix offerts aux candidats au voyage. On peut même imaginer qu’une deuxième puis une troisième bases se créent après que la première ait atteint sa taille critique, entrant en concurrence sur certains biens et services mais également partageant certains autres (télécommunications, serveurs informatiques, transports planétaires, entretiens de certains équipements, production de certains biens tangibles à usage local)…ce qui pourrait donner lieu à des échanges planétaires entre bases martiennes (donc des économies d’échelle et des pressions à la baisse sur les prix, comme mentionné). Et ainsi, de proche en proche, nous atteindrons une économie martienne autonome, dont les échanges avec les autres pays seront plus ou moins équilibrés avec toujours la particularité martienne de la pénalisation du transport des matières pondérales de et vers la Terre (ce qui favorisera aussi grandement la production locale de biens tangibles).

1lire :

NB : L’objet de cet article de blog n’est pas de discuter les estimations et les requis technologiques mais de réfléchir au financement.

Image à la Une: Base Alpha sur Mars, Selon SpaceX/Elon Musk (crédit SpaceX). Sur la droite un champ de panneaux solaires mais l’énergie est aussi nucléaire. Au loin, le dôme principal de la base brillant de toutes ses lumières. Très peu de monde dehors; il fait froid (moins de 100°C la nuit).

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Index L’appel de Mars 09 02 19

La rentabilité condition de la pérennité d’une colonie martienne

Les peuples se lassent, les philanthropes meurent. Une colonie humaine sur Mars ne pourra être assurée de sa pérennité que si elle trouve un moyen d’être rentable sur le plan économique. Il faut être réaliste et ne pas compter sur des subventions et des dons sans limites dans le temps.

Mars présente par rapport aux autres astres des atouts exceptionnels pour la création d’une colonie, mais elle impose également des contraintes fortes qui posent un défi majeur à nos expertises, notre logistique, nos capacités d’innovation et donc à nos possibilités de financement. Richard Heidmann, ingénieur polytechnicien français, a étudié les aspects techniques1 d’un tel défi et sur ces bases, nous avons mené ensemble une réflexion économique qui nous a confortés dans notre sentiment que le projet d’une telle Colonie ne peut se concrétiser et se poursuivre dans le temps long que s’il débouche sur une capacité commerciale, la vente de produits martiens (principalement des services de résidence, des logiciels ou des brevets et marginalement quelques biens tangibles) permettant à la Colonie de financer ses dépenses externes, qu’il s’agisse de générer des revenus pour importer les biens qui ne peuvent être produits sur Mars ou de faire face aux charges financières (dividendes, intérêts) résultant de la construction et du développement des structures viabilisées, de leur équipement et de leur desserte.

Dans cet esprit il me semble très clair que, même si la phase de construction de la Colonie nécessite un investissement de base dont la rentabilisation ne sera possible qu’après une longue période de grâce sans paiement de dividende (nous espérons 20 ans), un rendement couvrant les frais variables (fonction de la vie « de » et « dans » la Colonie) doit être réalisable et offrir des perspectives encourageantes pour la couverture des frais fixes dans le long terme et cela d’autant plus que le démarrage de cette « méga » réalisation technologique et logistique se sera concrétisé.

Essentiellement deux propositions «économiques» ont été faites dans le passé mais ni l’une ni l’autre ne sont réalistes. Il n’est en effet pas raisonnable de dire aujourd’hui que nous importerons du deutérium de Mars sur Terre car il est 5 fois plus abondant dans l’eau martienne que dans l’eau de nos océans (qu’en ferions-nous sans savoir générer de l’énergie à partir de la fusion nucléaire ?), ou que nous allons exploiter les ressources de la Ceinture d’astéroïdes car ils sont riches en métaux (les technologies nécessaires seraient encore plus difficiles à concrétiser que celles nécessaires à la construction d’une base à la surface de Mars qui dans ce cas de figure serait quand même un préalable !).  Considérer comme une première étape les activités économiques possibles au sein d’un petit établissement à la surface de Mars est ce que nous pouvons envisager aujourd’hui de plus sérieux, en nous confortant par ailleurs sur les intentions et la capacité apparente de SpaceX à assurer les transports. Il s’agit donc d’imaginer pour la Colonie des activités de production et de commercialisation de biens et de services à des prix pour lesquels il y aura soit un marché sur Mars (réduisant les importations), soit un marché sur Terre (permettant les exportations).

Pour qu’un nombre suffisant de candidats demandent/acceptent l’offre de voyage et de séjour, il faut imaginer dans quel état d’esprit ils seront. Mars ne sera pas un lieu habité comme un autre, en raison de son éloignement, de la durée obligatoirement longue du séjour, des conditions environnementales particulièrement dures et du très faible peuplement associé à la promiscuité. Il faudra donc que ces candidats trouvent effectivement dans cette aventure une satisfaction suffisante (monétaire et/ou non monétaire) pour en surmonter les différents aspects stressants et qu’ils puissent compter sur une possibilité de retour sur Terre (évidemment de moins en moins immédiate pour tous, au fur et à mesure de l’augmentation de la population, car tous les vaisseaux disponibles ne pourront rapatrier en une seule fois tout le monde).

Pour répondre à cet état d’esprit en se plaçant sur le plan économique, c’est-à-dire celui de la rentabilisation d’un investissement, les promoteurs d’une Colonie devront répondre en proposant aux candidats au départ temporaire ou définitif, une offre de logements et de services locaux qui permettent dans des conditions de vie et de confort acceptables, une activité rémunératrice pour eux-mêmes et pour la Colonie, suffisamment incitative.

Le processus de réalisation d’un tel projet devra être fondé sur (1) la capacité de l’ensemble du système Starship/BFR d’Elon Musk (ou équivalent), en termes techniques (masse de la charge utile, temps de parcours, sécurité, disponibilité) ainsi qu’en termes de performance économique (coût d’exploitation, coût d’entretien, durée de vie), car ce système de transport devra fournir les équipements non productibles sur Mars et assurer le mouvement des personnes, de et vers la Terre ainsi que les déplacements planétaires; (2) la prise en compte des coûts de fonctionnement de la Colonie et de l’entretien de la structure et des services de support-vie; (3) la disponibilité de montants d’investissement suffisants; (4) la capacité des organisateurs de la Colonie et des investisseurs à identifier les concepts les plus potentiellement générateurs de profit.

Pour parvenir à structurer correctement la population de la Colonie dans cette perspective, il convient de la doter d’un minimum de personnel permettant de la faire fonctionner (et générant en même temps des dépenses) et d’accueillir un maximum de clients ou « hôtes-payants » (générant des revenus). Cela donnerait selon le modèle de Richard Heidmann et dans l’hypothèse d’une Colonie de 1000 habitants, une population de 450 plus 550 personnes se répartissant comme suit: (1) personnel (salarié ou sous-traitant) relevant de la direction de la Colonie (le «personnel»), chargé soit de l’administration et du contrôle (personnes et biens), soit de satisfaire tous besoins jugés nécessaires au fonctionnement de la Colonie; (2) hôtes-payants individuels, soit touristes (restant un cycle synodique sur Mars), soit chercheurs (restant le temps nécessaire, très probablement également un cycle synodique), soit oisifs ou retraités fortunés (restant sur Mars un ou plusieurs cycles synodiques); (3) «entreprises-libres», qu’elles soient des sociétés ou des particuliers, poursuivant toutes un objectif économique propre (générateur de profit), contribuant à la production sur Mars, soit pour le fonctionnement de la base, soit pour d’autres objectifs (proches ou non du premier). Dans le premier cas, elles pourraient être en concurrence avec une partie du «personnel» (en tant que start-up au cours de la première période synodique de leur exercice) et stimuler leur production vers une meilleure rentabilité.

La catégorie (1) se situe dans la population de 550 personnes mentionnée, la catégorie (2) dans la population de 450 personnes et la catégorie (3), sel de l’inventivité et de la créativité mais aussi aiguillon de la concurrence, se partage entre les deux. Les catégories 2 et 3 devront rémunérer la Colonie au moins jusqu’à hauteur du montant de ses frais variables majorés d’une marge (aussi élevée que possible!), permettant son fonctionnement, y compris le paiement de ses frais financiers (paiement des intérêts de sa dette et, dès que possible, de quelques dividendes sur les actions émises*). Elles devront se rémunérer soit directement sur leurs clients, martiens ou terrestres, soit par l’intermédiaire de la Colonie (qui refacturera à ses propres clients).

*Le non-paiement de dividende n’exclut pas que les actions de la Colonie soit porteuses de plus-values dès les premières années et qu’elles aient du succès sur le marché financier. Après tout le PER (Price Earning Ratio) anticipe très longtemps à l’avance les profits (ou les conséquences de difficultés) d’une société. En 1997 on pouvait spéculer sur la valeur future d’Amazon qui ne devait commencer à devenir rentable que très marginalement fin 2001 (5 millions de dollars sur un chiffre d’affaire de 1 milliard). C’est en 1997 qu’il fallait acheter les actions d’Amazon; c’est dès la mise sur le marché des actions de la “Compagnie des Nouvelles Indes” (petit clin d’œil à l’Histoire) qu’il faudra en acheter.

Ce schéma peut ne pas sembler très égalitaire et il ne l’est pas. Une telle Colonie ne peut être une entreprise « sociale » ou « à but non lucratifs » car sa première qualité doit être l’efficacité et le rendement financier, sinon les investissements pour la développer seraient impossibles à même envisager. Les critères d’admission des personnes dans la Colonie seront exclusivement leur utilité pour la Colonie (pour son entretien ou son développement), ce qui implique soit des capacités intellectuelles, des capacités physiques et/ou des capacités financières (nous estimons que le prix – non le coût – d’un séjour d’une période synodique avec transport aller et retour -donc sur 30 mois-, varierait entre 6 et 8 millions de dollars par personne. Pour comparaison, une place à bord de l’ISS coûte aujourd’hui plus de 50 millions de dollars à son éventuel acheteur).

La distinction entre les producteurs-consommateurs et les seuls consommateurs sera floue. Il se peut que certaines personnes décident de faire le voyage à leurs propres frais pour exercer leur métier de manière indépendante sur Mars. Il est également probable que certaines personnes venant à titre de touristes ou de retraités, voudront ne pas manquer une occasion de continuer à travailler à temps partiel ou éventuellement complet, d’exercer leurs compétences professionnelles et/ou de préciser de nouveaux concepts et d’être utiles à la communauté en les exploitant tout en se rémunérant. Il se peut également que certaines personnes faisant partie du personnel aient une activité intermittente, sans tâches à effectuer continuellement en fonction de leur affectation principale (par exemple celles travaillant pour la liaison Terre/Mars/Terre qui ne pourra être activée qu’au début et en fin de période synodique). Dans ce cas, d’autres tâches leur seraient proposées ou, à défaut d’autre possibilité, assignées lorsqu’elles seront disponibles (dans le cas cité, transports planétaires pour desservir ou explorer des endroits lointains sur la planète). Si, pour quelque raison que ce soit, un travail prévu au moment de quitter la Terre devait être interrompu ou cesserait d’être nécessaire, les personnes recrutées pour ce travail devraient effectuer d’autres tâches si elles sont rémunérées sur le budget de la Colonie (et/ou si elles ne peuvent subvenir à leurs propres besoins en tant que personnes privées). Cela veut dire qu’il ne pourra y avoir de versement d’allocation-chômage sur Mars, sauf pour des raisons de santé invalidantes graves. En conséquence, les personnes incapables d’apporter de facto une contribution à la Colonie correspondant à leur coût, devront être renvoyées sur Terre, leur état de santé le permettant, lors du premier vol de retour.

Tous les métiers et activités nécessaires à la vie des résidents, du plus intellectuel au plus manuel, devront être représentés (et il faudra les sélectionner afin de s’organiser sur place, avant de quitter la Terre) car il faudra absolument (re)constituer sur Mars une biosphère viable et dynamisante. La sphère de l’activité publique n’est pas définie en termes absolus mais sera considérée comme permettant de prendre en charge toute fonction essentielle au cas où elle ne serait pas assurée par une entreprise privée (subsidiarité), ces dernières présentant la meilleure assurance d’efficacité, de réactivité et d’inventivité pour le moindre coût. En tout état de cause, les sociétés privées sous-traitantes ou les entreprises-libres devraient obtenir de la Colonie une licence leur permettant d’exercer leurs activités, dans la mesure où cela nécessitera des ressources rares de la Colonie et, ainsi que les autres résidents, ils resteront sous le contrôle de la Colonie pour la sécurité et la santé publique (ce qui revient en partie au même, en raison des risques de prolifération microbienne et de contagion).

Les rémunérations devront être exceptionnellement élevées pour tenir compte des contraintes et des risques pendant le voyage et le séjour, pour motiver les volontaires à « faire le grand saut » et aussi parce que le paiement de tout bien ou service sur place sera coûteux compte tenu des conditions dans lesquelles ils seront produits, des frais de location divers demandés par l’administration de la Colonie pour les habitats et équipements annexes qu’elle mettra à disposition, et de la taille, très petite, du marché. Ces rémunérations devront être négociées mais la demande devra pouvoir rencontrer l’offre à un prix permettant de couvrir les coûts. Heureusement, en raison de la part importante du coût du transport dans le coût total d’un séjour dans la colonie, le paiement de rémunérations élevées ne constituera pas un élément très sensible. Les négociations seront faites avant le départ mais la productivité et la créativité doit pouvoir permettre aux agents économiques d’espérer qu’elles soient éventuellement plus élevées. Inversement elles pourraient être effectivement moindres en cas de performances non satisfaisantes.

La Colonie ne s’engagera à fournir « gratuitement » (c’est à dire pour un prix inclus dans le prix de base du « package » vendu) qu’un support-vie de base à ses résidents (atmosphère respirable, température tempérée, lieu de repos/sommeil, eau, aliments de base, services de santé minimum). Toutes les autres commodités seront fournies à un prix qui sera payé avec de l’argent (devise à définir mais éventuellement martienne, basée sur un panier de monnaies des principaux pays participants) en partie avant de quitter la Terre (pour les dépenses prévues) ou sur place (pour les besoins variables). Les relations entre les résidents et entre les résidents et la Colonie seront monétarisées, c’est la seule façon d’orienter l’offre et d’éviter les gaspillages.

Ces exigences économiques ne plairont peut-être pas à tout le monde mais elles me semblent incontournables car elles seront la garantie du dynamisme de la communauté martienne et surtout, celle de la faisabilité de l’enclenchement du processus de colonisation au-delà de la construction des premiers éléments permettant la vie sur place.

1Voir étude sur le site de l’association Planète-Mars

Image à la Une: Mars, Base Alpha, conception Elon Musk (crédit Elon Musk/SpaceX). Des starships sur leur pas de tir, près au retour sur Terre après 18 mois de séjour sur Mars

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Index L’appel de Mars 01 02 19

Terraformation de Mars, le rêve impossible

Terraformer Mars, cette idée trotte dans l’esprit de beaucoup de passionnés de la « planète rouge », surtout les plus jeunes. Cependant il me semble tout à fait irréaliste et non souhaitable de vouloir faire littéralement de cette planète une nouvelle Terre même s’il peut sembler judicieux et envisageable de permettre à l’homme d’y vivre dans des lieux viabilisés.

Terraformer Mars cela veut dire libérer à sa surface suffisamment de gaz de son manteau et de sa croûte pour porter la pression atmosphérique à un niveau proche de nos 1000 millibars (contre 6 seulement en moyenne aujourd’hui) pour que l’eau puisse, lorsque la température monte au-dessus de 0°C, passer de l’état solide à l’état liquide et y rester dans une fourchette de quelques dizaines de degrés sans bouillir (et a fortiori sans se sublimer directement du solide au gazeux). Cela veut dire réchauffer l’environnement (atmosphère et sol) pour qu’au moins dans la région intertropicale, l’eau ne reste pas gelée pendant les longs mois de l’hiver austral où l’énergie solaire reçue au niveau de l’orbite (l'”irradiance”) descend aux alentours de 500 W/m2 (contre 1400 en moyenne sur Terre). Cela veut dire rendre l’atmosphère suffisamment riche en oxygène et pauvre en gaz carbonique pour qu’elle devienne respirable. Cela veut dire enfin assainir le sol en le libérant de sa couche de sels de perchlorates et l’enrichir en éléments organiques pour qu’il puisse nourrir des plantes. Vaste programme !

Si la pression atmosphérique est si basse sur Mars, c’est que la masse de la planète est trop faible pour permettre, à cette distance du Soleil, de retenir durablement une quantité de gaz plus importante. En effet, contrairement à ce que beaucoup pensent ce n’est pas le vent solaire le coupable, en raison de l’absence de magnétosphère, même si lorsque le Soleil était très jeune et violent ce facteur a joué puisque la Terre s’est formée en deçà de la « limite de glace » de notre système. Aujourd’hui l’enveloppe atmosphérique de Mars est quasiment stabilisée bien qu’elle se réduise encore asymptotiquement. Au début de son histoire, à la fin de la période d’accrétion, elle était beaucoup plus épaisse car elle était constituée de tous les gaz enfermés dans la matière qu’elle avait captée lors du rassemblement de tous les astéroïdes puis planétoïdes qui se trouvaient sur son orbite. Mais très vite et déjà un peu avant – 4 Gy (milliards d’années), la densité de l’atmosphère était tombée à un niveau proche de celui d’aujourd’hui. Elle fut cependant reconstituée plusieurs fois à des niveaux permettant l’eau liquide. Ce fut d’abord, concurremment aux premières pertes et les compensant, le dégazage du magma du manteau de la planète dont la croûte durcissait lentement alors que le Soleil se calmait. Ce fut ensuite aux alentours de -4 Gy, le Grand bombardement tardif (LHB) période de chutes intenses d’astéroïdes glacés de la Ceinture de Kuiper déstabilisés par les conséquences du rebroussement de Jupiter vers l’extérieur du système (projection de Neptune dans cette Ceinture). Ce furent enfin les épisodes volcaniques, de moins en moins intenses mais de plus en plus violents, la croûte de la planète se refroidissant, se durcissant et permettant de moins en moins facilement les émissions de gaz provenant de ses profondeurs.

Aujourd’hui, pour renouveler en l’épaississant l’atmosphère de Mars, certains imaginent plusieurs solutions, dans un ordre décroissant de violence : augmenter la masse de la planète, réactiver le volcanisme, faire fondre les calottes polaires. Examinons les.

Augmenter la masse de la planète va de pair avec réapprovisionner la planète en gaz externes et réactiver le volcanisme libérant du gaz interne. Cela veut dire déstabiliser des astéroïdes pour les agglomérer à la masse présente, en quelque sorte procéder à une accrétion artificielle. Il faut tout de suite remarquer qu’il ne serait pas facile de trouver la matière. Le premier gisement serait les millions de corps rocheux, glacés ou non, de la Ceinture d’astéroïdes, région voisine située de 1,7 et 4,5 UA (1UA, distance Terre-Soleil, = 150 millions de km), entre Mars et Jupiter (NB Mars orbite le Soleil à une distance d’environ 1.5 UA). Mais cette Ceinture ne représente que 4% de la masse de la Lune y compris les planètes naines Cérès et Vesta (environ 40% du total). Le second gisement serait les corps rocheux glacés de la Ceinture de Kuiper, au-delà de Neptune. Leur masse est plusieurs fois celle de la Terre mais évidemment ils sont très loin, entre 30 et 55 UA. Quoi qu’il en soit, rappelons que la force de gravité appliquée à une masse quelconque génère une accélération de vitesse qui se transforme en énergie cinétique à l’impact. L’astéroïde déstabilisé serait accéléré par la force de gravité du Soleil (contrôle ?!) puis de Mars à son approche. La force d’attraction générée par Mars est de 0,38g, moins que la Terre (1g) mais importante tout de même. Le « Meteor Crater » aux Etats-Unis a été formée par la chute d’un astéroïde de 50 mètres de diamètre seulement mais qui avait une masse de 300.000 tonnes. A l’autre extrême Théia qui a impacté la Terre à la fin de sa période d’accrétion, dont a résulté la Lune, avait probablement la taille de Mars c’est-à-dire une masse égale à 1/10 celle de la Terre. Pour terraformer Mars il faudrait bien sûr choisir la taille des astéroïdes mais trop petits ils n’auraient qu’un effet de masse négligeable au regard de l’augmentation de la gravité, trop gros ils auraient des conséquences extrêmement dangereuses pour l’intégrité de la planète elle-même.

Par ailleurs la désorbitation d’astéroïdes pourrait conduire à des catastrophes aussi sur Terre, car comment imaginer que l’on pourrait piloter de telles opérations avec une totale précision. Qui peut croire que la « manipulation » de tels objets serait facile et s’ils ratent leur première cible, qu’en route vers le Soleil ils ne viennent frapper la Terre ? Ensuite l’addition de telles masses ne pourrait se faire en douceur (freinage !). La croûte de Mars fondrait à nouveau en une boule de magma ou pour le moins, la croûte se fissurerait partout, la lave recouvrirait toutes les terres basses et toute l’histoire géologique d’une planète qui a sans doute conduit à une évolution passionnante des molécules organiques vers la vie, disparaîtrait irrémédiablement, nous privant d’une connaissance qu’il nous serait quasiment impossible de retrouver ailleurs avant de pouvoir faire des sauts technologiques impensables aujourd’hui pour explorer au plus près quelque exo-Terre, forcément au moins à 3,4 années-lumière de notre Terre (Proxima Centauri).

Faire fondre les calottes polaires est une autre idée. Les moyens seraient soit de bombarder les pôles avec des bombes atomiques, soit de les réchauffer par de grandes surfaces réfléchissantes positionnées dans l’espace pour concentrer la lumière du soleil. L’idée des bombes atomiques (qui je regrette de le dire a été reprise par Elon Musk) même si elle n’est pas aussi folle que celle des astéroïdes, aurait, outre la fonte des calottes polaires, des conséquences aussi catastrophiques c’est à  dire une possible réactivation d’un volcanisme violent. Mais elle causerait en plus, « accessoirement », une irradiation de la planète. L’eau serait contaminée, l’atmosphère, par définition épaissie, diffuserait les particules radioactives partout autour du globe en en rendant l’habitabilité encore plus improbable. Utiliser une surface réfléchissante développée dans l’espace pour concentrer la lumière solaire peut sembler plus « civilisé ». Cependant si théoriquement cela est possible, on peut se poser la question de savoir où serait produit ce gigantesque écran (même très fin) ; comment il serait transporté sur Mars, comment il serait manœuvré et stabilisé dans l’espace (la poussée du vent solaire sur lui ne serait pas négligeable). Ensuite, si on peut imaginer faire fondre la glace d’eau au Pôle Nord, et la glace carbonique ainsi que la glace d’eau au Pôle Sud, comment retomberaient les éléments ainsi sublimés ? Il y a de fortes chances (pour ne pas dire la certitude) que ce serait essentiellement en neige ou en glace sur le sol et non en eau liquide, compte tenu du climat martien. Quant à envisager une surface de film réfléchissant pouvant maintenir au chaud l’ensemble de la planète…n’y pensez pas, c’est évidemment totalement impossible.

Admettons cependant que « tout se passe bien » et que l’on parvienne à ré-épaissir l’atmosphère d’une manière ou d’une autre. Le problème n’est pas tant qu’une nouvelle atmosphère ne serait pas durable. Ce facteur ne serait pas rédhibitoire pour l’habitabilité humaine car le renouvellement pourrait avoir des effets suffisants pour des milliers d’années. Non, il serait que l’atmosphère serait irrespirable (gaz carbonique, souffre provenant du volcanisme, méthane, vapeur d’eau, éventuellement hydrogène sulfuré). L’oxygène dont nous avons besoin résulte sur Terre du très long processus de vie terrestre (la présence en quantité importante de ce gaz dans l’atmosphère remontant à quelques 2 milliards d’années, à partir du Great Oxidation Event, “GOE”). Purifier l’atmosphère pour la rendre respirable en en extrayant l’oxygène libre (en quelles quantités ?) serait évidemment une gageure et il ne faut pas compter sur une utilisation des plantes actuelles qui respireraient un cocktail de gaz qui serait aussi bien mortel pour elles que pour nous.

Par ailleurs le sol resterait très longtemps gelé sauf là où la croûte serait retournée au magma par volcanisme et le sol gelé de Mars l’est actuellement au moins autant que celui de la toundra du Nord de la Sibérie, de l’Amérique du Nord ou de l’Antarctique. La pente du gradient thermique est très forte ce qui veut dire que la température monte beaucoup plus lentement que sur Terre quand on s’éloigne de la surface. Ce sol est aussi recouvert d’une couche de sels de perchlorates extrêmement toxiques pour les hommes et les plantes et il est évidemment exclu d’y faire pousser quoi que ce soit sans un « nettoyage » intensif. Enfin, même nettoyé ce sol resterait extrêmement pauvre en nutriments puisque la planète n’a pas connu la riche évolution biologique qui s’est déroulée sur Terre où la vie a été depuis si longtemps et est aujourd’hui partout présente.

Le problème c’est que l’ingénierie planétaire n’est pas du tout une science que nous maîtrisons. Le problème (avec des nuances selon la solution choisie) c’est les dévastations que les perturbations résultant des actions visant à la terraformation, créeraient, l’incertitude et l’imprécision des résultats, le temps qui s’écoulerait avant que les effets positifs soient exploitables (à supposer qu’il y en ait) et le coût que cela représenterait. Je n’ai pas évoqué ce dernier point mais indiquez moi un gouvernement qui demanderait à ses citoyens de financer une telle entreprise ou une personne privée aussi riche soit-elle qui s’y risquerait. Les sommes seraient énormes et le retour sur investissement ne pourrait être espéré avant des centaines, voire des milliers d’années.

« Forget-it » comme disent les Anglo-saxons. N’envisageons pas des projets pharaoniques destructeurs, dangereux, inutiles et hors de tous les moyens financiers dont on pourra jamais disposer ! Cela ne pourrait que décrédibiliser le projet de ceux qui veulent que l’homme puisse un jour sortir de son berceau. Par contre, construire des dômes pressurisés, aménager ou creuser des cavernes est ce que nous proposons. A l’intérieur de ces bulles viabilisées, une petite population pourrait vivre en cultivant des algues (spirulines) dans des bacs et des végétaux sur sols artificiels et alimentés par hydroponie. Progressivement, en raison de la difficulté que présentent la gestion des risques biologiques, on introduirait des poissons (tilapias) et de petits animaux (poules, chèvres, porcs). C’est dans ce cadre seulement que l’implantation de l’homme sur Mars sera possible et c’est déjà beaucoup !

Image à la Une: Mars la rouge, Mars la verte, Mars la Bleue, le passage fantasmé d’une planète désertique à une nouvelle Terre. Crédit NASA.

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Index L’appel de Mars 25 01 19