Petite confusion sur notre lointain futur. Big Rip, Big Crunch ou entre-deux?

Dans cet article, je vais vous parler de masse, d’énergie, de distances et de temps. Il s’agit de l’Origine et sans doute de la Fin. Il s’agit de l’Histoire qui a commencé il y a très longtemps et qui finira dans encore plus longtemps. Il s’agit enfin de nous puisque nous sommes conscients de ces facteurs et de cette Histoire.

NB: J’ai écrit ces lignes en pensant à mon fidèle lecteur et physicien Christophe de Reyff, grand connaisseur et amateur du sujet traité. J’espère qu’il appréciera.

On sait maintenant que notre Univers a commencé, comme d’autres peut-être et peut-être à l’occasion d’une fluctuation quantique dans un vide qui n’était pas si vide, comme un volume extraordinairement massif et dense évoluant dès l’origine en expansion à partir de l’infiniment petit, il y a 13,8 milliards d’années (13,799 +/-0,021). La lumière ou plutôt les divers signaux « messagers » provenant de ce moment, mettent toujours environ cette durée (car continûment elle s’allonge) pour nous parvenir à la vitesse de…la lumière. Mais si l’on voulait revenir vers notre source (en en ayant bien sûr le temps) à cette même vitesse, constante universelle par définition immuable et intangible, il nous faudrait 42 milliards d’années. L’explication étant que l’espace n’est pas resté inchangé depuis les origines mais qu’il s’est extraordinairement dilaté, dit autrement, qu’il y a eu « expansion » de l’Univers.

Toute la difficulté pour appréhender le sujet de la vitesse de l’expansion donc du futur de l’Univers, vient de son immensité temporelle et spatiale, des variations du coefficient d’expansion qui dépendent de la force de l’impulsion initiale, de la masse qui génère la gravité et de l’énergie qui l’anime, dans le cadre bien sûr de la limitation absolue imposée par la vitesse de la lumière et peut-être de propriétés inconnues du vide.

Si on regarde autour de nous, jusqu’où voit-on ? La bonne nouvelle c’est que compte tenu de la vitesse de la lumière on peut encore voir nos origines (il vaudrait mieux dire « les percevoir » car les « messagers » ne sont pas que lumineux, ils occupent tout le spectre électromagnétique, et ils ne sont pas qu’électromagnétiques puisque les ondes gravitationnelles, les neutrinos et les rayons cosmiques particulaires, sont aussi porteurs d’informations). En effet la distance n’est pas telle que compte tenu de l’expansion nous nous éloignions actuellement des premiers signaux à une vitesse supérieure à celle de la lumière. En fait la limite au-delà de laquelle la vitesse de « fuite » ou mieux de « distanciation », résultant de l’expansion serait supérieure à celle de la lumière et donc au-delà de laquelle aucun signal ne pourrait nous parvenir, est actuellement de 14,45 milliards d’années. Cette limite est l’« horizon des photons », aussi appelé « horizon de Hubble » qui délimite la « surface de Hubble ». Nous pouvons donc encore aujourd’hui voir aussi loin que nécessaire (même théoriquement un peu plus loin) bien que très difficilement en raison du très fort décalage vers le rouge (effet Doppler-Fizeau résultant de la vitesse croissante d’éloignement), les premiers jaillissements de la lumière (visibles sur la « carte » en deux dimensions qu’on appelle le « fond diffus cosmologique » ou la « surface de dernière diffusion » ou le « Cosmic Microwave Background ») qui ont eu lieu il y a 13,8 milliards d’année moins 380.000 ans. Il faut en effet tenir compte de ce qu’après le Big-bang et jusqu’à la « Recombinaison » (association des électrons avec les protons) qui eut lieu à cette époque, il y a donc 13,79962 milliards d’années, la lumière ne s’était pas encore dégagée de la matière. Cette deuxième limite sur laquelle nous buttons est notre « horizon cosmologique ». Mais on pourrait remonter au-delà de la barrière des 380.000 ans, vers le Big-bang, en exploitant les données fournies par les émissions de neutrinos et d’ondes gravitationnelles qui ont pu s’exprimer « avant », ou en étudiant davantage la surface de dernière diffusion dont les irrégularités (« anisotropies ») expriment bien évidemment ce qui s’est passé « avant »

Mais que voit-on ? Il est bien connu et compris que nous ne voyons que dans le passé puisque la vitesse de la lumière ne peut nous transmettre d’information que sur ce qui existait quand elle a été émise. Nous sommes donc de ce point de vue au sommet d’une sphère ou plutôt d’une larme, notre regard (ou plutôt notre regard avec l’aide de nos instruments d’observations) nous permettant de voir tout autour de nous des objets de plus en plus anciens au fur et à mesure qu’ils sont plus lointains. Nous ne pourrons jamais connaître directement notre univers contemporain, c’est frustrant mais c’est ainsi. Nous ne pouvons que le déduire en appliquant et en extrapolant sur les principes d’homogénéité et d’isotropie constatés pour l’univers lointain. Une étoile géante rouge voisine, comme Antarès ou Bételgeuse (situées toutes deux à environ 500 années-lumière), deviendra un jour une supernova mais nous ne le saurons que lorsque nous aurons reçu le rayonnement nous en informant, 500 ans après qu’il ait été émis. Nous sommes donc, forcément au centre de notre univers-observable dans l’espace et à sa pointe extrême dans le temps, constatant tout autour de nous un horizon limité par la surface de dernière diffusion et, plus en profondeur, par certaines sources d’émission de neutrinos et certaines sources d’émission d’ondes gravitationnelles. L’« horizon de l’Univers observable » qui résulte de cette contrainte est différent de notre « horizon-cosmologique » et différent de l’« horizon-des-photons ». Un jour, l’expansion de l’univers se poursuivant, la vitesse d’éloignement de la totalité des astres qui nous entourent aura été accélérée jusqu’à dépasser la vitesse de la lumière et notre Univers-observable sera devenu intégralement noir au-delà de la masse de matière retenue dans notre galaxie par son trou-noir central et des galaxies voisines qui lui sont dépendantes. Notre horizon-des-photons (qui se sera dilaté jusqu’à atteindre 17,41 milliards d’années-lumière) nous empêchera de voir jusqu’à notre horizon-cosmologique (qui se sera dilaté beaucoup plus vite). Mais ce sera dans très, très, longtemps, l’échéance dépendant non seulement de l’expansion mais aussi de l’accélération de l’expansion de notre univers.

On discute beaucoup de ces deux phénomènes. Voyons d’abord l’expansion-aujourd’hui. Elle est donnée par ce qu’on appelle la « constante de Hubble » (« H »), On parle de « constante » (mais on devrait dire « paramètre » comme expliqué plus bas). Ce H est la vitesse d’éloignement des astres qui nous entourent divisée par la distance qui nous sépare; le problème pour l’apprécier étant la définition de la distance (la vitesse donnée par le déplacement vers le rouge par effet Doppler-Fizeau est moins difficile à évaluer). L’expansion-aujourd’hui est nommée H0.

On a obtenu plusieurs résultats pour ce paramètre, en fonction de l’instrument utilisé et des données prises en compte et malheureusement on ne parvient pas à résoudre la différence entre ces résultats.

Une première méthode de calcul (à l’aide du télescope Planck, successeur de COBE puis de WMAP) part du plus lointain. Elle repose sur une extrapolation des variations de températures constatées dans les anisotropies apparaissant à la surface du fonds diffus cosmologique. Une seconde méthode part du plus proche. Elle repose sur l’utilisation de « chandelles cosmiques » (sources de lumière de même intensité en absolu) dans notre voisinage puis de proche en proche, jusqu’aux galaxies voisines. Dans cette méthode, on part des étoiles céphéides (dont la luminosité régulière est depuis longtemps considérée comme en faisant de bonnes indicatrices des distances). La traduction de cette propriété en distances a été faite par l’Université de Carnegie ; je m’y réfère comme « Carnegie 1 ». On passe ensuite via les céphéides aux supernovæ (type SN1a) puis via les précédentes aux pics d’éclat d’étoiles géantes rouges (« Carnegie 2 »). Une variante, conçue et utilisée par la collaboration H0LICOW repose sur l’utilisation des lentilles gravitationnelles de masses moyennes. Le dernier travail en date, le projet SH0ES, a repris les calculs de l’Université de Carnegie.

La méthode Planck donne H0 = 66,93/s/Mpc; celle de Carnegie « 1 », H0 = 74 km/s/Mpc; celle de la collaboration H0LICOW, H0 = 71,9 +/- 2,7 km/s/Mpc; celle de Carnegie « 2 », H0 = 69.8 km/s/Mpc ; celle de SH0ES donne H0 = 73,04 km/s/Mpc. Il y a donc bien une différence entre le résultat obtenu à partir du fond diffus cosmologique et ceux obtenus à partir de l’espace proche. Et on ne comprend pas pourquoi. Comment avancer ?

*Mpc = Mégaparsec = 3,26 millions d’années-lumière

Il faut d’abord insister sur le fait que cette « constante » de Hubble ne l’est qu’à une époque donnée, ce qui fait qu’elle n’est plus vraiment que la valeur actuelle, H0, du « paramètre » H de Hubble.

S’il y a variation du paramètre H c’est qu’il y a eu accélération ou décélération de l’expansion. Qu’en est-il ? On sait déjà que (1) l’expansion n’a pas été constante au tout début de l’univers, bien avant la fin des 380.000 ans mentionnés plus haut, pendant la période dite d’« inflation » (entre 10-35 et 10-32 secondes suivant le Big-bang); (2) après l’inflation, l’expansion a ensuite décéléré comme il résulte de toute explosion non “ré-alimentée” en énergie; (3) puis, il y a 6 ou 7 milliards d’années, elle a recommencé à accélérer. Mais cela va-t-il continuer ?

Pour mieux comprendre la réalité actuelle et envisager une perspective, il faut ouvrir sur un autre niveau, deux autres « tiroirs », c’est-à-dire considérer d’une part l’effet de masse qui freine l’expansion, via le « paramètre de densité », que l’on symbolise par «  » (Oméga), et d’autre part le coefficient qui l’accélère, qu’on appelle « constante cosmologique » et qu’on symbolise par « Λ » (Lambda).

Le premier, , exprime la densité de toute l’énergie (ΩΛ) ou de toute la matière (Ωm) dans l’Univers. Le “m” exprime la totalité de la matière, y compris la fameuse « matière noire » (évaluée grâce aux observations du télescope Planck comme constituant 26,8% des composants de l’univers) qui s’ajoute au 4,7% de matière baryonique (la matière ordinaire) ! Le Λ représente l’énergie sombre (voir ci-dessous). Ωk qui prend en compte masse et énergie, nous donne la courbure de l’espace-temps. Si Ωk >1 la courbure de l’espace est sphérique (elle se referme sur elle-même), on va vers une contraction de l’univers, il est donc fini ; si Ωk <1, la courbure est hyperbolique et on va vers un univers infini. D’après les études actuelles il est très légèrement positif avec Ω =1,11 +/-0,13, ce qui n’est malgré tout pas très concluant puisque les 0,13 mettent la conséquence dans la marge d’erreur.

Le second, Λ, est le coefficient d’accélération. Il compense la force de contraction exprimée par Ωm et ouvre à l’Univers une perspective d’expansion accélérée (en fonction bien sûr de ce que lui permet Ωm). Imaginé par Albert Einstein pour équilibrer ses calculs, il l’avait tout de suite rejeté mais on le reprend aujourd’hui car avec nos moyens d’observations, il « fait sens ». Il est extrêmement faible mais non nul et positif (1,1056 x 10-52 m-2). Les tenants du “modèle-standard” de la cosmologie (ΛCDM, ces trois dernières lettres pour Cold Dark Matter) disent qu’il pourrait exprimer la toujours hypothétique « énergie sombre » (évaluée par Planck à 68,3% des composants de l’univers). En concomitance avec cette accélération, le paramètre de Hubble (H) tend relativement à décroitre. Cependant la conséquence du caractère de constante du coefficient Λ c’est qu’il existe une valeur minimale de H qui donc s’arrêtera un jour de décroître. La sphère de l’univers-observable sera alors égale à la sphère de l’univers-cosmologique (mais la quantité d’objets dans l’univers-observable continuera de décroître puisque petit à petit ils en sortiront du fait qu’ils seront à une distance telle que leur lumière ne pourra plus nous rejoindre).

Savoir si l’accélération continuera toujours reste un mystère tant que l’on ne connaît pas la nature de l’énergie-sombre (ce n’est toujours qu’une hypothèse) ou celle de la matière-noire (une seconde hypothèse) ! L’enjeu est de taille : savoir si la force de dispersion va bien dominer la force de contraction de l’Univers ! Dit autrement, si nous allons vers un Big-Rip ou un Big-Crunch ou si par extraordinaire se manifestera le moment venu, un système d’équilibrage de l’expansion. Mais peut-être, alternativement, le consensus des cosmologues (figé dans le modèle-standard) se trompe-t-il totalement et l’accélération de l’expansion n’est-elle due qu’à l’« invariance d’échelle du vide » comme le propose, en dehors du modèle-standard, André Maeder (astrophysicien, professeur émérite de l’Université de Genève). Selon son modèle, l’accélération de l’expansion de l’Univers serait possible sans que l’énergie sombre ou la matière noire soient nécessaires et avec une « constante-cosmologique » Λ liée uniquement aux propriétés d’invariance du vide spatial, via un facteur d’échelle « λ » de ce vide.

Il faut absolument résoudre le problème posé par la divergence sur la valeur de H0 selon que l’on part du CMB ou que l’on part de notre environnement. Les nouveaux télescopes (comme le JWST) évidemment de plus en plus précis et capables de nous donner une quantité jamais atteinte de données, vont, sinon résoudre le « gap », du moins nous permettre de préciser le problème qui cause ce gap. La solution se trouve soit dans l’imprécision du modèle-standard ou dans son inadéquation. Dans cette seconde hypothèse, André Maeder aurait raison. On ne parlerait plus des fantômes très gênants car insaisissables de la matière-noire et de l’énergie-sombre et ce serait un magnifique couronnement de la carrière de ce grand scientifique.

Illustration de titre :

Hypothèses de notre futur, accélération ou décélération ? Crédit : NASA/CXC/M.Weiss

https://www.symmetrymagazine.org/article/the-9-percent-difference

https://www.futura-sciences.com/sciences/definitions/physique-acceleration-expansion-univers-7988/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Param%C3%A8tre_de_densit%C3%A9

https://fr.wikipedia.org/wiki/Courbure_spatiale

Présentation de la théorie d’André Maeder dans ce blog (Nov. 2019) : Une énergie sombre omniprésente domine-t-elle notre Univers?

Je souhaite à tous mes amis Suisses une joyeuse Fête nationale!

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Index L’appel de Mars 22 07 16

Le « Mars Habitat Challenge 2022 », un engagement pro-Mars très ambigu

Dans le cadre d’un « Mars Habitat Challenge », le Hagerbach Test Gallery, qui appartient à l’Amberg Group, doit s’appliquer, en principe, à mettre en valeur des startups capables de développer des solutions qui pourraient permettre de vivre sur Mars. Le but est aussi, de façon générale, pour la Terre comme pour Mars, de promouvoir les éléments nécessaires à un habitat autonome, sur les principes d’une économie circulaire. Les domaines concernés sont très étendus : construction d’espaces de vie, gestion de l’énergie, de l’air ou de l’eau, santé et sécurité, transport, production alimentaire ou communication. Il me semble que dans sa « saison 2022 » ce Mars-Habitat-Challenge a complètement divergé de ses objectifs « martiens » d’origine.

L’Amberg group, entité suisse (Zurich), est, selon ses propres termes : « fournisseur de connaissances, d’ingénierie et de technologie de logistique et d’infrastructures, pour les villes-intelligentes (« smart cities »), les hubs et les réseaux physiques, grâce à des combinaisons innovantes d’utilisation de l’espace aérien et souterrain » (Le fondateur, en 1970, Rudolph Amberg, aujourd’hui 96 ans, est ingénieur des mines).

Le Hagerbach Test Gallery est membre de l’ITA (International Tunneling and Underground Space Association), et en particulier d’ITA-CUS qui est son « Committee for Underground Space ». Il est partenaire de « Mission-Earth-First » dont le président Han Admiraal était présent. Ce dernier est le dirigeant de Enprodes, société de consultants spécialisée dans l’aménagement du sous-sol. Ce groupe et ses partenaires ont donc un biais tout à fait clair sur l’utilisation du sous-sol, sur Terre et éventuellement dans l’espace (les lunes ou planètes sur lesquelles on pourra aller).

L’Amberg Group s’est associé à Venturelab et ce dernier, à l’ESA-BIC (pour « Business Innovation Center »), Suisse, donc à l’ETHZ qui le représente, pour mener à bien ce « Challenge » martien.

Venturelab a été lancée en 2004 en tant qu’initiative nationale suisse de formation entrepreneuriale, par l’Agence suisse pour l’innovation, Innosuisse, pour prolonger l’IFJ, l’Institut pour jeunes entrepreneurs, basé à Saint-Gall, dont elle est un spin-off. Au cours des 17 dernières années, elle a accompagné plus de 1000 startups dans leur croissance mondiale. Ses équipes gèrent une gamme complète de programmes de soutien, avec des organisations de premier plan comme partenaires.

L’ESA-Business Innovation Center (« BIC »), Suisse, est en quelques sortes un spin-off du premier ESA-BIC né au Pays-Bas à partir de l’ESTEC.

Je donne tous ces détails pour montrer « qui s’intéresse à quoi » et aussi la complexité de l’organisation des mastodontes dont seules quelques extrémités sont concernées par l’activité qui ici m’intéresse.

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Dans un premier « round » du Mars Habitat Challenge 2022 (il y en a eu un autre Challenge en 2021), dix startups sélectionnées ont présenté leur projet devant un jury d’experts de l’industrie (AMBERG, IMPLENIA, SIKA, ACO, ELKUCH, ROWA, Mission Earth First). Le second round du challenge 2022, qui s’est déroulé le 5 juillet dans la Hagerbach Test Gallery, a permis de départager par vote public les cinq premiers compétiteurs : SoHHytec, Mixteresting, LYS Technologies, Open ATS, Swoxid. La réunion était tenue avec la caution scientifique de Nanja Strecker, « keynote- speaker » et Managing Director de ESA-BIC Suisse (en fait ETHZ). J’y ai assisté « à distance » et participé au vote. Je vous présente brièvement les cinq sélectionnés :

SoHHytec.

La start-up est un spinoff de l’EPFL (Laboratory for Renewable Energy Science and Engineering). Son équation est soleil+eau = hydrogène + électricité et chaleur. Il s’agit de concentrer l’irradiance solaire pour craquer la molécule d’eau et produire de l’hydrogène, de l’oxygène, de l’électricité et de la chaleur, le tout au même endroit avec le même appareil. La collecte de l’énergie solaire se fait par un miroir parabolique (nommé « Arb » parce qu’il ressemble à un…arbre) dont le foyer concentre « mille fois » l’énergie reçue. L’efficience du système atteint 70%. L’équipement peut fonctionner 20 ans sans intervention majeure. Après l’hydrogène, la startup envisage de craquer également la molécule de CO2, avec le même équipement, introduisant ainsi la possibilité de produire des hydrocarbones (il faut utiliser les bons catalyseurs), de la photosynthèse artificielle en quelque sorte.

Mixteresting

La startup est autrichienne (siège à Leondig près de Linz). Le sous-titre de son nom est « Artifical Intelligence for mixed concrete » ce qui est plus explicite. L’idée est de choisir, par simulations et calculs avec algorithmes auto-adaptables pour apprentissage machine, les meilleures proportions de minéraux en fonction de ce qui est disponible pour obtenir le meilleur ciment possible. L’intérêt est d’ouvrir la gamme de minéraux exploitables (comme par exemple utiliser le sable du désert) et de limiter les essais physiques (à 90% disent-ils) pour obtenir le produit fini.

Lys Technologies

Start-up sise à Copenhague, Lys a pris son nom du mot danois pour la lumière. Son objet est de permettre à chacun de savoir si la quantité de lumière qu’il a reçu pendant sa journée est compatible avec ses besoins physiologiques circadien (intensité, composition du rayonnement). Cela doit permettre de modifier son éclairage et d’ajuster les moments où l’on se livre à telle ou telle activité, à l’intérieur ou à l’extérieur.

La société a produit un appareil discret, de l’apparence d’un bouton, qui se clipse sur les vêtements, le plus près possible des yeux. Le bouton-capteur envoie via Bluetooth à l’application enregistrée sur le téléphone portable de l’utilisateur, les informations sur les caractéristiques de la lumière auquel il est exposé et grâce à des algorithmes, elle lui fournit, compte tenu de celle à laquelle il a déjà été soumis depuis le début de la journée, des conseils personnalisés pour atteindre son objectif en fonction de son cycle circadien propre (prenant en compte l’âge, le sexe et le chronotype).

Open ATS

La startup (Zurich) a conçu un véhicule pour transport terrestre, « Newone », contrôlable par téléphone sur internet avec un logiciel dédié. Des caméras embarquées permettent la navigation partout autour du globe. La structure est simple et forte. Elle est modulaire et une partie abimée du véhicule pourrait être aisément réimprimée et remplacée. Cette structure permet aussi de modifier facilement le véhicule pour l’adapter à des besoins spécifiques. Au-delà de la commande à distance, il est prévu une évolution vers l’automatisation.

Swoxid

Cette startup (siège à Lausanne) qui vise à purifier les eaux sales (grise ou noire), applique les principes du craquage photo-catalytique (qui datent des années 1970) au moyen de panneaux qui deviennent actifs avec la lumière du soleil. Ces panneaux sont constitués d’un aérogel en dioxyde de titane, (TiO2). Ce photocatalyseur semi-conducteur a été choisi pour (1) ses capacités à éliminer les bactéries, virus, vers, tout comme les polluants organiques persistants et bio-accumulatifs de l’eau, comme les produits pharmaceutiques, les pesticides ou les perturbateurs endocriniens ; (2) sa stabilité chimique et sa non-toxicité. L’aérogel est nanoporeux et stable également sur le plan mécanique.

Trois fonctions essentielles sont intégrées dans l’appareil : filtration mécanique, puissance d’oxydation et pasteurisation. Le dispositif a une architecture simple et robuste. Il nécessite un minimum d’entretien. La production d’eau potable, sans pathogène, est de 50 litres par m2 de panneaux et par jour.

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J’ai voté pour Swoxid car je pensais que c’était l’innovation la plus utile pour la vie sur Mars. Mon second choix aurait été SoHHytec. C’est cette dernière société qui a gagné (et qui a reçu le prix de 10.000 CHF). Le deuxième choix des participants a été Open-ATS ; Swoxid n’a recueilli que 5 voix (sur environ 300) !

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L’année dernière, Felix Amberg, président de l’Amberg Group (et fils de Rudolph), avait fait une déclaration préliminaire à peu près selon ces termes (et dont je partage tout à fait l’esprit) : « La vie sur d’autres corps célestes de notre système planétaire doit…être durable et circulaire puisque seules quelques ressources – avec un faible poids et un fonctionnement autosuffisant…peuvent y être transportées. Si l’on élabore de telles solutions, il faut d’abord les tester de manière approfondie sur Terre. Tout doit pouvoir fonctionner sans accroc une fois sur un autre corps céleste car la réparation ou l’entretien ne serait pas si simple. En même temps, les innovations peuvent et doivent être utilisées sur Terre – il n’y a aucune raison de ne pas le faire, au contraire ! Cette stratégie promeut les innovations pour résoudre nos défis sur la planète Terre qui doivent être également, pour d’autres raisons (évidemment environnementales), durables et circulaires ». NB : Il ajoutait, parce que c’est son tropisme, « et souterraines ».

J’ai trouvé qu’effectivement presque toutes les startups sélectionnées présentaient un intérêt certain, dans leur principe, pour préparer la vie de l’homme sur Mars. Disposer d’eau potable sera une nécessité, d’autant plus que l’eau (glace) n’étant pas abondante sur Mars comme l’est l’eau (liquide) sur Terre et que son extraction n’est pas chose facile, on devra la recycler au maximum. Le besoin de production d’hydrogène est une évidence pour ses propriétés chimiques à débouchés multiples. La possibilité de combiner au mieux les minéraux qui rentreront dans la fabrication du ciment est également intéressante puisqu’on devra utiliser des matériaux locaux. La quantité de lumière reçue par les êtres humains sera un vrai problème puisque l’irradiance à la distance où se trouve Mars du Soleil est environ 40% de la nôtre, sans compter que l’hiver est beaucoup plus long que sur Terre. Je suis beaucoup moins convaincu par le véhicule de transport en surface. Ce n’est pas que l’on ne doive pas utiliser l’impression 3D et la commande à distance. Mais le véhicule proposé ressemble fort, en moins bien équipé, aux rovers que l’on envoie sur Mars depuis des années. Bien sûr l’impression 3D peut être utilisée pour les produire mais cela est vrai pour tout ce dont on pourra avoir besoin sur Mars. Ce ne sera pas une technologie propre aux véhicules de surface.

En fait en écoutant ces présentations je ressentais que, dans le fond, « Mars n’y était pas ». En cherchant à encourager une innovation pour Mars qui puisse aussi servir sur Terre (Earth First !), on en était arrivé à oublier Mars (Open-ATS a obtenu la deuxième place et c’est le moins martien des projets !). Me confortant dans cette impression, j’ai remarqué que les présentateurs n’ont pas évoqué l’environnement martien dans lequel leurs technologies seraient supposées servir. D’ailleurs, il n’y avait parmi les organisateurs, aucun expert de l’environnement martien. On ne sait donc pas si l’énergie solaire disponible sur Mars serait suffisante pour activer les filtres Swoxid ou pour faire fonctionner les arbs de SoHHytec. On ne sait pas si on peut se procurer sur Mars les éléments chimiques nécessaires pour l’impression 3D d’Open-ATS. Pas la moindre allusion aux matières premières minérales de Mars qui pourraient entrer dans la composition des ciments de Mixteresting (il y en a sûrement, mais ç’aurait été intéressant d’en faire le tour et de voir leur accessibilité). En fait, dans cette session 2022 on a oublié la partie extra-terrestre du discours de 2021 de Felix Ambert et on s’est éloigné de l’esprit du Mars Habitat Challenge.

Une réflexion faite par la personne parlant pour l’ESA (en fait ETHZ), qui est supposée bien connaître les technologies, utilisées ou à l’étude, pour explorer Mars, m’a d’ailleurs fait bondir sur ma chaise. En remerciant les présentateurs, Nanja Strecker a en effet déclaré que de toute façon, avant d’envisager d’appliquer ces technologies sur Mars, il faudrait réfléchir au moyen d’en revenir, c’est-à-dire de disposer du fuel pour le faire. C’était là, selon elle, l’obstacle rédhibitoire à l’exploration de cette planète par vols habités (qu’elle ne voit au mieux arriver qu’en 2060). Donc cette femme, importante partie-prenante de ce « Challenge » se référant à Mars, n’a jamais entendu parler, en 2022, de l’ISPP (In Situ Propellant Production), préconisée par Robert Zubrin en 1995. Ce principe dont ce dernier avait brillamment démontré en 1995 la possibilité (en appliquant la réaction de Sabatier), fut repris ensuite à la NASA par son administrateur Mike Griffin en 2005. Et depuis il figure dans tous les projets américains de missions habitées sur Mars, dont bien sûr dans celle d’Elon Musk. C’est pour cela que les ingénieurs de SpaceX prévoient de bruler du méthane dans de l’oxygène, méthane que l’on obtiendra à partir du CO2 de l’atmosphère avec un petit apport d’hydrogène (on pourrait l’obtenir par la méthode SoHHyTech). Nanja Strecker a ajouté enfin (pour aggraver son cas ?) que pour le moment ce qui était sérieux, c’était les missions habitées sur la Lune.

Par ailleurs, Han Admiraal dans son intervention en tant que représentant de Earth-Mission-First à ce « Challenge », a fait référence à l’illustration de l’événement qui montrait une base martienne sous un globe en surface de la planète en lui reprochant d’être totalement irréaliste. Donc en fait, à cette réunion dédiée aux habitats martiens, personne n’y croyait.

Cette dérive (du Mars Habitat Challenge) me fait penser à celle de la NASA sous la présidence du second président Bush. L’objectif de la politique de vols habités avait été défini en 2004 comme étant « the Moon, Mars and Beyond ». Il se voulait donc progressif et « équilibré », pour ne mécontenter personne. Mais très vite on oublia le segment « Mars and Beyond » pour ne plus parler que de la Lune parce que c’était plus facile et que le lobby Lune « poussait à la roue ».

Je suis donc ressorti de cet « événement » avec des sentiments mitigés.

Illustration de titre : les Arb de SoHHytech. Le choix des auteurs de l’illustration illustre bien mon propos. L’innovation pourrait servir la production d’hydrogène sur Mars mais les paramètres environnementaux retenus sont exclusivement terrestres.

Liens :

Mars Habitat Challenge 2022 : https://amberggroup.com/news-events-1/mars-habitat-challenge-ii

ESA-BIC : www.esabic.ch

Mission Earth First: https://missionearthfirst.hagerbach.ch/mef/about-us/

Swoxid : https://swoxid.wordpress.com/technique/

Lys Technologies: https://lystechnologies.io/

Open ATS: https://www.open-ats.eu/

SoHHytec: https://www.sohhytec.com/

Mixteresting : https://mixteresting.com/

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Les premières photos du télescope Webb nous ouvrent une perspective splendide sur une nouvelle perception de l’espace

Ce 12 juillet, la NASA avait organisé une présentation, à Greenbelt, Maryland, au siège de la STC (voir plus bas), de cinq des premières images prises par le nouveau télescope spatial James Webb, « JWST ». Le jour est historique comme le fut celui où furent présentées les photos du télescope Hubble après qu’on ait eu corrigé sa myopie initiale (1990). La différence entre la « production » des deux télescopes est spectaculaire. On ne peut pas dire seulement qu’on voit plus loin. On devrait dire qu’on voit plus loin car on voit mieux, ce qui sous-entend (1) que les astres et formations stellaires proches sont perçus beaucoup plus nets et précis et (2) que l’on voit effectivement beaucoup plus loin.

La différence est due à la taille des miroirs mais aussi au fait que les télescopent exploitent des longueurs d’ondes différentes, les deux étant liés.

D’abord le diamètre du miroir primaire du JWST est de 6,5 mètres contre 2,4 mètres pour celui de Hubble. Ensuite le traitement des rayonnements reçus n’est plus centré sur les ondes visibles (avec franges dans l’ultraviolet et dans l’infrarouge) comme l’est celui de Hubble, mais sur les ondes infrarouges, jusqu’à 29 microns (contre 1,7 microns pour Hubble) avec toujours une frange dans le visible. Cela permet de voir les sources de rayonnements plus froids que celles émettant dans le spectre visible et aussi de les percevoir au-travers des nuages de poussière qui les brouillent ou les cachent en visible.

La dimension plus grande du miroir de Webb, outre qu’elle permet de recevoir davantage de rayonnements, est en partie justifiée par la longueur des ondes que l’on veut capter. En effet les ondes infrarouges étant plus longues que les ondes visibles, on a besoin d’une surface plus grande pour que l’image qu’elles nous communiquent soit suffisamment fine. Dit autrement, la surface de collecte renforce l’acuité du télescope donc son pouvoir de résolution qui autrement aurait été plus faible. Ce dernier sera comme celui de Hubble, de 0,1 seconde d’arc, mais pour des ondes beaucoup plus longues (donc des lumières beaucoup plus faibles).

Les cinq images choisies par la NASA pour sa présentation illustrent les domaines différents dans lesquels JWST sera actif. NB : toutes ces images ont les mêmes crédits photos, NASA, ESA, ASC – Agence Spatiale Canadienne, et STScI – la Space Telescope Science Institute, Institution fondée par la NASA qui gère et dirige, avec participation de l’ESA, la recherche effectuée par Hubble et maintenant par Webb.

La première photo est celle du « Premier champ profond de Webb »

(cf illustration de titre pour comparaison avec ce que voit Hubble)

Cette photo est centrée sur l’amas de galaxies « SMACS 0723 » et nous permet d’accéder à des lumières provenant d’au-delà de 13,5 milliards d’années (pour mémoire l’Univers est âgé de 13,8 milliards d’années). On serait, à cette distance, à l’époque des toutes premières galaxies, celles qui ont commencé à luire à la sortie des « Ages-sombres » (il a fallu que la matière se reconcentre après la libération de la lumière, 380.000 ans après le Big-bang). On ne les voit pas en direct mais grâce à l’effet de lentille gravitationnelle (en l’occurrence l’amas de galaxies, au centre de la photo, SMACS 0723) qui nous rapproche comme une loupe le ferait, de ce qui est derrière lui et qui de ce fait, apparaît autour de lui. Les galaxies les plus rouges sont les plus lointaines puisque ce sont celles pour lesquelles l’expansion de l’Univers génère la vitesse d’éloignement la plus élevée (effet Doppler). Sur la voûte céleste l’image aurait la taille d’un grain de sable. NB : les étoiles rayonnantes sont au premier plan, dans notre voisinage galactique.

La deuxième photo montre le « Quintette de Stéphane », cinq galaxies apparemment rassemblées

C’est la plus grande image de Webb en rapport à la surface de voûte céleste (1/5ème du diamètre de la Lune). Les deux galaxies en haut à droite sont en contact ce qui provoque d’énormes ondes de choc en leur sein, bien visibles ici dans la distorsion de leurs courbes, l’une d’entre elles (celle du dessous) est déjà le résultat d’une fusion puisqu’on en voit encore les deux noyaux ; un trou noir puissant se trouve au centre de la galaxie en haut. La troisième galaxie, à gauche, est plus proche de nous.

La troisième photo est une vue de la « Nébuleuse de la Carène » (NGC 3324)

La photo met bien en évidence le processus de formation d’étoiles dans cette nébuleuse située à quelques à quelques 7600 années-lumière. Au centre (au-dessus, en dehors de la photo), une étoile extrêmement massive a explosé et a repoussé la poussière galactique et stellaire qui l’entourait. On voit bien (en bleu) le gaz ultra-chaud résultant de l’explosion (en haut) et (en ocre) le nuage de poussière qui l’entoure (en bas). La pression du gaz sur la poussière génère par gravité des concentrations de matière d’où naissent des étoiles, que l’on voit ici à tous les stades de leur formation.

La quatrième photo montre la « Nébuleuse de l’anneau austral » (NGC 3132)

Cette nébuleuse est située à 2300 années-lumière. Le principe est le même que pour l’image précédente mais les étoiles sont différentes en masse et le processus d’évolution est moins avancé. On a ici deux photos prises avec deux caméras différentes à bord du Webb, la caméra en infrarouge proche (NIRCam) à gauche et la caméra en infrarouge moyen qui capte des longueurs d’ondes plus longues (MIRI), à droite. La seconde photo montre pour la première fois que l’étoile au centre est en fait double. La seconde est entourée de poussière, l’autre ne l’est pas ce qui implique que c’est la première qui est la cause de la nébuleuse, pas l’étoile de droite…qui malgré tout connaîtra un jour le sort de sa compagne.

La cinquième photo est le spectrogramme d’une planète massive proche de son étoile répertoriée « WASP-96 »

C’est l’une des quelques 5000 exoplanètes identifiées à ce jour. C’est un « Jupiter-chaud » c’est-à-dire une très grosse planète (la moitié de la masse de Jupiter) et d’autant plus volumineuse qu’elle est très peu dense (diamètre 1,2 fois celui de Jupiter). Distante de seulement 1/9ème de la distance de Mercure au Soleil, elle fait le tour de son étoile en 3,5 jours ; comme l’étoile est de type solaire, la planète est, de ce fait, très chaude. On ne peut toujours pas « voir » une telle planète puisqu’elle n’émet pas de rayonnement visible et qu’elle est trop petite pour nos instruments (elle se trouve à 1500 années-lumière de nous) mais on peut saisir son spectre et son volume, par différence avec celui de l’étoile lorsqu’elle passe entre nous et elle (et évaluer sa masse, par le balancement qu’elle cause à cette étoile). La particularité de ce spectre est qu’il est beaucoup plus précis que jamais et montre la présence d’eau (qui ne peut être que sous forme de vapeur du fait de la température) par absorption de la ligne de l’eau. Cette possibilité de précision nous permettra de rechercher l’eau dans l’atmosphère d’autres planètes moins hostiles à la vie (ou plus terrestres).

***

Il a fallu 25 ans de travail extrêmement difficile pour obtenir ces premières photos, c’est-à-dire 25 ans pour concevoir, réaliser, faire entrer en le pliant comme un origami, l’énorme observatoire Webb sous la coiffe de sa fusée (Ariane V de l’ESA). Il a fallu aussi beaucoup d’argent (plus de 10 milliards alors qu’on avait devisé le projet à seulement 2 milliards en 2001 !). Mais c’est un exploit (dont le lancement réussi par Arianespace n’est pas le moindre élément) et cet exploit ouvre une nouvelle ère pour l’astronomie qui va bien durer aussi 25 ans (pour comparaison, Hubble doit fonctionner jusqu’un peu après 2030).

Lors de l’événement d’hier, tous les participants étaient heureux et soulagés que tout ait si bien fonctionné. Le leader est bien sûr la NASA qui a fourni l’essentiel des équipements mais l’ESA et l’ASC (Agence Spatiale Canadienne) sont aussi participants avec des contributions non négligeables. Autour d’eux de multiples organismes et sociétés, en tout quelques 20.000 personnes au travers du monde !

L’ESA a fourni deux instruments : 1) le spectrographe « NIRSpec », déjà mentionné, fabriqué par Astrium GmbH en Allemagne ; 2) le spectrographe « MIRI », déjà mentionné qui collecte les ondes les plus froides, allant de 5 à 29 microns. Pour réaliser cet instrument 10 pays membres de l’ESA se sont réunis dont la Grande Bretagne, la France et la Suisse. Par ailleurs, comme déjà mentionné, 3) c’est l’ESA qui a effectué le lancement, le 25 décembre dernier, qui a conduit le télescope à orbiter, comme prévu, le point de Lagrange Soleil-Terre L2, à 1,5 millions de km de la Terre, dans la direction opposée au Soleil.

Le Canada de son côté, a fourni un autre spectrographe, « NIrISS », et l’instrument « FGS » (« Fine Guidance Sensor »). Le spectrographe opérera dans les longueurs d’onde allant de 0,8 à 5 microns. Son objet est la détection des exoplanètes et leur caractérisation ainsi que la spectroscopie par transit (analyse de l’atmosphère lors du passage de la planète devant son étoile). FGS est un pointeur pour cibler l’objectif avec la plus grande précision (de l’ordre du millionième de degré). Il a pour cela été qualifié de « volant du Webb ».

Il ne faut cependant pas croire que les Etats-Unis n’ont rien fait. Ce sont eux qui ont conçu et réalisé le télescope proprement dit et son pliage. Par ailleurs ils ont fourni l’instrument « NIRCam », un imageur qui opère dans les longueurs d’onde 0,6 à 5 microns. NIRCam comme FGS sont des auxiliaires à l’observation scientifique effectuée principalement par les deux autres spectrographes.

Pour une fois au moins, tout s’est bien passé et les perspectives sont magnifiques ! « Go Webb, go » comme disent les Américains !

Illustration de titre : Comparaison du même champ profond, vu par Hubble à gauche et vu par Webb, à droite.

Lien : https://www.nasa.gov/webbfirstimages

NB : cet article a été publié le 12/07/2022 dans le journal libéral de référence en France, Contrepoints dont je suis un des contributeurs réguliers.

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Index L’appel de Mars 22 06 10

Lettre ouverte à mon neveu Etienne, pour lequel j’ai beaucoup d’affection mais qui est trop « bien-pensant »

Mon neveu Etienne, jeune adulte bien diplômé et travaillant dans un cadre qui lui donne toutes satisfactions, m’a envoyé au cours d’un échange personnel, le paragraphe que je cite ci-dessous. Je lui réponds ici publiquement car il formule bien ce que beaucoup (jeunes et moins jeunes) pensent à propos de l’installation de l’homme sur Mars et je crois avoir des arguments valables à leur opposer.

« …au-delà de la recherche scientifique et la satisfaction de la curiosité humaine, j’ai du mal à accepter l’exploration spatiale, et encore plus le “tourisme” des ultra riches. Comme beaucoup d’autres, je trouve ça complètement immoral de dépenser des milliards de dollars et émettre tant de CO2 dans l’atmosphère pour un tel caprice. Pour ce qui est de la terraformation de Mars, je suis de l’avis que même si elle était possible, il vaudrait mieux se concentrer sur les problèmes de notre planète. On a du pain sur la planche… »

La préoccupation première d’Etienne est visiblement « les problèmes de notre planète ».

Je pense qu’il a tort de considérer que l’exploration-spatiale ne fait pas partie des solutions à ces problèmes, comme je l’ai d’ailleurs exposé maintes fois dans ce blog. Cette « activité » (l’exploration) est d’abord un stimulus à la recherche-en-ingénierie puisque de nombreuses technologies doivent être sollicitées et améliorées qui pourront avoir un intérêt pour la vie sur Terre, surtout si on envisage que l’exploration soit effectuée avec une participation humaine sur place. Par ailleurs les missions habitées sont un facteur puissant d’amélioration de l’efficacité de la recherche-scientifique.

La mise au point de lanceurs réutilisables va aider à améliorer l’efficacité des transports terrestres, par exemple en permettant d’effectuer des vols « planétaires » des Etats-Unis en Australie en une ou deux heures, avec des fusées de type Starship, comme en a l’intention Elon Musk. Le Starship est prévu pour être propulsé avec du méthane brûlant dans de l’oxygène, ce qui effectivement produit du CO2 mais ces ergols sont conçus pour les missions martiennes afin de pouvoir utiliser le CO2 de l’atmosphère martienne pour les obtenir (réaction de Sabatier). Rien n’interdira pour les vols purement terrestres de brûler de l’hydrogène dans de l’oxygène, moyennant quelques aménagements apportés au Starship, ce qui donnerait de l’eau comme produit de combustion.

Les vols habités lointains vont nous obliger à considérablement développer les technologies de recyclage ou de culture agricole car il s’agit de partir dans l’espace avec le minimum de masse dans un minimum de volume et avec les technologies les plus fiables possibles puisqu’on sera par la force des choses livrés à nous-mêmes pendant une période de temps incompressible et longue. En effet en partant dans l’espace pour des destinations lointaines, comme Mars, où l’environnement ne sera pas viable, il s’agira de recycler aussi parfaitement que possible l’oxygène, l’eau, et nos déchets métaboliques pour faire pousser des aliments dont les déchets seront aussi recyclés dans une boucle aussi fermée que possible (le recyclage devra d’ailleurs être étendu, au-delà des déchets organiques, à tout ce qu’il sera possible de recycler). C’est toute la problématique que traite le Consortium MELiSSA (Micro Ecological Life Support System Alternative) développé par l’ESA (ESTEC). Pour l’efficacité de la production alimentaire, la Start-up Interstellar Lab (Barbara Belvisi et son équipe) développe un projet de culture sous serre avec une productivité extraordinairement élevée et un impact sur l’environnement extrêmement faible (volume clos, intrants totalement contrôlés, recyclage intégral).

Les vols habités vont aussi nous pousser à développer les technologies de protection contre les radiations puisque les voyageurs y seront particulièrement exposés et qu’il faudra absolument en atténuer les effets. C’est dans ce but que la société israélienne Stemrad à mis au point ses gilets de protection astrorad (protégeant notamment les organes producteurs de cellules souches) et bien sûr ces produits vont évoluer et s’améliorer.

Par ailleurs, si l’exploration spatiale peut se faire par vols robotiques, ce ne peut-être qu’à défaut de mieux c’est-à-dire de présence humaine à côté des robots pour qu’ils soient plus efficaces (capacité de réaction, d’adaptation, d’ajustement, à une situation nouvelle). Cette présence humaine est possible pour l’instant sur la Lune et sur Mars mais elle serait surtout indispensable sur Mars puisque la finitude de la vitesse de la lumière fait qu’on ne peut y commander en direct un robot et qu’on est obligé de procéder par courtes séquences avec des intervalles de plusieurs minutes voire dizaines de minutes entre ordre donné et résultat reçu.

La seconde préoccupation d’Etienne est le respect d’une certaine décence.

Comme beaucoup de jeunes, Etienne n’aime pas les « ultra-riches », surtout lorsqu’ils dépensent leur argent pour leur loisir. Mais pourquoi ne dépenseraient-ils pas une partie de ce qu’ils ont gagné pour satisfaire leurs besoins personnels ?! Lui-même, mon cher neveu, fait de même. Bien sûr les ultra-riches disposent de plus de moyens que lui mais le raisonnement est identique. En le faisant, ces riches alimentent l’économie donc la création de richesses pour tous (dans les domaines mentionnés plus haut) puisqu’ils achètent à des fournisseurs, et ils augmentent aussi la base imposable sur laquelle les états vont venir puiser pour effectuer leurs propres dépenses d’intérêt général.

Je ne suis pas d’accord pour dire que l’action des états est plus « noble » et plus « utile » que celle des personnes privées. C’est plutôt le contraire. Les dépenses « publiques » sont assez souvent effectuées pour satisfaire l’égo du décideur politique et/ou pour répondre à un principe idéologique et/ou par pure démagogie. Souvent leur efficacité pour la population est moins bonne que la dépense privée car cette dernière est faite avec plus d’attention (la personne privée perd réellement de l’argent si la dépense ou l’investissement n’est pas adéquat, la personne publique va juste augmenter ou perpétuer les impôts).

Si une personne est riche, à part le cas où elle a hérité de sa fortune, c’est qu’elle a effectué un travail (production ou service) que ses contemporains, clients et acheteurs, ont apprécié puisqu’ils l’ont acheté. Cette adhésion de fait est aussi « juste » qu’un vote, ou plutôt c’est une sorte de vote et il est effectuée en toute liberté (celle de la décision d’achat).

Enfin les touristes serviront à rentabiliser les installations créées sur Mars ce qui permettra d’éviter que l’Etat donc les contribuables, ait à payer quoi que ce soit pour cet objet. Pour être plus précis, il faut d’ailleurs comprendre « touriste » dans un sens large, plutôt comme « hôte-payant » et ces gens-là ne seront pas forcément des parasites. Ceux qui passeront 18 mois sur Mars, autrement dit qui, avec le voyage aller-retour, passeront 30 mois de leur vie en dehors de la Terre, voudront peut-être (euphémisme pour « très probablement ») en faire quelque chose, une œuvre d’art, tester une innovation, mettre au point un logiciel, etc…Il ne faut pas désespérer de l’humanité et surtout des gens qui ont « réussi » dans leur vie. Bien peu se satisfont du farniente, surtout quand il coûte très cher.

La troisième préoccupation d’Etienne c’est la pollution par le CO2.

On retrouve là l’expression d’une inquiétude générale mais comme beaucoup de contemporains, Etienne ne connaît pas l’importance relative des émissions de CO2 générées aujourd’hui par l’activité spatiale, ou qui le seront « demain ». Il faudrait en effet un nombre énorme de lancements de fusées pour approcher un tant soit peu de la pollution générée par les automobiles thermiques (je ne parle pas des véhicules électriques mais l’extraction du lithium à grande échelle est tout aussi polluante). En 2018 la production anthropique de CO2 a été évaluée à 37,1 Gt (1 Gt = 1 milliard de tonnes), la production de CO2 par un starship interplanétaire brûlant du méthane dans de l’oxygène pourrait être de 715 tonnes (200 tonnes « seulement » pour un starship planétaire, qui n’a pas besoin d’avoir la même puissance pour s’extraire du puits gravitaire terrestre et partir au loin). A raison d’une dizaine de tirs par fenêtre de vols pour aller sur Mars, la pollution occasionnée par l’utilisation du Starship serait de moins de 1 cent millième (0,001%) de la totalité actuelle du CO2 d’origine anthropique (et non pas sur une seule année mais sur plus de deux ans puisque ces vols ne pourront avoir lieu que tous les 26 mois !).

Par ailleurs comme je l’indiquais plus haut, rien ne fait obstacle à ce qu’on propulse nos lanceurs avec de l’hydrogène brûlant dans de l’oxygène. L’Isp (l’efficacité) de ce mélange est excellente. Il suffirait de construire des réservoirs plus gros (la densité de l’hydrogène est la moins élevée des gaz) donc un peu plus lourd et de ne stocker l’hydrogène que peu de temps (pour limiter les fuites car la molécule de ce gaz est la plus petite de tous les autres éléments chimiques).

La quatrième objection d’Etienne c’est qu’on ferait mieux de s’occuper de la planète.

Deux réponses à cela :

Comme je le dis souvent, beaucoup de monde s’occupe déjà de la planète et on ne peut pas tous le faire en même temps (sauf bons comportements civiques, tels que ne pas jeter ses plastiques partout dans la nature ou bien utiliser les bacs de recyclage pour ses déchets). Il faudrait que « tout le monde » soit qualifié pour le faire et qu’il y ait suffisamment d’objets pouvant recevoir de façon réactive les dépenses qu’on y affecterait. N’importe qui ne peut pas s’improviser technicien du retraitement de tel ou tel produit ou producteur d’énergie « décarbonée ». Cette attitude me fait penser à la production d’acier par la Chine pendant le grand-bond-en-avant. Les autorités avaient fixé des objectifs extrêmement élevés. Tout le monde se mit à faire de l’acier même dans les campagnes les plus reculées. Résultat beaucoup fut effectivement produit, les objectifs du plan furent atteints mais une forte proportion du métal était soit de trop mauvaise qualité soit inutilisable tout simplement parce qu’on ne savait qu’en faire. Ceux qui avaient fait cet acier auraient mieux fait, dans l’intérêt de tous, d’avoir une autre activité.

Par ailleurs mieux s’occuper de la planète c’est peut-être aussi chercher une solution de repli pour l’humanité en cas d’échec dans la correction de direction de notre navire planétaire. L’installation de l’homme sur Mars serait un moyen pour l’espèce humaine et la civilisation qu’elle porte, de survivre au cas où la Terre deviendrait invivable ou au cas où nous retournerions dans une sauvagerie digne du Moyen Age. De nos jours, l’un ou l’autre ne sont nullement exclus.

Alors mon cher Etienne, certes nous avons « du pain sur la planche » mais dans ce contexte, l’exploration spatiale n’est pas à rejeter par principe. Tout le monde peut en profiter.

Illustration de titre :

Illustration de la page internet de Stemrad pour son astrorad. Cette veste qui peut protéger un astronaute dans l’espace peut également protéger une personne sur Terre dans n’importe quelle situation qui la mettrait en danger d’être sévèrement irradiée.

Lien :

Stemrad : https://stemrad.com/astrorad-4/

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Qu’est-ce que la Mars Society Switzerland ?

Certains lecteurs de ce blog m’ont demandé ce qu’est la Mars Society Switzerland (MSS), l’association que je préside. Je réponds :

La Mars Society dont la MSS est l’entité suisse, est une organisation internationale à but non lucratif, ayant pour objectif de promouvoir l’exploration et la colonisation de Mars, planète la plus semblable à la Terre la moins difficile d’accès. Elle a été fondée, aux Etats-Unis en août 1998, par Robert Zubrin, ingénieur en astronautique qui travaillait alors chez Lockheed Martin Space Systems Cy. Cette société est une des toutes premières entreprises d’ingénierie astronautique aux Etats-Unis. Robert Zubrin a un Master en aéronautique et astronautique et un doctorat (PhD) en ingénierie nucléaire.

La référence de base de l’association américaine et de toutes les associations sœurs, dont bien sûr la suisse, est le livre écrit par ce même Robert Zubrin, avec la contribution de Richard Wagner, The Case for Mars. Richard Wagner était, lui, le rédacteur en chef d’Ad Astra (créée en 1987), l’organe d’expression de la National Space Society, première (et plus importante en nombre de membres) des associations « pro-space » américaines.

L’idée de la Mars Society est née chez Robert Zubrin d’une double frustration suivant (1) le refus des dirigeants politiques américains d’aller sur Mars après avoir été sur la Lune parce qu’ils préféraient développer un moyen « sûr » d’aller dans l’espace, la Navette-spatiale (« Shuttle »), puis (2) de préférer construire la Station Spatiale Internationale (l’« ISS ») au lieu d’aller sur Mars.

Le président Nixon avait pris la première décision dès janvier 1972 (la dernière mission habitée sur la Lune, Apollo XVII, date de décembre 1972). Selon ses mots : “The Space Shuttle will give us routine access to space by sharply reducing costs in dollars and preparation time. The resulting changes in modes of flight and re-entry will make the ride safer and less demanding for the passengers so that men and women with work to do in space can “commute” aloft”. On sait ce qu’il advint de la simplicité (les tuiles thermiques) et de la sécurité (les mêmes tuiles…sans nier le succès de très belles missions, dont celles de Hubble).

Le 20 juillet 1989, le Président HW Bush avait relancé le projet Mars à l’occasion des 20 ans de l’atterrissage de la première capsule Apollo sur la Lune. Malheureusement, répondant à sa demande d’évaluation du coût, la NASA saisie par l’hubris et prise par le temps (« 90 days study »), présenta en octobre 1989, un devis de 259 milliards de dollars (de l’époque, soit 611 milliards d’aujourd’hui) qui était évidemment totalement inacceptable. Cette proposition était en même temps stupide car l’architecture de mission, dans la ligne de celle de Wernher Von Braun, était hyper-complexe, les masses à emporter (1000 tonnes !) disproportionnées par rapport aux capacités de transport et reposait sur un moteur utilisant l’énergie nucléaire qui n’existait pas encore (développement du moteur NERVA arrété en 1971). On aurait pu faire beaucoup mieux et beaucoup moins cher (une cinquantaine de milliards d’aujourd’hui) si on avait réfléchi davantage et si on avait été plus réaliste.

Dès avril 1981, en même temps qu’était lancée la première Navette, des universitaires qui constataient avec désespoir que l’exploration de Mars par vols habités était repoussée aux calendes grecques, s’organisèrent dans le premier lobby pro-Mars, le « Mars Underground » (on était encore à l’époque de la guerre froide et le mot « underground » avait le sens particulier de monde-de-la-résistance) autour des astrogéophysiciens Chris McKay et Carole Stocker. Ils furent rejoints en avril 1990 par les ingénieurs David Baker et Robert Zubrin qui avaient travaillé chez Lockheed Martin à la mission Mars selon une alternative crédible, en réaction à l’échec du catastrophique rapport des 90 jours.

On avait donc dans ce Mars Underground l’alliance de scientifiques et d’ingénieurs, combinaison idéale, nécessaire et (presque) suffisante (sauf finance !) pour rendre le projet de la mission Mars non seulement utile (l’exploration scientifique) mais possible techniquement.

Cette « alternative crédible » c’était le projet astronautique « Mars Direct » développé par Robert Zubrin. Le concept, révolutionnaire mais réaliste, comprenait plusieurs propositions : 1) vol direct vers Mars, sans stationnement en orbite martienne (ou lunaire, ou autre) ; 2) production sur Mars des ergols* (méthane brulant dans l’oxygène) nécessaires au retour (ce qui divisait par deux la masse à emporter de la Terre) ; 3) mission en deux voyages, le premier robotique pour apporter sur Mars les équipements nécessaires à la production des ergols de retour et le second, dans la fenêtre suivante, pour apporter les hommes avec leur véhicule de retour sur Terre (ERV), après vérification que les ergols avaient bien été produits et stockés ; 4) création d’une gravité artificielle par force centrifuge pendant le voyage pour pallier un trop grand affaiblissement des astronautes à leur arrivée sur Mars après six mois en apesanteur.

*pour être réalistes, les proposants en restaient à la propulsion chimique.

Les scientifiques furent ravis de cet appui et en même temps beaucoup d’ingénieurs furent convaincus de la solidité du projet, y compris à la NASA (Michael Griffin qui en 1991 avait été nommé Associate Administrator for Exploration de cette institution, en devint administrateur en 2005 après avoir été l’un des membres fondateurs de la Mars Society). Mais il fallait aussi convaincre les dirigeants politiques et ce n’était pas gagné car ils étaient « partis » sur le projet de Station Spatiale en orbite terrestre qui avait l’énorme avantage politique de pouvoir être mené en coopération avec les Russes qui avaient l’expérience de la station MIR, qui étaient en discussion avec les Américains et qui furent invités à s’y associer en 1993 pour construire sa version modernisée et agrandie que l’on appela l’ISS.

Robert Zubrin ne se découragea pas et écrivit son livre fondateur (publié en 1996) qui reprenait ses concepts, qu’il avait développés au cours de nombreuses conférences à partir de 1990 sous le même titre :  The Case for Mars, (« The Plan to Settle the Red Planet and Why We Must »). Le livre avait une préface d’Arthur C. Clarke ce qui était très « vendeur ».

C’est ainsi que je découvris moi-même le projet…dans une librairie de Singapour où j’étais en poste pour ma banque (analyse des risques de contreparties de la région Asie). J’appréciais beaucoup l’aspect pratique fondé sur les meilleures connaissances scientifiques que l’on pouvait avoir à l’époque sur la planète Mars et la meilleure connaissance des technologies astronautiques. J’écrivis à Robert Zubrin, nous échangeâmes plusieurs courriers (papier !), nous devinrent amis et je rejoignis le Mars Underground.

Il lança en 1998 sa « Mars Society » au cours d’une « founding convention » à l’Université de Boulder, Colorado, très remarquée par le monde de l’astronautique et de la science planétologique. Dans son sillage, des Mars Societies se créèrent comme une trainée de poudre un peu partout aux Etats-Unis et dans le monde, l’une d’entre elles en Suisse avec le microbiologiste, Gabriel Borruat, de l’EPFL à l’époque). Je ne pus participer à la founding Convention (j’étais alors dans le Sud de l’Amérique latine, en Uruguay) mais je devins néanmoins membre-fondateur. Fin septembre 2001 je pus, par contre, participer à la première convention du membre français de la famille, l’Association planète Mars, dans le cadre prestigieux du Palais de la Découverte à Paris et j’en devins membre également. A cette occasion je me souviens avec fierté que Robert Zubrin déclara lors de son discours phare (« key-note speech ») qu’il avait pris la décision de fonder la Mars Society après qu’un banquier français en poste à Singapour l’ait eu contacté pour lui dire tout le bien qu’il pensait de son projet (sous-entendu l’intérêt du projet devait être compris et apprécié par l’opinion publique en général).

L’Association Planète Mars était centrée autour de Richard Heidmann et d’Alain Souchier, deux ingénieurs de haut niveau ayant eu une très belle carrière chez SNECMA, le concepteur et producteur des moteurs des fusées Ariane. Nous sommes restés très proches. Alain est malheureusement décédé en décembre 2017.

Chaque entité de la Mars Society est née spontanément dans son environnement, sans investissement ni directives de ce qu’on pourrait appeler une « maison-mère ». Les diverses associations ont un but commun mais emploie les chemins qu’elles privilégient et cultivent les sujets qui les intéressent. Nulle contrainte si ce n’est l’agrément de Robert Zubrin qui le donne généreusement à toute bonne volonté, sans discuter des sujets de prédilection choisis par les uns et les autres.

Ainsi lorsque j’arrivais en Suisse, depuis l’Amérique Latine en 2009, pour y jouir de ma retraite, je décidais de me consacrer à ma passion et comme la Mars Society locale avait disparu par attrition vers 2005, je repris les rênes avec une nouvelle association, autour de moi-même et de Sebastian Gautsch. J’avais contacté ce dernier en arrivant parce que j’avais vu qu’il avait écrit sa thèse de doctorat à l’Université de Neuchâtel (avant absorption de sa partie technologique par l’EPFL) sur FAMARS, le microscope à force atomique embarqué sur la sonde Phoenix qui s’était posée dans le Nord de la Planète Rouge en 2008. J’informais Robert Zubrin et j’enchainais une série de conférences et d’articles de presse ou d’émissions de radio et télévision jusqu’à ce jour.

Grâce à Sebastian, que je remercie encore mille fois, j’eus mes entrées à l’EPFL et en particulier chez eSpace, où je garde de très bonnes relations, notamment celle de Claude Nicollier qui nous a fait l’honneur de nous rejoindre comme membre (très) actif.

Comme toutes les Mars Societies, notre but, en Suisse, est de diffuser la « bonne parole » sur l’intérêt de l’exploration de la planète Mars, par voie robotique et, le moment venu, par vols habités. Pour la suite les avis sont un peu partagés, certains, comme Claude Nicollier, doutant de la faisabilité de l’installation sur Mars à grande échelle. Mais nous verrons bien après la première mission habitée !  En attendant, je m’efforce de faire progresser la maîtrise des sujets d’intérêts, pour l’exploration robotique et dans la perspective de ces missions habitées.

Ainsi nous soutenons plusieurs travaux d’étudiants Master à l’EPFL : avec Claude Nicollier et deux jeunes femmes ingénieures de WoMars, la faisabilité d’un dirigeable en dépit d’une atmosphère très ténue ; avec le groupe d’étudiants Xplore, la conception et la réalisation d’un rover robotique d’exploration ; avec la petite équipe du Gruyere Space Program, la conception et la réalisation d’une fusée réutilisable. L’enthousiasme des étudiants impliqués dans ces projets est extraordinaire, la qualité de leur travail remarquable. Cela est très stimulant et extrêmement porteurs de belles réalisations dans l’avenir. Au-delà de ceux mentionnés, nous avons bien d’autres projets d’études qui pourraient être lancées (sur les exosquelettes, par exemple, qui seront nécessaires à l’arrivée du premier vol sans « comité d’accueil ») et de groupes de jeunes qui pourraient s’en saisir. Un seul problème, l’argent. Malheureusement à un moment ou l’autre, les études débouchent sur quelques besoins financiers. Les montants ne sont pas énormes mais notre association est petite et la difficulté relative de leur collecte freine notre action. Nous avons dû, hélas, abandonner le groupe Asclepios qui fait des simulations avec toutes sortes d’expériences intéressantes dans le Centre de tests du Grimsel, pour cette raison.

Je fais donc appel ici à toutes les bonnes volontés. Si vous êtes intéressés par la perspective de l’exploration de Mars et des missions habitées sur Mars, et si vous voulez participer activement à l’accession de l’homme à ce monde, rejoignez-nous*. Rendez visite à notre site web : Mars Society Switzerland, vous y trouverez une page « adhésion ».

*NB : nous demandons à chacun ses motivations. Nous ne voulons parmi nous ni complotiste, ni quelqu’un qui aurait déjà vu des petits hommes verts.

Références :

https://www.washingtonpost.com/outlook/2018/12/05/want-honor-george-hw-bush-send-astronauts-mars/

http://www.astronautix.com/9/90daystudy.html

https://www.imdb.com/title/tt0437325/

Site de l’association MSS:

https://planete-mars-suisse.space/fr/

Les Français peuvent aussi s’inscrire à l’Association Planète Mars, directement ou par l’intermédiaire de la MSS.

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